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RETOURNEMENT DE PERSPECTIVE

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En Occident, on a tendance à associer force de caractère et cohérence. Les hommes qui changent d'idée et d'image comme des girouettes sont jugés peu fiables, voire démoniaques. On honore ceux qui sont fidèles au passé et aux valeurs éternelles.

En revanche, ceux qui défient et changent les conventions en vigueur sont souvent considérés comme destructeurs, au moins de leur vivant.

Le grand écrivain florentin, Nicolas Machiavel voyait ces valeurs de cohérence et d'ordre comme le produit d'une culture de la peur, comme quelque chose qu'il fallait retourner.

A son avis, c'est précisément notre nature figée, notre tendance à nous en tenir à une ligne d'action ou de pensée qui est la source de toute misère et de toute incompétence.

Un chef peut arriver au pouvoir par une conduite audacieuse mais, quand les temps changent et exigent davantage de prudence, cet homme persistera en général dans son approche. Il ne sera pas assez fort pour s'adapter, il restera prisonnier de sa nature figée. Ce qui l'a porté au pinacle va alors précipiter sa chute.

Selon Machiavel, les vrais personnages de pouvoir sont les gens capables de façonner leur propre caractère et de faire preuve à tout moment des qualités appropriées, grâce à leur capacitéà se plier aux circonstances. Ceux qui se cantonnent toujours aux mêmes idées et aux mêmes valeurs sans jamais se remettre en cause s'avèrent souvent les pires tyrans. Ils obligent les autres à se conformer à des concepts morts. Ils constituent des forces négatives, qui paralysent le changement pourtant nécessaire à toute culture afin d'évoluer et de prospérer.

Voici la façon dont il faut vous y prendre : travailler activement à dépasser votre nature figée, tentez délibérément une approche et un style différents, évaluez les diverses possibilités. Venez-en à vous méfier des périodes d'ordre et de stabilité ou rien ne bouge dans votre vie ni dans votre esprit. En revanche, les moments de changement et de chaos apparent vous réussissent : ils font bondir votre esprit vers la vie. Si vous arrivez à cela, vous avez un pouvoir immense. Vous n'avez rien à craindre des périodes de transition. Vous les accueillez, vous les créez même. Quand vous avez l'impression de prendre racine et de vous installer, c'est là que vous devez vraiment vous inquiéter.

- Texte extrait du chapitre 4 du livre La 50e Loi de Robert Greene et 50 Cent aux éditions à contre courant.

A Lire :
-La 50e Loi de Robert Greene & 50 Cent.


ZIGMUND FOLLIES / Philippe GENTY

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Temps de lecture : 3 min 10 sec

Crée en 1984, ce spectacle pour quatre mains n'a rien perdu de sa puissance évocatrice. Seule pièce parlante de la compagnie Philippe Genty, elle est devenue au fil des années une référence mondiale. Adaptée aux années 2000, « Zigmund Follies » est d'une incroyable audace tant elle parle à notre inconscient utilisant les jeux de mots comme moteur de l'action.

L'histoire : Un conteur découvre avec effroi que sa main gauche, depuis quelques temps, fouille ses poches...son portefeuille...ouvre ses lettres...ses tiroirs... Il la surprend même en train de tourner sa veste. Celle-ci l'entraîne par accident à« l'intérieur » après avoir traversé au péril de sa vie une fermeture. La sinistre fermeture éclair ! Au cours d'une poursuite effrénée entre lui et sa main gauche, il rencontre Félix Nial de la police secrète, égaré dans l'un de ses déguisements (la main droite du Ministre de l'intérieur). Il se perd dans une fausse perspective en empruntant des lignes de fuite pour plonger au fond d'un trou de mémoire aux confins de la mer des souvenirs. Sa main droite est-elle complice ? Joue t'elle un double jeu ? Pourquoi se trouve-t-elle continuellement sur son chemin ? Si c'est un double jeu, il lui va comme un gant ! Notre compteur trouvera-t-il le moyen de s'en débarrasser ? Pourra-t-il rattraper sa main gauche ? Autant d'énigmes qui trouvent leurs réponses dans « Zigmund Follies ».

Cette partition fantastique est interprétée par deux manipulateurs virtuoses, Eric De Sarria et Philippe Richard. 20 doigts, 20 personnalités, 20 tempéraments qui se complètent comme les doigts de la main. La précision des mouvements donne aux personnages et aux objets une âme troublante. La performance des manipulateurs est d'autant plus remarquable qu'elle est entièrement basée sur la coordonnance des mouvements, sur l'enchaînement des saynètes. Il n'y a aucuns faux pas dans la fluidité de l'action. Car il s'agit bien ici « d'un film d'action », un polar où le suspense est omniprésent. Les mots sont la matière première du spectacle. C'est par eux que l'intrigue avance, que les personnages se créent. Une association de mots, et c'est parti pour une hallucinante parade verbale. En plus d'être manipulateurs, les deux marionnettistes sont également imitateurs. Changer de main et changer de voix en même temps, c'est ce qui rend les saynètes hilarantes. On s'amuse à entendre bégayer le détective Félix Nial (l'agent secret si bien déguisé qu'il ne se reconnaît plus) ou à savourer les périples d'une doctoresse sexuelle, d'un capitaine fantasmatique, et d'un ministre autoritaire qui s'occupe des affaires intérieures ! Tous ces personnages insolites ont comme cousins ceux d' « Alice au Pays des merveilles », et renvoient ainsi à l'univers de Lewis Carroll.

C'est un plaisir sonore et visuel. L'image que nous renvoie le metteur en scène est une rêverie surréaliste, une errance à travers les espaces de l'inconscient, du rêve et de la réalité. Tout repose sur l'interprétation des mains, et quelques éléments de décors viennent compléter les tableaux à l'image de ces « colonnes de la presse », véritable ligne de fuite où les marionnettistes s'amusent à animer des personnages et des objets en carton par un système de tirettes. On plonge alors dans les jeux optiques du XVIII ème siècle. Philippe Genty est un adepte de l'illusion, des jeux de perspectives qui permettent toutes les audaces et qui sont surtout en rapport direct avec « la science des rêves » et la psychanalyse. « Zigmund Follies » est un voyage au fond d'un trou de mémoire, la perdition d'un névrosé, une parabole de la thérapie individualiste digne de Freud.

A lire :
-L'article consacréà Philippe Genty.

A voir :
-Le théâtre noir de Philippe Genty.

A visiter :
-Le site de la compagnie Philippe Genty

LA MAGIE NOUVELLE

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La magie nouvelle éclot en 2002, désireuse de libérer la discipline de ses limites formelles identifiées. En écho à la définition de la magie moderne posée par Robert-Houdin : « le magicien est un acteur qui joue le rôle de magicien », la magie nouvelle évoque « un art dont le langage est le détournement du réel dans le réel », appeléà puiser dans les différentes fonctions revêtues par la magie au fil de l'histoire, pour devenir une forme artistique autonome.

Week-end magique, soldes magiques, parfum magique... Le terme de magie est aujourd'hui employé dans de multiples sens. Qu'est-ce que la magie pour vous ?

Le terme de magie peut prendre de multiples significations : on peut qualifier de magique une rencontre humaine, un tableau, un match de football... Le point commun se situe au niveau de l'émotion. Le sentiment magique désigne une expérience en général positive qui semble ne pas pouvoir ordinairement faire partie du réel, quelque chose qui rompt le cours habituel des choses. C'est une émotion ancestrale et salutaire. Nous cherchons à renouer avec ce sentiment magique que la pratique de la magie de spectacle a peu à peu perdu.

La magie moderne, inventée par Robert-Houdin au XIXe siècle, est progressivement devenue un artisanat de l'illusion avec des techniques qui poussent le spectateur à se demander comment cela fonctionne, comme un casse-tête. Ce n'est pas un hasard si les termes d'illusionniste ou de prestidigitateur (qui joue de la vitesse des doigts) se sont imposés. Nous nous intéressons plutôt au fait que la magie est une des rares techniques qui désigne en soi une émotion. On peut qualifier un événement de magique mais on ne dira pas C'était théâtre, C'était danse ou C'était cirque. La pratique est en elle-même chargée d'une émotion qu'on peut retrouver dans la vie.

D'où provient votre fascination pour la magie ?

Nous venons des arts du cirque et notamment du jonglage. Le jongleur travaille avec la gravité et, très vite, nous est venue l'envie que les balles ne retombent plus ou que le temps s'élargisse pour donner une plus grande fluidité dans la gestuelle. La magie et le cirque sont des arts cousins : dans les deux cas il s'agit d'aller chercher le mur des contraintes du réel. L'artiste de cirque éprouve les limites de ce que le corps est capable de faire en matière de sauts, de torsions ou de rattrapage d'objets. La magie vient juste après. Ce que le cirque accomplit par métaphore, la magie l'effectue directement, c'est-à-dire par figuration. Un peintre peut représenter un homme qui vole, un romancier peut lire dans les pensées de son personnage, une danseuse peut donner le sentiment de se dédoubler : dans tous les cas, c'est l'esprit du spectateur ou du lecteur qui crée l'image.

Raphaël Navarro, scénographe, jongleur, magicien et théoricien.

Dans la magie, les images créées constituent un ordre propre à la réalité. La magie est un art dont le langage est le détournement du réel dans le réel. Elle agit dans le même espace-temps que celui de la perception. Elle a donc pris de plus en plus de place pour nous en nous apparaissant comme un langage plus grand. Par ailleurs, la magie n'a pas de forme de départ. La danse s'exprime dans une chorégraphie, la peinture dans un tableau, le cinéma sur un écran : la magie peut prendre forme dans n'importe quel langage artistique. Deux spectacles de notre compagnie 14:20 le montrent clairement. Kim Huynh est une grande jongleuse et le recours à la magie lui permet de trouver des gestuelles inédites (Notte). La magie permet à Fatou Traoré de s'affranchir des limites du corps humain en se multipliant avec des hologrammes par exemple (Vibrations). Au départ, ce sont deux artistes qui maîtrisent parfaitement leur art et la magie nous permet d'explorer ensemble de nouvelles pistes. Avec la magie, le réel devient un enjeu en soi sur lequel on peut travailler, fonder un imaginaire ou une esthétique.

Pourquoi qualifier cette approche de magie nouvelle ? En quoi diffère-t-elle fondamentalement des pratiques habituelles de la magie ?

L'appellation magie nouvelle est d'abord une sorte de clin d'oeil puisque nous sommes dans un pays qui aime beaucoup le nouveau : nouvelle cuisine, nouvelle vague, nouveau roman, nouveau cirque... Nous avions envie de marquer la rupture. Par ailleurs, le terme de magie recouvre des domaines tellement vastes que nous souhaitons la réhabiliter dans toute sa complexité alors qu'elle est un peu sclérosée, pour des raisons historiques ou économiques, dans une vision réductrice d'esthétique de cabaret ou de spectacle de variétés. La magie est un langage bien plus vaste. Les théoriciens distinguent de nombreuses formes de magie. La magie peut désigner une pratique occulte destinée à intervenir de manière surnaturelle sur le comportement de quelqu'un ou le déroulement des événements. C'est le cas de la magie rituelle qu'elle soit noire ou blanche. On place par exemple du gui entre les photographies de deux personnes qu'on fait tourner dans le sens des aiguilles d'une montre un soir de pleine lune et on obtient un effet. On peut également citer la magie médicale : les rebouteux sont encore très consultés en France. De nombreuses formes de magie ont à voir avec une croyance dans le surnaturel ou du moins dans la capacité de l'homme à agir sur les forces de la nature. La distinction avec la magie de spectacle ou de divertissement, qui existe depuis l'Égypte antique puisqu'on trouve un joueur de gobelet sculpté sur le bas-relief d'un tombeau datant de – 2500 avant J.C., n'est pas si nette. L'église a d'ailleurs entretenu la confusion puisque l'Inquisition a considéré comme hérésie toute pratique surnaturelle et entraîné la quasi disparition des magiciens.

Clément Debailleul, jongleur, magicien et artiste multimédia.

La magie moderne affirme clairement que le magicien n'a pas de pouvoirs réels, qu'il est un illusionniste mais les différentes pratiques magiques restent poreuses. Cela n'est d'ailleurs pas spécifique à la magie. On pratique la musique pour le divertissement mais aussi pour guérir, pour célébrer Dieu... Nous nous sommes demandés pourquoi des pratiques aussi variées étaient regroupées sous le même nom de magie et il nous est apparu que leur point commun est dans un positionnement par rapport au monde. Le monde n'est pas considéré comme un réel fini mais comme quelque chose dont les règles peuvent être dépassées. La magie pense le réel comme un matériau sur lequel on peut intervenir. Ce positionnement n'avait jamais vraiment été proposé comme un enjeu artistique en soi. La magie nouvelle essaie de travailler là-dessus, dans ce cheminement.

Vous donnez des conférences et des cours sur la magie, travaillez avec des philosophes et des ethnologues... Comment expliquez-vous ce souci de fonder scientifiquement la magie nouvelle ?

Nous avons été très étonnés que des universitaires ou des gens de spectacle emploient le même terme de magie sans nécessairement connaître les usages des autres. Nous avons souhaité faire en sorte qu'ils se rencontrent car ils ont certainement quelque chose en commun. Nos recherches théoriques comportent plusieurs volets : nous travaillons sur le champ historique en étudiant la manière dont la magie a été pensée dans des époques et lieux différents. Nous nous intéressons aussi aux aspects ethnologiques de la magie. Nous séjournons régulièrement au Chiapas ou en Inde et une anthropologue, Valentine Losseau, est associée de manière permanente à la compagnie. Nous voulons établir des ponts entre la magie moderne occidentale et les magies traditionnelles. L'interrogation sur ce qu'est le réel est centrale pour la magie et nous cherchons donc à comprendre comment les hommes le perçoivent. Imaginer ce qui n'est pas le réel est extrêmement difficile. La tendance est de tomber dans les stéréotypes : quand on imagine une vie extraterrestre, par exemple, on pense toujours à un modèle anthropomorphe avec des petits hommes verts... Un des outils de base pour dépasser cela est de comparer comment des civilisations différentes, des champs scientifiques différents, distinguent ce qui est réel de ce qui ne l'est pas. Une chose pensée par un groupe humain doit forcément nous toucher aussi : cela ouvre un immense champ d'expérience dont nos spectacles se nourrissent.

Valentine Losseau, anthropologue et théoricienne.

Toutes les magies travaillent sur les grands fantasmes humains : léviter, disparaître, se téléporter, être invulnérable, lire dans les pensées... La magie moderne a énormément travaillé sur des jeunes filles en bikini apparaissant dans des boîtes vides : le fantasme n'est pas à chercher bien loin ! Pourtant, si tout être humain rêve de dépasser ses limites, la manière de l'exprimer n'est pas universelle. Cela crée un espace à interroger, à explorer. Nous retrouvons également des tours oubliés, découvrons des techniques dont nous pouvons nous inspirer pour inventer de nouvelles formes. Nous sentons que de nombreux artistes peuvent trouver dans la magie un moyen d'exprimer ce dont ils ont envie. Il nous semble essentiel de faire se rencontrer les gens. Une des explications de la sclérose de la magie est qu'elle n'est pas partagée. Elle est transmise par le secret. Le cirque a connu cela aussi : les enfants de la balle étaient les seuls dépositaires de la pratique. Élargir le champ de la réflexion, multiplier les échanges ne peut qu'être fécond.

Au-delà du divertissement, souhaitez-vous faire réfléchir les spectateurs ?

Dans nos conférences, nous invitons modestement à partir de la magie pour réfléchir plus largement sur les manipulations politiques ou publicitaires. L'idée que la magie est liée à la manipulation est une notion extrêmement riche qu'on peut retrouver dans le rapport au corps, à l'objet mais aussi à l'esprit. Des artistes qui usent de la magie mentale comme Scorpène, rendent la réalité non ordinaire en devinant par exemple un mot choisi au hasard par un spectateur dans un livre de trois cents pages. Cela ouvre une réflexion autour de la relativité de notre liberté de penser. Comment peut-on nous amener à prendre telle ou telle décision ? Par quels mécanismes ? Il est évident que ces questions concernent aussi la parole politique ou le discours publicitaire. Nous montrons aussi, par exemple, que les illusionnistes jouent sur le fait que l'être humain ne retient que cinq actions successives et s'appuient sur cette faiblesse pour faire diversion quand ils font disparaître un objet. De la même manière, la magie interroge notre perception du réel. L'oeil humain est loin d'être l'organe le plus perfectionné de la nature. Il ne perçoit qu'une partie du spectre lumineux. Nous pouvons ainsi éclairer un acteur avec une lumière infrarouge qui existe mais que le spectateur ne perçoit pas pour faire se séparer l'ombre du corps. La magie interroge donc les appuis sur lesquels nous nous basons pour appréhender le réel et en questionne la fragilité. Elle peut contribuer à une perception plus juste du monde qui nous entoure.

La magie nouvelle a permis de voir programmés des spectacles de magie dans le circuit des scènes nationales dont elle était totalement absente. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Aborder la magie comme un langage permet de renouveler profondément le fond mais aussi la forme des spectacles. La magie que nous proposons n'a pas besoin d'un magicien pour exister. Elle est une langue et, comme toute langue, exprime le monde avec une spécificité. Le soir des monstres d'Étienne Saglio, montré dans les derniers Feux d'hiver, joue sur de multiples formes – théâtre, manipulation d'objets, images plastiques – fédérées, sublimées, par la magie. Le spectacle vivant de manière générale suppose la présence physique dans un temps partagé. Le public se réunit et cela se passe au présent, dans le réel. La magie intensifie cette émotion puisqu'elle détourne le réel dans le réel, en jouant sur le rapport au temps, à l'espace, aux objets...

Un spectacle de magie filmé ou raconté perd beaucoup de son intérêt : il faut le vivre. Un des autres aspects importants est que, comme dans le cirque, nous travaillons sur des formes populaires interrogées par le contemporain. La magie suscite des réactions qui ne sont pas tellement régies par les codes sociaux. Un brillant universitaire peut réagir comme un enfant. Des spectateurs familiers des théâtres ou d'autres qui y viennent pour la première fois se confondent : c'est leur position par rapport au spirituel ou au rationnel qui les distinguent. Ceux qui ne sont pas habitués des lieux culturels et viennent attirés par l'appellation magie s'y retrouvent car ce qu'ils vont chercher dans la magie est ce qui relie toutes les formes de magie. Ils ne cherchent pas des costumes à paillettes ou des lapins sortant d'un chapeau mais plutôt à retrouver une âme d'enfant, une capacitéà s'émerveiller.

Dans les spectacles que nous proposons, nous nous rendons compte que le public abandonne très vite l'idée de trouver une explication rationnelle. Il ne cherche plus et s'abandonne au mystère. Le mystère demeure et il faut l'entretenir : il en reste si peu ailleurs. Nos spectacles peuvent se lire à plusieurs niveaux, un peu comme les contes dont l'histoire est apparemment simple mais qui interrogent en profondeur l'être humain et son inconscient. Nous cherchons à montrer quelque chose qui est toujours en lien avec l'intime et l'étrange. Idéalement, nous aimerions que cette intime étrangeté, qui est fondamentale dans la magie, continue à travailler le spectateur après la représentation. On ne saurait vraiment dire ce que nos spectacles racontent mais on pressent que cela raconte quelque chose de profond sur notre rapport au monde. Nous laissons l'espace le plus ouvert possible pour que le spectateur emporte l'histoire racontée avec lui, pour qu'elle laisse une trace en lui et qu'il l'écrive à son tour.

- Propos recueillis par Jean-Christophe Planche en février 2011 pour les Cahiers du Channel (scène nationale de Calais).

Crédit photos : Xavier Belmont. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

LES MÉDIUMS SONT-ILS DES PRESTIDIGITATEURS ?

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La conférence de notre ami Raynaly est venue a son heure. Jamais plus qu'en ce moment on a vu les grands quotidiens agiter la question de la réalité des phénomènes spirites. Dansée Mutin le docteur Le Bon a offert une prime de 500 francs, qui a été augmentée de 1000 francs par le Prince Roland Bonaparte, destinée au médium qui pourra, sans tricherie, et grâce à la force psychique, transporter un objet d'un endroit à un autre.

Le journal l'Eclair a publié le 29 avril, sous la signature de M. Georges Montorgueil, un article intitulé : Les Médiums sont-ils des Prestidigitateurs ? et se terminant ainsi :

« Alors, à mon tour, je fais une proposition. Je n'isole pas qu'un phénomène, je les prends tous : table soulevée, déplacement d'objet sans contact, attouchement sans rapport possible, ou tout autre fait, en dehors des matérialisations lumineuses qui peuvent être suspectes et le sont généralement. Pour la production de l'un quelconque de ces phénomènes, qui furent accompagnés de procès-verbaux et constatés à la manière ordinaire, et qu'un prestidigitateur répétera, en public, devant une assemblée, j'offre aussi cinq cents francs.

Nous sommes des centaines, des milliers qui avons vu. On nous dit : suggestion, prestidigitation. Vous avez été trompés. Si nous avons été trompés, c'est qu'il y a eu truc. A l'imitation du docteur Gustave Le Bon, j'offre cinq cents francs au prestidigitateur qui se présentera à l'Eclair et qui nous trompera à l'aide des mêmes trucs. Si un médium peut répéter une expérience, dans des conditions données, ce sera une preuve pour l'Académie des sciences. C'en sera une aussi, je pense, si aucun prestidigitateur n'est capable de répéter les manifestations qu'ont vues les Dastre, les d'Arsonval, les Maxwell, les Grasset, les Le Bon, et qu'ils ont pu croire truquées. On veut voir de quoi les médiums sont capables ; nous voulons voir, c'est l'autre aspect du problème, si les prestidigitateurs sont capables d'être des médiums. »

Notre ami Raynaly écrivit aussitôt à M. Montorgueil, une lettre que nos lecteurs pourront trouver dans l'Eclair du 30 avril. De mon côté, je lui adressais les lignes suivantes.

« Paris le 1er mai 1908. Monsieur, Je crois que : si aucun de mes confrères n'a encore accepté votre proposition, c'est parce que vous demandez à un seul prestidigitateur d'accomplir toutes les expériences de tous les médiums. Or, nous sommes, aussi bien les spirites que les magiciens, des spécialistes. Ce n'est, quelquefois, qu'après 4 ou 5 années d'études et de patientes répétitions qu'un prestidigitateur parvient à exécuter certains tours. Dans ce cas, les confrères de cet artiste, bien que connaissant le « modus operandi » ne peuvent, ne s'étant pas livrés au même entraînement, produire la même expérience.

II est des médiums qui ont acquis, également par une longue pratique, une habileté toute personnelle dans une expérience déterminée. L'un d'eux, par exemple, se fait tenir les deux mains par les spectateurs ; puis l'obscuritéétant faite, il retire son pied nu de sa chaussure et le passe sur la figure des assistants qui, un instant après, affirment avoir reçu les douces caresses d'une main féminine. Je professe trop le respect d'autrui pour me livrer à cette gymnastique..., et puis je ne suis pas disloqué ! A part cette restriction, concernant les aptitudes personnelles, j'estime que beaucoup de prestidigitateurs sont capables de reproduire toutes les expériences soi-disant spirites.

Pour mon compte, j'ai l'avantage de relever le défi que vous portez à notre corporation dans les colonnes de L'Eclair. Ayez donc, Monsieur, l'obligeance de me faire assister, avec quelques-uns de mes amis, aux expériences que vous croyez inimitables et j'espère qu'il me sera possible d'en reproduire la plus grande partie grâce aux artifices de la prestidigitation.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées. »

A la date du 5 mai seulement, M. Montorgeuil a publié le dernier paragraphe de ma lettre en le faisant suivre des quelques lignes suivantes :

« C'est donc des médiums que dépend la possibilité de l'épreuve, les prestidigitateurs ayant besoin, pour tenter l'expérience, de connaître ce qu'ils ont à faire, puisque aucun de ceux qui nous ont écrit n'a encore étéà même de voir les phénomènes qu'il s'agit de reproduire. »

Depuis, nulle réponse n'a été faite par les médiums et cette abstention nous semble un aveu assez éloquent qui ne sera pas fait pour surprendre nos lecteurs. Donnons encore, cependant, un mois de délai aux spirites ; mais nous gardons l'assurance d'enregistrer leur défaite complète dans notre prochain numéro.

Ainsi que nous l'ordonnait la plus élémentaire courtoisie, nous avons envoyé notre numéro de mai à M.G. Montorgueil de la réception duquel il a fait mention dans l'Eclair du 19 mai. Voici ce qu'il dit :

« L'Illusionniste, journal des prestidigitateurs, constate que nulle réponse n'a été faite par les médiums. Donnons encore cependant, dit-il, un mois de délai aux spirites, mais gardons l'assurance d'enregistrer leur défaite complète dans notre prochain numéro. Défaite est beaucoup dire. Tout cela, à notre grand regret, ressemblera fort à un rendez-vous où personne ne sera venu. Mais il faudra bien qu'un jour où l'autre on y vienne. Nous maintenons notre défi. »

En réalité, ce sera seulement s'il plaît à M. Montorgueil que tout cela ressemblera àun rendez-vous où personne ne sera venu. Il lui appartient, ayant soulevé la question, de trouver, — et il nous semble que, grâce à ses nombreuses relations spirites, cela doit lui être facile — de trouver, dis-je, ne serait-ce qu'un seul expérimentateur spirite pour nous montrer la voie dans laquelle nous devons nous engager.

Comme il arrive que ceux qui ont eu la « bonne fortune » d'assister a des expériences de médiums ne sont pas toujours d'accord entre eux quand ils racontent ce qu'ils ont vu, nous sommes autorisés à penser qu'après la réalisation, produite par nous, d'un de ces phénomènes, il pourra se trouver quelqu'un pour dire que la reproduction est inexacte ou incomplète. C'est pourquoi nous demandons à voir les médiums opérer avant nous.

Que M. Montorgueil veuille bien fixer enfin une rencontre » et il verra que nous y viendrons. En attendant nous considérons toujours les spirites comme en déroute — puisque le mot défaite semble trop fort au talentueux chroniqueur de l'Eclair— car rien ne ressemble plus à une déroute que le fait de pas accepter le combat. Comme dernier mot, ajoutons que, dans le cas où aucun médium ne se présenterait, il ne s'en suit pas que nous renoncions à la lutte. Que M. Montorgueil nous communique les fameux procès-verbaux dont il parle dans l'Eclair du 29 avril, et nous sommes tout disposés à reproduire une ou plusieurs de ces expériences sur leur simple exposé.

Enfin pour dissiper les scrupules de quelques- uns de nos amis, faisons observer qu'il n'y a pour les prestidigitateurs, aucune raison de refuser l'expérimentation demandée. Nous ne nous proposons pas d'expliquer par quel moyen nous obtiendrons le résultat désire, et d'ailleurs on ne nous le demande pas. Le secret professionnel reste donc absolument observe et sa sauvegarde ne peut être considérée comme une cause d'abstention par tous ceux qui, connaissant à fond les ressources de notre art, se sentent capables de relever le défi qui nous est porté.

M. Montorgueil qui, on le sait, a porté le 29 avril un défi aux prestidigitateurs, n'a pas encore fixé la date du tournoi que nous avons accepté... La fixera-t-il jamais ? Nous savions bien que nous le mettrions dans un cruel embarras en lui disant : « Montrez- nous d'abord les expériences produites par les spirites » ; car les esprits ne sont jamais là lorsqu'on a besoin d'eux.

Cependant, il me semble que depuis plus de deux mois M. Montorgueil aurait pu découvrir un médium de bonne volonté qui nous aurait montré ce qu'il savait faire. Nous en avons bien trouvé un, nous les prestidigitateurs. Il est vrai qu'il ne nous a rien montré du tout. Enfin, nous avons voulu faire la part belle à M. Montorgueil et notre confiance dans les ressources de la Prestidigitation est telle que nous lui avons dit : « Si vous ne trouvez pas de médium qui consente à opérer devant nous, communiquez-nous seulement les procès-verbaux des phénomènes que vous désirez nous voir répéter ; dites-nous simplement quel effet nous devons produire et nous nous mettrons a l'oeuvre ». — A cela, pas de réponse !! Serait-ce parce que M. Montorgueil est aujourd'hui convaincu que la réalisation de ces tours est pour nous des plus faciles, qu'il renonce à l'aventure ?

J.Caroly

A lire :
-Le spiritisme.
-Phénomènes psychiques.
-Fantômes spirites.
-Les révélations d'un magnétiseur.
-Histoire de la voyance et du paranormal, du XVIIIème siècle à nos jours de Nicole Edelman. Editions du Seuil (2006).

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

LES DEMONSTRATEURS DE FOIRES (1/2)

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Fondé sur des observations menées dans trois foires-expositions, cet article décrit les techniques mobilisées par les démonstrateurs de « produits ingénieux » pendant leur démonstration. Pour attirer les clients, inspirer confiance et conclure la vente, le démonstrateur doit émettre des signes et créer un lien entre lui, le public et le produit. Il doit également savoir interpréter le comportement des acheteurs potentiels et répondre à tout ce qui pourrait compromettre ses objectifs. Ainsi pratique-t-il une véritable maîtrise de l'interaction symbolique.

Qui n'a pas été impressionné, sur une foire ou un marché, par le savoir-faire d'un camelot ? Dans un article paru il y a vingt-cinq ans dans Ethnologie française, Maurice Duval concluait, à propos d'un vendeur de bijoux, à une « hypnose collective » conduisant « de nombreuses personnes à donner de l'argent sans s'en apercevoir », A l'image de certaines personnalités politiques lors de discours en public, écrivait-il, les camelots parviennent à totalement captiver l'attention de leur assistance et sont capables, comme les premiers provoquent des applaudissements, de déclencher les achats au moment où ils le souhaitent. Le jugement que portait M. Duval sur une telle activitéétait alors relativement critique. « Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un viol psychologique où le sujet est comme télécommandé, du moins tel est le souhait de l'orateur. De plus, dans le cas du camelot, il s'agit également d'un vol puisque le client est comme hypnotisé et qu'il va donner, sans même en être conscient la plupart du temps, une [importante] somme d'argent ».

Cet article revient sur le savoir-faire des camelots en s'intéressant à un sous-ensemble d'entre eux : les démonstrateurs de « produits ingénieux ». Dans les foires-expositions du type de la Foire de Paris, sont vendus toute une série d'ustensiles domestiques destinés au bricolage, au jardinage, à la cuisine ou au ménage (des cutters universels, des pinces à crémaillère, des râpes à légumes, des balais absorbants, etc.). Chaque démonstrateur dispose d'un stand d'une dizaine de mètres carrés pour exposer par la pratique les performances de son produit. La démonstration dure entre dix et vingt-cinq minutes, une durée bien plus longue que ce que nécessiterait un simple exposé du fonctionnement du produit. Mon objectif est de décrire les enjeux qui sont associés à cette démonstration, les séquences qui la rythment et les techniques qui y sont mobilisées.

Je n'exposerai dans le détail ni les caractéristiques des clients de la foire ni le milieu des camelots (1). Je me limiterai à une description de ce qui se déroule lors de la démonstration. En s'inscrivant dans la perspective théorique de l'interactionnisme symbolique, j'analyserai la démonstration comme un processus continu d'interprétation et de production de sens auquel participent le démonstrateur et son public. Même si les faits observés sont les mêmes, raisonner dans ce cadre théorique conduit à les appréhender d'une façon différente de M. Duval. Parler comme il le fait d'hypnose et de manipulation suggère un schéma béha-vioriste qui ne me semble pas suffisamment laisser de place à la richesse des significations créées pendant l'interaction et aux opérations d'interprétation par lesquelles les agents évaluent la situation avant d'agir. Il ne s'agit pas de nier que les démonstrateurs soient parfois capables d'être les « maîtres du jeu ». Mais cette maîtrise n'est pas celle du marionnettiste envers ses marionnettes. La démonstration ne vise pas àémettre des stimuli efficacement dosés auxquels répondraient des réponses parfaitement prévisibles. C'est plutôt un moment pendant lequel les camelots mobilisent un ensemble de techniques afin d'essayer de contrôler les impressions qu'ils suggèrent. Au fil de cet article, nous verrons ainsi comment ces professionnels cherchent à maîtriser ou à transformer les significations attribuées au produit et à son prix, mais aussi à eux-mêmes, à la foire, à la démonstration et au public qui y assiste.

Cette recherche repose en premier lieu sur plusieurs journées d'observations menées dans trois foires-expositions (2). Lorsque les démonstrateurs l'acceptaient, je me plaçais en retrait, derrière le public, pour scruter la succession des arguments avancés. J'ai donc observé une trentaine de démonstrations différentes que j'ai vu répéter jusqu'à une dizaine de fois. Cela m'a permis de constater l'extrême récurrence des discours et des techniques mobilisés et d'en prendre note de façon exhaustive. Non seulement un même démonstrateur adopte toujours à peu près la même démonstration, mais de l'un à l'autre et d'un produit à l'autre, les façons de faire sont également très semblables (3). Ensuite, j'ai discuté de façon informelle avec une dizaine d'entre eux. Du lundi au vendredi, la journée sur la foire est pleine de temps morts et les occasions de conversations sont nombreuses, entre deux démonstrations, à l'heure du café ou à celle de l'apéritif. J'ai donc pu parler avec les démonstrateurs qui appréciaient ma compagnie, je les questionnais sur leur vie et leur métier, leur demandais pourquoi telle vente avait bien marché et telle autre avait échoué, etc. Aucune de ces discussions n'a été enregistrée en raison, me semblait-il, de l'altération de la relation qu'un tel enregistrement aurait occasionnée avec ces personnes peu désireuses de diffuser les coulisses de leur métier. Beaucoup de termes d'argot propres à la profession ont émaillé ces discussions et témoignent de l'importance des questions abordées. La maîtrise de l'interaction symbolique est au cœur du métier de démonstrateur, qu'il s'agisse d'attirer et de gérer le public, de créer une relation de proximité avec les clients potentiels, d'affirmer ses bonnes intentions, de générer des signes de confiance et de conclure la vente.

