
Depuis le début des années 1990, Eric Rondepierre se consacre à la photographie en détournant des images de films. Travaillant dans les archives cinématographiques de plusieurs pays d'Europe et d'Amérique du Nord, l'artiste exhume des images oubliées en reproduisant le 24ème de seconde qui témoigne d'une rencontre inédite entre une image de film et sa prise de vue photographique. Ses « reprises de vue » nouent des relations très étroites entre deux réalités qui dialoguent entre elles. Ces images métamorphosées multiplient les zones d'indéterminations, mettant à l'épreuve notre pulsion scopique comme le défini Sigmund Freud.
Convulsions (série Moires, 1998).
Depuis le début des années 1990, les « reprises de vue » de l'artiste se concentrent sur la reproductibilité des images par l'intermédiaire de l'appareil photographique. En photographiant une image cinématographique arrêtée, par le fusionnement de deux médiums (cinéma / photographie), Rondepierre capte un temps qui nous échappe en déplaçant le cadre de la prise de vue selon le principe du remontage. Une nébuleuse visuelle et temporelle déclinée sous plusieurs travaux :
Excédents (1989-1993), détourne des images totalement noires dont il ne reste que le sous-titre.
Annonces (1991), prélève le 24ème de seconde à l'intérieur duquel un texte de bande-annonce se forme dans l'image.
Précis de décomposition (1993), met en évidence la congruence de l'image et des signes de sa dégradation comme un élément constitutif de l'œuvre.
Suites (1998), nous invite à regarder entre deux photogrammes.
Le cri (Série Diptykas, 1998).
Depuis les années 2000, Eric Rondepierre a fait évoluer sa pratique en intégrant ses prises photographiques aux « reprises de vue » cinématographiques. L'artiste fabrique dès lors ses propres images. C'est le cas pour Loupe/dormeurs (1999-2002) et surtout pour Parties communes (2005-2007) et Seuils (2009).
Parties communes, 2005-2007
La série des Parties Communes offre une incarnation fascinante au principe d'anachronisme, en entremêlant deux images appartenant à des temporalités différentes, permettant une symbiose entre réel et fiction. Un amalgame de photographies d'archives de films en noir et blanc et des images contemporaines prisent dans le quotidien de l'artiste.
Rixe (Série Parties Communes, 2005-2007).
Dans ces photographies, bien souvent, deux personnes se croisent, brouillant les repères. Le résultat produit une tension certaine, un mystère quand à l'origine des éléments de l'image recomposés. Davantage qu'une simple superposition, les « photomontages » de Rondepierre réactivent le pouvoir hypnotique et magique de l'image recomposée. C'est alors la naissance d'une vision vertigineuse qui nous transporte au pays des remakes où les acteurs « renaissent » dans une nouvelle représentation.
Seuils, 2009
La série Seuils continu le travail engagé avec Parties Communes. Passé et présent cohabite et dialogue ensemble dans une symbiose parfaite. La « superposition » d'images est entendue dans une globalité, une hétérogénéité qui rejette d'emblé l'idée de collage. Seuils présente une cohérence plastique arrivée à une sorte de quintessence.
Chaque photographie raconte une histoire hantée par des silhouettes « cinématographiques » revenant sur les lieux de leur vie passée. Une sorte de mémoire disparue et réactivée par l'intermède de la photographie contemporaine. Il y a dans cette série une dimension mystique, presque psychique. Une alchimie visuelle qui confère à l'éblouissement et à la contemplation.
A lire : Eric Rondepierre, La nuit cinéma (Editions du seuil, 2005) qui raconte et met en scène le travail des « reprises de vue ».
Catalogue de l'exposition Parties Communes (Editions Janvier/Léo Scheer, 2007).
Catalogue de l'exposition Seuils (Editions Libel / Le Bleu du ciel, 2010).
L'entretien avec Eric Rondepierre.
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