
Shazam (homonyme anglais d' "abracadabra") est un spectacle à tiroirs qui mêle la danse, les projections d'images et la musique live pour nous présenter une série d'expériences ayant pour thème le cinéma, le cadre, la décomposition du mouvement, l'illusion, la fragilité du corps humain et la réflexion. Comme le dit lui-même Decouflé, sur scène, au début de la représentation « le spectacle n'est pas fini ! », phrase évidemment ironique puisque Shazam est l'œuvre la plus aboutie de son auteur et côtoie des sommets de virtuosité et de poésie.
Décomposé en 18 tableaux, ponctué par l'intervention des danseurs (un fil rouge cocasse), Shazam fait le pari de montrer « les trucs » sans perdre la magie du spectacle. Mission réussie car la magie qui se déroule sous nos yeux en devient encore plus passionnante !
Le spectacle :
Enregistréà l'opéra Garnier à Paris en 2001, Decouflé s'approprie le lieu en faisant défiler, au début de la représentation, un cortège de majorettes slalomant dans les couloirs de l'opéra, où la figure du célèbre fantôme apparaît dans une gestuelle folklorique.
Introduit par Decouflé lui-même, Shazam peut commencer, accompagné d'un orchestre en live. Est projeté« le film des cadres », chef-d'œuvre d'ingéniosité, œuvre muette appuyée par l'orchestre. Plus tard viendra « le tableau des cadres » qui recrée la séquence du début en direct pour que le public soit confronté au « comment ça marche ». Les danseurs jouent donc en boucle la même séquence comme une répétition et démarrent « la vraie prise » filmée par 2 caméras en champ / contre-champ travaillant la profondeur illusoire de l'image et la réalité scénique ; le résultat est magistral !
Dans les tableaux les plus mémorables on retrouve « les miroirs réfléchissants et déformants » où un triptyque de glaces sans tain disposé sur scène renvoie le reflet des danseurs dans une chorégraphie vertigineuse. Entre les corps qui se reflètent et ceux qui sont vus en transparence, l'illusion est complète. On nage en pleine fantasmagorie optique comme le tableau dit des « fantômes » où les danseurs sont doublés par des spectres bleuâtres projetés à leur côté. C'est alors tout un pan du cinéma muet qui ressurgit, toute une mythologie, où la décomposition du mouvement du pré cinéma, en est la toile de fond (Marey et Muybridge).
Le spectacle se conclut par les 2 plus beaux tableaux :
Dans «½ corps » la scénographie se sert des miroirs pour faire léviter les corps des danseurs placés aux angles suivant un vieux truc d'illusion : la scission du corps reconstituée par le réfléchissement de sa même moitié. Decouflé met au goût du jour ce vieux principe, et défile devant nous un univers surréaliste de fragments de corps qui rappelle le film Freaks de Tod Browning.
« Kiriki » est une merveille. Film 35mm projeté, il s'inspire d'un court-métrage de 1907 réalisé par le truquiste espagnol Segundo de Chomon intituléLes Kiriki. Habillé de costumes colorés, les danseurs de la compagnie DCA improvisent des équilibres et des pirouettes impossibles, avec un humour contagieux. Pour l'anecdote, dans les commentaires audio de l'équipe (qui peuvent accompagner le spectacle), différentes explications sont avancées pour expliquer les trucages des Kiriki : fils, poulies, aimants, manipulateurs, grue !!!...
La navigation de ce DVD est très bien conçue dans l'optique d'une relecture scène par scène, tableau par tableau, puisque tout est disponible « en solo » avec des angles de prises de vues différents. On retrouve également en intégralité les courts-métrages phares que sont « Les cadres », « Aster » et « Kiriki ».
A voir :Shazam. DVD disponible chez Sony Music Vidéo.
A lire : Le compte rendu de Sombrero.
A visiter : Le site de la compagnie DCA.
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