Gérer le trèpe

Dans le cadre de la foire et tout particulièrement dans celui du pavillon des « produits ingénieux », où beaucoup de visiteurs déambulent avec curiosité plus qu'ils ne cherchent quelque chose de précis, le premier enjeu est d'attirer du monde autour du stand. Le trèpe est le nom que les démonstrateurs donnent à cette clientèle potentielle. Idéalement, selon l'adage bien connu, « le monde attire le monde » et, lors des grosses affluences du week-end, il n'est pas rare de voir une démonstration se conclure devant une cinquantaine de personnes (4). Pour réussir àentréper dans de telles proportions, il faut que la démonstration soit attrayante et, nous le verrons dans les sections suivantes, les démonstrateurs ne manquent pas d'énergie pour faire de leur dem (démonstration) un véritable spectacle. Mais, indépendamment de cela, il existe aussi des techniques qui concernent directement la gestion du trèpe.

Des éléments pourraient être ainsi donnés sur les façons d'attirer les premières personnes nécessaires au commencement de la démonstration et sur celles visant à organiser le placement du trèpe dans l'espace et à faciliter la venue de nouveaux arrivants. Mais l'enjeu principal est ailleurs : il s'agit de conserver le public présent. Contrairement à ce qui se passe dans une boutique, l'acheteur peut très facilement entrer et sortir de l'espace de vente et il peut s'éclipser au beau milieu de l'explication du vendeur. Or, en suggérant aux passants et au public que la démonstration et le produit sont peu intéressants, les départs contredisent les significations que les démonstrateurs s'efforcent de construire. Pour les restreindre, ces derniers vont d'abord continuellement donner l'impression qu'ils en ont presque fini. « Donnez-moi encore trois minutes », demande par exemple le vendeur d'une règle à tapisser, alors qu'il en a en réalité pour un bon quart d'heure. Un autre promet au bout de cinq minutes d'annoncer le prix de ses balais absorbants, alors qu'il sait très bien que sa démonstration en dure vingt-cinq. Les vingt minutes suivantes seront alors jalonnées de phrases comme « mais, avant ça, j'ai encore mieux à vous proposer si vous m'accordez encore un petit moment ».

Beaucoup de démonstrateurs pointent également du doigt et critiquent avec rudesse ceux qui osent partir avant la fin, surtout si leur départ a été vu de tous. Lors de la présentation des balais absorbants, le démonstrateur brandit ainsi la vieille serpillière que son produit est censé remplacer avantageusement et adresse au partant : « Bon courage ! Continuez à faire comme il y a vingt ans ! » Dans un registre proche, d'autres disent : « Après, il ne faudra pas venir vous plaindre si vous ne savez pas vous en servir ! » Par ces admonestations, les démonstrateurs essaient de dissuader les clients les plus timides de s'en aller. Surtout, ils réaffirment la valeur de leur produit et ils portent le discrédit sur les personnes qui ont montré leur scepticisme en quittant la démonstration. En un mot, ils cherchent à reprendre le contrôle de la production de significations.

Créer un lien avec les clients

Rares sont les démonstrations qui ne visent qu'à présenter les propriétés et les usages des produits. La démonstration s'accompagne généralement des histoires, des grimaces et des exagérations qui font le talent des bonimenteurs. Tous les sens y sont également sollicités : on admire la palette de couleurs des mets élaborés grâce aux râpes à crudités, on manipule la matière si particulière des serviettes microfibres, on subit les hurlements du vendeur de forets couvrant le bruit de sa perceuse, on hume et on goûte les gâteaux cuits dans la poêle multifonctions... Un démonstrateur m'expliquait : « Les gens veulent du spectacle dans la dem. Ils paient cinq euros l'entrée de la foire et ils veulent en avoir pour leur argent. Ils viennent entre amis, en famille. C'est une sortie pour eux, ils veulent s'amuser. Alors, le gars qui proposerait sa came comme s'il était dans un rayon de Carrefour, il n'est pas près de vendre grand-chose... » De la même façon que Michèle de La Pradelle montrait comment les commerçants d'un marché de Provence font en sorte de « faire marché», il faut ici « faire foire ». De grands panneaux annonçant le stand du « balai sorcier » ou celui des « lacets magiques » ne sont alors en rien sources de méfiance ou de ridicule, mais participent à l'ambiance que chacun est en droit d'attendre quand il entre dans le pavillon des « produits ingénieux ».

Les boniments ne visent cependant pas qu'à amuser le public et qu'à se conformer au folklore de la foire. Commentant la dem qu'il venait de faire, un exposant de produits ménagers biologiques m'expliquait : « Ce que cherchent les démonstrateurs, c'est créer un lien avec les clients. Alors, pour certains, ce sera un lien émotionnel. Tu vois, moi je leur parle des trucs et astuces de pépé et de mémé, de leur grand-mère qui étendait son linge dans le pré, profitant des bienfaits de la photosynthèse qui, l'herbe absorbant le gaz carbonique et rejetant l'oxygène, permettait de conserver la blancheur du linge qu'on se transmettait comme trousseau de génération en génération [il récite le texte de sa démonstration]. Tout ça, ça leur remémore leur jeunesse, surtout, tu as dû t'en rendre compte, la clientèle ici n'est pas très jeune... Ou alors, dans la région, je leur parle de cette saleté de Prestige. Je leur dis comment j'ai utilisé mes produits pour aller nettoyer les plages de la côte, avec mes grandes bottes qui me montaient jusqu'au buste. »

Les références domestiques sont ainsi très souvent mobilisées pour créer de la proximité. « Quand j'étais gamin, j'ai vu des centaines de fois ma mère faire de petits boudins avec la serpillière. Parce que le frigo avait dégivré ou que la machine à laver avait encore débordé. Ensuite, avec mes frères et sœurs, on rigolait bien parce qu'on pouvait la suivre à la trace grâce à la serpillière qui gouttait. » Par cette histoire largement constituée (je l'ai entendue à l'identique dans la bouche de différents vendeurs), le démonstrateur suggère une communauté d'expériences. Il en est de même lorsque le discours remémore les petites misères du quotidien, dont chacun sourira en admettant que c'est un peu comme cela que ça se passe chez lui (« le mari qui confond salle de bains et piscine municipale », « préférer attendre que le coin sous le meuble vienne à nous plutôt que se baisser pour bien balayer jusqu'au fond »).

Les blagues sont également une bonne façon de créer un lien avec le public. Sur ce point, les thèmes abordés sont toujours à peu près les mêmes : la vie de couple et les travers des politiciens y occupent une grande place. Il est classique de dire que grâce à la facilité d'usage de l'outil proposé, les femmes vont enfin pouvoir s'emparer du bricolage et que, symétriquement, « vos chéris vont se lever la nuit pour faire les carreaux ». De façon identique, entre deux recettes de cuisine, le démonstrateur de poeles multifonctions va sur le ton des chansonniers décrocher un sourire en demandant : « Vous savez pourquoi il est beau mon gâteau ? C'est parce que j'utilise un moule à savarin. Pas un moule à Raffarin, attention, ça, on a essayé, ça ne marche pas. »

A côté de ces blagues qui suggèrent à chacun qu'à la foire « on est là pour rigoler », les démonstrateurs donnent énormément de petits conseils. Le vendeur de lavettes va expliquer que le vinaigre d'alcool blanc est ce qu'il y a de plus efficace pour nettoyer les fenêtres et qu'il vaut mieux jeter à la poubelle tous les produits chimiques vendus en supermarché. Celui de l'ouvre-huître va dire quel est le marché le moins cher de la région pour acheter son poisson, etc. Ces conseils sont donnés gratuitement mais, conformément à la tradition anthropologique, il est possible d'en chercher les contreparties. Le démonstrateur émet d'abord par ce biais des signes de sa compétence. Quand le vendeur de balais absorbants rappelle que les produits à base de javel doivent s'utiliser dans de l'eau froide et non pas chaude, il est certain d'apprendre quelque chose à une grande majorité de son auditoire. Ensuite, il n'est pas exclu que ces conseils créent, à la marge, un sentiment d'obligation de réciprocité. Lorsqu'en plus des conseils, le client s'est vu offrir un bout de gâteau ou la rénovation complète du cuir de son sac à main, ce sentiment peut encore être accru.

Affirmer ses bonnes intentions

Les démonstrateurs font régulièrement référence au caractère exceptionnel de la foire et n'hésitent pas à affirmer leur différence par rapport au monde des grandes surfaces. Il est fréquent qu'ils dénoncent de façon très virulente la piètre qualité des produits qui y sont vendus : « Arrêtez de vous faire avoir avec les grandes surfaces. Ils vendent du made in Taiwan, nous on est du made in Germany. » L'objectif premier est que les clients commencent à ne plus considérer les produits vendus à la foire comme les équivalents de ceux qu'ils trouvent généralement à meilleur marché en supermarché(5). La question rejoint aussi celle de la localisation de la production et des conséquences pour l'emploi. « Ma brosse d'aspirateur est fabriquée à Nogent, mais si vous n'achetez pas français, on va être obligés d'aller acheter en Chine. [...] Plus on achètera français, plus on pourra mangera notre faim. Sinon, bientôt, c'est nous qui allons devoir manger du riz ! »

Par ce type d'énoncés, le vendeur valorise son produit et recherche la connivence du public. Il inscrit également la foire dans une tradition et dans une territorialité qu'il dénie aux grandes surfaces. De la sorte, même si les produits que les démonstrateurs proposent sont « ingénieux » ou « innovants », les innovations sont souvent présentées comme s'inspirant des recettes de nos grands-mères, des savoirs populaires et autres bons sens de nos régions. Le monde de la foire, tel que les démonstrateurs le mettent en scène, se veut aux antipodes du marché mondialisé et des innovations scientifiques dont on sait par ailleurs combien ils sont, au moins pour les produits alimentaires, sources de suspicion parmi les consommateurs. Les démonstrateurs accusent également les grandes surfaces d'être capables de vendre tout et n'importe quoi et de pousser à la consommation. Ces caractéristiques étant précisément celles auxquelles ils se savent régulièrement associés, cette dénonciation a pour fonction de se différencier et de transmettre un message sur leurs bonnes intentions. L'affirmation du caractère universel ou multifonctionnel des produits vendus est à cet égard un argument récurrent. La grande distribution et son alliée, la grande industrie, sont pointées du doigt comme coupables d'une stratégie visant à faire acheter toujours plus de produits alors qu'un seul suffirait.

Les démonstrateurs les plus habiles peuvent transmettre cette idée sans jamais l'exprimer explicitement. Par exemple, j'ai le souvenir d'un d'entre eux expliquant qu'il avait échouéà faire référencer en supermarché ses chiffons microfibres qui s'utilisent simplement avec de l'eau, sans aucun produit ménager. Par de subtiles allusions, il conduisait le public à comprendre que cela aurait concurrencé la masse de « produits chimiques » vendus dans ce lieu. « Leur but à eux, c'est de vendre », avait fini par dire une des dames de l'assistance, validant ainsi la différence suggérée entre les intentions malveillantes des grandes surfaces et celles beaucoup plus désintéressées du vendeur en face d'elle.

Toute une série de signaux peuvent renforcer cette présentation de soi comme une personne cherchant à travers la vente autre chose que l'enrichissement personnel. Certains démonstrateurs peuvent laisser entendre qu'ils agissent avant tout pour la défense de l'emploi français ou pour la préservation de l'environnement. D'autres, surtout parmi les vendeurs d'ustensiles de cuisine, s'attribuent quasiment une mission de santé publique. Leurs produits permettent de cuisiner de façon plus saine (sur un panneau, on pouvait lire : « La feuille de cuisson. Stop. Au diabète, Cholestérol, Maladies cardiovasculaires »), d'avoir une alimentation plus variée (« Vous le savez, à la télé, ils le disent, il faut manger des fruits et des légumes », rappelle la démonstratrice de râpes à légumes) ou de réduire le nombre des accidents domestiques (tel ce vendeur d'ouvre-boîtes arborant sur le panneau de son stand le logo de l'institut de Prévention des Accidents Domestiques). Dans toutes ces situations, l'objectif n'est pas seulement de produire des significations sur l'utilité des produits mais bien de signifier les bonnes intentions de celui qui les vend (6).

-Lire la suite de l'article.

Notes :
- (1) Sur le milieu des camelots, la très riche ethnographie de [Duval, 1981] reste d'actualité et beaucoup d'éléments (techniques de vente, jargon, mode de vie...) semblent inchangés depuis vingt-cinq ans. Ce constat mériterait une étude complémentaire pour saisir les raisons d'une telle stabilité. Une piste envisageable est le caractère relativement restreint et clos de ce milieu : beaucoup de démonstrateurs ont des camelots dans leur famille (un d'entre eux m'a même dit faire sa démonstration comme sa mère le lui avait appris) et il est rare que des personnes étrangères parviennent à y prendre pied (par exemple, il leur sera difficile d'obtenir de la bonne marchandise et de trouver de bons emplacements sur les foires).
- (2) Je suis allé en 2002 à la Foire-exposition de La Roche-sur-Yon et à la Foire internationale de Rennes puis, en 2005, à la Foire internationale de Nantes. Cette dernière a réuni neuf cents exposants, dont une soixantaine dans le pavillon des « produits ingénieux ». En onze jours d'ouverture, près de cent vingt mille personnes s'y sont rendues.
- (3) Le métier de démonstrateur s'apprend sur le terrain, en observant comment procèdent les plus expérimentés et en s'essayant à la démonstration aux heures de faible affluence. L'existence de techniques communes est un élément d'une culture professionnelle incluant par ailleurs, à titre d'illustration, une conception partagée des avantages du métier (indépendance, possibilité de gains importants) et des impératifs moraux très puissants (ne pas dénigrer en public la came d'un autre démonstrateur, ne pas blanchir la marchandise, c'est-à-dire ne pas se débarrasser d'un stock en cassant les prix).
- (4) Une telle réussite est source de prestige au sein de la profession. Certains démonstrateurs refusent d'ailleurs de travailler les moments de la journée où le trepe est trop faible et m'ont exprimé leur dédain envers leurs voisins qui se fatiguent à enchaîner les démonstrations pour seulement quelques personnes.
- (5) A contrario, une telle dénonciation de la qualité ne vise jamais les produits proposés eu téléachat. Cela s'explique d'abord par le fait que ces produits sont parfois les mêmes que ceux vendus à la foire et que certains démonstrateurs participent régulièrement à ces émissions de télévision. Critiquer reviendrait donc à dénigrer la marchandise de ses collègues. Ensuite, le téléachat est peut-être un concurrent économique mais c'est aussi un allié symbolique. Sur la foire, dire que son produit a été vendu sur TF1 ou sur M6 est un argument de vente (les stands arborent des « Vu à la télé» et les logos de ces deux chaînes), d'autant plus que le prix pratiqué en téléachat est généralement plus élevé.
- (6) Il est clair que les motivations des démonstrateurs sont loin d'être aussi philanthropiques (contrairement par exemple à celles des vendeuses de réseaux de vente à domicile américains exposées par Nicole Biggart [1988]). Les camelots cherchent à gagner vite et bien [Duval, 1981] et la flambe est courante (« confondre chiffre d'affaires et bénéfice »). Beaucoup se vantent de ventes passées extraordinaires qui leur auraient permis de se payer tel voyage à l'autre bout du monde ou telle voiture de sport. On compte en pognes (le nombre de ventes), on espère bien dérouiller (faire de l'argent) et on annonce sa recette en mètres (1 000 francs).

- Texte extrait de la revue d'Ethnologie française n°37 (2007).

Imro FOX

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Casino de Paris 1902

C'est au Casino de Paris que nous avons ce mois-ci été voir un Prestidigitateur, M. Imro Fox, « Conjureur comique », comme il s'intitule lui-même, nous donne un numéro composé de quelques trucs déjà vus. Ce sont : d'abord, l'inévitable double empalmage de cartes que tout prestidigitateur qui se respecte doit avoir dans son programme. Ensuite le vieux tour des pigeons à la tête coupée, exécute d'après Bosco. M. Imro Fox lui-même nous a dit que le tour est vieux comme le monde. Il prend deux pigeons, un blanc et un noir, il leur coupe la tête et place les corps chacun dans une casserole, il ordonne au servant d'y joindre les têtes, Celui-ci les confond, il met avec le, pigeon blanc la tête noire et vice-versa. Au coup de pistolet les pigeons sont ressuscites, mais chacun possède la tête de son compagnon.

Il y a ensuite un tour de lapin avec échange contre le boulet au chapeau, exécuté au moyen du Globe n° 787. Nous savons que M. Imro Fox est très amusant quand il s'exprime en anglais ou en allemand, malheureusement son peu de connaissance de la langue française ne lui permet pas de donner tout son essor à sa verve humoristique.

l'Alhambra 1904

Imro Fox commence sa séance par les bols d'eau, ou si vous préférez, bocaux de poissons sans poissons. Escamotage d'un foulard rouge qu'il retrouve dans son faux-col. Vient ensuite le tour favori de cet amusant artiste. Les deux pigeons blanc et noir décapités et ressuscites avec échange de têtes

Quelques passes de cartes nouvelle école : Les boules excelsior. Apparition d'un lapin dans un chapeau disparition dans une feuille de papier de ce petit animal qui est retrouvé (si ce n'est lui, c'est donc son frère) dans la poche de derrière de l'habit.

Apparition une à une de six boules de billard (en apparence) déposées à mesure dans un support à six cases posé sur un appareil composé de plusieurs plans inclinés superposés. Un chapeau est placé en bas de cet appareil. Au coup de pistolet les six boules disparaissent du support et sont vues descendant en cascade sous les plans inclinés pour venir tomber dans le chapeau.

Après la chute de la dernière boule un gros boulet, rouge comme elles, est sorti du chapeau. De boules, il ne reste plus trace. Si vous me promettiez de ne pas le répéter, je vous dirais bien qu'elles sont tombées dans le gros boulet genre du n° 296. Le baquet aux canards et pour finir les deux, grands drapeaux.

Nécrologie

Nous apprenons le décès subit à Utica (Amérique du Nord) du prestidigitateur comique Imro Fox. La Magie perd en lui un de ses représentants les plus connus. De Berlin à New- York, de Londres à Paris ; les étapes de ses longs voyages furent autant d'occasions de succès.

C'est le 4 mars dernier, dans l'après midi que se sentant mal, il se retira dans sa Chambre à l'hôtel Martin à Utica ; avant même qu'il ait eu le temps de se dévêtir complètement, le mal le terrassa et le Docteur, appelé en hâte, ne put, en arrivant, que constater le décès.

Il était néà Bromberg (Allemagne) le 21 Mai 1862. Son véritable nom était : FUCHS. C'est en 1874 qu'il se rendit pour la première fois aux Etats-Unis pour y exercer la profession de cuisinier ; après avoir servi comme chef dans divers hôtels de New-York, il se trouvait en 1880 à Washington où il présidait à la direction des fourneaux de l'hôtel Lawrence fréquenté par les artistes de Music-hall, lorsqu'une troupe de ceux-ci arriva justement dans la cité.

L'étoile en était un magicien plus fervent disciple de Bacchus que de « La Reine des Arts », si bien que, dès le lendemain de la première représentation, des libations trop répétées l'avaient mis hors d'état d'affronter la scène. Le directeur de cette tournée, qui était logé au "Lawrence" fit part au propriétaire de l'hôtel de l'embarras dans lequel le plongeait la défection de son sorcier, le numéro de Magie, étant annoncé comme le plus important du programme.

Le maître de l'hôtel répondit que son cuisinier était prestidigitateur et que, pour une lois, il consentirait peut-être, à tenir le rôle de l'absent. L'impresario se précipite alors dans les sous-sol de l'hôtel où il trouve Imro Fox plongé dans la lecture d'un énorme bouquin.... Ce n'était pas un livre de Magie, mais bien un dictionnaire anglais-français à l'aide duquel il élaborait le menu du diner, baptisant les plus classiques plats anglo-saxons de titres empruntés à la langue de Racine.

— Le Chef, je pense ? dit poliment le manager. — C'est moi répondit Fox. — Vous êtes un prestidigitateur-amateur ? — Je m'amuse quelquefois à faire des tours d'adresse. — Vous êtes l'homme que je cherche, je suis le directeur d'une compagnie d'attractions et mon magicien me fait défaut, se livrant à une débauche prolongée. — Ah je vois, interrompit lmro, un fervent de la Bouteille inépuisable ! — Je vous prie de prendre sa place et de finir la semaine d'engagement ; j'arrangerai les choses avec le propriétaire de l'hôtel. — Donner und Blitzen ! s'écria Fox, je ne suis jamais monté sur la scène de ma vie. Plutôt que de faire face au public, je préférerais me trouver devant une batterie de canons. — Rassurez-vous ; aidez moi comme un bon camarade et il y aura de l'argent dans votre poche.

Fox se laissa convaincre et le soir même il parut devant la rampe. Depuis ce jour, il abandonna la cuillère à pot pour la baguette magique ; ses succès en Angleterre, en Amérique, en Allemagne furent nombreux et nous avons eu plusieurs fois l'occasion de l'applaudir à Paris, notamment au Casino de la rue de Clichy et à l'Alhambra. Il avait épousé, il y a 15 ans une artiste ; une des soeurs Clarke, à qui L'Illusionniste adresse ses compliments de sincères condoléances.

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

ERWIN PANOFSKY / L'illusion de l'oeuvre d'art

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Si l'art a pour mission d'être vrai au sens « idéaliste », c'est-à-dire s'il doit entrer dans une sorte de concurrence avec la connaissance rationnelle, son but doit consister nécessairement alors, au prix d'une renonciation à l'individualité et à l'originalité, où nous voyons habituellement l'éminente marque distinctive des productions de l'art, à ramener le monde visible aux formes qui ne changent jamais et qui sont universellement et éternellement valables. [...] Et même lorsque ce but, dans la mesure des possibilités humaines, se trouve atteint, l'oeuvre d'art ne peut pas pour autant prétendre à un rang plus élevé que celui de « l'image » ; or l'image, malgré toute sa ressemblance apparente avec l'idée, est, à bien des égards, en contradiction avec elle et s'en trouve aussi éloignée que le « nom », à l'aide duquel le philosophe, soumis à la nécessité du langage, exprime ses réflexions.

Dès lors, la valeur d'une création artistique se détermine pour Platon comme valeur d'une recherche scientifique, c'est-à-dire en fonction de l'intelligence théorétique et surtout mathématique qui s'y trouve investie ; aussi bien, la majeure partie de ce que l'on a tenu et de ce que l'on tient encore en général pour l'art, et même pour le grand art, tombe pour lui sous le concept « d'art mimétique », contre lequel, dans le Xème livre de La République et dans Le Sophiste, il a lancé ses condamnations bien connues ; de deux choses l'une : ou bien l'artiste, et c'est le meilleur des cas, produit de scrupuleuses images, qui, prises dans le sens de « l'imitation par copie », reproduisent les contenus de la réalité qui se donne à la perception sensible, mais ces contenus-là seulement, et correspondant aux choses ; dans ce cas l'artiste se contente de redoubler inutilement le monde sensible qui, de toute façon, n'est lui-même qu'une imitation des idées ; ou bien il engendre d'incertaines et trompeuses apparences qui, au sens où s'entend « l'imitation par simulacre », rapetissent ce qui est grand et grandissent ce qui est petit afin d'induire en erreur notre regard, lui-même imparfait ; d'où il résulte que l'oeuvre d'art augmente encore la confusion qui est dans notre âme et constitue, par rapport à la vérité, et en deçà même du monde sensible, « une sorte de troisième terme éloigné de la vérité».

Philippe GENTY

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Marionnettiste salué dans le monde entier, Philippe Genty a transformé l'art de la marionnette depuis les années 1960 en mêlant la danse, la musique, le théâtre, la magie dans des spectacles qui ont tourné dans le monde entier : Dédale, Zigmund follies, Ligne de fuite.

Les mécaniques du rêve

L'univers privilégié du metteur en scène est celui du rêve. En amenant le public dans des paysages intérieurs, celui ci voyage dans une multiplicité de dimensions propre à la rêverie. Les rêves parlent de nos conflits. On rêve de choses qui ont été enfouies : peurs, culpabilités, hontes. Des sentiments refoulés. Le rêve tente, par une symbolique qui est propre à chacun, de franchir la censure du conscient. Eminemment visuel, le théâtre de Philippe Genty propose des images absurdes, dérisoires, cruelles et surréalistes qui prennent place dans un univers sans logique narrative, dans un mode associatif. Formé aux Beaux-Arts, c'est en plasticien qu'il rêve et donne vie à ces tableaux oniriques. La scène est le lieu de l'inconscient où se lisent tous les conflits de l'être humain avec lui-même. Un lieu ouvert sur des questionnements et des doutes.

« Un théâtre où la magie et l'illusion sont là pour fissurer le rationnel et se glisser dans l'univers du subconscient, laissant le spectateur prolonger les images qui lui sont proposées et le renvoyer à ses propres miroirs. » P.Genty.

Un maître des illusions

Apparition, disparition, transformation, lévitation, et trucs en tout genre ; Philippe Genty est un magicien du plateau, un virtuose de l'illusion au service des rêves. Utilisant toutes les possibilités des illusions théâtrales, il surprend à chaque fois par l'originalité de ses trouvailles. Qu'on pense aux transformations multiples des personnages de la fin des terres où au scaphandrier volant de ligne de fuite, c'est toujours bluffant de beauté plastique et de poésie pure.

La fin des terres (création 2005)

Dès le premier tableau nous assistons à une apparition très surprenante grâce à un détournement d'attention de folie : un personnage en carton devient un personnage réel à vue.

Ensuite une femme en robe rouge (fil rouge du spectacle) disparaît, aspirée dans le sol.

La danse des flèches montre l'absurdité d'un monde où on ne sait quelle direction prendre. Chacun conseillant son propre chemin. Au milieu de cette foison de conseillers anonymes, un couple essaye de se rencontrer et improvise un pas de deux autour d'une valise.

Le couple est transformé en marionnettes géantes comme dans un rêve qui tourne au cauchemar avec au passage l'évocation de l'angoisse refoulée du complexe de castration. La manipulation des marionnettes est très réaliste.

Ensuite, les têtes des marionnettes se transforment et viennent se substituer à celles des personnages vivants qui les manipulent. On ne sait plus qui est qui.

Tableau suivant : Un petit village est situé sur des collines. Les collines sont des dos humains. Le village défile comme un petit train miniature et se perd dans le sol.

Une lettre devient une immense feuille de papier dans laquelle le personnage disparaît.

Notre couple se retrouve en tête à tête. La scène se rétrécie et nous observons les deux personnes comme à travers une fenêtre de train. Le bruitage renforce cette impression. Ils lisent une lettre. Leurs têtes se transforment car les enveloppes des lettres permettent en se dépliant l'apparition de masques en papiers. Suggérant un dialogue devenu impossible, les têtes en papier s'attaquent et se dévorent.

Puis la femme en robe rouge est confrontée à une main géante qui devient un personnage à part entière.

L'homme apporte un ventilateur sur pied. Les feuilles de papier tenues par le personnage s'envolent et la femme en robe rouge, change de couleur de robe sous le souffle du ventilateur.

La robe blanche apparaît, symbole du mariage. Elle est ensuite revêtue par une autre femme, puis par plusieurs femmes, puis aussi par les hommes. Tous les personnages sont en robe de mariée et dansent jusqu'au moment de l'apparition d'un insecte de taille humaine avec une tête d'homme. Celui-ci est magnifiquement manipulé par trois personnes. L'insecte, très expressif, tour à tour séduit puis s'attaque à la femme qui était en robe rouge et finit par la rouler dans une sorte de chrysalide. Cette attirance paradoxale la perdra.

Le tableau suivant est "la danse des tubes". Là, comme ailleurs, je n'ai pas tout compris et ce tableau reste une énigme. Sans doute cela est-il voulu. Les personnages sont enfermés dans des tubes géants desquels dépassent leur tête et leurs pieds.

Un magnifique effet de changement de personnage suit l'épisode des tubes. Un couple, couché au sol, se transforme. La femme se change en une autre femme, puis ensuite l'homme en un autre homme, sans que rien n'attire l'attention. C'est très bien réalisé et très magique.

La notion de bulle est évoquée ensuite avec une grande originalité.

Les personnages masculin et féminin sont chacun dans une immense bulle de papier souple transparent et ne parviennent pas à se retrouver, sauf à se perdre complètement.

C'est la tableau final : les bulles occupent toute la scène.

Rejetant la narration au profit d'un jeu d'association, la dernière création de la troupe Genty raconte la rencontre entre deux êtres et sa résonance imaginaire dans le pays des songes. Un homme tente de rentrer à l'intérieur de l'espace d'enfermement d'une femme, à l'intérieur de « sa bulle », élément matérialisé sur scène par une sorte de plastique semi transparent. Au-delà de la difficulté de communiquer, le corps et les personnages parviennent à une osmose fascinante, sans parole.

Le spectateur est constamment happé par la matière qu'il a sous les yeux. De somptueux tableaux composent le spectacle dans des jeux de composition virtuoses. Ainsi la scène se réduit et s'obscurcit, se décompose en plans verticaux et horizontaux, change d'atmosphère. Les personnages se transforment, changent d'échelle. Marionnettes, ombres chinoises et main géante viennent compléter le tableau. Ce traitement si particulier de l'image théâtrale comme reflet de l'inconscient est magistral. Techniquement parfait, la fin des terres nous renvoie à nos propres chimères.

A lire :
- L'article sur le premier spectacle parlant de la compagnie.

A voir :
-Le théâtre noir de Philippe Genty.

A visiter :
-Le site de la compagnie Philippe Genty

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayant-droits, et dans ce cas seraient retirés.


LES VOYAGES FANTASTIQUES, de Jules Verne à Méliès

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Texte et mise en scène de Ned Grujic.

L'histoire

Nous allons raconter les plus beaux voyages imaginés par Jules Verne à travers le regard de Georges Méliès, premier magicien du cinéma. Nous ferons un voyage dans le temps pour nous retrouver sur le plateau de tournage d'un studio de cinéma du début du 20ème siècle où Méliès en personne tournera avec son équipe, quatre courts métrages, devant nos yeux émerveillés.

Inventions, trucages, magie, illusions, ombres et marionnettes permettront aux comédiens d'illustrer ces histoires. Les romans de Jules Verne et les films de Méliès sont un enchantement pour tous les âges. Plus que des pionniers, ils demeurent les maîtres absolus de la fantaisie et du rêve.

Ces voyages fantastiques sont nés d'une fusion écrite et réalisée par Ned Grujic. Soit trois des voyages imaginés par Jules Verne (1828-1905) dans ses fameux romans : De la Terre à la lune, Voyage au centre de la terre et Vingt mille lieues sous les mers, et les studios de Georges Méliès (1861-1938) qui avait appris le métier de mécanicien et se perfectionna en anglais à Londres où il fut vendeur au rayon corset d'un magasin, il en profitera pour y apprendre la prestidigitation. Trois choses des plus utiles pour son avenir. En effet revenu à Paris, il rachète en 1888, le Théâtre de Robert-Houdin, le célèbre illusionniste et y présente des spectacles qui finissent par des projections de photos peintes sur verre qui connaissent vite le succès. Il crée l'Académie de Prestidigitation, devenue en 1893, premier syndicat des Illusionnistes de France, et deux ans plus tard, invitéà une répétition privée de la fameuse première projection publique du Cinématographe inventée par les frères Lumière, à l'hôtel Scribe boulevard des Capucines, il comprend tout de suite ce qu'il peut faire avec une telle machine. Et il va réaliser de 1896 à 1914, dans ses studios à Montreuil que nous avons visités, environ 600 films de 1 à 40 minutes, (surtout féerie, science-fiction et récits historiques) qui passionnèrent les surréalistes.

Avec un sens inouï du trucage et des effets spéciaux qu'il reprend de la photographie comme la surimpression, les fondus enchaînés, l'arrêt caméra qui permet de modifier personnages et accessoires, mais aussi des trompe-l'œil pour les décors qu'il peint lui-même à plat. Georges Méliès est toujours à la frontière entre théâtre et cinéma, et ses films seront vus dans le monde entier mais disparaîtront, quand, ruiné par des procès aux Etats-Unis, il revendit ses studios ; son œuvre renaîtra grâce à Léon Druhot de Ciné-Journal et à l'inlassable et mythique Henri Langlois, directeur de la Cinémathèque.

On retrouve donc ici Georges Méliès, son épouse et sa petite équipe de tournage qui préparent, jouent aussi trois petits films inspirés par les célèbres voyages imaginés par Jules Verne. Magie et trucages sont bien entendu au rendez-vous, mais il y a aussi nombres d'accessoires et des toiles peintes, marionnettes, ombres chinoises, appareils à bulles. Sans énormes moyens techniques mais avec des portes ouvertes sur un rêve de cinéma en train de se fabriquer : bien vu ! Les acteurs jouent sans parler pendant les tournages, dans le style jeu très expressionniste du cinéma muet, avec musiques d'ambiance signées Jean-Sébastien Bach, Piotr Tchaïkovky, Claude Debussy, Camille Saint-Saens, Igor Stravinsky et Eric Satie.

C'est assez malin, et loin de toute prétention ; Ned Grujic (créateur du Petit Poilu illustré, très beau spectacle sur la guerre de 14-18) dirige bien ses acteurs/chanteurs, et a conçu une mise en scène précise très réussis ; une scénographie de Danièle Rozier, des costumes de Karine Delaunay, des effets spéciaux dus à Christophe Oliver Dupuy, et une captation par rétroprojection d'images en direct pour figurer les décors des petits films. Dans un bel aller et retour entre naïveté et réalisme distancié, et sans pédagogie appuyée. Deux petites réserves : un peu longuettes, ces séquences gagneraient à subir un coup de ciseaux et les comédiens quand ils parlent, ont tendance à en rajouter quelques louches, tapent parfois sur les fins de phrase, ce qui n'est vraiment pas nécessaire…

Le charme de cette création tout public, à la fois intelligente et qui ne triche jamais (et où les plus jeunes sont considérés comme de spectateurs adultes), tient à ce qu'il peut être vu avec plaisir par les enfants qui, visiblement, y prennent un grand plaisir, même s'ils ne comprennent pas tout de cet univers d'il y a déjà un siècle, où on tournait les films avec un appareil à manivelle et des grandes bobines de pellicule ! Mais aussi par leurs parents qui apprécient la construction de ces séquences, à la fois artisanales et théâtralement efficaces. Donc loin, très loin des tablettes électroniques, et pourtant parfois si près : Georges Méliès était un grand poète, et ses films furent copiés/collés sans scrupule par les réalisateurs américains. Pas très adroit en affaires, il s'est retrouvé ruiné, et tint avec son épouse une petite boutique de friandises dans l'ancienne gare Montparnasse détruite en 1966…

Ces Voyages fantastiques se jouent à la périphérie de Paris, dans un quartier qui n'en est pas un, coincé entre boulevards extérieur et périphérique, mais ils méritent largement le voyage.

- Source : Le Théâtre du Blog.

A lire :
-Méliès, L'homme orchestre.
- Dossier, Magie et Cinéma.
- L'exposition Méliès, magicien du cinéma.
- La présentation de Méliès par Caroly.
-Méliès et le Théâtre Robert-Houdin.
-Méliès Mage.
-Méliès, lettre manuscrite.

A voir :
- Le DVD Georges Méliès, l'intégrale !
- Le DVD Méliès, 30 chefs-d'œuvre.
- Le DVD Méliès, le cinémagicien.
- Le DVD Méliès, Encore.
- Le DVD collector George Méliès, à la conquête du cinématographe. Livre réalisé en partenariat avec les Amis de Georges Méliès-Cinémathèque Méliès, contenant les 2 DVD précédents de Fechner productions + un DVD de films inédits (novembre 2011).

Photos : Sylvain Bernard. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

JEAN MERLIN MAGIC HISTORY DAY 4 / LAS VEGAS - JOUETS AUTOMATES - POTASSY - GRANDS ANCIENS - WALDYS

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4ème journée française d'histoire de la Magie

Pour la 4ème année consécutive, Jean Merlin organise un évènement unique et indispensable. Changement de salle, due au surcoût des anciens lieux de représentation (prix de location multiplié par deux pour certains), c'est au zèbre de Belleville qu'a lieu la FMHD (French Magic History Day). Un ancien cinéma de quartier reconvertit en cabaret. Un lieu très convivial et intimiste. La salle est pleine à craquer !

En introduction à cette journée, défile sur « l'écran zébré», The Magic box, une fiction hollywoodienne ultra kitsch retraçant la vie de Siegfried and Roy.

Arrive sur scène Jean Merlin qui remercie son équipe, les partenaires et sponsors de la journée. Il met plus particulièrement en avant CC éditions, la revue L'Illusionniste, Claude De Piante, les interviews de Chop cup.com et fait la promotion du spectacle de Rémi Larrousse (son coup de cœur).

1- THE MAGIC OF LAS VEGAS

Voici une série de vidéos extraites de Las Vegas cavalcade datant des années 1990. Jean Merlin insiste sur le fait que les américains ont l'art de bâtir des mini scénarios de 2 minutes 30 pour raconter une histoire avec le maximum d'impact. Ils ont aussi la fâcheuse tendance à nous servir des histoires stéréotypées et ultra « cul-cul », où le kitsch règne en maître, où les émotions sont préfabriquées. Bienvenue à Las Vegas, ville mirage pour shows artificiels.

Valentino

Valentino, le futur et controversé magicien masqué, présente un numéro classique de colombes avec apparition et disparition de bougies.

Sur scène, un tableau représentant deux colombes qui s'envolent. Le magicien esquisse le dessin avec une palette de couleurs. Une vraie colombe est introduite dans une cage. Celle-ci disparaît pour faire apparaître une femme ! Un effet incroyable. La femme disparaît ensuite dans le tableau. Ne reste plus que sa représentation photographique.

Mike Michaels

Le décor reconstitue un atelier de jouets, la « Toy factory ». Lorsque l'artisan sort de sa fabrique, une manivelle sort d'une boîte et active une musique. Un mécanisme fait sortir un homme déguisé en pantin. Celui-ci produit quelques fleurs, avant que le dessous de la boîte ne soit ouvert, laissant voir un énorme ressort qui se substitue au corps du pantin. L'artisan revient sur scène et disparaît derrière un rideau tendu depuis la boîte. Il est remplacé par l'homme tronc, qui a maintenant une paire de jambes.

Brett Daniels

Un énorme portrait de Marilyn Monroe est suspendu sur scène. Brett Daniels fait disparaître le portrait de son cadre à l'aide d'un voile. Ce voile fait ensuite apparaître, de manière flash, la vraie Marilyn sur scène dans une posture rappelant le film 7 ans de réflexion. Elle disparaît ensuite derrière un manteau pour réapparaître, en portrait, dans le cadre suspendu.

Bob Borgia

Une mini station essence est reconstituée sur scène. Le magicien Bob Borgia a invité un enfant à prendre place dans une petite voiture. Le magicien prend la pompe à essence et la place dans le siphon de l'auto. Après quelques passes magiques, la voiturette se met à léviter avec l'enfant à l'intérieur. Le magicien enlève alors la pompe et la voiture lévite toujours, jusqu'à se poser sur le sol. Au final, une illusion qui n'est pas convaincante.

Steve Wheeler

Steve Wheeler s'est spécialisé dans les shows magiques sur glace. Il est ici question d'un extrait de son méga show Steve Wheeler's Magic On Ice, présentant un effet de malle indienne classique. Le petit intérêt en plus se trouve dans la boîte qui est transparente, ce qui renforce la clarté du tour.

Arian Black

Rare sont les femmes magiciennes. Quand les femmes font de la magie, cela ressemble paradoxalement à leur homologue masculin. Attitude de magicien killer et effets recyclés. Arian Black ne déroge pas à la règle avec une version kitsch d'une translucube multicolore. Ici, le cobaye féminin est judicieusement remplacé par un homme. Quelle originalité !

Rebekah Yen

La magicienne fabrique une grue en origami. Celle-ci se met à voler toute seule au dessus d'un foulard. La grue se transforme ensuite en colombe dans un flash de feu. Une plume de l'oiseau est ensuite transformée en neige japonaise. Un numéro assez médiocre qui ne va pas au bout de ce qu'il promet. Les effets auraient gagnéàêtre plus clairs et moins bricolés.

Connie Boyd

Mise en scène et décor romantique pour cette saynète gorgée de sentiments à l'eau de rose. Une femme, qui vient de se faire larguer, prend la photo de son petit ami et la déchire en confetti (les magiciens aiment bien le truc de la neige japonaise). Le téléphone sonne : c'est lui ! Il s'excuse et est prêt à revenir ! Pour réparer le blasphème, la femme prend une rose qu'elle transforme en foulard. Ce foulard est passé devant le cadre photo vide d'où réapparaît le portrait du prince charmant. L'amour est plus fort que tout ! C'est tellement mignon…

Deuxième numéro de Connie Boyd habillée en fraque pour l'apparition de tourterelles. Pas très à l'aise et assez ridicule dans un répertoire exclusivement masculin hanté par la figure de Channing Pollock.

Melinda

Ancienne compagne de Lance Burton, Melinda effectue ici la femme canon dans une reconstitution sympathique type western. Des danseurs et danseuses arrivent sur scène et entament une chorégraphie country. Arrive ensuite Melinda qui est portée à l'horizontal par un groupe de danseurs dans le canon. Celui-ci est allumé et explose pour faire réapparaître Melinda dans une caisse présente sur scène.

Joseph Gabriel

Spécialiste de la magie des colombes, Joseph Gabriel exécute ici une étonnante illusion. Une Volière est recouverte d'un drap. Elle diminue à vue d'œil et lévite. Pour finir, le magicien retire le drap pour laisser apparaître deux femmes tenant un cerceau et un perroquet.

Deuxième effet prenant comme thématique la photographie. Un appareil photo géant, disposé sur une table, fait face aux spectateurs. Le magicien montre l'intérieur vide. Il place alors un film de développement et fait apparaître une femme dessus (en photo). Le film est réintroduit dans l'appareil et fait apparaître une vraie femme.

Craig Dickens

Lullaby Levitation. Une jeune fille, qui va se marier, se retrouve seule dans sa chambre. Elle fait face aux derniers objets qui lui rappel son enfance avant de passer dans l'âge adulte. Surgit alors un magicien qui va l'emporter brièvement dans un songe en la faisant léviter sur son lit. Une magnifique grande illusion, sensible et pleine de poésie « vraie » qui met en avant une lévitation justifiée utilisant les barreaux du lit comme cerceau.

2- LES JOUETS AUTOMATES MAGICIENS par Pascal Friaut

En introduction est projeté le film de Pascal Friaut sur les jouets mécaniques, qui présente un bref historique sur le sujet et des automates en fonction.

L'ancêtre des jouets automates se trouve dans l'antiquité grecque avec les systèmes de roue dentée et de croix de malte, mit en avant par l'auteur Eugène Auguste Albert de Rochas d'Aiglun avec le Cheval d'Alexandrie ou Le décapité buvant dans La Nature - n°495 (novembre 1882).

Avant de passer à l'ère industrielle, les jouets automates du XIXème siècle sont très coûteux. C'est vers 1880 que le fabriquant Fernand Martin démocratise la production. En Allemagne sont produit des jouets en fer blanc. Un des premiers jouets magicien date de 1877. Avec le temps, le métal est progressivement remplacé par le plastique et le Japon introduit la pile électrique qui donne plus de vie au jouet. La production actuelle se concentre exclusivement en Inde, en Chine et en Russie.

Quelques exemples de jouets :

Bobo le magicien (le plus connu), Mr Fox (un renard magicien qui fait apparaître un lapin de son chapeau), le lapin carnivore !, Mickey's magic show, Action bank Mickey, le chien magicien, l'avaleur de cailloux (un jouet étonnant qui s'anime comme une paire de ciseaux, grâce au pouce et à l'index), Anubis Lord of the mommy, un chapeau chien, un carrousel magique avec mélodie, une tirelire magique (un mini bras tire la pièce à l'intérieur d'une boîte), Floatini (un ensemble reconstituant une lévitation humoristique).

Anubis Lord of the mommy. Photo : Pascal Friaut (Collection Morax & Akyna).

Présentation en live d'automates par Pascal Friaut :

Pierre Mayer a fabriqué une dizaine de magiciens automates dont :

- le joueur de gobelets (la balle disparaît sous le gobelet et réapparaît dans la bouche)
-Lévitation de Christian Fechner sur un tabouret
-Malle des Indes avec les magiciens Siegfried and Roy
-Quick change de Valérie
-L'arlequin de Robert-Houdin
-L'oranger fantastique de Robert-houdin- Une série des plus petits automates du monde !

Les autres jouets automates :

- Bobo le magicien est un jouet en métal des années 1950-1960 fabriqué par la firme japonaise Nomura Toys. Il fait apparaître successivement un poussin, une pomme et un lapin.

Photo : Pascal Friaut (Collection Morax & Akyna).

- Trixy, le chien magicien fait apparaître un œuf et le transforme en poule.
- Le petit magicien fait apparaître et disparaître un poussin avec sa baguette magique. Un jouet fabriqué en Allemagne dans les années 1950.

Photo : Pascal Friaut (Collection Morax & Akyna).

- Tirelire avec la main qui prend la pièce pour la mettre dans un coffre.
- Chien calculateur qui indique un chiffre ou un nombre par hochement de la tête. Un jouet fabriqué au Japon par l'entreprise Chapman.
- Charlie McCarthy en voiture (la marionnette du ventriloque Edgar Bergen). Sa tête tourne à 360° quand la voiture roule. Un jouet fabriqué dans les années 1940-1950.
- Le mangeur d'œuf est un étonnant jouet datant de la fin du XIXème siècle, qui s'anime comme un ciseau. Les œufs sont prit dans un panier et disparaissent dans la bouche du magicien.
- Un cracheur de feu en forme de briquet qui fait des étincelles.
- Un fakir qui se fait transpercer de part en part par une épée et qui reste intact. Un effet rendu possible par l'utilisation du principe de la croix de malte.
- Disappearing rabbit de Mr fox, le renard magicien qui fonctionne avec un électro-aimant.
- Le lapin magicien et le clown magicien ont le même corps, seule la tête diffère. Ils font apparaître et disparaître des éventails sur une bande de carton.
- Le mickey magicien est un battery toy fonctionnant avec une pile et des électro-aimants.
- La boule mystérieuse est une boule qui monte magiquement le long d'une structure en forme de spirale. Arrivée en haut du mat, la boule s'ouvre pour laisser apparaître un magicien à l'intérieur. Ce jouet est une fabrication de Fernand Martin datant de 1906. Elle reçu un prix au concours Lépine en 1905. Cette attraction a été réalisée échelle une dans les années 1930 par le magicien Laroche et dans les années 1960 par Richard Hardner pour un numéro de la piste aux étoiles intitulé la boule mystère.

3- PAUL POTASSY

Ce magicien américain parlait sept langues. Il fut le magicien de cabaret ayant eu le plus de succès en Europe ces cinquante dernières années. Voici quatre de ses routines.

Sympathetic Silks : Deux tables et six foulards. Trois foulards sont noués ensembles et posés sur une table, les trois autres sont laissés sur la deuxième table. Bien que le magicien n'ait rien touché, ce sont à présent les foulards de la deuxième table qui sont noués et non plus ceux de la première ! Cet effet magique se reproduira plusieurs fois jusqu'au final où tous les foulards se noueront ensemble instantanément. Cette routine des six foulards sort des sentiers battus. C'est un model de misdirection et de présentation.

Newspaper Tear : Le magicien déchire et reconstitue un journal. Il explique alors comment ça marche. Les spectateurs pensent comprendre le truc jusqu'au moment où le magicien révèle que la partie secrète que tout le monde pensait réellement déchirée ne l'est plus. Un tour devenue un grand classique.

Bill in Potato : Un spectateur tient un billet signé avec une main sous un foulard et une pomme de terre avec l'autre main. Le magicien retire le foulard : le billet a disparu ! Celui-ci est retrouvé au milieu de la pomme de terre.

The Prediction : Un spectateur choisit un papier parmi plusieurs autres sur lesquels sont écrit des noms de ville. Un autre spectateur choisit un livre parmi plusieurs qui lui sont présentés, l'ouvre à la page qu'il désire et choisit un mot au hasard sur la page. Le choix de ces deux mots semble être le fruit du hasard, et pourtant, le magicien l'avait prédit bien avant le spectacle car les deux mots sont retrouvés écrits dans une enveloppe qui était visible de tous depuis le début du spectacle. Dans cette routine Paul Potassy utilise une subtilité de pliage qui trompe le touché et la vue du spectateur : diabolique !

Démonstration du Billet dans la pomme de terre par Jean Merlin

Merlin insiste sur l'utilisation de la pomme de terre qui est substituée au traditionnel citron. L'avantage est de ne pas mouiller et détériorer le billet emprunté et de le rendre propre au spectateur.

4- LES GRANDS ANCIENS

Li-King-Si, alias Georges Farhat

Affiche : collection Akyna et Morax.

Ce français déguisé en chinois est le clone de l'américain Chun-Ling-Soo. Il développe une magie orientale utilisant des foulards qui changent de taille, un bol de fleurs qui se transforme en eau, des équilibres impossibles avec trois sabres et un effet de boule zombie.

Robert Harbin (1909-1978)

Photo : collection Christian Fechner.

L'inventeur anglais de la femme zig-zag (zig-zag girl, 1963) nous présente ici une des premières versions de la femme décapitée dans une boite. Dans les années 1990, Craig Dickens reprendra et améliorera cette illusion qui est aujourd'hui pratiquée à la perfection par le duo espagnol Yunke.

Cardini

L'unique apparition télévisée de Cardini visible de nos jours datant de 1957, oùà 62 ans, il réalise majestueusement sa routine de back and front avec des gants, ses manipulations de boule de billard et ses apparitions et disparitions de cigarettes. Une grande leçon de présentation et de virtuosité, un classique indémodable.

Pratulchandra Sorcar (1913-1971)

Programme Sorcar (collection Morax et Akyna).

Une boite surélevée du sol et munie de deux fenêtres est montrée vide des deux côtés. Les fenêtres sont refermées. Le magicien sort alors successivement des foulards, des rubans colorés et des petits animaux à répétition. Une boîte à production étonnante.

René Septembre, alias René Kohler

Photo : ( collection Morax et Akyna).

Ce magicien français, au talent médiocre, fait apparaître des bols d'eau sous couvert de foulards. Il exécute ensuite le journal déchiré et raccommodé avec un petit bout restant comme preuve. Une boule de papier est mise dans une boîte. Elle se transforme en chat. Des cubes sont montrés vides et mis dans des cassiers. Les cubes sont ré ouverts et apparaissent des cochons d'inde et des colombes. Un coq apparaît et est substituéà un renard ! Un tour sans queue ni tête. Pour finir, un canard est placé dans une maisonnette. Celui-ci est transformé en colombes. Toute la basse cour a été passée en revue !

John Ramsay (1877-1962)

(collection Morax et Akyna).

Un des rares témoignages vidéo de John Ramsey qui présente son tour des pièces et du cylindre, Cylinder and Coins décrit dans le livre The art of the close-up.

Esmée Levante

Extrait de l'émission La piste aux étoiles de mars 1960. Esmée Levante, prestidigitatrice australienne présente un tour avec du sucre en poudre. Deux boîtes de différentes tailles sont présentées sur une table. La grande boîte contient du sucre qui est versé dans la petite boîte sans que l'ingrédient ne déborde ! Le sucre disparaît alors de la boîte pour ensuite réapparaitre.

Différents manteaux en fourrure sont sortis d'une petite mallette, visiblement trop petite pour contenir ces vêtements. Pour finir, la magicienne fait apparaitre un kangourou.

Esmée Levante en 1955 dans un numéro d'escapologie (collection Morax et Akyna).

Tommy Wonder

Nous revoyons avec plaisir quelques merveilleuses routines de Tommy Wonder telles :

- La routine flash Ring, Watch & Wallet de Rich Marotta. Le magicien explique qu'un voleur lui a dérobé, sa montre, sa bague et son argent et qu'il a tout placé dans une enveloppe pour l'envoyer chez lui et ne rien avoir sur lui en cas d'arrestation. Les trois objets sont mis dans l'enveloppe qui est refermé. Celle-ci est déchirée alors que la bague est revenue au doigt du magicien, la montre à son poignet et l'argent dans le portefeuille.

Photo : collection Akyna.

- Une transposition de pièce dans la main du spectateur.
-The tamed card, les cartes folles avec une carte choisie. Le hobby du magicien est de faire choisir chaque jour à la même heure une carte, une fois la carte choisie, il sort une pochette contenant les cartes choisies précédemment. Ce sont toutes des 4 de trèfle, le spectateur à quant à lui choisit un valet de carreau. Pas de problème étant magicien il va transformer cette carte en 4 de trèfle, finalement elles se changeront toutes en valet de carreau.
-Sa routine de gobeletsavec l'étui et le pompon.
- Son numéro avec l'oiseau qui se retrouve dans l'oeuf, où il commence par une routine de gobelets utilisant des balles éponges pour ensuite faire apparaître une orange, un citron et un œuf. On connaît la suite…

Xavier Morris

A la demande générale, rediffusion du tour du bottin par le mentaliste Xavier Morris et de sa partenaire Véronica lors d'une Piste aux Étoiles dans les années 1960. Pour en savoir plus, lire le compte rendu de la FMHD n°3.

5- THE BILIS CORNER

Bernard Bilis a ramené de son coffre à trésors des images inédites puisées dans la réserve de l'INA. Au programme :

- Le tout jeune Alpha manipulant des cartes avec l'apparition d'un perroquet.
-Jean Régil présentant le tour de la femme coupée en deux avec André Sanlaville et la femme zig zag dans un des tout premiers modèles.
-Syndra Khan, le fakir, qui avale un fusil chargé !

Photo : collection Morax et Akyna.

-Johnny Paul, présentant un change de billets ainsi que sa légendaire et interminable routine de gobelets qu'il commercialisera par la suite.

6- JOE WALDYS

Tout commence par un extrait vidéo, enregistréà l'Olympia en 1967, d'une séance de pickpocketisme exécuté par Joe Waldys. Waldys arrive sur scène et exécute à cent à l'heure le foulard aux pois, pour enchainer ensuite par sa séance de pickpocket. Il descend dans la salle et demande aux spectateurs s'ils ont de l'argent ? Ou un porte feuilles ? Sous couvert de la question, il en profite pour subtiliser une dizaine de montres et de porte feuilles. Il revient ensuite sur scène pour révéler à la salle entière les objets qu'il a volé pour les rendre à leurs propriétaires respectifs.

Il fait ensuite venir sur scène un homme qu'il dépouille. Ensuite, il lui fait le coup de la guillotine au bras avec les deux carottes comme essaie préalable. Dans cet extrait vidéo, on remarque que Joe Waldys avait une présentation très moderne faite de prestance, d'allure, d'énergie et de bonne humeur. Selon ses mots, il était un bon amuseur !

Jean Merlin assit à une table ronde introduit Joe Waldys, 76 ans et une pêche d'enfer ! Un personnage extrêmement sympathique, qui d'emblé instaure la convivialité. Onze ans qu'il a prit sa retraite de son numéro international qu'il a pratiqué pendant 35 ans avec son partenaire grecque Libero. Il a ensuite œuvré seul pendant dix ans.

Pierre Switon et Jean Régil arrivent à la table et complètent le quatuor.

Joe Waldys est né en 1935 de parents commerçants. Sa mère jouait de la mandoline. C'est tout naturellement que le petit Joe pratique la musique et obtient en 1958 le premier prix de violon au conservatoire. Il joue du classique mais aussi de la musique tsigane pour se faire plaisir (des extraits musicaux sont diffusés dans la salle).

Photo : collection Morax et Akyna.

En 1954, il intègre l'amical Robert-Houdin. Il croise la route du magicien Hardy, l'enchanteur quand il était enfant. Il travaille ensuite avec les Andreanos qui pratiquaient une malle des indes dynamique.

Il va petit à petit trouver sa voie, quand la première femme d'André Sanlaville lui raconte le numéro du pickpocket Borra. C'est le déclic. Joe Waldys décide de s'entrainer seul à reconstituer, en autodidacte, les passes qu'on lui a narrés.

Nous voyons une photo de Joe Waldys en compagnie de Freddy Fah et de sa femme Yvette. Vient ensuite sa première photo commerciale pour lancer sa carrière, une autre photo en duo avec Libero, Joe pratiquant la disparition du poste de radio fabriqué par Jo Patrick, Joe sur la scène de la Scala à Madrid et deux caricatures en dessin et en marionnette.

Photo : collection Morax et Akyna.

Un extrait de Charleston est diffusé, une musique qu'affectionne le pickpocket. Une musique d'ambiance rythmée qui accompagnait ses représentations. Il utilisait également la chanson My fair lady, pour rendre les objets, ainsi que la marche funèbre pour le coup de la guillotine au bras. Pierre Switon précise qu'à l'époque, tous les cabarets avaient leur propre orchestre et jouaient en live.

Joe Waldys se remémore ensuite, avec nostalgie, ses rencontres avec Barbara, Gilbert Bécaud, Claude Nougaro, Sidney Bechet…

Photo : collection Morax et Akyna.

Deuxième extrait vidéo qui nous montre Joe Waldys exécuter les bambous chinois, le remontage de la montre, les foulards XXème siècle avec des foulards de marque et l'utilisation d'un petit soutien-gorge pour éviter de tomber dans le vulgaire !

Son dernier contrat, il le fit aux îles Canaries avec une grande revue. Il décide ensuite d'arrêter sa carrière, angoissé par le fait de ne plus trouver suffisamment d'objets à subtiliser. Les gens ne « s'habillant » presque plus de nos jours…

7- SHOW LIVE

Jean Merlin, habillé en tenue de soirée, nous annonce un show réunissant des numéros hétéroclites. Deux magiciens et deux artistes de cabaret, deux hommes et deux femmes. Parité respectée.

Gwenaëlle

Nouvelle venue sur la scène magique, Gwenaëlle qui sort de la Chavez school de Las Vegas, a eut le soutien de Thierry Schanen et de Jean Merlin pour monter son numéro ayant pour thématique le tour Golden butterfly de Kellar. Un univers singulier et une magicienne qui promet pour le futur.

Sur scène sont disposés un paravent avec dessus une reproduction de l'affiche Golden butterfly, et une commode rose avec un vase et un cadre photo.

La jeune femme arrive sur scène avec un livre. Celui-ci est ouvert et l'on voit un papillon qui sort en volant. Gwenaëlle passe derrière le paravent et change de costume. Elle prend ensuite un papillon sur l'affiche et commence une multiplication de l'insecte au bout de ses doigts à la manière d'une routine de dés à coudre.

Elle fait apparaître des éventails de cartes multicolores, semblables aux ailes des papillons (une utilisation justifiée) et effectue des back and front. Les cartes se transforment en éventails.

Un papillon est placé derrière un petit rideau et se met à voler magiquement façon Kellar. Il se transforme ensuite en chenille (une mue à l'envers) qui est mise dans le tiroir de la commode. La chenille se met à danser et change de forme derrière le petit rideau. Elle se transforme ensuite en une multitude de foulards, qui font apparaitre, au final, un papillon géant !

Pierre Switon

Petit intermède avec Pierre Switon qui nous montre quelques manipulations d'éventails avec des cartes multicolores de la marque Fournier.

Emmanuel Pallas

Ce comique de cabaret a laissé de marbre les ¾ de la salle avec son humour douteux et ses jeux de mots foireux interminables. Dommage…

Anaïs Petit

Photo : Eric Vigier

Un vrai talent comique et une belle découverte pour cette imitatrice au petit gabarit qui a commencé sur la scène du théâtre Trévise en 2007. Elle nous offre en exclusivité des extraits de son nouveau spectacle « Anaïs Petit croque les Grands », co-écrit avec James No et Guillaume Meurice. Au programme les imitations de Vincent Delerme, Charlotte Gainsbourg, Brigitte Bardot, Carla Bruni, Anaïs, Ségolène Royal, Philippe Manœuvre, Anne Roumanoff, les Rita Mitsouko…

Yann Frisch

Le numéro Baltass du champion de France et d'Europe en titre, retravaillé avec encore plus de virtuosité ! Chapeau l'artiste.

A lire :
-Le JEAN MERLIN MAGIC HISTORY DAY 5.

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

JEAN MERLIN MAGIC HISTORY DAY 5 / LEVITATION - PIERRE ETAIX - DANI LARY

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Temps de lecture : 55 min

5ème journée française d'histoire de la Magie

2012 marque l'année du renouveau de la French Magic History Day créé par Jean Merlin en 2008 ; rebaptisée pour l'occasion Jean Merlin Magic History Day (JMMHD). Ayant émit le souhait d'arrêter cette journée lors de la quatrième édition, le célèbre magicien a accepté de continuer l'aventure en s'entourant d'une équipe organisatrice nommée Le Collectoire, afin de se concentrer sur la présentation et le contenu de ce moment incontournable. La belle histoire de la magie se prolonge en recentrant cette rencontre sur un thème principal, une mise en avant du music-hall et un talk show.

Le thème de cette année est la lévitation avec l'intervention d'éminents spécialistes. Le chanteur et claquettiste Okon Ubanga Jones représente le music-hall. Enfin, ce n'est pas un talk show, mais deux rencontres exceptionnelles avec Dani Lary et l'immense Pierre Etaix qui ont lieu.

Pour la seconde fois, l'événement se déroule dans la salle mythique du Zèbre de Belleville ainsi qu'au Musée de la magie et de la curiosité.

1- COUPS DE COEUR de Jean Merlin

Coiffé de son célèbre chapeau melon, Jean Merlin donne toute une liste d'ouvrages de référence qu'il conseille d'acheter.

Photo : Franck Boisselier.

-Vortex de Tom Stone (Editions Stephen Minch, 2010)

Ce magicien suédois, très créatif, expose ses idées sur le close-up, la scène, la manipulation et la psychologie. Parmi les tours expliqués, une très belle routine de gobelet avec un chop cup.

-Prestidigitation, mille et une sources de Pierre Guédin et Philippe Billot (2ème édition, 2011). L'ouvrage de référence concernant les grands thèmes de close-up et de salon.

C'est un « pavé» de 375 pages couvrant un peu plus de cent thèmes magiques que nous avons abordés de façon chronologique afin d'en expliquer la naissance ainsi que l'évolution. Il est présenté en format 21 x 29.7 cm avec une couverture souple pour une meilleure manipulation. Nous sommes persuadés que vous trouverez dans ce livre quelques références que vous ferons redécouvrir les trésors cachés dans votre bibliothèque tout en vous permettant de (re)mettre à jour vos connaissances de l'histoire de la magie, non pas celle avec « une grande hache » mais simplement la petite histoire qui fait la grande magie de même que les petits ruisseaux font les grandes rivières.

-La stratégie de l'illusionniste de Vincent Delourmel et Eric Constant (Editions l'Alambic, 2011). Un livre sur l'art de la persuasion avec une préface de Carlos Vaquera, expert en « Trade show ».

À l'aide d'astuces psychologiques savamment employées, et maîtrisant à la perfection l'art du leurre et de la mystification, les illusionnistes sont capables de nous persuader qu'ils peuvent accomplir des miracles.

Quels sont donc ces ressorts mystérieux dont ils usent parfois depuis la nuit des temps pour provoquer en nous l'étonnement, la surprise et même parfois la fascination ? Comment parviennent-ils à manipuler ainsi la conscience de leurs semblables ?

En étudiant ces experts du détournement d'attention et de la suggestion, des scientifiques se sont récemment penchés sur ces méthodes de persuasion terriblement efficaces, applicables non seulement sur scène mais aussi et surtout dans notre quotidien. Vie professionnelle, vie sociale ou vie privée, rien ne résiste à ces hommes ou à ces femmes qui ont su développer une véritable connaissance des comportements humains et qui manifestent d'impressionnants savoir-faire : force de persuasion, contrôle de l'attention et de la perception, maîtrise de soi, adresse ou encore éloquence. Autant de qualités que les auteurs, décryptent pour vous et expliquent à l'aide d'exemples clairs et faciles à comprendre, qu'il s'agisse de tours de magie ou encore de mises en situation dans un contexte commercial par exemple.

Une fois qu'on a goûtéà ces nouveaux pouvoirs, impossible de s'en passer, et le livre que vous tenez entre les mains constitue la clé pour accéder à d'incroyables compétences... que nous possédons tous.

-The Magic of Jimmy Grippo réuni par Geno Munari (2011). Beaucoup de tours classiques mais aucunes routines qui ont fait sa réputation, notamment la description de ses « chargeurs »…

-Classic Correspondence from Egyptian hall Museum de Mike Caveney (2012).

Il s'agit d'une compilation de 24 lettres de correspondance qui ont été publiées dans le magazine Magic de 2006 à 2007. Mike Caveney a exhumé ses lettres du légendaire Egyptian hall Museum. L'écrivain ou le destinataire (ou les deux) sont des noms bien connus, tels Charles Carter, Harry Houdini, Edwin Brosse, Deo Leroy, Angelo Lewis, Will Goldston, Horace Goldin, Sorcar, les Herrmann, Nelson Downs, Dante, Earl Violet, J.N Maskelyne, The Great Leon, Thurston… Chaque lettre apporte un éclairage nouveau sur un coin d'ombre de l'histoire fascinante de la magie au tournant du 20ème siècle. On se rend compte que, déjàà l'époque, il y avait de la jalousie et de la compétition dans l'air. Rien n'a changé aujourd'hui !

- Revue L'illusionniste dirigée par Claude Nops. La plus belle revue magique du monde selon Jean Merlin. C'est la première fois que la qualité, l'esthétisme et l'artistique sont convoqués pour rendre justice à la reine des arts. Il était temps ! De plus, le contenu et les textes ne sont pas en reste.

-Art, illusions et secrets de Fanch Guillemin et Stephane Laurens (Artishow éditions, 2011)

Ce livre est une sorte de recueil d'oeuvres d'artistes illustrant la magie, mais aussi des citations d'auteurs classiques qui nous renseigne sur les artistes de chaque époque (de Platon à André Breton). 20 tours et illusions y sont décrits, qui confirme que tout n'est pas nouveau... Ce livre de format carré, très instructif, va de paire avec une exposition passionnante commentée par Stéphane Laurens.

Depuis des siècles, les magiciens sont représentés sur des céramiques, tapisseries, peintures, dessins ou gravures et on trouve là une précieuse source d'informations concernant non seulement leurs tours mais aussi leurs costumes, leur environnement de travail et leurs publics.

Le livre que vous allez lire vous propose un long et fascinant voyage dans l'histoire de la magie en vous offrant de nombreuses illustrations allant du Vème siècle avant J.-C. jusqu'au XXIème siècle et beaucoup d'entre elles sont certainement inconnues de la majorité des lecteurs. Côtoyant les magiciens, vous trouverez des ventriloques et des pickpockets représentés dans leur coupable commerce. Mais ce n'est pas tout car les illustrations sont émaillées d'explications des tours présentés par ces artistes d'hier et d'aujourd'hui, sans oublier certains mystères de nature scientifique. Voici un livre à savourer, un de ceux que l'on prend dans sa bibliothèque, que l'on ouvre à n'importe quelle page avec la certitude d'en tirer un réel plaisir. (Edwin A. Dawes)

-Mnémonica 1 et 2 de juan Tamariz (Editions Georges Proust, 2011).

Plus de 100 tours, mémorisation en 3 heures, techniques, manipulations, subtilités et classement à vue.

Mnémonica en 2 volumes de Juan Tamariz va beaucoup plus loin que le simple jeu du chapelet, c'est une véritable anthologie du jeu mémorisé accompagné de routines et de tours fantastiques. Juan Tamariz, Star Mondiale de la Magie, apporte dans tous ses livres : générosité, amour, subtilité et intelligence… Ces deux volumes vont ouvrir à tous les magiciens un champ infini de possibilités avec un simple jeu de cartes. Ces effets ne se racontent pas, ils se font pas à pas, un livre sur une table et un jeu en mains et l'Aventure Cartomagique commence…

- Le Prevost de 1584 par Hervé Guillard (Editions Georges Proust, 2011).

Après plus de quatre siècles d'existence, ce livre écrit en vieux français est, pour la première fois, « traduit » en français contemporain et augmenté par des notes qui permettent de resituer le livre et le rendre plus accessible à tous.

Hervé Guillard a travaillé et cherché pendant plusieurs années pour adapter et commenter le premier livre français consacré entièrement à la prestidigitation. Les notes forment un livre dans le livre et le tout est facile d'accès grâce à la mise en page. Dans un monde où l'image est en train de prendre le pas sur l'écrit, ce livre s'adresse à tous ceux qui ont soif de connaissance, d'histoire et de culture magique… et qui pensent que cela passe par le LIVRE…

-Illusionology de David Wyatt and Levi Pinfold (Templar, 2012).

D'après The Secret science of magic de Albert D.Schafer (1915). Un vieux bouquin remit au goût du jour avec, entre autre, des pop up, des hologrammes, un Pepper's ghost miniature, des illusions d'optique, l'Asrah de l'Egyptian Hall et 20 tours à réaliser… Le tout en anglais.

-La magie des cartes d'Hofzinser (Fantaisium, éditions François de Montmirel, 2012).

Hofzinser n'a jamais écrit de livre. Cet ouvrage est un recueil publié en 1931 par un magicien érudit autrichien, Ottokar Fischer, d'après les notes prises par Hofzinser lui-même. Ce livre est un évènement car c'est le premier en français consacréà ce génie méconnu de la magie et des cartes qu'était Hofzinser. Avec 50 illustrations et 70 annotations de Christian Chelman, Ottokar Fischer et S.H.Sharpe. La couverture du livre a été dessinée spécialement par Benoît Drager, créateur des graphismes de Légendes Urbaines.

-The complete work of Jacques Delord (Ludo, marchand de truc, 2013)

La seule trilogie qui comporte 4 livres écrit par le magicien poète et philosophe et rééditée sur papier d'harmonie par Ludo. Une collection mythique à posséder absolument avec une préface de Jean Merlin !

2- REVUE DE PRESSE de Jean Merlin

Avec sa verve et son vocabulaire fleuri, Jean Merlin a mené une revue de presse contre une grande corporation magique en visant plus particulièrement son ex président.

Photo : Franck Boisselier.

Ci dessous, le texte de Merlin en intégral :

"Bon, il est question maintenant que je fasse un monologue, moi je voulais pas le faire, parce que j'en ai marre d'être fâché avec tout le monde, mais bon, ce sont les jeunes qui ont insisté , avec un chèque, alors je me suis laissé faire, mais je ne suis pas dupe , je sais que j'ai tort, et j'ajoute que dans la vraie vie, je suis un type gentil, enfin j'essaie, je ne dis du mal que ; lorsque je suis payé pour ça. C'est ce qui me différencie avec certains membres de la F… Je sais que certains de vous enregistrent, moi aussi, certains sont même venus avec leur avocat, moi aussi.

Vous vous souvenez, l'année dernière j'avais annoncé mon départ et puis à la sortie une troupe de jeunes malfrats m'a proposé de remettre le couvert d'abord avec des menaces auxquelles j'ai été totalement réfractaire, puis quand ils ont vu que ça ne marchait pas, ils ont essayé le rêve. Ils m'ont dit que si je continuais longtemps je pourrais postuler à la place de président de la F… et ça, ceux qui me connaissent le savent : c'est tout ce que j'aime ! Devenir président à la place du président : je me présente my name is Iznotgood Merlin… quelle classe ! J'aurai ma photo dans le hall of Fame of french magic juste à côté de celle de Peter D.., mais légèrement plus grande et dans un cadre plus beau, juste pour le faire chier !

Après ils ont essayé la flatterie : le Souchet disant à la cantonade en faisant bien attention que j'entende : MERLIN, il a tellement de talent qu'il pourrait faire rire, rien qu'en lisant les statuts de la F… Et justement, vous allez rire, mais je les ai amenés avec moi ! Là, il y en a qui balisent…mais non, c'est pour rire ! Les statuts, depuis que Peter D.., s'en est occupé, faut une brouette pour les porter, et deux philosophes de gauche plus un jésuite pour les comprendre.

Je vais vous dire : Même si je vous le lisais sans faire aucun commentaire, il faudrait trois jours, sans compter qu'il y a des phrases dedans qu'on voit bien que même celui qui les a écrites ne comprend pas très bien ce que ça veut dire ! Alors moi à l'époque, j'avais demandéàêtre reçu en audience, eh bien, je vais vous dire, c'est plus compliqué que de voir le Pape ! Ah si, le pape, moi je l'ai vu sans problème, j'ai juste décroché un téléphone de courtoisie qui était sur grand pilier central de Saint-Pierre de Rome, j'ai pu lui parler directement ! Comme il ne faisait rien le soir et qu'il s'emmerdait à Castel Gondolfo, je lui ai payé le resto, après on a fait le tour des cabarets. J'ai honte de le dire, mais quand je l'ai ramené, on était tous les deux complètement bourrés. On s'est fait arrêter par un flic, mais bon, en civil, le pape on le reconnaît moins… heureusement qu'il a pu téléphoner à Berlusconnard, qui nous a fait aussitôt libérer !

Tout ça pour dire que pour voir Peter D.., c'est beaucoup plus compliqué :

Il faut écrire au secrétaire général, qui lui transmet la lettre aux deux vice-présidents qui, s'ils sont d'accord, proposent l'audience au monarque qui peut toujours refuser, même en démocratie, car la loi, dit que :

1- Peter D.. a toujours raison,

2- Si par extraordinaire Peter D.. avait tort, c'est quand même l'article #1 qui s'applique… enfin bref, pour donner à la F… l'allure d'une démocratie, la couleur d'une démocratie, il avait fini par accepter de me recevoir, et là c'est moi qui ai merdé :

Quand on arrive dans la salle du trône, toute pavée de carreaux blancs et noirs et qu'on aperçoit au fond le trône, avec les marche en or massif et un dais en brocard – le tout avec votre pognon – donc, quand on arrive on doit faire 3 révérences toutes espacées de deux pas…ah même la reine d'Angleterre n'en demande qu'une… et là , à cause de mes vieilles jambes, j'ai loupé la troisième révérence, alors le Bocassa de la F…à hurlé« Foutez moi ce con à genoux ! »

Moi j'ai refusé, parce que la dernière fois que j'ai demandéà une jeune personne de se mettre à genoux devant moi, j'avais une idée derrière la tête et je me suis dit que ce type pouvait avoir la même … Enfin bon, quand il a été calmé, je lui ai posé la question que j'étais venu avec : Majesté, Votre Grandeur, pourriez vous m'expliquer pourquoi que con ne comprend rien à la lecture des statuts ? Et il m'a répondu « Chien galeux, tu vas quand même pas m'apprendre mon métier : le jour ou les gens comprendront, ils vont s'apercevoir qu'on les nique et ça c'est la porte ouverte à tous les abus ! »… Et c'est vrai qu'avant Peter D.., les statuts, c'était le moyen âge ! On avait des statuts de merde, et ça c'est parce que les gens du conseil passaient leur temps à faire des tours de cartes ou des conneries comme ça !

Honnêtement, c'est sérieux ? Heureusement, comme Zorro, Peter est arrivé monté sur son cheval de bataille, qu'il a sobrement nommé« la copie », il a pris les choses en main et depuis, à la F… , les statues sont en bronze… En résumé : Avant c'était de la merde, maintenant on coule des bronzes, je ne vois pas bien la différence… On a des statuts que le monde entier nous les envie, malheureusement, y'a plus d'artistique, y'a plus QUE du juridique, mais bon, on ne peut pas tout avoir !

Donc, je ne vous lirai pas les statuts, par contre je vais vous lire le début de la page 4 du numéro 582 de la Revue qui est un modèle du genre ! C'est le compte rendu fédéral du 02.04.2011, Par Monsieur Christian G… secrétaire général en chef, et le dimanche première guimbarde au bagad de lambi Houé, un homme que je connais bien, que j'aime bien et qui, le pauvre, écrit ce qu'on lui dit d'écrire.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, il est à la F… ce que l'archange Gabriel est à la religion catholique : Par exemple chez les cathos, quand il y a un truc un peu tendancieux à dire , voire franchement limite, c'est pas dieu qui y va…il envoie Gabriel, qui est un ange très gentil, très beau, (on dirait Alain Delon en plus jeune et avec des ailes), et qui surtout fait preuve de beaucoup de sang froid, parce que pour annoncer à la vierge Marie qu'elle est enceinte, alors que l'autre sait très bien que ça fait plus de neuf mois, qu'elle ne s'est pas fait tromblonner, il faut avoir beaucoup de sang froid… Eh bien Christian G…, c'est pareil, mais à la F…Donc histoire de rigoler, voici le compte rendu fédéral du 02.04.2011

Bon au début ils recensent les gamelles et les bidons, ça n'a aucun intérêt, mais on arrive vite dans le gras avec : Questions diverses, genre la fréquence de la parution de la revue. Donc on va faire un test : quels sont ceux qui la lisent entièrement ? Donc on est bien d'accord…il est temps qu'on en parle. Alors, moi je dirais : la revue, oui, mais moins souvent, mais mieux faite …Pourquoi ? Je vais vous l'expliquer :

L'autre jour, j'étais chez un ophtalmo, il m'examine les yeux et tout de go, sans me connaître, il me dit : vous, vous êtes magicien, je lui réponds vous êtes le mentaliste ? Non, qu'il me dit, mais je lis dans vos yeux que vous lisez la revue de la P… alors moi, forcement j'étais sur le cul, je lui dis : comment vous faîtes ? Et quand il a vu que j'étais magicien, il m'a expliqué : la revue il y a dedans des pages, que quand on les regarde trop longtemps on risque d'attraper un glaucome. Alors, take it from me, y'a danger. Alors il me demande : au moins vous ne lisez pas les textes ? Non, non, moi mes pompes sont déjà cirées…donc on ne parlera pas d'Etaix aujourd'hui, il avait qu'à venir !

Paragraphe suivant, on arrive a un sujet comme Les titres à la F… Et c'est vrai que à cette période ou les cabarets ferment un par un, qu'il y a de moins en moins de galas bien payés, que les artistes sont pris pour des esclaves, voire pour du bétail comme dans certaines émissions télés, les titres à la F…, c'est un sujet brûlant ! Et en plus c'est l'enfer.

Ce chantier lancé il y a deux ans, n'a pas abouti ! Eh bien quand chantier n'aboutit pas, on le ferme ! Surtout que des titres on en a déjà, putain. Apprenti magicien, magicien, maitre magicien, et pour les très vieux comme Barbier « grand maître » magicien…Et c'est ça le nœud du problème, car les « francs carreleurs » on gueulé : ils on dit à Peter, ce sont nos grades A NOUS que vous avez piqué et donc toi qui passe ton temps à gueuler contre la copie, commence par revoir la tienne…et l'autre il est resté cloué, un peu comme Jésus. Sans déconner, il paraît qu'il s'entraine à marcher sur l'eau, et la question est quand il n'y aura plus d'eau, sur qui va-t-il marcher ? Bon ça va bien, actuellement, il fait ça au bois de Boulogne …et pourtant les titres de magiciens, c'est pas ça qui manque : vous me connaissez ; j'aime rendre service. Eh bien, j'en ai noté quelques uns pour le fun :

Magicien débutant, magicien médiocre, magicien nul, magicien à vomir, magicien à chier, magicien moyen, magicien faute de mieux, magicien normal, comme le président, magicien élu, magicien nommé, et président auto proclamé ! Donc voyez, avec un peu de bonne volonté, y'a pas besoin d'en faire un compte rendu !

Ensuite on arrive au bilan du congrès de Paris : 7000 Euros de bénef : une seule conclusion possible : j'ai pas demandé assez cher ! Faut le signaler c'est pas si souvent qu'il y a du bénef !…Ah ben là, il avait les mains dessus, c'est la première fois depuis 5 ans qu'on peut pas piocher dans la caisse …non je déconne, c'est pour rire !

Et on arrive au plat de résistance :

Statuts et règlements intérieurs. Voyez, vous aurez quand même un peu de statuts, c'est pour cela que j'ai choisi cette page là… Je me suis précipité dessus en me disant là, on va savoir à quelle sauce on va être mangés. Donc à partir de maintenant, je lis, parce que ça, même moi, avec toute ma mauvaise fois je n'ai pas eu le culot de l'inventer : Allez, comme dirait Jean-Luc Mélenchon : écoutez bien les amis parce que c'est difficile à comprendre. Même moi j'ai eu du mal…il dit ça Mélenchon.

Tout le monde a bouclé sa ceinture, on y va : Le conseil valide les modifications du règlement intérieur… formidable, mais nous ce qu'on aurait voulu savoir c'est QUELLES SONT ces putains de modifications, parce que sinon, c'est noircir du papier pour rien ! C'est du foutage de gueule !

Voyez à la radio le soir, jean Michel Apathique qui vient les poches qu'il a sous les yeux, bourrées de cotillons comme chaque soir et qui annonce : Le code de la route a été entièrement refondu. Et les contrevenants seront sévèrement punis Et démerde toi avec ça, les gens gueuleraient, et ben moi, je gueule, merde à la fin.

Et on arrive au congrès de Dunkerque et à nouveau Le conseil valide ! Et keskqu'il va valider ? L'édition par la F… du livre spécial congressiste. C'est un livre qui est super, ce ne sont que des dessins de Gilles Franzi qui sont magnifiques et plein d'humour, et là on a douze mecs qui se la jouent, qui prennent l'air grave et à qui on demande Et vous, monsieur Touchebirre : je valide, Peter, et c'est mon dernier mot. Alors je pose la question : Et celui-là de livre, (celui d'O.W…) Bordel de merde a-t-il été validé par le conseil avec ses pages 115 à 119 qui contiennent toutes des recettes de drogues pouvant être lues par des enfants ? Bien sûr que non, c'est un caprice du dieu-président qui par moments ne se sent plus pisser… parce que s'il utilise les recettes du livre c'est mieux qu'il ne fasse pas d'analyse d'urine …

Je me demande, d'ailleurs pourquoi dans les réunions où se jouent le destin de la F…, on ne fait pas faire avant aux élus une analyse d'urine, dans des tubes très petits, de façon à ce que les mecs se pissent sur les mains. Et qu'on me comprenne bien, je n'ai rien, ni contre O.W, ni contre son livre, j'ai d'ailleurs proposé des couvertures et si on m'avait demandé, emporté par l'élan, je l'aurais peut-être édité, Mais il y a une sacré différence : qu'un type comme moi édite ça, les gens l'auraient mieux accepté : ils auraient dit « tiens, voilà qu'après 50 ans d'alcoolisme et de tabagisme forcené, voilà que le vieux vient de virer sa cutie ! Mais bon, là c'est la F… qui édite…

Dans n'importe quelle société normale, si le président éditait un livre sur la drogue, on le foutrait dehors ! D'où j'en déduis que la F… n'est pas une association normale et ça induit une seconde question. A quoi sert le conseil si le président fait des trucs sans le consulter ?

Alors comme je ne savais pas quoi dire, j'avais demandé des idées à des amis et comme ici on peut projeter, on m'a conseillé de faire comme aux Oscars une séance sur les disparus de l'année, ça, ça fait toujours plaisir à ceux qui restent mais bon j'ai eu peur que ça plombe un peu l'ambiance !

Y'a quand même un départ qui m'a bien emmerdé, c'est celui de mon ami Jean Garance ! Ça je ne l'ai pas totalement digéré ! Jean, la seule personne du monde magique à qui je ne connaissais pas un seul ennemi ! Avec son appareil photo greffé sur le ventre, il était mondialement connu.

Au chapitre de la suisse, Pavel nous a quitté aussi et en France Edernac, j'en parlais avec Tabary qui me disait « eh oui, c'est triste, mais regarde, niveau cordes, y'a plus que nous deux »… et il m'a remis un tube de médicaments pour l'hiver prochain, si je m'enrhume. Merci Francis !

Enfin, hein, maintenant qu'on a un nouveau président, on espère que tout va s'arranger ! Vous êtes au courant au moins, vous savez qu'on a un nouveau président ? Mais non, pas ce faux mage de hollande, non …à la F… C'est un monsieur très gentil qui s'appelle Serge Odin. Son papa faisait déjà de la magie il s'appelait Robert ! Et Robert Odin pour un magicien, c'est un nom prédestiné ! Et en plus, il a un vrai métier : il est toubib ! ca, à mon avis, ça a du aider. Dans l'état de délabrement dans lequel sont les gens du conseil, -pas tous, pas tous, mais enfin dedans y'en a certains qui sont déjà morts et qui ne le savent pas – ils se sont dit : si l'un de nous a un malaise à la lecture des statuts, il pourra toujours nous prodiguer les premiers soins, c'est pas con comme remarque, encore qu'à titre personnel, à choisir, pour le bouche à bouche, je préfèrerais Caroline M…, dont j'ai aussi bien connu le père : Groucho Marx, et détesté son oncle Karl mais bon après c'est l'affaire de chacun !

Voilà, ne comptez pas sur moi pour dire du mal de Serge Odin, vu qu'il n'a encore rien fait. Non, je garde ça pour, si dans 3 ans il n'a toujours rien fait, mais pour l'instant non… Je vais le laisser aller à Blackpool.

Par contre faudrait pas qu'à l'entrée, au moment où il va se présenter aux vigiles en disant « I'm the président of tous les français », il se fasse arrêter comme imposteur : Le président de tous les français, bouffi, il est passé il y a 5 minutes, allez, embarquez moi ça ! En un mot, je ne voudrais pas qu'il se fasse blackpooler … A ben c'est de là d'où vient l'expression ! Parce que l'autre il a tout les culots, il ne s'en ira jamais : c'est le Jack Lang de la F… ! C'est un mec, il est chez lui partout. A la fin, avant que je ne le vire, même chez moi, il était chez lui. D'un côté c'était pratique, il pouvait indiquer les chiottes aux amis, il recevait les invités, des fois même, il les invitait lui-même sans m'en parler ! Bref, j'ai du mettre un terme. Mais bon il n'a pas compris, il est tellement à côté de la plaque c'est devenu un homme politique.

Et pendant qu'il faisait élire Serge Odin, grâce à un procédé totalement totalitaire et complètement anti-démocratique, dans l'ombre, il faisait la retape pour entrer à la Fism, comme vice président à la place de Gerrit B…, a qui il fait cadeau du tube de médicaments que je lui avais remis, car moi je ne suis jamais malade l'hiver c'est pour ça qu'il a cédé la place, par calcul, parce que sinon, il serait toujours là ! Mais la douleur m'égare !

Il est temps de revenir à des choses sérieuses : la lévitation par exemple puisque c'est le thème qui a été choisi cette année par les gens du Collectoire. Donc la première lévitation suivie d'une asrah a été réussie par un certain Jésus de Nazareth qui a même appris le truc à sa propre mère qui l'a fait bien avant Melinda, puisque c'était 2000 ans avant D.C (David Copperfield), mais l'histoire est tellement compliquée, que je préfère laisser la place à des spécialistes.

Mesdames et messieurs, merci de votre aimable attention et maintenant, place à la raison, au spectacle et à la vraie magie, celle qui fait plaisir. J'ai la joie de vous présenter Monsieur Claude De Piante, grand maître de l'ordre du Scarabée jaune et il est accompagnéà la ville comme à la scène, par madame Aude Lebrun sa compagne. Bonne journée à tous, et que le meilleur gagne !"

3- LA LEVITATION

Compagnie du Scarabée Jaune

Nous entrons de plein pied dans le sujet avec un numéro de la compagnie du Scarabée jaune, propriétaire des lévitations Yogano. Une façon très originale d'appropriation et d'interprétation de classiques, dans une mise en scène qui justifie les différents procédés.

Photo : Franck Boisselier.

Les époux Blatte (Jack et Eve) saluent le public et proposent de tenter une expérience grâce à une fiole contenant un liquide hallucinogène. Une personne de la salle est invitée à monter sur scène et à tenir un sac en velours noir. Jack place une cuillère dans le sac et tord l'autre à vu, en utilisant la télékinésie. Par l'intermédiaire d'un courant fluidique, la cuillère dans le sac se retrouve, elle aussi, pliée.

La fiole est à nouveau montrée au public. Elle contient « l'énergie de demain » ; l'analium energitas. Le spectateur sélectionne deux ampoules au choix. Au son du cri d'Eve, les deux ampoules éclatent.

Photo : Franck Boisselier.

Jack se place derrière un grand bouclier (le pantagramme) avec la fiole d'analium. Eve assise sur un tabouret entonne une chanson et Jack se met alors à léviter dans les airs. Par effet de vases communicantes, Eve se met aussi à léviter (tabouret Yogano).

Photo : Franck Boisselier.

Le problème de l'analium energitas est qu'il provoque des troubles mentaux et physiques. Démonstration avec une lévitation d'Eve entre deux bâtons, qui sont retirés (La Yogano). Eve redescend au sol, ce qui marque la fin de la séance.

Le Collectoire

Petit aparté avant de continuer à disserter sur la lévitation, Claude de Piante en profite pour parler de l'association Le Collectoire et de ses missions en présentant rapidement les différents membres du groupe (Gérard Souchet, Vincent Delourmel, Yohann Gauthier, Sébastien Bazou, Aude Lebrun, Claude De Piante, François Martinez et Christophe Boisselier).

Photo : Franck Boisselier.

Le Collectoire se donne principalement pour mission de collecter, répertorier, analyser le patrimoine des arts magiques et du music-hall. Il recueille les témoignages, documents et savoir-faire des artistes de ces arts afin de les mettre à disposition des chercheurs d'aujourd'hui et de demain, qu'ils soient artistes eux-mêmes ou bien historiens, sociologues, psychologues, etc.

Les 5 missions du Collectoire :

- Recueillir le patrimoine de la magie et du music-hall, ainsi que plus globalement le témoignage de ces artistes sur leur art, leur époque et les autres arts.
- Conserver, classer et répertorier ce patrimoine, ces témoignages ainsi que tous documents ou matériel pouvant concourir à cet objectif.
- Mettre à disposition ce patrimoine et l'ensemble des documents et matériel auprès des historiens, chercheurs et artistes présents et à venir.
- Encourager tout travail d'analyse et de recherche en ce domaine, à la fois historique, culturel, artistique mais aussi psychologique.
- Faire mieux connaître au grand public et au monde de la culture, les richesses de ce patrimoine et mettre à disposition des outils pour mieux le comprendre.

Jean Régil

Victime d'un AVC le matin même et transporté d'urgence à l'hôpital, Jean Régil n'a pas pu assurer sa conférence. Néanmoins, Jean Merlin a prit sa place et commenté son montage vidéo, retraçant diverses lévitations. Comme à son habitude Jean Régil à préparer avec minutie un montage inédit de vidéos organisées par chapitres (plus de 400 heures de travail). La presque totalité des images diffusées est introuvable ; de véritables découvertes !

- Dans une ambiance pharaonique, l'actrice franco-américaine Leslie Caron exécute une lévitation horizontale d'un homme qu'elle place dans un sarcophage.

- Dans son film Stardust memories (1980), Woody Allen exécute quelques tours de magie dont une lévitation d'une boule (l'acteur représenté en enfant) et une lévitation horizontale d'une femme dans un champ en pleine air avec le passage d'un cerceau.

- Le film My Magic (2008) d'Eric Khoo, est le fruit de sa rencontre avec un magicien de Singapour, qui dépeint les complexités de la relation d'un père et d'un fils. Cette histoire s'inspire de la vie du magicien Francis Bosco, qui dévoile au réalisateur les dessous de son métier (depuis 15 ans) et, plus personnellement, les difficultés rencontrées avec son fils. L'extrait nous montre une lévitation horizontale utilisée comme une apparition.

- Dans le film Hans Christian Andersen (1952) de Charles Vidor, nous voyons un ballet de danseuses (dont Zizi jeanmaire) léviter dans les airs grâce à des fils visibles !

- Dans le film Tout le monde dit I Love You (1996) de Woody Allen, une séquence montre le réalisateur faire léviter l'actrice Goldie Hawn sur les quais de Paris, Magique !

- Dans le film Odette Toulemonde (2007) d'Eric-Emmanuel Schmitt, l'actrice Catherine Frot, en train de lire, lévite de son siège et à l'épaule d'Albert Dupontel.

- Dans son Magic show (1985), Orson Welles, sous les traits d'Abu Khan, exécute une lévitation horizontale. Une femme apparaît, puis celle-ci, couchée sur le dos, se met à léviter grâce à un ballon gonflé d'hélium. Un homme monte soudain sur scène et fait éclater le ballon d'un coup de révolver. Le mage prend alors une flopée de ballon pour rapatrier la femme dans les airs et la faire disparaître au dessus de la scène. Le trublion est alors hypnotisé par le mage. Celui-ci est en fait assomméà coup de maillet par un assistant qui se trouve derrière le rideau de scène.

- Dans le film The Magicians (2007), ont voit le duo comique Robert Webb et David Mitchell lors d'un concours de magie, oublier leur partenaire dans la boîte de « la femme découpée en deux ». Ensuite, une scène montre l'un des comiques avec cette même partenaire, en train de faire des câlins dans une autre boite. Enfin, après la répétition scabreuse d'une lévitation horizontale, vient le temps de sa présentation sur scène dans une thématique « aérienne » ringarde.

- La fameuse suspension indienne d'un Yogi en pleine rue. Un classique.

- La suspension étheréenne de Jean Eugène Robert-Houdin (1847) reconstituée et présentée par Christian Fechner et Pierre Switon. Cette illusion mythique utilisait l'actualité de l'éther dans son rôle d'anesthésient. Robert-Houdin allait jusqu'à diffuser l'odeur, depuis les coulisses, dans la salle pour renforcer l'illusion.

- Lévitation sur balai du magicien péruvien Richiardi Junior (1973). Un chef d'œuvre de présentation plus fort que certaines lévitations totales. Le magicien est comme un peintre, appliquant des petites touches successives qui sont chorégraphiées dans les moindres détails. Le grand Orson Welles reprendra ce tour dans un de ses spectacles télévisés avec Lucille Ball.

Orson Welles et Lucille Ball.

- Robert Harbin présente une lévitation horizontale sur chaises dans un décor de jungle suranné. La femme, positionnée sur un plateau disposé entre deux chaises est maintenue en lévitation malgré le retrait du plateau et d'une des deux chaises.

Harbin présentant une autre lévitation en pleine air.

- Lévitation sur Tabouret de Christian Fechner. Le principe de Yogano revisité avec brio.

Photo : Patrick-Ghnassia. Collection Morax.

-Pole levitation de Jim Steinmeyer présenté par David Copperfield (1989). Dans une présentation japonisante, Copperfield, assis sur une banquette, lévite verticalement, sans assise, entre trois bâtons. Deux bâtons sont retirés et le corps du magicien reste en suspension.

-Zaney Blaney ladder Levitation exécuté par Lance Burton sur une plage en pleine air et en chemise hawaïenne, lors du Jay Leno Show en 2004. Cette lévitation horizontale, reprise notamment par David Copperfield, est une création de Walter « Zaney » Blaney depuis 1965. La partenaire est placée sur une planche recouverte d'un tapis, soutenue par deux tréteaux. Les deux tréteaux sont retirés et le corps lévite. Pour Jean Merlin, la meilleure version est celle de Rick Thomas.

-Andruzzi ascending levitation présenté par Bertran Lotth. La partenaire apparaît en lévitation dans les airs, elle s'élève en hauteur sous un drap et disparaît en Asrah. L'Asrah levitation est une invention du magicien Servais Le Roy datant de 1902.

-Flying présenté par Bertran Lotth dans le nouveau show du Futuroscope à Poitiers.

On peut rajouter d'autres lévitations cinématographiques à cette présentation comme celle de Margarita Terekhova orchestrée par le réalisateur russe Andrei Tarkovsky pour son film Le miroir (1975). Ainsi que la lévitation diabolique de l'exorciste (1974) de William Friedkin

Spontus / lévitation horizontale

La lévitation de Winston Freer restait une référence en matière de lévitation « impromptue ». Un concept solide, sauf que la partenaire était en réalité« préparée » sous sa grande cape.

La Spontus360 est la première lévitation au monde d'un spectateur non complice. Elle est aussi la seule qui se présente dans les conditions du close-up, c'est à dire complètement entouréà 10 cm des pieds d'une femme ou d'un homme ! Car n'importe qui peut s'allonger sur la table ; Toute la différence est là.

Photo : Franck Boisselier.

Olivier Guernion, dit Spontus a pensé son illusion dans les moindres détails :

- Portative et facilement transportable sur ses roulettes
- un design ovale pratique et stable
- Adaptée à toutes les morphologies
- Des matériaux « blindés »
- Pas d'électronique
- Visible complètement entouré
- Temporisation adaptée
- Différentes vitesses
- Hauteur réglable
- Mouvement de rotation
- Aucun bruit

Bref… Une Rolls !

Pierre Taillefer / Histoire des lévitations d'objets du Moyen-âge à 1900

Le très érudit Pierre Taillefer nous expose ses recherches qu'il a puisé dans divers documents, entre autre, à la BNF. Concernant les lévitations humaines, il n'y a pas d'explications dans les vieux documents et les sources sont douteuses.

- Richard de Montcroix (1300) décrit un homme qui marche dans les airs.
- Description d'une lévitation d'enfant dans un texte de propagande religieuse de Joseph Glanvill (1681, Londres).

- Les lévitations les plus connues se trouvaient dans les trucages des théâtres païens et chrétiens au XVème siècle. Tour de force ou réelles suspensions ? De la pure convention théâtrale en somme.

La première description d'une lévitation d'objet se trouve dans le livre des ruses (copie manuscrite de 1651, original vers 1300) avec la descente d'une flamme le long d'un fil translucide (la descente du feu).

- Thomas Betson décrit en 1500 la lévitation d'un œuf grâce à un cheveu de femme. Celà rappelle un célèbre tableau de Piero della Francesca, Conversation sacrée (1472), où un œuf est suspendu à la voûte par une chaînette comme en suspension. Une tradition religieuse de l'époque.

Conversation sacrée (détail).

- Le grand mathématicien Luca Pacioli décrit une pièce qui « glisse » sur la table.
- Richard Neve décrit une lévitation d'une bougie grâce à une corde de clavecin en 1716.
- Dans La magie blanche dévoilée (1784), Henri Decremps donne la description de la carte descendante le long d'un fil tendu sur le mur.
- Foulard volant de William Pinchbeck en 1805. Celui ci décrit un foulard qui poursuit le magicien grâce à des crins de chevaux !
- August Roterberg décrit en 1897 un voyage à vue d'une carte dans les airs. L'ancêtre de la carte boomerang avec un F.. et l'utilisation d'une houlette, intituléThe queen of the air (publié dans New Era card tricks).

Les vraies lévitations (totales) sont rares dans le répertoire magique ancien. On se sert souvent de duplicata et l'éclairage, que l'on maîtrisait moins, jouait un grand rôle dans la perception des phénomènes de suspension. Il faut donc plus parler d'animation que de véritable lévitation, comme l'effet devenu classique du bouchon volant

Jean Régil

Pour cette deuxième partie de conférence, c'est Dani Lary qui remplace au pied levé Jean Régil, toujours à l'hôpital. Dani s'est montréêtre un très grand connaisseur des lévitations et pour cause, il en a expérimenté un bon paquet ! Avec panache et érudition, il a décortiqué toutes les différentes façons de réaliser ces miracles, en nous donnant des détails techniques très précis.

Nous commençons « l'exposé» par la description des « machinerie » propres à certaines lévitations, manivelle et « col de cygne »à la clé. Différents systèmes nous sont présentés, cachés 80% du temps par l'opérateur. Dans le temps, les théâtres étaient truqués comme aux Folies Bergère par exemple.

Lévitation inspirée de Kellar par Charles "The Great" Carter.

- Lévitation sur jets d'eau de Doug Henning (1980). Après avoir produit de l'eau de ses mains, le magicien fait apparaître sa partenaire derrière une cape. Celle-ci est placée sur une ligne de jets d'eau et lévite. L'eau s'arrête et le corps lévite encore, jusqu'à redescende au sol.

-Super Simplex levitation de Robert Harbin présenté par David Copperfield en 1978.

- Dans le film A Haunting we will go (1942) avec Stan Laurel et Oliver Hardy, le magicien Dante exécute une Asrah, c'est à dire, une lévitation sous un drap qui finit par une disparition complète du corps dans les airs.

- Asrah comique par le magicien Fielding West, avec « le fameux » rideau à fils en fond de scène.
-L'enfant soulevé par les cheveux présenté par David Copperfield (1981-1986). Une lévitation magnifique inventée par le français MYKOG en 1978, elle-même inspirée par Hamilton et présentée sur la scène du théâtre Robert-Houdin en 1860.
-Lullaby levitation de Craig Dickens. Une superbe grande illusion, sensible et pleine de poésie qui met en avant une lévitation justifiée utilisant les barreaux du lit comme cerceau.
-Lévitation Kellar par Jean Régil. Une des très rares lévitations totales effectuées en pleine lumière !

Harry Kellar effectuant sa fameuse lévitation.

- Différentes photos de systèmes, structures et de harnais nous sont décortiquées par Dani Lary. Ces documents extrêmement rares proviennent de la collection de Melbourne Christopher.
- Lévitation horizontale de Kalanag à l'Apollo Varieté de Düsseldorf en 1958. Le magicien allemand mélange plusieurs trucages qui rendent l'illusion incompréhensible pour le spectateur lambda. Différents systèmes sont utilisés avec une grande subtilité. On commence par une catalepsie et une lévitation sur une planche (initialement placée sur deux chaises), pour finir par une lévitation complète.

Claude de Piante / Les trois voies de la lévitation

Lorsqu'on évoque la lévitation d'une personne, illusion au combien mythique, on peut se demander si les magiciens dans l'ensemble de leurs créations n'ont pas exploité trois voies.

La première concerne l'envol d'un corps dont l'aboutissement semble être le flying. Le vol de l'oiseau et l'homme en apesanteur sont évidemment, dans cette approche de la lévitation, les formes les plus parfaites, les modèles d'inspiration et l'objectif esthétique vers lequel il faut tendre.

Flying de David Copperfield.

La deuxième voie assimile davantage la lévitation à une sorte de catalepsie, une forme de transe mystique ou un sommeil magnétique ou onirique. Les interprétations sont plus mystérieuses et qu'importe la hauteur de la lévitation puisqu'elle n'est qu'une manifestation visible d'un phénomène plus large et plus mental dans sa source. Que serait alors le modèle apparemment le plus parfait de cette voie ? Pour rendre le phénomène le plus crédible possible, il faut pouvoir utiliser un sujet pris parmi les spectateurs, le placer en transe hypnotique, puis pouvoir le faire léviter au milieu du public et ceci sans aucun matériel apparent.

Water levitation.

La troisième voie consiste à donner à la lévitation, un autre sens que ceux déjàévoqués et à envisager davantage la lévitation comme une technique au service d'une narration. La lévitation sur jet d'eau procède de cette approche puisque le sujet semble porté par la force de l'élément liquide. Ce qui en soit est un prodige mais d'une autre nature. Nous pouvons pour simplifier dénommé cette troisième voie, le modèle des « machines », machines étant pris au sens le plus large possible. Car il s'agit d'utiliser une autre énergie que l'apesanteur ou le magnétisme psychique, un autre mode de traction ou d'attraction pour expliquer le phénomène de la lévitation.

Spontus / lévitation verticale

Avant de revoir Spontus, Merlin nous passe un extrait du dessin animéLà-haut (2009) des studios Pixar. On y voit une maison léviter grâce à des centaines de ballons multicolores. De la poésie visuelle qui va introduire parfaitement le numéro qui va suivre.

Photo : Franck Boisselier.

Spontus en magicien-explorateur arrive sur scène avec un énorme colis placé sur un diable. Il déballe l'affaire pour laisser apparaître une nacelle « Aéro-postal ». Il fait monter un jeune homme dedans puis gonfle un gros ballon. Le tout s'élève à environ 1 mètre du sol, le ballon se dégonfle et la nacelle redescend. Avec une présentation qui justifie l'effet et le matériel, on confine au conte de fée et on peut vraiment accrocher une histoire ! Une lévitation de nacelle de montgolfière qui a du sens et où la housse sert judicieusement de « base ».

4- OKON UBANGA JONES

Place au music-hall avec cet artiste burlesque, danseur, claquettiste et musicien qui a fait le lien entre le monde des magiciens et celui du music-hall.

D'origine Nigérienne, Okon Ubanga Jones est un artiste complet, qui a une vraie présence sur scène et qui sait emporter le public dans ses rythmes et dans son univers. En cela il peut être un exemple intéressant pour tous les artistes et notamment les magiciens, même s'il ne fait pas de tours. Il est avec nous parce qu'il représente ce qui nous manque parfois cruellement ! En tant que comédien il a travaillé pour les compagnies de théâtre britanniques les plus prestigieuses. Très jeune, aux Etats-Unis, il a pu côtoyer et travailler avec des grands noms des claquettes (John Bubbles, Howard « Sandman » Sims…), ceux-là même avec qui Fred Astaire venait secrètement confronter son art. Il a participéà maintes comédies musicales en tant que chanteur, danseur et claquettiste, notamment en Angleterre.

Photo : Franck Boisselier.

Dès son arrivé dans la salle, Okon crée une ambiance chaleureuse en emportant le public dans la communion avec la chanson Down by the Riverside, qu'il interprète à cappella. Il prend ensuite sa guitare pour entonner Country blues du saxophoniste Lou Marini et finit par une chanson du patrimoine que l'on chantait dans les champs de cotons.

L'incroyable présence d'Okon est le fruit d'année de travail et d'une façon d'être au quotidien. Car au-delà de l'artiste transparaît toute la générosité et la bonne humeur d'un homme humble et attachant. Sa prestation fut une véritable bouffée d'oxygène dans cette journée très dense. Une très belle découverte !

5- DANI LARY

En guise de teaser est diffusée la fameuse lévitation du piano, entourée d'un orchestre de 80 musiciens.

Jean Merlin présente son invité pour un talk show convivial et décomplexé, champagne et verres à la main comme à l'accoutumé. C'est une véritable surprise que de découvrir un Dani Lary disponible, simple, généreux et touchant, loin de l'image du magicien narcissique que beaucoup lui ont collé, à tort ! L'occasion est belle de mieux connaître ce personnage public jalousé et méritant au travers de son parcours de l'enfance à aujourd'hui.

Photo : Franck Boisselier.

Après une anecdote savoureuse sur le champagne Pommery et Greno, le talk show débute avec un diaporama sur les débuts de Dani Lary. Le magicien dit avoir commencé la magie vers l'âge de 8 ans, avec la boîte « Magie 2000 » de Kassagi. Il parle ensuite de son regretté père, marchand de meuble, ayant travaillé pour le général De Gaulle.

Une photo nous montre les différents camions et bus nécessaires pour les tournées. Cinq semi remorques et deux bus aménagés avec salon et « dortoir ». Le plus dur dans ce métier est de gérer une quarantaine de personnes au quotidien, d'où l'idée de bus entièrement équipés pour parer à la fatigue dû aux déplacements. Pour un jour de représentation, il faut compter trois jours au total. Pour satisfaire tout le monde, Dani Lary leur donne rendez-vous le vendredi soir à 22h. A 23h tout le monde dort, le bus roule la nuit, le spectacle se joue le samedi et le dimanche, retour à la maison après avoir dormi et mangé dans le bus !

Plusieurs photos se succèdent montrant respectivement le père, la mère, la sœur et le frère de Dani. Nous voyons également une peinture qu'il a lui-même réalisée étant enfant, une reproduction d'un tableau de Van Gogh représentant un groupe d'itinérant allant de ville en ville.

Dani lary enfant.

Vient les photos des débuts scéniques de Dani avec sa première assistante Marie-Noëlle, le tour des bougies excelsior, la maison de poupée, un numéro tiré du film Borsalino, et la malle des indes avec le personnage de Pierrot. On le voit ensuite en compagnie de l'actrice Anne-Marie Carrière et de Christian Vincent.

Revêtant l'habit du diable pour un série de numéros, Dani voulait trouver une justification et raconter une histoire autour de ce personnage symboliquement très fort inspiré de l'imagerie des diablotins entourant certains magiciens de l'âge d'or comme Carter ou Kellar. Dans la même idée, on le voit sous les traits de Dracula exécuter une lévitation. Une photo prise dans le cimetière de Génissieux ! Il s'inspirera fortement de ce personnage dans ses derniers spectacles et notamment pour La clé des Mystères.

Après ces débuts scéniques, Dani Lary écumes les cabarets en Suisse, en Allemagne et en Autriche et travaille sur les croisières. Pendant quatre ans il tient le rôle principal (une sorte de meneur de revue) dans un cabaret à Berlin nomméLa vie en rose. C'est là que Adam Meyer le voit et l'engage dans son cabaret de Kirrwiller en Alsace. Sous contrat avec deux numéros, Dani Lary va fournir au total une quarantaine d'illusions ! Il demandera souvent conseil à Jean Régil pour concevoir ses tours, lui demandant si l'idée n'a pas déjàété réalisée pour éviter tout plagia.

Parallèlement à ses représentations, Dani commence à fabriquer des illusions pour Siegfried and Roy et rencontre Patrick Sébastien qui l'engagera sur son plus grand cabaret du mondeà l'aube des années 2000. 15 ans de fidélité avec la création de 10 numéros par an !

Ensuite, tout s'accélère. Robert Hossein lui ouvre son théâtre Marigny en 2004. Il va y donner quelques représentations de ce qui sera son premier vrai spectacle. Mine de rien, c'est le retour de la magie scénique au théâtre, en tête d'affiche ! Fort de ce succès et de l'engouement du public, suivront des représentations au théâtre Mogador et des tournées au Japon.

Photo : Franck Boisselier.

2009 marque une nouvelle étape dans la carrière du magicien avec la conception d'un spectacle entièrement théâtralisé, « une comédie magicale » intitulée Le Château des secrets qui deviendra au fil du temps La clé des mystères. Tout est partie d'une réflexion et d'un constat. Les français, contrairement aux américains, sont horriblement cartésiens et omnibulés par le truc ! Cherche-t-on à savoir comment fonctionnent les effets spéciaux dans un film de Spielberg ? Non, parce que le spectateur est emporté dans l'histoire et ne fait pas attention à ce genre de détails. Il accepte la fiction et le jeu que lui propose le réalisateur tout en n'étant pas dupe de l'artificialité du procédé. Pourquoi ne pas appliquer cette réflexion à la magie scénique ?

Pour détourner l'attention des spectateurs, il faut raconter une histoire qui les tiennent en alène et se focaliser sur la présentation. L'histoire du comte du bois des Naix est inspirée d'un fait réel qui s'est déroulé près de chez lui dans la ville de Roman, dans le château où il jouait étant petit. Le comte de Naix se maria à 65 ans et perdit sa femme juste après. Sur ce fait, Dani Lary à construit un scénario romancéà base de malédiction et de « vampire » qui se croisent dans deux époques distinctes : le Gothique et le Baroque. Le conte apparaît comme une bête (inspiré des contes de fées) qui revit le même cauchemar de siècle en siècle comme Dracula. Au final, le spectacle est construit en blocks narratifs qui sont flexibles et interchangeables.

Une série de photo nous montre l'intérieur de l'atelier de Dani Lary avec son amas de décors en tout genre dont la reconstitution d'une bibliothèque, réplique utilisée par Robert-Houdin pour le tour des mouchoirs. Dani raconte sa rencontre avec la femme de Paul Robert-Houdin, architecte des monuments historiques, qui lui offrit 600 livres ayant appartenu à Jean-Eugène Robert-Houdin. Dans cette incroyable donation se trouve le carnet de note du fameux magicien qui passe également dans les mains de Christian Fechner. Il y a également une lettre qui semble « destinée »à Dani Lary, qui décrit le tour des 3 mouchoirs transformés en colombes exécuté devant le roi Philippe. A la fin du tour, une clé ouvre un coffre caché sous un oranger. Dans ce coffre se trouve une lettre avec marqué dessus : « Moi comte de Cagliostro, j'ai placé ce coffre 60 ans auparavant…» Ce « final » sera utilisé dans son spectacle La clé des mystères.

Dani Lary et Christian Fechner.

Revenons à l'intérieur des ateliers de Dani Lary, un hangar de 2000 m2 où ce trouve la réplique de la scène du plus grand cabaret du monde pour les répétitions de ses numéros. Ainsi, tout est callé arrivé au studio par un système de marquage au sol. Il y a même le double de la table où se trouve Patrick Sébastien ! Une photo nous montre une accumulation de fly cases, 400 au total, marqués avec trois formes géométriques simples de couleur : le carré rouge, le triangle vert et le cercle jaune. Ce système est étudié pour faciliter le travail des intérimaires et gagner du temps. Au total, il y a trois camions à charger à chaque fois avec un système de flèches numérotées de 1 à 50. Résultat : 20 minutes en moyenne pour charger un camion !

Un extrait vidéo nous montre son numéro de l'homme canon réalisé lors d'un plus grand cabaret du monde où la dérision et l'univers de Tex Avery servent une attraction classique avec Dani Lary jouant un bonimenteur espiègle.

Un deuxième extrait vidéo nous montre le tour Million dollar mystery créé par Steinmeyer pour Siegfried and Roy et judicieusement adapté ici dans un univers hindou avec la reconstitution en miniature du Taj Mahal d'où sortent 7 filles et un Yogi !

Dani Lary finit par présenter son équipe composée de 7 personnes salariés à demeure, dont 2 ingénieurs, 1 éclairagiste, 1 peintre, 1 menuisier et 2 secrétaires.

Questions de Jean Merlin : Pourquoi ce nom, Dani Lary ? Réponse : Un nom « simple » choisit vers l'âge de 11 ans par Hervé Bittoun (son vrai nom et prénom) et sa sœur.

Questions de Jean Merlin : Ton fils (présent dans la salle) fait-il de la magie ? Réponse : Il a longtemps fait un rejet de tout ça mais a joué ma doublure dans l'un de mes numéros.

Au final, ravit d'être parmi nous, Dani Lary s'est avéré touchant et d'une grande sensibilité. Il est étonnant de voir l'importance qu'il accorde aux critiques qui le « démonte » gratuitement sur un célèbre forum magique. Un cri d'alarme émouvant pour quelqu'un qui a travaillé dur pour en arriver là où il est, méritant sa place plus que quiconque. Conscient que personne ne naît de rien, il rend un émouvant hommage à Jean Régil à qui il doit tout. La salle applaudie debout cette intention salutaire.

6- PIERRE ETAIX

Nous y voilà enfin ! Après quelques soucis de planning, nous sommes prêts à accueillir une légende vivante. Pour cette occasion, Georges Proust a gracieusement mit à disposition son musée et accueillit l'équipe organisatrice avec une extrême gentillesse. Une soixantaine de passionnés ont put assister à une entrevue unique et exceptionnelle avec l'immense Pierre Etaix. Il est vrai que les superlatifs manquent pour décrire cet artiste hors normes, véritable homme orchestre qui a marqué aussi bien l'art clownesque que le cinéma comique avec la même maestria. Son talent étant à la mesure de son humilité. Tantôt espiègle, tantôt farceur, le maître du slapstick à la française va nous faire passé un moment inoubliable en compagnie de l'inénarrable Jean Merlin qui a conduit ce talk show de main de maître.

Photo : Jérémie Kerling.

Présentation

Après avoir été appelé d'urgence en « Union Soviétique » le 26 mai 2012, Pierre Etaix est bien là ! Merlin en profite pour remercier Georges Proust pour son accueil et Bernard Bilis pour sa contribution et aux documents introuvables qu'il a fournit pour l'occasion. Merlin a demandé une fiche de présentation à Proust pour introduire Pierre Etaix et commence par ces mots : « Né en 1652 à Buenos Aires, sur un parking […] A 12 ans, il mange plusieurs de ses camarades […] Mais c'est pas votre fiche ça Pierre ! C'est celle de Peter D.. » (Private joke en rapport à la revue de presse de Merlin décrite plus haut).

Rien de mieux que de commencer à ce servir un petit canon avant de commencer un talk show, cela devient une habitude ! Jean Merlin sert du Lagavulinà Pierre Etaix (à l'écossaise avec une goutte d'eau) et du Champagne pour sa femme Odile. Les gosiers rincés, on peut entamer la discussion.

Merlin, Bilis et Etaix.

Néà Roanne en 1928, Pierre Etaix étudie le vitrail avec le maître verrier Théo Hanssen. Très tôt attiré par le dessin, il a pu côtoyer l'ami de son père qui était un peintre cubiste ayant travaillé avec André Lhote. Le dessin n'est qu'une des cordes de son arc. Egalement cinéaste, sculpteur, peintre, écrivain, magicien, affichiste, artiste de cirque, Pierre Etaix est un touche à tout. Il n'y a que la cuisine qu'il ne sait pas faire, rétorque t-il amusé. Modeste, il ne se considère pas que un professionnel mais comme un amateur dans beaucoup de domaine. Le professionnel est, selon lui, celui qui va passer 10 heures par jours à travailler un détail. Bernard Bilis notera quand à lui, le « professionnalisme » d'Etaix dans sa façon d'aborder les différentes disciplines artistiques où l'on reconnaît toujours sa touche personnelle.

« Je ne crois pas être un créateur. Je ne crois d'ailleurs pas vraiment à la création. On reprend des choses qui existaient déjà. Degas disait qu'il n'avait jamais mis de passion dans ce qu'il avait fait mais qu'il avait beaucoup travaillé ! Si je ne crois pas en la création, je crois que le travail artistique porte en soi sa valeur. Et pour moi c'est essentiel. Il faut rechercher la perfection formelle. »

La magie

Pierre Etaix aborde ensuite le domaine de la magie et dit toute son admiration pour le prestidigitateur Jean Valton qui a développé des principes brillants de manipulation. De son vrai nom Jean Levaton, cet ancien professeur de mathématiques s'est spécialisé dans la manipulation de cartes. Un extrait vidéo le montre en train d'exécuter le fameux tour du bonneteau avec 3 cartes.

Jean Valton.

Pierre Etaix rebondit sur cette séquence pour parler de la règle de 3 qui est la règle d'or dans tous les domaines artistiques. Lui-même l'a appliqué au music-hall et au cinéma dans la construction de ses gags. Dans un premier temps, on trouve une idée, une situation : c'est l'exposition. Dans un second temps, on développe cette idée. Le troisième temps c'est la conclusion et la surprise. Fin de la digression et retour à la prestidigitation.

Hardy l'enchanteur (Collection Hjalmar).

C'est à l'âge de 5 ans que Pierre Etaix s'est intéresséà la magie, en voyant sur scène un magicien exécuter le chapeau de Tabarin et la boîte au dé baladeur. Ce même magicien nouait deux foulards et les nœuds voyageaient. Plus tard il rencontra Hardy l'enchanteur qui lui montra un filage de carte « en vol » et une disparition de foulard au FP. Il retiendra surtout une de ses phrases : « Ce qui est important en magie, c'est d'apprendre à exécuter le tour et non d'en connaître le secret. »

Le magicien qui l'étonna le plus fut Rezvani et ses coussinets de la princesse. Il garde un souvenir émut de cette soirée de 1949 au Théâtre de l'Empire. Hardy l'enchanteur lui fit aussi grande impression avec sa chasse aux pièces, ses apparitions de bocaux et le tour de l'eau dans le cornet de papier, que Pierre Etaix a longtemps pratiqué.

Le Slapstick

Le terme Slapstick est intraduisable en français. Littéralement, c'est le bruit de la batte (stick) qui donne la gifle (slap). Dans ce genre de gag, il y a un effet de surprise, une chute. Cela peut-être la conclusion ou la répétition de ce fameux troisième temps décrit plus haut. Pierre Etaix prend l'exemple de Buster Keaton, son maître, où chaque gag est construit comme un scénario dans un schéma presque mathématique. Il pense notamment à cette fameuse séquence d'anthologie de Steamboat Bill junior (1928) où la façade d'une maison lui tombe dessus par l'ouverture d'une fenêtre ! En ce qui concerne Laurel et Hardy c'est du Slapstick déguisé dans la gratuité des gags et l'étirement du temps.

Jerry Lewis, l'alter ego.

Pierre Etaix est avec Jerry Lewis, l'héritier du Slapstick. Pour lui, le son est aussi important que l'image (comme disait Bresson). L'utilisation de la bande sonore doit être travaillée minutieusement, à part, comme une partition. Tati inaugura cette optique avec Les vacances de Monsieur Hulot (on se souvient de cette fameuse porte qui grince) et Etaix travaillera le son comme un orfèvre dans ses films à suivre.

Buster Keaton, le maître.

« Le plus grand pour moi reste Buster Keaton. Mon ami l'auguste Jimmy Beck avait pu travailler avec lui quand Keaton était venu au cirque Medrano dans les années 50. Il était épaté par ses prouesses techniques comme le fut d'ailleurs mon ami Willy Dario. Eleanor Keaton m'a appris que Buster avait été enterré avec dans sa poche un jeu de cartes. C'était lui qui lui avait demandé en lui disant : Après tout, je ne sais pas sur qui je peux tomber…»

De l'illustration au music-hall

Etaix monte vite sur Paris pour vendre ses illustrations et ses dessins humoristiques qui sont publiés dans la revue du Rire. Il travaille également comme décorateur de vitrine. Parallèlement il écume les cabarets parisiens (Le cheval d'or, l'Olympia, l'Alhambra, les 3 baudets …) avec un numéro de music-hall où il joue de la mandoline et enchaîne une série de catastrophes sans fin avec une chaise et un costume en loque. Un comique visuel fonctionnant sur la « mécanique du pire ».

Un extrait vidéo nous montre Etaix avec Jean Preston dans un sketch télévisuel chez Jean-Christophe Averti. A la question de Preston : « Pourquoi ne faites vous pas plus de télévision ? » S'en suit des situations comiques, où le montage occulte certaines démonstrations de magie comme la manipulation de dés à coudre et de cartes par Etaix lui-même. « Le gros plan c'est formidable », sauf qu'en réalité on ne voit rien des manipulations ! Le téléphone se mêle à la partie pour perturber l'échange entre les deux hommes, jusqu'à la chute et l'explication final coupée du son.

Le cirque et le clown

Passionné par les clowns, Pierre Etaix se lance dans l'aventure avec son premier partenaire Nino Fabri. Un extrait vidéo les montre tous les deux dans un numéro de chez Gilles Margaritis intituléNino et Léo. Un deuxième extrait vidéo montre deux collègues acteurs de Pierre Etaix, Emile Coryn et Willy Dario, improviser « l'entré du miroir (brisé) ». Un joli numéro tout en symétrie sur un schéma reprit de Max Linder dans son film 7 ans de malheur (1921).

Pierre Etaix et Annie Fratellini.

Etaix parle de ses modèles : Grock qui était « un monstre » aux multiples talents (danseur, acrobate, jongleur…) et surtout le clown franco-espagnol Charlie Rivel, moins « technique » mais plus humaniste et émouvant. Une véritable « horloge suisse » dont la devise était : « Je prend un rien et j'en fais un monde ». Un extrait vidéo nous montre Rivel essayé de soulever une chaise qui lui tombe sur le front. S'en suit une série de gémissements et de charabias comiques avec l'apparition de Pierre Etaix en clown à la fin du numéro.

« Un grand clown, c'est un homme gentil et innocent. Tout le monde rit de lui, mais il est plus intelligent que les autres, car c'est plus difficile de faire l'imbécile que l'homme intelligent. » Charlie Rivel

Etaix épouse Annie Fratellini, fille d'une illustre famille, et travaille avec elle dans les cirques. Celle-ci détestait ce milieu à cause de son père Victor qui l'obligea à faire ce métier. Malgré tout, elle reste une figure emblématique et la première femme à jouer l'auguste.

Charlie Rivel par Pierre Etaix.

Un extrait vidéo nous la montre en train de se maquiller et d'expliquer devant la caméra la symbolique des couleurs : blanc, rouge et noir. Un deuxième extrait vidéo nous montre son numéro en auguste avec Pierre Etaix en clown blanc. Elle joue les troubles faits en jouant un petit air d'accordéon ou de trombone. Les deux clowns entament un duo au saxophone et clarinette avec une chaise farceuse qui fait chuter à mainte reprise l'auguste. La scène se termine par un peu de magie et la silhouette assise d'Annie Fratellini sans la chaise pour la soutenir. Le couple repart ensemble dans les coulisses. A la vue de ses images d'archives on a senti Pierre Etaix très émut, sa femme l'ayant quitté d'un cancer en 1997.

En 1971, Pierre Etaix fonde avec Annie Fratellini l'Ecole Nationale du Cirque. A l'époque, l'état du cirque était catastrophique. L'urgence de la mission était de « redresser » le milieu en formant environs 300 élèves avec les meilleurs « profs » de l'époque.

Le théâtre

Il signe sa première pièce de théâtre en 1985 avec L'âge de Monsieur est avancé. 2010 signe son grand retour sur scène avec Miousik Papillon, un spectacle de music-hall entre clown, cinéma et jazz convoquant le burlesque, le mime et l'absurde. Malheureusement, le spectacle a du mal à tourner, victime des préjugés d'une certaine intelligentsia culturelle jugeant l'image des clowns ringarde.

Miousik Papillon.

Jacques Tati

C'est en 1958, lors de la production du spectacle Jours de fête à l'Olympia, que Pierre Etaix rencontre Jacques Tati. Invité chez lui, Etaix lui montre une sacoche remplie de dessins, Tati les regarde longuement et lui dit qu'il possède un grand sens de l'observation et du gag. Après lui avoir posé quelques questions et l'avoir démotivé sur le métier de comédien, il lui propose de travailler sur le scénario de son prochain film (Mon Oncle) et de lui «écrire » les gags. Très vite Pierre Etaix sera au four et au moulin, tantôt accessoiriste, assistant réalisateur et figurant ; Tati profitant de lui pendant une bonne année sans le payer !

Affiche du film Mon Oncle de Jacques Tati par Pierre Etaix.

Etaix qualifie Tati de grand sympathique, d'un cinéaste qui avait un grand sens du comique, qui était perfectionniste et passionné dans ce qu'il entreprenait. Il a marqué de son emprunte le cinéma comique mondial.

Robert Bresson et Kassagi

Pierre Etaix collabora en tant que figurant dans le chef-d'œuvre de Robert Bresson Pickpocket. On peut justement parler de « figure » dans l'œuvre du cinéaste janséniste tant l'acteur y est rejeté. A mainte reprise, Bresson a décrit son système de « jeu » en employant le plus souvent des « comédiens » non professionnels (lire à ce propos Notes sur le cinématographe). Le récit de l'expérience de Pierre Etaix va dans ce sens. Il décrit Bresson comme un homme d'une élégance et d'une prestance rare qui considérait la réalisation d'un film ennuyeuse, où seul l'écriture avait toute son estime.

Kassagi et Pierre Etaix (à droite) dans Pickpocket de Robert Bresson.

Comme tout créateur exigent (Fellini, Tati), Bresson était un « doux » tyran, sachant tirer le maximum de ses « modèles », comme il aimait à les appeler. Un sadisme qui servait, au final, le film pour aller au bout des choses et en tirer la substance même. Dans les scènes où Etaix apparaît comme pickpocket, le réalisateur ne lui donnait aucunes indications de jeu, il ne savait pas quoi faire. Juste quelques remarques du genre : « regardez le fort (à Kassagi), pas un regard dur, un regard FORT ! ».

C'est sur ce film que Pierre Etaix rencontre le magicien pickpocket Kassagi. Il est très vite fasciné par son culot. Après nous avoir raconté une anecdote savoureuse, Etaix termine son évocation par cette phrase : « C'est dans la psychologie que tout ce passe ». Une vérité sortie de la bouche du magicien tunisien qui s'était fait assurer ses mains 5 millions pièce.

Le cinéma

De 1963 à 1971, Pierre Etaix signe cinq longs métrages. La réussite de son premier long-métrage, Le Soupirant (1963) va le révéler définitivement comme un auteur comique de tout premier plan. Yoyo (1965) sera son chef-d'œuvre. À son art incomparable du burlesque, le cinéaste y ajoute une poésie très personnelle, visuelle et sonore, liant avec beaucoup de subtilité le rire et l'émotion. Un grand film initiatique et emphatique sur la perte de l'innocence et l'éternelle jeunesse. Avec Le Pays de cocagne (1971), Etaix croque un portrait sans complaisance de ses contemporains, mais le film est un échec public et critique qui ne restera que 10 jours à l'affiche. Voulant traiter d'un sujet d'actualité brûlant (l'après mai 1968), Etaix s'est fait descendre par la chaîne de radio Europe 1 qui conditionna toute la presse dans ce sens.

Pierre Etaix exécutant le tour des anneaux chinois dans son film Yoyo.

Son avant dernier film J'écris dans l'espace (1989) est une expérience douloureuse et frustrante. Commandité par la géode de la Villette, ce film en Omni Max (relief à 180°) a du être bouclé en 15 jours (au lieu de 6 mois, en temps normal). Etaix dû résoudre une montagne de problèmes techniques (11 points sonores à gérer ainsi que le rythme des images qui défilent). Le réalisateur en profite pour parler de la technique des nouveaux procédés 3D qui est, la majorité du temps, employée à faire une démonstration qui ne sert pas l'histoire.

Au cinéma, Pierre Etaix s'est construit un personnage sur les bases des grands cinéastes du muet tels Chaplin et Keaton qui ne jouent pas un rôle mais incarnent leur propre personne. Pierre Étaix compose ainsi un personnage marginal et rêveur doté d'une élégance naturelle, sans cesse confrontéà un monde moderne qui ne veut pas de lui, dont l'archétype est Yoyo.

Dessin de Charles Chaplin en Dictateur extrait de l'album Stars Système. Un livre de dessins incroyables où Pierre Etaix rend un hommage aux grandes stars du cinéma. Les règles : une feuille de papier quadrillée à petits carreaux et un crayon sur laquelle il faut suivre le bord des petits carreaux ou les traverser en diagonale. On peut mettre un point, mais seulement a l'intersection de 2 lignes. On peut noircir ou griser les carreaux. C'est tout !

Jean-Claude Carrière

Etaix rencontre Carrière chez Tati. Carrière, ancien prof d'histoire, venait d'écrire son premier roman et un essaie intituléLe journal du promeneur, d'après le film Les vacances de Monsieur Hulot, alors que Pierre Etaix en avait réalisé les illustrations. Très vite les deux hommes sympathisent et se trouvent des points communs dans l'adoration du cinéma comique américain et du Slapstick en particulier. C'est d'ailleurs Carrière qui fait découvrir Buster Keaton à Pierre Etaix et qui lui parle de son envie de faire du cinéma. Rupture (1961) sera leur premier court-métrage qu'ils coréalisent ensemble. Le début d'une belle complicité artistique, où ils élaboreront des gags millimétrés.

Photo : Stephane Lavoue.

Les projets inachevés

Plusieurs films écrits, travaillés et préparés par Pierre Etaix entre 1974 et 1986 n'ont jamais vu le jour, faute de trouver un producteur qui tienne la route et fasse confiance au cinéaste, mais aussi faute du destin.

-B.A.B.E.L avec Jerry Lewis son alter ego américain.
-Aimez-vous les uns les autres, où l'histoire de l'humanitéà travers le nouveau et l'ancien testament. Un projet déjà bien avancéà l'époque où Etaix travailla pendant 8 ans dans un studio àélaborer des trucages dans l'esprit de Georges Méliès. Mais le producteur Toscan du Plantier (du Plombier) n'a pas donné suite et Etaix n'a toujours pas de nouvelle à l'heure actuelle (rires).
-Nom de Dieu avec Coluche. Sous la pression des producteurs qui veulent absolument une vedette en tête d'affiche pour produire le prochain film d'Etaix, le réalisateur décide de faire appel à la grande star de l'époque dans une œuvre où le manichéisme est inversé. Coluche, quand à lui, voulait depuis toujours travailler avec Etaix et lui dit : « J'ai loupé Tati, je ne vous louperai pas ! ». Claude Lelouch avait trouvé un distributeur avec la Warner. Terrible coup du sort, quelque temps après avec l'accident de moto du comédien qui avorte le projet.

Photo : Stéphane Remael.

« De nos jours, on veut tout conserver, tout enregistrer. Mais qu'est-ce que la durée de vie d'une bande magnétique… Dix ans ? Bien sûr, on peut enregistrer sur d'autres supports. Mais le travail du temps fera son office de toute façon. Il faut accepter l'idée que les choses sont périssables. Le DVD c'est hermétique. Peut-être que la vraie culture est celle qui se perpétue comme celle du cirque. Elle est comparable aux traditions orales de l'Afrique noire. Cela fait 3000 ans que les Chinois ont inventé le cirque. C'est une longue histoire qui s'est perpétuée. Mais qu'en sera-t-il demain ? Qui peut le dire ? Les dinosaures ont bien disparu. Le spectacle avec et devant les spectateurs c'est la base. »

Conclusion

Après plus de deux heures d'entretiens et d'échanges, la soirée se termine par une séance de dédicaces et de photos. Pierre Etaix et sa femme Odile se montrent d'une grande disponibilité pour parler avec quelques spectateurs. De la vision artistique du maître jusqu'aux difficultés qu'il rencontre pour mener à bien ses projets. Une grande leçon d'opiniâtreté, de courage par cet artiste de 84 ans qui a su garder une incroyable fraîcheur juvénile et qui a gardé l'envie et l'énergie de monter ses projets. « Aujourd'hui, ce n'est pas simple de vivre avec ses croyances, mais il faut continuer coûte que coûte. »

A lire :
- Le JMMHD 6

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

JEAN MERLIN MAGIC HISTORY DAY 6 / MISDIRECTION - JAMES HODGES

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Temps de lecture : 40 min

6ème journée française d'histoire de la Magie

Pour la troisième fois consécutive, le JMMHD a lieu au Zèbre de Belleville avec cette fois ci un changement de taille puisque la journée se déroule en continue de 10h à 23h ; soit près de 10 heures en présence des grands maîtres de la misdirection et de leurs spécialistes. Une immersion totale, enfermés dans une salle regroupant des passionnés, pour la première journée ensoleillée depuis des mois ! Fait important, c'est la première année que les jeunes se sont déplacés en masse (une quinzaine tout de même) exhaussant les vœux de Jean Merlin.

Le programme, concocté par le collectif du Collectoire, est concentré sur un thème principal (la journée) et un talk show (le soir). Cette année place à la misdirection. Pour la première fois en France, le détournement d'attention sera décortiquéà travers l'étude des trois grandes figures de cet art, à savoir : Slydini, Goshman et Ascanio. Jean Merlin, Dominique Duvivier, Carlos Vaquera, Gaëtan Bloom et Laurent Beretta, évoqueront ces figures au travers de leur recherche, entre démonstrations et théories. Les interventions de l'historien Pierre Taillefer et du scientifique Pascal Morchain éclaireront la misdirection sous des travers encore jamais abordés au paravent. Nous aurons enfin l'unique chance de voir le champion du monde en titre analyser son numéro Baltass en live. Pour finir en beauté cette journée, particulièrement chargée avec ses douze intervenants, Jean Merlin mettra à l'honneur l'illustre James Hodges et ses multiples talents.

1- LA MISDIRECTION

Introduction par Claude De Piante et Vincent Delourmel

Au vu du nombre d'intervenants et des sujets abordés, le timing tentera d'être respecté et contrôlé par Yohann Gauthier (membre du Collectoire) qui fera teinter une cloche cinq minutes avant la fin de chaque intervention. Pour une meilleure visibilité, certains passages seront retransmis sur écran vidéo. Claude et Vincent annoncent aux participants que cette journée sera intégralement retranscrite dans un livre à paraître à la rentrée 2013, tiréà 200 exemplaires.

En guise d'apéritif et pour entrer dans le vif du sujet, il nous est projeté une vidéo du psychologue Richard Wiseman de sa série Quirkology / Curious Psychologie n°5, intituléLe miroir. Une banane posée sur un livre disparaît mystérieusement alors que son reflet reste dans le miroir.

SLYDINI par Jean Merlin

« Comme cela a été dit par Jean Hugard, Dariel Fitzkee et d'autres, la magie sans diversion n'est plus de la magie. Quand un magicien professionnel présente un tour, il sait qu'il doit tromper même les gens les plus intelligents. J'ai découvert que la misdirection rendait cela possible. Après de nombreuses années de labeur, de conférences et d'enseignement, j'ai trouvé un système original de diversion, qui a fait ses preuves.

Certains magiciens pensent qu'un faux mouvement d'une main est suffisant pour cacher le principal secret de l'action avec l'autre main. Ils découvrent souvent qu'ils se trompent. Quand j'ai commencéà enseigner, j'ai trouvé qu'il était difficile de faire comprendre quelque chose à mes élèves parce que je ne pouvais dissocier ma personne de mon esprit.

La misdirection n'est pas une entité séparée, une chose indépendante. On ne peut l'expliquer en quelques mots ni en de longues phrases. Elle est tissée dans chaque tour de magie. Vous pouvez remplacer la misdirection par un arbre. Le tronc retient les rameaux qui étalent de nombreuses brindilles, lesquelles à leur tour possèdent une myriade de feuilles, de fleurs et de fruits. Cet arbre est fait de milliers de feuilles, de centaines de brindilles, et d'une vingtaine de rameaux.

Si vous ne convainquez pas votre public que vous croyez vous-même en ce que vous faites, personne ne vous croira. Tout cela influence les idées des spectateurs. Si votre attitude n'exprime pas la croyance, ils verront immédiatement sur votre visage que ce que vous dites ou faites n'est pas vrai. Si, au contraire, vous arrivez à les convaincre que vous y croyez, ils vous suivront dans votre foi. Le corps, les mains, les yeux et la voix doivent être utilisés avec beaucoup de précision si l'on veut obtenir l'effet désiré au moment psychologiquement convenable.

Slydini et Chrystal Dunninger en 1950.

Comme la magie ne peut pas être menée à bien sans misdirection, elle ne peut être faite sans coordination. Vous pouvez faire disparaître un objet en utilisant seulement la diversion. Vous pouvez arriver aux mêmes fins sans synchronisation. Mais c'est seulement lorsque vous combinez synchronisation et diversion que vous parvenez à une véritable illusion, à un véritable effet magique. »

Avant propos de Tony Slydini dans son livre The Magic of Slydini, édité par Lewis Ganson en 1960.

Théorie

Fidèle à son habitude, Merlin ne peut s'empêcher de faire une vanne sur les tickets de boissons qui lui reste de l'année dernière et qu'il vend au rabais. Aborder Slydini demande un minimum de technique et de théorie qui sont incompressibles. Slydini était un homme bizarre, le premier à nommer et à exploiter la misdirection. Merlin raconte sa première rencontre désastreuse avec le maître lors d'un congrès à Barcelone, puis l'histoire d'amitié qui a lié les deux hommes par la suite. Plusieurs photos défilent et l'on voit Slydini chez Merlin en compagnie de Christian Fechner et Ludo. C'est à cette occasion que Slydini montrera quelques nouvelles passes de sa fameuse routine de boulettes.

Pour Merlin, il n'y a pas de détournement d'attention sans timing ; et c'est le timing qui manque souvent à la plus part des magiciens.

La magie de Slydini est essentiellement une magie de table basée sur trois techniques principales qui sont sa base de travail, techniques qu'il utilise aussi bien avec des pièces qu'avec des cartes :
- le lapping (qu'il est le premier à utiliser)
- Le Revolve vanish
- l'Imp-pass (ou passe du diablotin)

Slydini procède par simulation du système émotif du spectateur. Pour ce faire, il emploie trois stimuli : visuel, auditif et moral.

Le stimulus visuel se fait par le mouvement, le regard, l'abondance ou le manque d'objet. Le stimulus auditif se fait par l'affabulation, l'interrogation, le flux des paroles et la surinformation.

La théorie des temps forts et des temps faibles donne l'occasion à Jean Merlin de faire remarquer que les passes secrètes peuvent être exécutées dans un mouvement vers le haut, contrairement à ce que l'on peut penser. La notion de Robert-Houdin sur le fait que le regard du spectateur se fixe sur l'objet que l'opérateur regarde, n'est plus d'actualité, mais lorsqu'il n'y a qu'un objet visible, le regard se fixe naturellement dessus. Quand deux objets se déplacent en même temps, l'œil ne peut en retenir qu'un : celui qui va le plus vite. Le grand mouvement cache le petit. Il est aussi important de travailler son discours, qui est un bon moyen pour noyer le spectateur dans un flot de paroles, l'amenant à perdre son sens critique.

La misdirection doit apporter une satisfaction inconsciente au spectateur. Par exemple, on peut favoriser les éléments symétriques car le monde est organisé avec des signes simples. Remettre en place un objet bancal peut être « un bon geste motivé» pour exécuter une action secrète tout en ayant contenté le spectateur. Ou comme le fait Slydini, d'égaliser une corde qui à ses deux bouts inégaux.

Démonstrations

Place à la pratique en décortiquant les techniques du maître de la misdirection au travers de ses routines revisitées. Merlin fait venir deux spectateurs et explique l'Imp-pass, la notion de « timing » pour monter un objet lors d'un temps fort et d'un temps faible et se reposer dans la « zone sombre ».

Le système de Slydini est une succession de temps forts basés sur une phrase affirmative sur l'objet et de temps faibles en regardant le spectateur ou en l'interrogeant. Merlin démontre parfaitement ce système en exécutant une routine avec une bourse, six pièces de monnaie et une bague. Il nous montre son système de lapping avec un aménagement spécial de sa table par la confection d'une petite étoffe. La technique de base est le Han Ping Chien (décrite dès 1917 par Ladson Butler), ou plusieurs pièces enfermées dans la main gauche passent invisiblement dans la main droite et inversement. Passe qui est couverte par toute une série de phrases affirmatives (ex : « trois pièces dans chaque main »). Une des subtilités de Slydini est de disputer sournoisement le spectateur et d'en profiter pour exécuter une passe secrète. La routine de pièce de Merlin se poursuit avec les pièces à travers la table, qui utilisent l'Imp-pass, et le one coin routine de Slydini revisité avec l'apparition d'une poivrière et d'une salière (clin d'œil à Goshman).

- Un extrait vidéo rare nous montre Tony Slydini exécutéles cartes hélicoptères

Trouver une nouvelle trame pour un tour de cartes est une tâche difficile, mais Slydini a accompli cet exploit avec ses cartes hélicoptères, un tour de cartes inhabituel qui a diverti et mystifié plusieurs milliers de gens et de confrères magiciens.

Slydini demande au spectateur de mélanger un paquet de cartes, puis coupe le paquet en deux parts approximativement égales. Les cartes d'un paquet sont étalées, au hasard, sur la table, pendant que l'autre paquet est mis en éventail par le magicien qui demande au spectateur de prendre une carte, de la regarder et de la montrer au public. La carte est remise dans l'éventail, mais dépassant un peu à gauche. Il est demandé au spectateur de regarder autant de cartes sur la table qu'il le désire.

Ensuite Slydini demande au spectateur où se trouve la carte sortie et, bien entendu, c'est celle dépassant de l'éventail qui est montrée. Il insiste alors sur le fait que c'est une « carte hélicoptère » qui a la possibilité de sortir de l'éventail sans qu'on la voit pour voler autour de la salle et venir se poser sur la table. Bien que Slydini n'ait fait aucun geste suspect depuis le début du tour, le spectateur retourne une des cartes qui se trouvent sur la table et s'aperçoit que c'est celle qu'il avait choisie au départ. Le tour est répété plusieurs fois et à chaque fois il se produit le même effet.

James Hodges notera la position assise de ¾ vers le spectateur, qui donne un côté plus sympathique et agréable du magicien et accentue le naturel du tour.

- Pour finir son intervention, Jean Merlin nous montre sa Personnal Routine of Boulettes basée sur la célèbre routine de Slydini intitulée Les balles de papier dans le chapeau qui valurent au maître le prix du "Sphinx", pour le meilleur tour de l'année 1946. Jusqu'à sa mort, il améliorera considérablement sa méthode et sa technique de présentation jusqu'à présenter le tour debout et sans chapeau. « Les boulettes » deviendront sa marque de fabrique, tout un symbole.

Dans l'effet original, le magicien montre un chapeau vide, puis fait d'une serviette de papier une balle. Il fait ensuite des gestes avec la balle dans sa main, en direction du chapeau, mais on voit clairement que la balle ne tombe pas dedans, bien qu'elle disparaisse de la main. Il répète le tour trois fois, et toutes les balles disparaissent, alors qu'on ne les voit pas tomber dans le chapeau. Finalement, Slydini renverse le chapeau et les quatre balles en sortent et roulent sur la table.

Jean Merlin joue la carte du comédien plus que de magicien, se rapprochant du « ballet » des pickpockets. Il nous montre l'importance du placement du spectateur et le conditionnement qu'il lui impose dès le début de la routine en appuyant sur son épaule et en lui « bloquant » les pieds derrière la chaise (annihilant l'impulsion pour se relever). Le conditionnement à l'épaule permet de placer secrètement les boulettes dessus (dans un temps fort vers le bas) qui restent visibles à l'ensemble du public, contrairement à la routine originale de Slydini qui utilise la pochette du costume.

BALTASS par Yann Frisch et Raphaël Navarro

Nous avons eu l'honneur de recevoir Yann Frisch, le champion du monde de magie en titre, dans une intervention unique qui a vu son travail décortiquéà la loupe pour l'unique et dernière fois (exception faite d'une intervention au CNAC de Châlons en Champagne dans le cadre de la formation continue en magie nouvelle). Accompagné de Raphaël Navarro, créateur du mouvement de la magie nouvelle, qui est la tête pensante du duo.

Les deux partenaires ont décidé de mettre l'accent sur des séquences précises qu'ils vont analyser devant nous, aussi bien techniquement que théoriquement. Ils nous montrerons en exclusivité les rushs d'autres techniques qui ne figurent pas dans le numéro, mais qui font partie de leur processus de recherche. Baltass, ou l'héritage de Slydini revisité, dynamité, anamorphoséà l'extrême.

Pour commencer, place au numéro Baltass par l'intermédiaire d'une vidéo privée tournée à la FISM de Blackpool en 2012. Outre le numéro, vu mainte fois sur Internet depuis, ce qui frappe c'est la réaction du public, composé exclusivement de magiciens. A chaque passe des cris frôlant l'hystérie se font entendre. Il faut dire que la prestation de Yann Frisch fera date dans le paysage magique, une prestation de très haute volée plongeant le spectateur dans un état proche de l'hypnose.

Conception et Explications

Baltass est construit par séquences qui peuvent s'emboîter de façon différente, tout en gardant un parcours dramatique bien défini se terminant par une chute. Une sorte de partition qui produit une mélodie dissonante basée sur une rythmique millimétrée. Le chef d'orchestre Yann Frisch joue la carte du décalage et de la surprise qui jaillit là ou on ne l'attend pas. Avant de rentrer dans le vif du sujet, Yann nous montre l'envers de sa table afin de comprendre le dispositif technique pour accomplir ses « miracles ».

La première séquence qui va être passée au crible est celle qui voit se multiplier les balles rouges sur la table. Une des plus fortes du numéro, celle qui a le plus d'impact sur le public car ils ont vraiment l'impression d'halluciner. L'idée de Baltass est de jouer sur la tension des gestes, qui sont répétés plusieurs fois jusqu'à prendre le spectateur à contre-pied, à contre temps. La répétition crée un état d'ivresse, proche de l'hypnose, qui est ressenti par la plupart des gens.

Le positionnement en posture assise est analysé avec ses trois niveaux : sur le dossier, le dos droit, et sur la table. La position de base constitue la signature visuelle de Yann Frisch avec son avant bras droit posé sur la table et sa main gauche placée au menton. Le regard est périphérique et fixe l'horizon. Au niveau corporel, le personnage qu'interprète Yann peut se permettre beaucoup de choses. Il n'est pas restreint, ni prisonnier d'une posture précieuse aux gestes suspicieux. Ce code est défini dès l'apparition du personnage ce qui rend, paradoxalement, tous ses mouvements « bizarres » normaux.

Baltass procure une sensation de vitesse qui empêche le spectateur de reconstituer les techniques utilisées de l'artiste, volontairement noyées dans une surinformation gestuelle avec le minimum d'objets visibles !

La construction dramatique prend appui sur l'art du burlesque et de son mécanique du rire. En effet, on se surprend plusieurs fois à rire dans ce numéro, tellement certaines situations sont cocasses jusqu'à l'absurde, jusqu'à atteindre une sorte de surréalisme, de situation cauchemardesque avec son interprète dépassé par la situation, qui n'est qu'en réaction avec les objets. Lorsque le personnage se cogne la tête contre la table, il se produit une sorte de violence organique.

Le lapping dynamique

Raphaël et Yann parlent ensuite du concept de Lapping dynamique, esquissé avec le Fish act de Guilhem Julia et son apparition de poissons. Et là c'est la stupéfaction dans le public. Nous assistons à une redéfinition totale du lapping avec une gestuelle propre à la jonglerie qui s'appuie sur la perception cognitive. En clair, comment rendre un objet invisible qui se trouve physiquement devant les yeux du spectateur ? Avec cette méthode extraordinaire, mais oh combien difficile à réaliser, un objet peut « disparaître » l'espace d'un instant. Le principe de base n'est pas nouveau puisqu'il découle des recherches optiques du pré-cinéma (fin XIXème) et de la décomposition du mouvement avec la production de « jouets » comme la lanterne magique, le Phénakistiscope ou le Thaumatrope. Par contre son application dans le cadre de manipulations magiques est totalement neuve. Rien n'aurait été possible sans les recherches sur la perception de Raphaël Navarro et de sa compagnie 14:20, qui depuis une dizaine d'année redéfinissent une manière de « montrer » et « monter » des numéros où l'illusion reprend son pouvoir archaïque et enchanteur, où le réel est détourné dans son propre champ d'action. De ces recherches ultra-poussées découle la notion de « Cosmologie » qui se joue de la frontière entre le réel et le surréel. En partant du postulat que nous n'avons accès qu'à une partie de la réalité, tout devient techniquement possible.

Bien sûr, quelques magiciens ont tenté d'appliquer cette particularité mais sous forme embryonnaire comme Michael Ammar et son Topit.

Par exemple, pour faire fusionner deux balles en une, ou transposer une balle en bouche, il faut la combinaison de plusieurs facteurs : le travail des mains, le timing et la bonne distance entre l'objet et la table (la disparition est plus forte si les mains sont « décollées » du plan).

Les répétitions off

En bonus, nous avons eu le privilège de découvrir des rushs filmés au téléphone portable de certaines techniques. Comparable à des bouts d'essais, nous assistons à un passionnant travail de recherche ou la répétition laborieuse est gage de succès. Tous les paramètres sont travaillés pour obtenir la perfection et tromper la perception : placement du corps, vitesse, distance, plans. Le but est d'obtenir l'illusion en réduisant un maximum la vitesse d'exécution de la passe. Trouver le geste simple et juste dans le bon tempo.

Dans ces essais, nous découvrons médusés des passes incroyables comme si elles étaient le fruit des trucages cinématographiques issus des premiers films de Méliès, tant l'effet semble irréalisable manuellement sans l'intervention d'une « machine » !

- Faire disparaître et apparaître instantanément un objet dans les airs, comme cette disparition de balle, lancée derrière la table et l'apparition du gobelet au premier plan, dans un même mouvement de fondu enchaîné.
- Recracher une multitude de balle de sa bouche, utilisant la technique de l'anti-lapping.
- Produire des balles en rafale dans le gobelet.

Un des secrets pour réaliser ces passes réside dans la mémoire du corps à faire les choses à l'aveugle et d'appliquer, en partie, certains principes de « proprioception ». Il s'agit ici de retrouver une énergie du relâchement qui rendra la passe invisible aux yeux des spectateurs.

Nous avons assistéà un très grand moment de magie et à une leçon magistrale sur le geste juste. Le travail de recherches effectué par Yann et Raphaël illustre bien la phrase de Dai Vernon qui disait que l'on s'arrêtait toujours de penser trop tôt. Au travers des concepts forts, d'un travail fusionnel et complémentaire sans pareil, nos deux mages de la magie nouvelle nous ont ouvert des voies insoupçonnées et démontrés avec brio que l'art magique a un potentiel énorme qui ne demande qu'àêtre réveillé. Même expliqué, le travail sur Baltass ne perd rien de son pouvoir d'attraction, au contraire, il en devient encore plus saisissant. Ces deux la n'ont pas fini de nous étonner et de nous subjuguer !

ALBERT GOSHMAN par Dominique Duvivier

« Certains magiciens n'ont que des tours. Albert Goshman a une personnalité et, en outre, son timing, son sens du détournement d'attention, ses rapports avec le public sont parfaits. Il n'est pas possible d'assimiler un tour en le faisant une seule fois. Il faut le répéter, encore et encore jusqu'à ce qu'il soit joué couramment. Il faut le travailler des milliers de fois avant d'arriver à le présenter sans réfléchir, jusqu'à ce qu'il devienne une seconde nature.

Albert a pratiqué les mêmes tours, inlassablement, jusqu'à leur complète assimilation. Il peut penser à tout autre chose pendant son spectacle, sans que personne ne s'en aperçoive. C'est seulement en suivant cet exemple que l'on peut espérer devenir un bon magicien. Fred Kaps, magicien de très haute qualité, admirait beaucoup Goshman. Il pensait également que seule la persévérante application à toujours répéter les mêmes gestes pouvait engendrer la perfection.

Dans ma jeunesse, Albert est venu un jour dans un Congrès à Colen dans le Michigan. Un journaliste du New York Times qui n'avait jamais participéà un congrès magique couvrit l'événement. Il décrivit ce qu'il avait vu : des adultes qui s'amusaient avec des dés à coudre, des foulards et autres objets de ce genre. Pourtant une seule chose valait le déplacement à ses yeux : un boulanger magicien qui changeait une vulgaire pièce de cuivre en une pièce d'argent. Il s'étonna dans son article qu'un tel homme ne soit pas engagé par le gouvernement à Washington.

A partir de cette époque, Albert commença à se faire une solide réputation avec ses tours de pièces, de balles éponge et la qualité de sa magie. A partir de la description d'un tour dans l'art de la magie de Nelson Downs où une pièce voyage sous divers objets placés sur table *, il a su monter une superbe routine avec sur une table dégagée seulement deux objets : une salière et une poivrière qui sont devenus son logo. Je pense que tous les magiciens auraient intérêt à bien étudier Goshman dans son œuvre et à apprendre comment se crée un aussi grand moment de close-up. »

Goshman par Dai Vernon (mars 1985).

* Information de Jean Merlin : Entre Nelson Downs et Goshman, il y a le Docteur Jack auquel Goshman se référait toujours. C'est le Dr Jack qui a eu l'idée de faire revenir la pièce toujours sous le même objet : une salière (car le nombre des objets créait, selon lui, la confusion. Et les gens attendaient le retour de la pièce, ce qui transformait le tour en challenge). Goshman a ensuite eu l'idée d'utiliser 2 salières...

Hommage

C'est pour rendre hommage à Albert Goshman, que Dominique Duvivier a décidé de réinterpréter à sa manière le fameux tour des salières. Duvivier rencontre Goshman en France en 1973, cet ancien boulanger ayant commencé la magie à 40 ans, est une des grandes figures du close-up avec Slydini, et un spécialiste de la misdirection. Il est devenu par la suite milliardaire en faisant une fente dans une balle qu'il vendait comme nez de clown. Les balles sont une autre marque de fabrique célèbre, avec leur commercialisation sous forme d'éponge de toutes les formes, de tous les calibres et de toutes les couleurs. Anecdote amusante, Goshman se tâchait souvent à cause de son embonpoint et s'habillait en blanc pour corser le tout ! Gaëtan Bloom et Jean Merlin embrayent avec leur propre expérience où ils certifient l'information avec l'histoire de l'hamburger et de la serviette mise à l'envers...

A propos de Slydini, Duvivier raconte une anecdote lors de leur rencontre en 1977. Après avoir travaillé le lapping façon « running gag » avec l'aide de Christian Fechner dès 1975, le maître voyant son travail lui dit : « Vous êtes conscient que vous avez ruiné ma vie ! Vous montrez comment fonctionne le lapping alors que moi, je l'ai caché toute ma vie. »

L'idée des salières de Goshman est de jouer sur un double duo : les deux salières et les deux spectatrices. Le postulat de départ étant : « il va se passer des choses dessous les salières et vous n'allez rien voir ». Duvivier propose aux spectateurs d'entrer dans l'univers de ce grand artiste en leur faisant (re)vivre son tour mythique en live. Pour se faire, Duvivier se substitue à Goshman, adoptant sa posture et sa gestuelle. Un gros travail a été réalisé en amont pour « copier » le maître et retranscrire au mieux le personnage grâce à la vidéo et à la « superposition » des deux silhouettes pour n'en faire plus qu'une. Au-delà de l'hommage, les gens vont apprendre à mieux connaître l'homme à travers une introduction où Duvivier brosse un portrait sensible de son maître. L'encrage se termine par une retransmission vidéo du numéro de Goshman datant du 2 février 1985. Le transfert s'effectue dans un fondu enchaîné de l'écran à la scène, dans un passé reconstitué pour l'occasion : « Nous sommes le 2 février 1985, nous allons être plus fort que la mort et revivre cet instant. Veuillez accueillir Albert Goshman…»

Le numéro d'Albert Goshman n'est pas facile à reproduire. D. Duvivier a fait un gros travail de reconstitution. Il s'agit du numéro de base des salières avec quelques variantes et une structure construite en crescendo. Duvivier part du principe qu'en magie, il faut des accessoires, ce qui l'amène à prendre des objets dans une mallette qu'il place sous la table entre ses jambes. Pour l'occasion, des salières sur mesure ont été réalisées et des principes secrets ont été utilisés ouvertement, notamment avec les pièces « collées » (comme pour le lapping running gagévoqué plus haut).

Au programme : Voyage de pièces sous un foulard. Chorégraphie en musique pour les pièces à travers la table. Apparition de la grosse pièce (la « botte de Nevers » de Goshman). A la fin les pièces et la bourse sont en or. Les balles éponges sous la soupière, inspirées de la routine de Roy Benson. Le tour de la pièce chinoise évadée du lacet sous le foulard. Mais dans cette version, les spectateurs ne lâchent à aucun moment les bouts du lacet. Les Pièces Jules César. La multiplication des pièces. Idée de la 3ème salière sonore.

Pour finir son intervention, D.Duvivier nous montre une application de son concept du « Running gag » avec un jeu de cartes dont il extrait les quatre as. C'est une succession cocasse de disparition du jeu, qu'il ramasse à chaque fois, en gardant que les as en main.

HISTORIQUE par Pierre Taillefer

C'est au tour de Pierre Taillefer de tenter de mettre en perspective une histoire de la misdirection en proposant un retour aux sources de ce phénomène par l'intermédiaire de gravure d'époque. Pour lui, la définition la plus simple de la misdirection serait : « une main qui attire l'attention tandis que l'autre est dans l'ombre ».

Place aux sources iconographiques pour illustrer le propos :

- Le corpus des Enfants de la lune, sont des images astrologiques allemandes du XVe-XVIe qui associent des métiers à une planète. Dans au moins deux représentations de ces gravures, on voit l'escamoteur qui lève un objet d'une main tandis qu'il glisse l'autre main discrètement dans sa gibecière...
- Une gravure sur bois des années 1530, qui a servi notamment à illustrer un livre imprimé de Pétrarque, montre un spectacle de close-up à table dans un intérieur. Le magicien porte sa main gauche au nez d'un spectateur tandis que sa main droite est plongée sous la table.

Pour l'approche plus psychologique de la misdirection, on trouve quelques sources littéraires :

- Une définition étymologique d'Isidore de Séville (vers 630) du "praestigium" : ce qui émousse l'acuité des yeux. L'idée que l'escamoteur rend notre vue moins tranchante, incapable de faire la part du vrai et du faux.
- Dans les textes antiques, l'escamoteur est régulièrement comparé au sophiste dont les discours fallacieux trompent, comme les tours de magie séduisants... Les auteurs grecs utilisent du vocabulaire et des tournures de phrases propres à la sophistique (pour tromper à leur tour le lecteur, transmettre avec leur moyen propre le trouble provoqué par l'escamoteur ?). La magie incarne par excellence le détournement d'attention, la perte des repères de la raison.

Il y a deux niveaux de lecture :

- La misdirection comme une technique utilisée par les magiciens pour leurs tours (sources iconographiques)
- La misdirection comme l'essence même de la magie qui agit comme un grand détournement d'attention.

L'Escamoteur (1475-1505) de Jérôme Bosch nous montre à la fois la technique de magie avec l'objet caché dans la main gauche de l'artiste, et le spectacle dans son ensemble qui sert de détournement d'attention pour le/les pickpocket(s).

L'Enlèvement des Sabines (1461), est un manuscrit français enluminé, repéré par Frank Debouck, où l'artiste a représenté le spectacle d'un joueur de gobelets pour provoquer le détournement d'attention qui permet le rapt des femmes. Le spectacle de magie incarne le détournement d'attention par excellence.

Pour conclure cet exposé, Pierre Taillefer pose une question essentielle. Il y a vraisemblablement un problème de terminologie car la misdirection veut littéralement dire « la mauvaise direction », un terme négatif et réducteur qui suggère que le magicien cherche davantage à détourner qu'à susciter l'attention (constat fait par Tommy Wonder, Darwin Ortiz ou encore Ascanio). Le plus intéressant n'est pas ce qu'on veut cacher, mais ce qu'on veut montrer et exprimer par la magie. Le magicien ne doit pas pousser les spectateurs dans la « mauvaise direction », mais leur montrer la « bonne direction », celle du mystère et de l'émerveillement !

« POINT DE VUE » par Gaëtan Bloom

Gaëtan Bloom nous propose de décortiquer son numéro du micro qu'il présente depuis les années 1980 et qu'il a rodé sur la scène du Crazy Horseà Paris. L'idée de départ : détourner les effets de corde en remplaçant celle-ci par un fil de micro. C'est dans ce numéro comique qu'il a mit le plus de misdirection, un terme qui selon lui n'existe pas. Il préfère parler de « direction d'attention », en contrôlant le regard des gens.

Place au show avec une succession de tours en « apéritif ». On commence avec le truc de la bouteille de coca et la subtilité de la cuillère placée dans son goulot. Vient ensuite la disparition d'un bouquet de fleurs artificielles à la suite d'un éternuement. La bouteille de coca est mise dans un sac en papier et disparaît écrasée. Un couteau est lancé en l'air et transperce accidentellement le bras du magicien. Gaëtan se propose alors de couper une corde jaune en deux, mais celle-ci disparaît après que le magicien ait pris une paire de ciseau.

Vient le « clou » du numéro avec ce fameux ciseau qui s'enclave au fil du micro. Pour le récupérer, le magicien doit couper le fil et se retrouve sans son. La paire de ciseau se retrouve alors prisonnière du pied de micro ! Le magicien réalise un nœud avec le fil. Fatigué par tant de rebondissement, il s'essuie le front avec une semelle (intérieure) de chaussure ! Etonné, il retire sa chaussure gauche pour y trouver le bout du micro à l'intérieur. Pour finir Gaëtan reconstitue le fil jaune du micro.

C'est un vrai plaisir de suivre les pérégrinations du comédien Bloom, de suivre son cheminement créatif dont il explique les mécanismes. Dans son numéro, la misdirection est souvent utilisée comme temps d'avance. En faisant deux actions en même temps, le grand mouvement cache le petit. Il crée tout d'abord une fausse misdirection avec la bouteille de coca, et une « parenthèse d'oublie » avant la disparition de celle-ci par le focus sur les fleurs artificielles. En faisant disparaître le bouquet, il induit dans l'esprit des spectateurs une fausse piste concernant la bouteille de coca. Il est important, selon lui, de marquer des temps d'arrêt pour que les gens enregistrent les effets.

L'utilisation de la paire de ciseau comme « gimmick » est diabolique, comme toutes les créations de Bloom qu'il utilise à fond les spécificités des objets pour les détourner. Pour la séquence de la chaussure, le pied du micro est dans la « zone d'ombre » alors que l'attention est focalisée sur le pied gauche du magicien. L'amplitude gestuelle est réduite au maximum pour concentrer le regard sur une action précise qui est renforcée par le positionnement « spécifique » du corps. Une idée utilisée par Tommy Wonder dans sa routine de gobelets (avec pompons) et par Norbert Ferré (dans son numéro avec la prédiction).

Bloom nous parle ensuite des « charges » pour la scène. Longtemps, les magiciens étaient « chargés » comme des mules et se tournaient à 90° pour effectuer des « prises », qui la plupart du temps étaient visibles par le mouvement du coude ! A l'image de Paul Fox, qui faisait apparaître des boules très lourdes sans le moindre geste suspect, il faut trouver un naturel dans les gestes et motiver toutes les actions. Goshman disait que l'on n'allait jamais dans sa poche pour rien. Les mouvements de tous les jours doivent nous servir à couvrir certaines actions secrètes.

La clé d'une magie impactante est de ne pas prendre beaucoup d'amplitude dans les gestes, mais de rester dans un cadre pour concentrer l'attention. Bloom donne l'exemple des manipulateurs taïwanais Mike Chao et du portugais David Sousa (The Red Envelope Act) qui utilisent une gestuelle très lente dans un espace retreint, contrairement aux autres manipulateurs exécutant des productions de cartes sur un rythme effréné accompagné d'une musique tonitruante.

Fin de l'intervention de Gaëtan Bloom qui, fidèle à lui-même, s'est donné sans compter. Passionné par l'histoire de la magie, il nous a communiqué son enthousiasme et son envie de voir perdurer une telle journée qui concentre l'essence même de notre art et développe la créativité, à l'image de l' Essential Magic Conference (EMC) de Luis de Matos au Portugal réunissant depuis 2010 une trentaine de magiciens internationaux sur trois jours.

ARTURO DE ASCANIO par Carlos Vaquera

Arturo De Ascanio y Navas (1929-1997), expert en cartomagie et avocat à Madrid, a défini le concept d'"Atmosphère magique" et créé des théories depuis les années 1950, bases de la psychologie de l'illusionnisme qui ont révolutionné le monde de la magie. Les enseignements de l'Escorial, la fameuse l"école de Madrid" d'Ascanio ont influencé des générations de magiciens du monde entier.

En 1948, il entre à la S.E.I. (Société Espagnole d'illusionnisme). Jusqu'en 1953, il apprend toutes les techniques classiques de la manipulation, qui est sa vocation. Il exécute les fioritures les plus difficiles, comme des boomerangs avec trois ou quatre cartes, des apparitions de douze boules, le rattrapage de quatre ou cinq paquets lancés en l'air, etc.

En 1953, il fait la connaissance de Fred Kaps. Il abandonne alors les fioritures et les jongleries de scène et se consacre exclusivement à la magie de près (close-up). Guidé par Jean Caries et Fred Kaps (ses deux grands maîtres), il comprend que la véritable magie réside dans la lenteur et le naturel des mouvements, sans que transparaisse la moindre habileté. Il étudie les techniques américaines et plus particulièrement la conception de la magie de Dai Vernon. Psychologue et observateur, il assimile rapidement et imprime son sceau personnel sur de nombreuses routines.

Durant l'été 1956, il écrit son premier ouvrage magique (Navajas Y Daltonismo). A travers ce livre et divers articles parus dans de nombreuses revues, commence à poindre l'écrivain de talent qu'il allait devenir.

En 1958, il est nommé membre d'honneur de plusieurs sociétés magiques espagnoles et argentines. En 1959, il décroche à Séville le Grand Prix de Magie.

En 1965, Il invente la technique qui le rendit célèbre dans le monde entier, le "culebreo" ("couleuvre"). Fred Kaps baptisa la technique "Ascanio Spread" ("Étalement Ascanio"). C'est sous ce vocable qu'elle est passée dans l'arsenal magique mondial.

Arturo avait quatre fils spirituels qui sont : Roberto Giobbi, Pedro Lacerda, Aurelio Paviato et Carlos Vaquera. Il avait un frère spirituel qui est Bernard Bilis. Il disait aussi : « Tamariz m'appelle son maître, mais moi je l'appelle mon frère. »

« Le mystère est le père de la magie et la misdirection est sa mère. »

Pour Carlos Vaquera, la misdirection est une guidance, un transfert pour mettre dans la pénombre la méthode. Cette « direction d'attention » fait naître une forme de pensée qui possède trois voies et trois décors différents, bien que le focus soit centralisé sur un seul décor. On peut « diriger l'attention » avec un art annexe, comme le mime, pour créer quelque chose de différent…

Rappel des théories d'Ascanio

Ascanio avait dégagé deux principes : l'un actif (celui de l'attaque) et l'autre défensif (celui de la couverture).

- La loi d'intérêt

Le spectateur ne voit de tout ce qui l'entoure que ce qui, pour une raison quelconque, l'intéresse à ce moment là. Il y a toujours une loi d'intérêt. L'oeil est constamment en mouvement, et le cerveau traduit ce que l'oeil voit. Mais seulement s'il y a une raison pour que le cerveau s'y intéresse.

Lorsque deux corps se mettent en mouvement dans un champ visuel, l'oeil a toujours tendance à suivre le premier qui annonce le mouvement. Celui qui se déplace en second lieu reste dans la « zone floue » du regard. D'une façon générale, chaque fois qu'il faut faire un mouvement trompeur, on doit préalablement essayer d'amorcer un mouvement avec l'autre main.

Le regard doit se diriger vers le point où il est intéressant que le public regarde, c'est à dire vers un point « innocent », pour qu'il ne voie pas l'action secrète qui est réalisée à un autre endroit. Le boniment comme accompagnement du geste est idéal pour véhiculer la misdirection mentale.

L'intellect est structuré de telle façon que, lorsque le spectateur est en train de penser à quelque chose, il ne peut penser à une autre en même temps. Le cerveau ne peut pas se concentrer sur deux choses à la fois. Le magicien doit occuper l'esprit du spectateur avec des idées « inoffensives », et profiter de cet obscurcissement qui se produit dans sa tête pour exécuter les mouvements secrets à ce moment-là. Un exemple : profiter de la surprise qu'un effet produit pour faire quelque chose qui doit passer inaperçu. La surprise est un obstacle à la réflexion du spectateur et l'empêche d'analyser ce qui se passe en même temps (ou presque en même temps).

Pour résumer, il y a trois grades : Deux mouvements se passent au même instant. On a l'illusion que l'on peut voir plusieurs actions mais c'est faux / Un mouvement va commencer avant un autre : c'est le mouvement prioritaire / La dissolution de l'attention.

- Les actions en transit (le Timing)

Il faut réaliser chaque mouvement au « bon » moment, avec la « bonne » intensité et en lui donnant la bonne importance. Pour faire un geste final, nous utilisons d'autres gestes qui sont des gestes transitoires pour y arriver. Les manipulations secrètes sont réalisées pendant les gestes de transit et non dans l'action finale. L'idée du Timing est de renforcer les actions finales et de réaliser les passes secrètes pendant les actions en transit.

Les trois étapes d'une action en transit : L'action finale se veut primordiale / L'action en transit qui reste dans la pénombre / L'extériorisation de l'action première.

Tours

Carlos Vaquera nous propose une application des théories du magicien espagnol par la démonstration de tours de close-up :

- Avec la routine où le spectateur coupe sur les as. Carlos parle de la parenthèse anticontraste qu'il faut éviter et insiste sur la répétition des opérations en induisant au spectateur des affirmations et des actions qu'il n'a pas faites, pour mieux le tromper dans son jugement final.
- La carte à l'étui applique les actions en transit
- Les cartes dans la poche appliquent le temps d'avance
- les pièces voyageuses (flying)
- Production d'as en main (Phénix)

Carlos Vaquera nous parle ensuite de l'élément tricheur, où comment cacher un empalmage en adoptant une pose naturelle. Il prend l'exemple de Juan Tamariz qui place ses mains sur ses hanches, ou de Gary Kurtz avec ses mains dans le dos.

Selon Carlos, un magicien n'est pas un comédien mais un interprète. Le comédien construit son personnage, travaille sa psychologie à l'image de Cardini. Tous les grands magiciens que l'on connaît travaillent sur leur personnalité (ce qui n'est pas péjoratif). L'important est de se trouver soi même et de ne pas imiter un autre. La copie est nécessaire à un stade mais s'avère très vite dangereuse. Il vaut mieux laisser ses DVD de côté et se replonger dans ses livres, qui font, bien mieux, travailler l'imagination.

L'APPROCHE SCIENTIFIQUE par Pascal Morchain

Chercheur en psychologie et maître de conférences à l'université de Rennes 2, Pascal Morchain nous propose de mettre en lumière les apports de la psychologie expérimentale, cognitive et sociale pour mieux comprendre certains mécanismes du détournement d'attention. C'est parti pour une conférence marathon avec l'aide d'une projection PowerPoint.

« Ne pas faire ce qu'on dit. Faire ce qu'on ne dit pas. Dire ce qu'on ne fait pas. » dixit Robert-Houdin.

A travers cette citation prophétique, d'où ressortent les mots « Faire » et « Dire », se dégage un cadre de référence propre à la magie.

Morchain nous montre une représentation du célèbre tableau de Jérôme Bosch intituléL'escamoteur. Il en résulte deux niveaux de lecture :

- les spectateurs de l'escamoteur et les observateurs (extérieur) du tableau regardent vers le bonimenteur (dans le sens de la lecture, de gauche à droite)
- les regards individuels de sept spectateurs sont orientés vers l'escamoteur.

Plusieurs psychologues ont fait des recherches en parallèle avec les pratiques des illusionnistes :

- Simons et Chabris en 1997 avec la cécité cognitive
- Macknik et Martinez-Conde en 2008 avec la Neuromagie
- Alfred Binet en 1894 avec son étude sur les prestidigitateurs Raynaly, Méliès et Arnould
- Joseph Jastrow en 1897 avec l'illusion (optique) de Jastrow
- Norman Triplett en 1898 avec la première publication de psychologie sociale

Le mécanisme cognitif de la misdirection (pointer dans la mauvaise direction) dépend d'une multitude de processus psychologiques : formation réticulée, vitesse de transmission neuronale, cécité attentionnelle, cécité au changement, oubli et reconstruction, perception de causalité, amorçage, attente.

Quelques généralités :

- Nos mécanismes s'adaptent à l'acquisition de la connaissance (cognition)
- Dans nos prises d'information, on perçoit avec l'ensemble de nos sens et non pas avec un seul.
- Les structures sociocognitives agissent comme des filtres. Il faut filtrer certaine information dans LA réalité pour reconstruire SA réalité.
- Il y a deux sortes de misdirection : ouverte et couverte.
- L'activité de sélection d'information dans un environnement renvoie à différents processus ouverts et couverts (voir William James et Hermann von Helmholtz)
- Le cerveau ne peut suivre qu'un événement à la fois

Pour conclure son intervention, qui pouvait durer largement 2 heures, Pascal Morchain nous projette la célèbre vidéo Gorilla de Simons & Chabris (1999).

Dans ce petit film, le but du jeu est de compter le nombre de passes que fait l'équipe en blanc avec un ballon. Concentré sur les passes, plus de 50% des gens ne voient pas le gorille passer un bref instant dans le champ. Ce phénomène s'appelle Inattentional blindness, que l'on pourrait traduire par aveuglement par défaut d'attention.

Cette expérience met en évidence le phénomène appelécécité cognitive ou cécité aux changements. En effet, nous semblons incapables de détecter des changements, parfois massifs, dans notre champ visuel ; et contrairement à ce que l'on pourrait croire, la mobilisation de l'attention n'est qu'un facteur, et n'est pas (totalement) obligatoire. Quand nos yeux sont ouverts, toute l'image de la scène que nous regardons est projetée sur notre rétine et est par conséquent disponible pour notre cerveau. Seulement si la scène est complexe (mouvement, nombre et taille des objets), notre cerveau n'est pas capable d'analyser toutes les informations présentes dans l'image. Le procédé est évidemment très utilisé par les magiciens pour détourner l'attention des spectateurs.

Il repose sur trois points clefs :
- un objet en mouvement que les spectateurs doivent suivre des yeux (ici le ballon)
- l'objet doit être petit par rapport à la totalité de la scène (toujours le ballon)
- le cerveau des spectateurs doit être occupé par un exercice intellectuel (ici compter les passes)

MISDIRECTION SCENIQUE par Laurent Beretta

Laurent Beretta a bien retenu la phrase de Dai Vernon qui disait : « les magiciens s'arrêtent de penser trop tôt », il en a fait son adage pour ne pas oublier que la clarté et l'apparente simplicité d'un numéro se travaillent sans cesse.

Le spectateur a une perception globale des choses. S'il ne peut pas tout voir en même temps, il est sensible aux gestes suspects, aux petites actions non motivées qui peuvent anéantir l'effet magique. Comme le démontre Gary Kurtz dans son booklet Leading with your head (1992) et Darwin Ortiz dans Designing Miracles (2007), il faut une misdirection pour tout en travaillant les parenthèses d'oubli le plus souvent possible.

Laurent Beretta nous montre son application de la misdirection sur scène avec l'apparition d'une canne qu'il produit derrière sa jambe (et non dans le vide comme beaucoup on l'habitude de faire, ce qui est une hérésie selon lui). L'action secrète (petit mouvement) est « masquée » par la prise d'un foulard (grand mouvement) et le tout est chorégraphié pour englober la gestuelle dans une dynamique artistique.

Le plus de Laurent c'est l'apport de la danse dans ses numéros. Celui-ci a travaillé ses gestes pour qu'ils collent à son expression scénique, à son personnage. La danse est par essence la coordination des actions, ce qui est un fabuleux apport pour créer des diversions multiples et variées.

Les numéros de manipulation de cartes posent souvent le problème des « charges ». On voit trop souvent les magiciens se mettrent de côté pour réaliser des actions secrètes ! Comment coordonner ses mouvements pour que les « prises » soient invisibles ? Laurent a trouvé la solution dans l'ouvrage de Tamariz intituléLes 5 points magiques, en plaçant ses hanches bien en face du public tout en coordonnant ses mouvements (la position Jazz, les pieds encrés dans le sol). Il nous montre sont application avec la production de deux éventails géants après le jet de cartes dans un guéridon.

La notion de Time misdirection est aussi très importante pour accentuer l'impact d'un effet. Il faut essayer de décaler dans le temps la « charge » et son apparition, appliquer le plus souvent la théorie des temps d'avance, comme par exemple l'apparition d'une colombe sur une canne.

Il y a différente façon d'utiliser la misdirection. L'une d'entre elle est d'y adjoindre un autre art comme la danse, le mime ou le jonglage. On peut par exemple placer un ruban de cartes sur son avant bras et jongler avec avant de produire un foulard, etc.

Quelques idées en vrac :
- On peut utiliser la kinesthésie pour placer sa main « chargée » dans le bon axe pour ne pas flasher l'intérieur.
- Le travail du faux dépôt doit se faire dans une gestuelle qui parle aux gens et non dans un mouvement antinaturel. Nous devons toujours motiver nos actions quand on change une pièce de main, par exemple.
- Toujours se poser la question de ce que perçoit le spectateur. Que va-t-il comprendre de mes gestes ? Suis-je naturel ?

2- JAMES HODGES

Comme le dit d'entrée Jean Merlin, il est difficile d'être à l'aise avec un ami pour lui dresser le portrait ! C'est que James Hodges est un sacré client, pas toujours commode et tendre avec ses semblables (il joue d'ailleurs de cette image pour son « entrée » en scène).

Comment parler d'un homme orchestre aux talents multiples ? En abordant l'exercice comme un cadavre exquis, comme un collage surréaliste (le surréalisme qu'il vénère). Il faut dire que le père Merlin a bien été aidé par son compère de toujours, puisque celui-ci est un grand adepte de la digression ! Pour être plus clair, nous structurerons, ci-dessous, les sujets abordés.

Avant de passer au talk show, James Hodges joue une petite comédie avec une chaise placée sur la scène, tout en ignorant Merlin. Ils se disputent et entament un duel à distance entre Beethoven et Mozart…

Un touche à tout

Ventriloque, marionnettiste, illusionniste, dessinateur, illustrateur, peintre, sculpteur, maquettiste, scénographe, metteur en scène, dompteur, conférencier, théoricien et conseillé artistique. Ses activités se chevauchent sans cesse dans un magma créatif perpétuel. James Hodges a travaillé dans presque tous les milieux artistiques comme les cinémas, les théâtres, les music-halls, les cirques. Il a réalisé des publicités pour la télévision, conçut et mit en scène les émissions de Gérard Majax (Abracadabra, Y'a un truc), règlé des numéros pour le Club Med, travaillé pour les parcs d'attractions, etc.

Le dessin et les arts graphiques

James Hodges commence à dessiner lorsqu'il est placé chez les frères. Il prend comme modèle les BD américaines de l'époque qui sont censurées. Sa mère lui conseille de travailler l'anatomie et lui confie un catalogue de lingerie comme modèle ! Un jour, un des frères tombe sur un dessin d'une femme nue esquissée par le jeune James et c'est le sermon. C'est le début d'une vocation. James essayera toujours de dessiner de façon différente en proposant un travail de recherche sur l'originalité.

Il s'intéresse très tôt aux arts graphiques et à la peinture. Ses maîtres se nomment Cocteau, Renoir (dont il partage la passion pour les nus et la chair), et Picasso. Picasso qu'il va rencontrer dans son atelier à une époque où celui-ci est considéré comme un fou. Il tombe alors sur une série de toiles qu'il a vu se modifier à 10 jours d'intervalle et comprend alors son processus de création et sa recherche de l'abstraction. A l'image de sa série de copies d'après le tableau des Ménines (1656) de Vélasquez, numérotées de 1 à 46. James Hodges parle ensuite de l'art africain qui a eu une très grande influence sur le peintre espagnol, qui lui a ouvert des possibilités nouvelles. Le lien est fait avec la magie qui gagnerait à découvrir d'autres formes artistiques pour développer sa force expressive.

James devient vite illustrateur de presse et pour des catalogues de magie comme ceux de Dominique Webb, Mayette (Magicorama, Le magicien) ou Georges Proust. C'est par leurs intermédiaires qu'il rentrera à l'AFAP (carte n°1000). Il réalise toute une série d'affiches pour des magiciens comme Slydini, Randi, Ali Bongo, Albert Goshman, etc.

Il illustre plus de 300 jeux de cartes par l'intermédiaire de la sociétéFrance-Cartes, sur des thèmes variés comme les parfums, la boulangerie, Madame Soleil, les 7 familles, le nu, etc. Conséquence et reconnaissance du milieu, il entre au Musée de la carte à jouer d' Issy-les-Moulineaux.

Il dessine une cinquantaine de boîtes de jeux pour Miro meccano et Capiepa ayant, entre autre, pour thème la bataille navale et la magie. Il crée une dizaine de livres Pop-up (à système animé) dont un pour Gaëtan Bloom.

Ce qui le passionne le plus c'est de « croquer » sur le vif ! « Le dessin est intéressant quand ça bouge, cela ne dure que très peu de temps, alors il faut être le plus corporel possible dans le rendu » dit-il. Tout y passe : catcheurs, machinistes, comédiens, danseurs. Les arts du spectacle le passionnent et c'est naturellement qu'il vient à collaborer avec des metteurs en scène qui lui demandent des projets de décor, de scénographie et de costume. James réalise alors des milliers de dessins et de croquis préparatoires.

En 1976, il crée avec Jean Merlin la mythique revue Mad Magic dont il est l'unique illustrateur jusqu'en 1985. C'est avec Georges Proust qu'il va réaliser ses chef-d'oeuvres avec l'édition de la série sur Les Grandes Illusions. Si les tomes I et II étaient des « reproductions » d'illusions connues, le tome III était une carte blanche à la créativité de James, qui invente pour le coup des illusions originales s'inspirant des univers de Topor, Picasso ou Dali et emmène la magie vers l'art graphique en créant un univers unique. James regrette que cette voie imaginaire, qu'il a initié, n'ait pas été suivie par les magiciens, qui sont restés dans un monde trop stéréotypé.

La danse

Un des grands regrets de James Hodges est de ne pas avoir été danseur, lui l'admirateur de Fred Astair, lui qui avait prit des cours de mime et de claquettes très tôt, s'offrant même un petit rôle de figurant au cinéma en s'improvisant danseur ; il le sera par substitution en collaborant avec quelques chorégraphes dont Lazzini de l'opéra de Marseille. Il devient pour un temps co-directeur de ballet et accouche de deux spectacles : E=mc2 et Ecce Homo, réalisant croquis préparatoires, décors, costumes et mise en scène ; dont une belle apparition d'un corps de ballet entre des lamelles de Mylar.

Jean Merlin en profite pour projeter des extraits de quelques ballets dont l'adaptation du Boléro de Ravel en lumière noire et des corps-marionnettes.

Marionnettes et ventriloquie

James a pris très tôt des cours de ventriloquie au cirque et a présenté des numéros avec une petite marionnette appelée Zumba. Jean Merlin projette une série de vidéos consacrées au théâtre noir et à la marionnette avec des numéros qu'affectionne particulièrement James Hodges. On reconnait Philippe Genty (Puppet Show), Jiri Srnec et le Théâtre de Prague, Mexikanischer Hühner, Edmundo Pérez (La danza de las lettras), Ines Pasic (La Santa Rodilla) et Le cirque invisible de Thierrée/Chaplin.

Magie et mise en scène

De par son passé de magicien, James Hodges a mit en scène de nombreux spectacles d'illusions depuis 1995 : au Casino de Deauville, au Puy du Fou, au Futuroscope de Poitiers, et à la Maison de la Magie Robert-Houdin de Blois.

En parallèle, il prodigue ses conseils aux jeunes magiciens et recherche des effets magiques nouveaux pour différents illusionnistes. Des effets qu'il faut un maximum actualiser et adapter à l'air du temps. Il prend l'exemple du tour des Gobelets qui, selon lui, ne peut plus être présenté dans sa forme « moyenâgeuse » ; du matériel pour magicien qui ne parle pas au public. Au contraire, nous pouvons adapter le tour avec des objets du quotidien comme des gobelets de chez McDo, avec une paille pour remplacer la baguette magique et des serviettes roulées en boule pour constituer des balles.

Hodges en action

Pour terminer en beauté ce talk show, James se prête à un de ses exercices favoris en dessin, à savoir : l'improvisation. La règle du jeu est simple : sur un paper board, un spectateur dessine rapidement, les yeux fermés, quelques traits dans un geste ample. Le dessinateur « complète » alors ces traits pour former un dessin cohérent et figuratif. L'expérience est réalisée trois fois de suite avec le même succès et trois dessins différents, chapeau l'artiste !

A visiter :
- Le magnifique site de James Hodges. Une vraie caverne d'Ali baba où l'on retrouve la majorité de ses créations classées par thématique !

A lire :
- Le JMMHD 1
- Le JMMHD 2.
- Le JMMHD 3.
- Le JMMHD 4.
- Le JMMHD 5

Crédit Photos : Franck Boisselier. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

JEAN MERLIN MAGIC HISTORY DAY 7 / MENTALISME 1 - DOMINIQUE WEBB

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7ème journée française d'histoire de la Magie

Pour cette nouvelle édition, l'équipe du Collectoire a choisi un nouveau lieu de représentation au sein du Théâtre Adyar, niché au fond d'un square et situéà deux pas de la tour Eiffel. Une salle plus adaptée dans une configuration à l'italienne classique, qui offre une grande proximité entre les intervenants et le public.

Le « Monsieur loyal » qui anime la journée se nomme Gaëtan Bloom. Celui-ci rappelle l'importance de ce genre de rencontre qui favorise l'échange de notre patrimoine magique dans la bonne humeur.

Le Collectoire a choisi d'aborder trois thématiques propres au mentalisme en lien direct avec l'actualité. La transmission de pensées revient à la mode. L'hypnose de spectacle est ultra médiatisée et se fait maintenant dans la rue ; la lecture de pensée fascine au travers de la série The Mentalist et Derren Brown n'a jamais été aussi populaire.

LE MENTALISME

1- La transmission de pensée

La seconde vue de 1845 aux années 1920. Extrait de la conférence de Didier Morax

Jean-Eugène Robert-Houdin peut être considéré comme l'inventeur de la seconde vue. Il a inventé une méthode de transmission de pensée qu'il exécutait sur scène en 1845 avec son fils Emile dans le rôle du médium.

Il en parle dans son livre Confidences et révélations. Dans son premier principe de double vue Robert-Houdin s'exprimait en parlant.

En 1876 Thomas Frost relate dans son livre The lives of the conjurers qu'en 1784 à l'arrivée de Pinetti à Londres, ce dernier aurait mis au point un système de divination avec sa femme.

Dans son livre Robert-Houdin unmasking, Harry Houdini essaya de contester la paternité de la Seconde vue au maître en présentant des « Antériorités »à ses créations.

En 1846 la Seconde vue devient une véritable routine et le 12 février, Emile Robert-Houdin devient un véritable partenaire pour son père. Jean Pierre Dantan le célèbre statuaire, qui deviendra un proche ami de son père, l'immortalise sous forme de dessins et de sculptures.

Dans le journal La Sylphide de mai 1846, le journaliste de Villemesant écrit : « Mais ce que tout le monde ignore, c'est, la manière toute simple, — nous n'oserions dire toute naturelle, — dont ce miracle est produit. M. Houdin père est un excellent ventriloque qui sait imiter avec une remarquable perfection la voix de son fils ; M. Houdin adresse la question de sa voix naturelle et lui-même y répond sur-le-champ de sa voix imitative ; le fils n'a qu'à remuer les lèvres et tout le monde y est pris. Nous ne demandons rien au public pour l'avoir initiéà ce secret de seconde vue ou plutôt de seconde langue, et Monsieur Houdin lui-même nous devra de la reconnaissance pour l'avoir proclamé premier ventriloque de la terre. »

Le succès de la seconde vue dépasse toutes les espérances, et toutes les frontières. Jean Eugène Robert-Houdin fait des représentations à l'étranger pendant plusieurs mois, et la seconde vue est en bonne place sur les affiches.

Le spiritisme importé des états Unis est en pleine apogée aussi les fervents du magnétisme font feu de tout bois pour résister. Joseph Adolphe Gentil publie en 1847 : « Magnétisme ….Explications du phénomène de seconde vue et de soustraction de pensée dont jouissent les Somnambules lucides. »

Un ancien militaire, Antoine-Francois Gandon se reconvertit dans la vie civile en montant un numéro de télépathie copié sur celui de Robert-Houdin. En 1849 Gandon publie La seconde vue dévoilée : Dernier coup porté aux sorciers et aux sortilèges. Ouvrage entièrement nouveau, donnant à tout le monde la facilité de faire des expériences dites de Seconde-Vue ou de Double-Vue. L'auteur décrit entièrement le système de codage !

En 1850, Robert-Houdin travaille avec Emile sur la modification de leur numéro. La seconde vue ou double vue devient muette. La clochette fait son apparition. Le numéro s'appelle désormais La seconde vue ou la clochette mystérieuse.

Emile Robert-Houdin.

Le nouveau numéro de Seconde vue est présenté et les plagiaires attitrés se mettent immédiatement à la besogne. Le 23 août 1850 sur les affiches de Robin on lit : « SECONDE VUE EXTRA LUCIDE ET A LA CLOCHETTE de Madame Robin ».

Le journal l'Eventail du 3 novembre 1850 relate la soirée donnée par Gandon et son médium nommé Gouhénant. Ils sont à Bordeaux. Il est précisé que Gandon a expliqué clairement et succinctement l'ingénieux système dont il est l'inventeur.

Dès 1851, Au Salon Lassaigne, passage Jouffroy à Paris, l'habile professeur Lassaigne a mis au programme La Transmission de pensée. Mademoiselle Prudence, avec qui il opère, est un résumé vivant des plus merveilleux phénomènes de l'art ; c'est-à-dire qu'elle possède l'audition sans le secours des oreilles, la vision sans l'aide des yeux, la communication des pensées, la divination et l'oubli, au réveil de cette léthargie lumineuse Mademoiselle Prudence joue aux cartes avec la prestesse d'un aveugle-né, elle devine votre pensée par l'intermédiaire de son magnétiseur, elle déchiffre vos secrets jusque dans votre poche. Vous criez à l'escamotage ; du tout, c'est un prodige. Sur son livre Mémoires d'un magnétiseur, il mettra en épigraphe : « La Prestidigitation est la Magie simulée, le Magnétisme est la Magie réalisée. »

Charles Lafontaine, magnétiseur et magicien a participé aux expériences du marquis de Puységur et devient un célèbre magnétiseur itinérant. Il est tellement itinérant qu'il a oublié de s'informer sur la nouvelle seconde vue muette mise au point par Robert-Houdin. Dans son ouvrage L'Art de magnétiser, ou le Magnétisme animal considéré sous le point de vue théorique, pratique et thérapeutique, sorti en 1852 il a écrit que ce prétendu phénomène trouve son explication dans la ventriloquie !

Le Livret Phénomènes extra magnétiques ou sciences de la Double vue par L.P. à Agen apparaît en 1853. Vers 1855 on peut acquérir Le Petit opuscule Dictionnaire de la double vueéditéà Charleroi en Belgique chez Daubresse-Steiner, ainsi que le livre La Double vue dévoilée par B. Cazeneuve professeur de Prestidigitation. Ce dernier n'a rien à voir avec Marius Cazeneuve le toulousain.

En 1858 Robert Heller quitte la musique pour devenir magicien mais sa tentative ne dure pas longtemps.

A Philadelphie aux Etats unis, en 1860 le Livre de E. Mason Junior est édité. Il a pour titre : VENTRILOQUISM MADE EASY... Also, an exposure of MAGIC And the SECOND SIGHT Mystery.

Vers la fin de l'année 1862 Robin s'installe dans un théâtre fixe dont il a fait l'acquisition. C'est sur le boulevard du Temple à Paris. Avec son épouse il va continuer pendant un certain temps les expériences de seconde vue qu'il présentait en tournée. Il va exploiter le théâtre jusqu'à sa fermeture en février 1867. C'est un farouche concurrent pour le théâtre Robert-Houdin qui est implanté au 8 boulevard des Italiens depuis 1854.

Robert Heller s'est marié et se lance à nouveau dans la magie. Il propose entre autre" le grand mystère de la Seconde vue" Le succès est au rendez-vous. Pour la transmission de pensée Heller utilise une signalisation électrique faite par une troisième personne ignorée du public qui utilise un codage proche du morse.

L'an 1867 Louis Degean propriétaire du cirque Napoléon fait confiance à ses régisseurs dont l'illustre Franconi, pour engager un numéro qui va surfer sur la vague du spiritisme et de la seconde vue. Ils font appel aux frères Bonheur. Ils font un numéro de transmission de pensée silencieuse. Ces derniers obtiennent un beau succès qui malheureusement ne perdure pas. Certains journaux appellent au remplacement de leur numéro par un numéro de bêtes sauvages.

Edouard Raynaly, celui qui va avantageusement opérer au théâtre Robert-Houdin dans quelques années, remplace provisoirement, l'un des frères Bonheur. Nous sommes en 1871. Il va lui aussi devenir un adepte du bandeau, mais plus pour de la lecture de pensée.

Raynaly est ensuite remplacé par de Thorcey, spécialiste des attractions mentales. De Thorcy ou Thorcey managera Inaudi le célèbre calculateur prodige d'origine italienne, et tiendra quelques temps en 1895 la baraque foraine de projections cinématographique des associés Inaudi et Méliès.

Vers 1875, CUMBERLAND et de Bischop commencent à présenter des expériences de transmission de pensée non plus avec un sujet mais en exécutant les actes ordonnés mentalement et directement par les spectateurs. La base est la perception des réflexes inconscients qui ne peuvent être réprimés. Ces expériences vont prendre le nom de Cumberlandisme. Deux ans plus tard Donato deviendra le modèle du genre. Ses assistants seront de Thorcey, et Alberti qui deviendra Pickmann.

En 1880 paraît le livre La seconde vue expliquée d'après les présentations faites auparavant par Robert-Houdin et Robert Heller. L'auteur est un américain nommé Washington Irving Bischop.

Les forains et les banquistes utilisent de plus en plus « La seconde vue ». C'est un exercice marquant qui leur permet d'appâter les clients pour les prédictions, et la voyance sources de leurs revenus. Beaucoup de magiciens vont contrecarrer le phénomène en proposant cette attraction dans leurs prestations en salle de spectacle et dans les soirées des grands hôtels de villes d'eaux ou de stations balnéaires.

Ernst Thorn, et son épouse, Hofzinser et sa compagne opèrent avec gloire et profits à l'étranger. Les Cordelier, alias Cousinet, docteur du diable, docteur Méphisto, les Hicks, les xxx, les Hommes merveilleux etc. travaillent avec l'imprésario De Thorcey. Ils vont tourner en Angleterre où ils obtiendront un succès sans précédent, puis dans les capitales européennes. C'est l'époque faste pour la transmission de pensée.

Dans le journal Le Petit Nord du 7 octobre 1884. On se rend compte qu'Eugène Laurent Verbeck, qui a exercé en tant que magicien sur la scène du théâtre Robert-Houdin, modifie le mode opératoire de la transmission de pensée. Le sujet exécute les actes qui sont mystérieusement transmis.

Le 18 septembre 1887 Donato qui maintenant se fait appeler « Fascinateur » débute à la galerie Vivienne à Paris. Mais il a déjà une notoriété acquise en province depuis des années. Ezu-Ala alias Alauze et Ackita présentent des attractions dont la transmission de pensée. Les magiciens commencent à glisser vers le spiritisme, dont la lecture de pensée tel qu'Onofroff (Henri Bally d'Onofroff) en 1889.

Après avoir tenu la baguette du cabinet fantastique, dont le premier glas vient de sonner, l'illusionniste Marga, va opérer avec la voyante Niranka. Ils présentent des transmissions musicales sur le violon des opéras, opéras comiques, opérettes etc.…. Ainsi qu'une Télépathie universelle dernière découverte scientifique.

Le XXème siècle débute et les frères Isola appelés « les cerveaux siamois » ont quelques accrochages dans leur numéro de « transmission de pensée », aussi ils substituent un moyen mécanique à leur mémoire parfois défaillante… D'une expérience ratée, les frères ISOLA avaient tiré un truc prodigieux, permettant d'obtenir des effets jusqu'ici inconnus dans le domaine du mentalisme.

Le commandeur Marius Cazeneuve et sa nièce font aussi de la transmission de pensée et de la suggestion.

En 1904. Miss Kollins et Daver présentent dans leur troisième partie La transmission de pensée dévoilée, pseudo magnétisme.

Elie Chautard alias Elias publie Les révélations d'un magnétiseur, ouvrage dans lequel il explique les trucs ingénieux employés au théâtre pour obtenir les phénomènes de la transmission de pensée, du magnétisme, et de l'hypnotisme.

Au 8 du boulevard des Italiens, Georges Méliès fête le centenaire de Robert-Houdin né en 1805. Le lecteur de pensée Talazac et la voyante Mickaella sont au programme.

Roskoff et Foska la jeune bohémienne qui sont engagés au Théâtre forain de Bénévol décrivent leur prestation de seconde vue par la phrase de Camille Flammarion : « la vue intérieure de l'âme, peut voir à des distances considérables, mais elle peut connaître d'avance l'avenir d'une personne. »

Les Zancigs, qu'il ne faut pas confondre avec Zancic le magicien américain, est un couple de danois, et non d'allemands, qui sont employés au service, dans une gargote de New-York. Ils montent un numéro qui porte le numéro de la seconde vue au paroxysme. Lui, Julius Jörgensen, a près de 50 ans et elle, Agnès Claussen Jörgensen un peu plus âgée a 57 ans. Ils deviennent artistes professionnels et perçoivent des cachets qui battent tous les records. Après le décès de son épouse en 1916, Julius a écrit l'opuscule How to Zancig dans lequel il dévoile leurs codes.

Courant 1908 Le professeur Dalmoras assisté par Mariska présente un numéro de transmission de pensée dans son spectacle complet.

Après la première décennie du 20 ème siècle, beaucoup de magicos, terme employé par nos aînés, dont Mireldo, vont augmenter la file des fervents de la seconde vue dont voici la liste : Honoré Coletti et Léale, MELINO et Miss Rita, qui deviendront Meline et Odette Duval, Milody-Jacquemet, Ornaly, Albertini de Roubaix et Stella Mathy, Ténoska et Doriano alias Ylaneb, Verdin alias SISKOFF, Pol Walter l'amateur rennais si réputé, Arkoff et Nadia……..qui ont porté le nom de Crispin et Claire de Beauval, Berry et Hamilta.

En 1925, Pickmann meurt. Il avait débuté sous le nom d'Alberti, il avait demandé des conseils à Robert-Houdin lors d'une représentation à Blois et le maitre s'était déplacé pour voir son spectacle. Il travailla peu de temps au théâtre des Soirées fantastiques avec Emile, celui qui faisait la seconde vue en 1845. Puis Il devint l'assistant de Donato mais je ne peux dire si ce fut avant ou après Dalmoras. On lui doit le terme « Liseur de pensée ».

L'homme radar

La seconde vue devient la première solution avancée pour l'explication, aux non-initiés, de l'expérience de conduite à l'aveugle devenue expérience de l'homme radar.

Dans les années 1930 un dénommé Gaston Ouvrieu se lance dans une tournée nationale, qui obtient un bon écho auprès des journalistes de l'ouest. Fougères, Vitré, Rennes, Nantes. Dans chaque ville il propose de conduire une automobile avec les yeux bandés. Les articles de presse se cumulent. Sa rengaine est bien rodée, à chaque interview il raconte que blesséà la tête dans les tranchées à la guerre 14-18 il avait perdu tous ses esprits. Quand il reprit ces derniers il s'aperçut qu'il percevait la pensée des personnes qui le côtoyaient. Aussi la présence à côté de lui d'une personne attentive qui pense fortement aux obstacles et à l'itinéraire lui permet de réaliser la prouesse de la conduite aveugle.

Ouvrieu a compris que ses prestations devenaient une publicitéénorme pour les concessionnaires automobiles, et ces derniers ont vite compris leurs intérêts à présenter des modèles soignés. Le résultat final était une salle pleine pour la séance de magie qui avait lieu le soir de sa démonstration, et de temps en temps l'ajout de séances supplémentaires.

George Newmann, magicien et mentaliste américain mena une charrette tirée par deux chevaux, en conduite aveugle dans les mêmes années.

Depuis nous avons eu le droit à de nombreuses expériences de seconde vue en voiture, moto, et avion. Je vais vous faire partager le fruit de quelques recherches. Pour certaines prestations l'explication officielle consiste à percevoir ce que pense une personne placée à côté de l'artiste et pour d'autres l'hypnose ou l'autohypnose sont avancées. Chacun vend sa prestation selon l'angle qu'il désire.

L'extravagante Wilsonne.

Est projeté sur l'écran un montage de vidéos mettant en scène des hommes ou des femmes radar concocté par Pascal Friaut. On y retrouve Dominique Webb conduisant une décapotable les yeux bandés, Wilsonne l'inénarrable femme radar dans un show drolatique, Alain Marsat traversant Limoges, Jakie Jack, l'illusionniste-fakir et hypnotiseur.

La transmission de pensée dans la deuxième partie du XXème siècle jusqu'à nos jours

Robertson et Lucile, Carolus et Magdola, Myr et Myroska, O'shan et Naga, Georges Farah "Li king Si ", Monika et Don Lucry, Wilsonne et Wilson, Xavier Moriss et Véronika, Les Gilsons (Claudy et Mylène), Gilles et Blaise... puis Van Yen et maintenant Avril, Claude et Christine Jan, Pathy-Bad et Bettina, Philippe Warein et Laurence, Edouard et Sarah, Viktor et Malvina puis Viktor et Wanda, Fréderic Da Silva, Antoine et Val, Dan Taylor et Elisabeth, Claude de Piante…

O'shan et Naga

LES GILSONS

Claude et Mylène Gilsons entrent en scène pour nous présenter leur numéro de transmission de pensée dans un style music-hall ludique et rythmé. Claude présente sa partenaire, « celle qui sait tout de vous ! » il lui demande alors plusieurs choses comme la couleur du pull ou de la cravate d'un monsieur, son signe particulier, son numéro de montre, l'heure affichée (après l'avoir changé), la couleur du bracelet…

Claude Gilsons : « Interrogez Mylène sur n'importe quoi et elle vous répondra, c'est notre spécificité. »

Mylène devine une carte, le prénom d'un jeune homme, son origine, le dernier voyage qu'il a fait, la ville qu'il a visité. Elle réitère la même expérience avec un autre spectateur en allant plus loin et en devinant à quoi s'intéresse la personne et à qui elle pense en ce moment.

Claude Gilsons : « Vous pensez que nous procédons avec du matériel électronique, que Mylène porte une oreillette… Et bien, désolé de vous décevoir mais nous n'utilisons pas ce genre de trucage…»

« Madame, sortez-moi une pièce d'identité. » C'est au tour de Mylène de deviner le nom de famille, les deux prénoms de la dame, sa date de naissance, son département et sa ville d'origine.

Pour finir leur numéro, les Gilsons proposent aux spectateurs une expérience bluffante. Un nombre de trois chiffres est écrit sur une ardoise par trois spectateurs différents. L'ardoise est cachée et Mylène écrit une prédiction correspondant au total des trois nombres qui s'avère exacte.

Après leur représentation, Claude Gilsons raconte le parcours de sa famille qui remonte à cinq générations. Ses parents Gilsons et Mona faisaient le même numéro, que Claude et Mylène ont repris et adapté avec une autre méthode. L'arrière-grand-mère de Claude était une partenaire du magicien Bénévol. Sa famille possédait des entre-sorts sur les fêtes foraines comme la femme volante.

Claude a commencé le mentalisme à 4 ans où il donnait des représentations avec ses parents tous les soirs dans les cinémas. Il faisait le tour du "Dé au chapeau".

Aux questions : Comment travaillez-vous le rythme dans votre numéro ? Comment gardez-vous ce dynamisme et ce rebondissement constant ? Claude répond qu'il est allé voir un metteur en scène de théâtre pour travailler le rythme, la parole et la gestuelle. Selon lui, il faut jouer sur la performance. Des phrases ont été créées sur son rythme de parole. Une méthode spécifique a été mise en place pour qu'elle semble naturelle ; par exemple, dans ce système, le verbe « Voir » est conjuguéà plusieurs temps.

Leur technique est de reprendre un principe de codification basique et de changer des mots par une correspondance chiffrée. Il y a aussi un système mnémotechnique qui associe des objets par catégorie… Chaque télépathe a sa méthode.

Pour monter un tel numéro, il faut avoir un minimum de culture générale comme connaitre sa géographie pour deviner des départements, des villes ou des pays du monde entier… Il faut aussi maîtriser certaines langues étrangères si l'on souhaite tourner dans le monde entier.

La concurrence n'existe pas dans ce domaine car nous sommes très peu à exercer la double vue. Cela s'explique par un grand investissement et un travail au quotidien à deux (3 à 4 heures de répétitions par jours au début). Sans quoi le numéro ne peut pas survivre.

Claude Gilsons passe ensuite en revue les autres duos de télépathes comme Gilles et Blaise qu'il considère comme les meilleurs au niveau de la présentation. O'shan et Naga possédaient quant à eux une méthode à part. Claude montre ensuite des photos de Magdola et Carolus, Robertson, Gilsons et Mona, Manita Carrighton, Nahad Ben et Myr et Myroska, les plus grands télépathes.

- Extrait vidéo du numéro mythique de Myr et Myroska, où Myroska devine le prénom des spectateurs, leur date de naissance, des objets qu'ils portent sur eux, ainsi que de nombreux détails. Les gens lui demandent même comment ils s'appellent.

Myr terminait la représentation par : « Il y a deux solutions : soit c'est un miracle ou soit c'est un trucage. Personnellement je ne crois plus au père Noël ! S'il n'y a pas de truc c'est formidable... Mais s'il y en a un, il faut reconnaître que c'est encore plus fort ! »

Pour Claude Gilsons, le duo légendaire avait une avance incroyable. Myr utilisait la technique du préshow en se baladant dans le public avant la représentation. Il prenait des notes et envoyait directement « les codes » lors de la représentation. Il est rapporté que Myr et Myroska n'hésitaient pas à suivre les gens chez eux et demander des renseignements au concierge par exemple…

Claude Gilsons nous montre ensuite des photos de télépathes modernes comme Pathy Bad et Bettina, Dan Taylor et Elisabeth, Edouard et Sarah, Gilles et Blaise, Philippe et Laurence, Dimotee Trost, Claude De Piante et Aude Lebrun.

- Un montage vidéo de Jean Régil nous montre en action Blaise et Gilles, Syl et Sun, Shirley et Dino (numéro comique de 2005), Antoine Newman et Valérie, ainsi que Xavier Morris et Véronika.

Claude Gilsons se prête au feu des questions :
- Comment le public perçoit les numéros de télépathie actuellement ?
- Il les prennent comme un divertissement. Il faut faire attention au « trop fort » en mentalisme car le ressenti peut-être négatif (exemple avec les chiffres du loto qui peuvent engendrer de la frustration). Les gens sont très sensibles à une certaine « performance ».

- Des gens viennent-ils vous voir, après le spectacle, pour retrouver leur fils disparu ?
- Oui, cela arrive fréquemment mais nous mettons les choses au clair dès le début de la conversation.

- Comment répétez-vous ?
- On ne répète plus depuis 15 ans ! Mais au tout début, on travaillait avec une ardoise et on « envoyait » des choses. L'importance est que Mylène est un retour sur scène. Il est aussi intéressant d'inverser les rôles entre l'émetteur et le récepteur ; ce que fait remarquablement bien Dan Taylor et Elisabeth.

- Que pensez-vous des nouvelles techniques comme Google Map pour du pré-show ?
- Mylène n'aime pas le pré-show. Moi, ça m'arrive d'en utiliser. C'est vrai qu'il y a pleins d'informations disponibles avec Internet, les possibilités sont infinies. Mais l'importance est de savoir comment on va en faire un spectacle.

Claude Gilsons termine son intervention par deux extraits vidéo :
-« Sar Rabindranath-Duval », sketch de Pierre Dac et Francis Blanche dans l'émission 36 chandelles de 1956. Un duo de télépathes comiques avec des jeux de mots irrésistibles (extrait : « Je vois…je vois double…la double vue, c'est quand j'ai trop bu ! »)
- Serge Gainsbourg et Jacques Martin pratiquant un numéro de télépathie dans un music-hall parisien.

2- La lecture de pensée avec Thierry Collet

Magicien et comédien, Thierry Collet travaille depuis une vingtaine d'années à renouveler les codes, l'esthétique et la dramaturgie de la magie, pour en faire un art en prise avec les problématiques humaines, sociales, morales, politiques et esthétiques de son époque : une magie contemporaine. Après avoir été forméà la prestidigitation au contact de maîtres (dont Jean Merlin), il fait un crochet par la fac de psychologie puis se dirige vers le théâtre et rentre au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique pour travailler sur les notions de personnage, de situation et de narration. Il commence à donner du sens à sa pratique de magicien.

Acteur, il joue sous la direction d'Eric Vigner, Lisa Wurmser, Eugène Durif, Jean Lacornerie et Roland Auzet. Concepteur et interprète, ses quatre premiers spectacles sont très narratifs (L'Enchanteur en 1995, La Baraque des prodiges en 1998, Maître Zacharius en 2000, L'Ombre en 2004), puis il inaugure avec Même si c'est faux, c'est vrai (2007) un nouveau cycle en collaboration avec Michel Cerda : les effets magiques ne sont plus directement reliés à un texte mais résonnent de façon libre et intuitive autour d'un questionnement sur la fragilité de nos modes de perception du réel. VRAI/FAUX (rayez la mention inutile) et Influences en 2009 prolongent ces thématiques plus psychologiques et politiques en abordant la question de la manipulation mentale. La voie d'une magie qui nous parle du réel s'affirme : Qui-Vive (2012), mis en scène pas Eric Didry, puis Je clique donc je suis (2014), évoquent les techniques de captation et d'utilisation de nos données personnelles.

Pour cette journée spéciale mentalisme, Thierry Collet nous a préparé une intervention en forme de laboratoire de recherches. Sa note d'intention : « Si le paranormal, l'intuition et les pouvoirs psy restent encore des thèmes très utilisés par les mentalistes en lecture de pensées - la montée en puissance de la vague spirituelle défendue par Jérôme Finley ou Neil Scryer en témoigne - d'autres dramaturgies se sont développées ces dernières années, notamment l'approche comportementale et cognitive popularisée par Derren Brown.

Le mentalisme me permet de parler de ce qui me passionne le plus dans la magie : le rapport au pouvoir, à l'exercice de l'autorité, à la création de croyance et à la manipulation mentale. Dans mon travail, j'établis des liens entre les savoir-faire du magicien – maitrise du mensonge, connaissance de la psychologie humaine, etc. – et l'utilisation de ces techniques dans le monde réel, en propagande politique ou religieuse, en publicité et à travers les médias.

A partir d'effets tirés de mes spectacles, de routines en cours de développement, j'évoquerai de nouvelles pistes de fictions et de présentations possibles pour les mentalistes en lien avec le monde contemporain : captation et utilisation des données personnelles via internet, fichage de la population, stéréotypes liés aux questions de genre, etc.

Mon but est de faire du mentalisme un outil qui questionne notre libre arbitre, notre esprit critique, notre système de valeurs et de croyances, un art qui nous confronte au monde réel plutôt qu'au merveilleux, qui nous réveille plutôt que de nous endormir. »

Sur scène sont disposés trois grandes photographies représentants un bébé qui pleure, un carambolage et un stylo pour écrire en relief.

Thierry Collet propose de nous montrer comment il travaille en lançant des pistes et des questions sur la lecture de pensée en livrant une matière brute et interactive. Il distribue, à plusieurs personnes dans la salle, un questionnaire. Les questions concernent les trois photos sur scène. Thierry « scan » alors plusieurs empruntes collectées à l'entrée de la salle. Celles-ci contiennent certaines informations « confidentielles » sur leur auteur : « Vous avez posé vos doigts dessus ; et sans vous le dire, je vous ai classé. Voyons quelles informations nous pouvons avoir…»

Thierry regarde sur son téléphone portable certaines informations concernant la première personne, puis donne son nom, son prénom et devine un dessin choisi par celle-ci…

« Il y a une véritable obsession pour les prévisions. Par exemple, sur Facebook, il y a un algorithme qui prévoit les épidémies de grippe. Mais comment prévoir des comportements de masse ? »

Thierry scan deux nouvelles empruntes et révèle d'autres informations confidentielles aux intéressés. Il fait ensuite la démonstration d'une « loi » sur le genre masculin et le genre féminin sous forme de test avec deux formes opposées (kiki et Buba), démontrant qu'il y a un conditionnement sur les rôles et les valeurs de chacun.

A la première question : « pourquoi ce bébé pleure-t-il ? », les hommes répondent en majorité que c'est une affirmation de soi, alors que les femmes y voient de la maltraitance. Nous voyons bien que le champ lexical différent et codifié pour les deux sexes. Pour Thierry Collet, travailler sur le langage, c'est travailler sur l'imaginaire.

Thierry présente aux spectateurs un tableau sur lequel est écrit le nom de couleurs « Rouge, Bleu, Vert et Jaune » dont la couleur de l'encre diffère. Le but est de lire le plus rapidement possible ce qu'il y a d'écrit sans se tromper. Il arrive fréquemment que la personne confonde la couleur avec l'écrit. Cet exercice montre bien que la perception que l'on a des choses est culturelle.

Pour sortir du code établit, pour sortir de la norme, cela demande une certaine « révolte ». Celui qui maîtrise les images mentales maîtrise le peuple et détient le pouvoir sur l'imaginaire (voir la propagande). Les outils du mentalisme sont utilisés par les politiques, par le marketing, etc. Ce qui nous amène à nous interroger sur d'autres pistes. Pourquoi avons-nous tous besoin de croire en quelque chose ? Quelle autorité morale nous « contrôle » ?

Thierry prend maintenant l'exemple d'une lettre de motivation dont on change l'agencement des qualités et des défauts suivant deux profils. Dans le profil A : Intelligent, travailleur, obstiné, anxieux, critique, impulsif. Dans le profil B : Anxieux, critique, impulsif, Intelligent, travailleur, obstiné. Inutile de dire que le profil A sera le mieux perçu…

A la deuxième question : « Quel est le prix de ce stylo ? », les personnes étaient influencées par une fourchette de prix, ce qui faussait leur perception du pronostic.

A la troisième question : « A quelle vitesse ces deux voitures se sont percutées ? » , les gens répondaient en moyenne 129 km/h. La question reformulée avec un mot différent : « A quelle vitesse ces deux voitures se sont heurtées ? », les gens répondaient en moyenne 39 km/h. Nous voyons bien ici que le choix du langage à une influence considérable sur l'interprétation.

Thierry Collet nous parle ensuite du musicien Franck Zappa qui lors d'un concert, au milieu des années 1970, amène la foule à reproduire un salut Hitlérien par mimétisme… se pose la question du rapport que l'on a avec son public en engageant sa responsabilité d'artiste. Le mentalisme n'est pas inoffensif, il remonte à l'origine de l'humanité. Le chaman avait un mode de pensée pré-scientifique. La science, le pouvoir et la magie sont intimement liés. Le mentalisme se rapproche d'une croyance ancestrale, il répond à des mystères enfouis au plus profond de l'être humain.

Thierry aborde la question sur la protection des données personnelles qui se retrouvent sur Internet et réalise un numéro de transmission de pensée avec un spectateur autour des applications de son I Phone.

Pour Thierry, la magie est un point de départ pour « détourner le réel » suivant la fameuse expression de Raphaël Navarro, chef de file du mouvement de la magie nouvelle. La magie est un outil qui nous interroge sur la fragilité de la perception ; c'est un moyen et non une fin. Trop couvrir le secret, c'est prendre le risque de se couper des autres et de ne plus échanger sur l'aspect artistique et conceptuel du tour. Les gens veulent de la croyance, ils veulent du mystère, ils veulent savoir quel est le projet artistique du « magicien » qu'ils ont en face d'eux.

Les nouvelles technologies sont extrêmement intéressantes (expérience de la reconnaissance faciale dans le spectacle Qui-Vive), le trouble est le même qu'un tour de magie « classique », mais cela réveille les gens au lieu de les endormir ; ce qui les amène à une prise de conscience socio-culturelle.

L'idée de l'éthique et de l'illégalité est aussi au centre de la pratique du mentalisme. Ce donne-t-on le droit de faire et de dire certaines choses ? Comme le fait de « voler » certaines informations… Pour Thierry, il faut assumer le mensonge et la malhonnêteté de la magie.

Le mentaliste peut aussi jouer sur les clichés et les stéréotypes car les gens pensent que tout se met dans des cases ! Il peut aussi parler du rapport de pouvoir (ce que les magiciens ont du mal à parler mais pas à faire).

3- Derren Brown par Claude De Piante

Pour Claude De Piante, Derren Brown s'interroge sur son temps comme le faisait Robert-Houdin aux XXème siècles. Ce qui intéresse le mentaliste anglais est le fonctionnement du cerveau. Brown travaille sur des associations d'idées de manière simple et basique. Sa grande force est d'être un formidable acteur capable de nous raconter des histoires qui créent des suggestions dans notre cerveau, sans qu'on s'en aperçoive. Ses constructions psychologiques sont à la base du mentalisme actuel.

Brown est né en 1971 dans la banlieue de Londres. Il fait des études et commence en parallèle la magie par le close-up en travaillant dans les restaurants et les bars anglais. Sa rencontre avec l'hypnotiseur Martin S. Taylor, puis avec Eugène Burger vont être les déclics pour appréhender et développer sa vision très personnelle de l'hypnose de spectacle et du mentalisme.

- Extrait vidéo du « clou dans le nez » du spectacle Something wicked this way comes (2005-2006). Derren Brown saisit un clou, le désinfecte avant de l'enfiler dans son nez à l'aide d'un marteau, face à une spectatrice. Claude De Piante a choisi ce passage pour illustrer l'attitude et le travail d'acteur du magicien britannique, qui a une façon bien à lui de raconter les choses. Pour De Piante, l'énergie de l'acteur vient de « la cible ». Il ne doit pas se contenter de montrer des choses, qui ne racontent rien, mais bien de voir à travers les yeux d'un personnage par la règle de la cible qui est extérieur. Le magicien-acteur doit se concentrer sur cette cible et imaginer l'enjeu qu'il y a derrière. Dans le cas de Brown, la cible c'est le clou (il lui parle de façon imaginaire par un dialogue intérieur). On sent bien dans cette scène qu'il y a un enjeu dramatique mais aussi un enjeu de séduction avec la spectatrice.

Le personnage de Derren Brown est constitué de trois parties :
- L'expert en phénomène d'influence
- L'aventurier des phénomènes psychiques (les processus)
- Le personnage de l'arnaqueur et du farceur

Ce qui est intéressant chez Brown, ce sont les failles du personnage.

Depuis 1999, il officie sur Channel 4 dans des émissions de mentalisme ; mais c'est en 2003 que sa carrière décolle avec le tour de « la roulette russe ».

- Extrait vidéo de « la roulette russe » (2003), véritable coup de maître télévisuel qui marqua les téléspectateurs. Derren Brown met en scène des armes, choisit son spectateur au hasard et le lieu de représentation dans une usine désaffectée (le côté clandestin de l'affaire). Le sentiment de danger est subtilement suggéré par tous ces éléments. L'émission était elle-même différée de 2mn au cas d'un éventuel suicide. Après que le spectateur est placé une balle dans le barillet et choisi un chiffre, Brown lui demande de compter à haute voix de 1 à 6. Il se concentre pendant une minute. Une minute de silence à l'antenne, c'est long et stressant ! Il appuie alors sur la détente en direction de sa tempe à trois reprises et la quatrième fois en direction d'un sac qui reçoit la balle. Le spectateur est pris dans l'émotion parce que le magicien a convaincu de l'impossible par des éléments de suggestion. Il a mis le spectateur dans un état de transe par la technique du forçage et du « saupoudrage ».

- Extrait vidéo de « la cabine spirite » du spectacle Enigma (2009-2010). Pour ce tour, Brown reprend des techniques classiques en mettant en transe légère des spectateurs. Les effets sont les suivants : tintement de la clochette avec une spectatrice ficelée, voltige d'objets, tremblement de la cabine, dessins fantômes avec trois personnes encagoulées et ficelées. C'est une histoire « enchassée » qui laisse ouvert le processus en hypnotisant la personne.

Si l'ensemble des techniques psychologiques vont logiquement déboucher sur le mentalisme tel qu'on le connait aujourd'hui, c'est surtout grâce à un homme : Milton Erickson (1901-1980), le « magicien du désert », aussi appelé« le sorcier de l'Arizona ». Médecin et psychiatre, Erickson est à la base du cold reading et à modéliser les éléments manipulatifs par la PLN de Richard Bendler pour guérir les gens en racontant des histoires.

- Extrait vidéo d'une séance d'hypnose Ericksonienne (A clinical session, 1958) où l'on mesure l'importance de la voix profonde du maître qui entre en résonnance avec le patient.

Derren Brown utilise l'hypnose en dehors de son contexte. Il a des intentions bien précises et met en pratique la technique de « saupoudrage » d'Erickson, ainsi que la « rupture de paterne » qui engendre un état de confusion favorable à la suggestion. Brown développe également « une pensée paradoxale ». Toute sa communication est faite pour empêcher l'accès à ses systèmes. Une manière pour lui de créer le paradoxe, d'élaborer une pensée subtile qui est faite pour protéger. Brown utilise des « fenêtres de perception » et crée une bulle lorsqu'il travaille sur un plateau de télévision ; c'est le principe du chat (les oiseaux oublient sa présence à un moment donné). Le but de Brown est de faire du spectacle, il sait très bien choisir ses sujets qui ont « d'extraordinaires capacités ». Sa puissance hypnotique vient du contexte. Brown recherche une réaction, une certaine spontanéité dans le choix des spectateurs qui sont au centre d'une mise en scène extrêmement bien pensée et produite.

Pour finir son exposé, Claude De Piante nous propose deux expériences qui questionnent les limites de l'hypnose, et qui soulèvent des questions d'ordre moral.

- Extrait vidéo de « l'accident de voiture » (Car crash) où une femme se voit morte au volant de sa voiture par un effet de suggestion. Cette dernière a été hypnotisée au préalable et se réveille à la fin de l'expérience. Dans un état de transe, la femme ne peut pas bouger et assiste à cette scène choc où des comédiens font semblant de ne pas l'entendre et emportent son corps (un mannequin hyperréaliste) dans une ambulance.

- Extrait vidéo du comédien sur scène qui va se faire tirer dessus par un spectateur assis dans la salle. Celui-ci a été conditionné au préalable par l'hypnotiseur qui fait défiler devant lui des éléments déclencheurs comme la robe d'une femme et la sonnerie d'un téléphone. Avec cette expérience qui fait froid dans le dos, nous voyons bien que le maniement de l'hypnose peut être fatal et dangereux. Brown démontre que l'on peut faire des choses contraires à notre éthique et à nos valeurs, car les gens savent aussi qu'ils vont être « protégés » dans la bulle du spectacle. A méditer…

Claude De Piante apporte quelques précisions de cet assassinat par hypnose :

On peut s'interroger à savoir si l'hypnose peut être dangereuse ou pas ? Les expériences de Derren Brown ne le démontre pas vraiment car on peut supposer que l'inconscient sait très bien qu'il ne s'agit que d'une expérience réalisée à la télévision. En d'autres circonstances, il n'est pas certain que le psychisme aurait réagit de la même façon et n'aurait pas censurer l'acte. En effet quelqu'un sous hypnose a simplement son mode habituel de fonctionnement temporairement désactivé, mais le psychisme reste le même, un peu comme un acteur complètement dans son rôle, qui peut ressentir une vraie colère envers l'autre personnage mais n'irait pas pour autant tuer son partenaire.

L'hypnose n'est qu'une immersion totale dans un imaginaire, une croyance temporaire et on a jamais pu prouver qu'elle permette de nous conduire à bafouer nos propres valeurs… Par contre, on peut condamner ce type d'émission car le retour du sujet, que l'on a transformé en assassin devant des millions de spectateurs, dans son quotidien risque d'être problématique. Que penseront désormais de lui ses proches et amis ?

4- L'hypnose de spectacle par Romaric Hoffmann

Romaric commence son intervention par une question-réponse :
-« Sommes-nous tous télépathe ? »
-« Je pense que oui. Nous avons tous cette facultéà nous mettre à la place de l'autre. »

- Extrait d'un montage vidéo montrant Romaric exécuter de la Street hypnose, avec des expériences comme l'oubli du prénom, la nudité apparente, la disparition de sa bouche, la crise de rire… Romaric fait ensuite monter un de ses amis sur scène pour rendre plus interactif son exposé. Selon lui, l'hypnose est une manipulation de la réalité perçue.

- Extrait d'un passage du film Matrix (1999) des frères Wachowski où Morpheus explique à Néo la définition de la réalité dans un espace mental immaculé de blanc. « Imaginons que nous sommes dans une matrice et que nous interprétons et voyons avec notre mémoire. » nous dit ensuite Romaric.

- Projection de la fameuse illusion d'optique avec le damier et la colonne où la case A ce révèle la même que la case B. « Est-ce que les couleurs existent ? La réalité est peut-être un rêve éveillé et l'hypnose se révèlerait peut-être moins mystérieuse ? »

« Vous me voyez les pieds sur terre alors que c'est une hallucination puisque la rétine « voit »à l'inverse. C'est notre cerveau qui interprète et renverse l'image perçue. »

- Projection de la silhouette noire d'une danseuse qui tourne selon notre perception dans le sens des aiguilles d'une montre ou à l'inverse.

- Projection d'un schéma de notre cerveau avec le cortex cérébral et le système limbique.

Si la conscience de l'esprit humain est analytique et rationnelle, L'inconscient est lui plus complexe. On y retrouve, certains comportements automatiques, une mémoire à long terme, des habitudes, des croyances, des émotions et une partie « protectrice ».

Pour Romaric, l'hypnose n'est pas une « soumission » mais une nouvelle liberté de vivre les choses autrement, dans la bienveillance. C'est un état de conscience modifié dans lequel le facteur critique est contourné.

- Projection de deux images d'un même visage de femme mais avec une petite différence au niveau des pupilles. La majorité des gens se dit « attiré» par le visage avec les pupilles plus écartées, qui correspond à un signal du désir.

- Projection de deux formes opposées (kiki et Buba) pour constater que 93% de notre communication est non verbale.

L'hypnose est l'art de communiquer sans résistance, mais ce n'est pas de la « domination ». Plus on se rapproche de quelqu'un et moins il est à l'aise. Quand on est très proche, on peut « attaquer », l'attention ne peut pas aller ailleurs ! L'imagination créée une réponse physiologique, qui créée à son tour une expérience et une croyance : c'est ce qu'on appelle la « boucle hypnotique ».

Romaric nous montre alors les zones du cerveau qui sont « activées » lors d'un état d'hypnose. Le cerveau archaïque, l'émotion et l'inconscient. L'amygdale est le centre de la peur, celle qui génère l'hormone du stress ; Et sous stress, un individu réfléchit moins bien…

- Extrait du générique du « 20H de TF1 », inspiré du thème des Dents de la mer pour créer une sorte de fascination : « Il faut que les murs tremblent de peur ».

Romaric nous fait le test des mains jointes et des index décollés qui sont censés se toucher au compte de trois pour voir les personnes qui sont réceptives.

Pour Romaric, la conscience est un état de conscience modifié dans lequel nous vivons d'avantage le présent. Elle nécessite au préalable un contrat tacite fondé sur le partage présupposé de mêmes valeurs.

La transe est une augmentation ou une diminution significative du niveau émotionnel du sujet, une augmentation de la tension ou de la détente, et par ce fait une diminution du facteur critique.

L'hypnose est toute communication verbale et non-verbale exercée directement ou indirectement par un tiers qui contourne le facteur critique, afin de communiquer directement avec le système inconscient d'une personne.

Romaric nous propose de faire le test d'exécuter deux mouvements en même temps : faire un cercle avec le pied droit et dessiner un 6 avec la main gauche, sans s'arrêter. C'est quasiment impossible.

Romaric nous fait alors une démonstration d'hypnose quand il « endort » son sujet en le poussant légèrement en arrière puis en avant par la technique de « la vrille ». Il n'a pas d'autre choix que de tomber au sol. Le sujet ressent de la « fascination » et est absorbé dans une sorte de confusion et de saturation ; ce qui provoque la perte d'équilibre.

L'hypnose c'est, en quelque sorte, « l'aïkido » de la communication. C'est un processus éducatif. Notre suggestibilité est synonyme de notre faculté d'apprendre. L'hypnotiseur apprend au sujet comment intégrer rapidement une nouvelle information dans sa carte du monde…

5- L'hypnose au prisme de la Psychologie Sociale par Pascal Morchain

Pascal Morchain nous propose un singulier point de vue sur l'hypnose et le mentalisme. Voici en résumé sa conférence qu'il a dû condenser par manque de temps.

Introduction symbolique :

L'image du bandeau est le symbole sous-jacent du mentalisme. On peut aller à l'intérieur de soi-même quand on est caché : le fameux « regard intérieur ».

Une classification :

Le mentalisme, comme chacun sait, renvoie à cette branche de la magie qui présente une série de phénomènes semblant relever du contrôle de l'esprit sur l'esprit ou sur la matière. À ce titre, le mentalisme couvre une très large bande d'effets.

Pour le Mentalisme
- Phénomènes Psychiques et Mesmérisme (Psychic-Mesmerisme) : Télépathie ESP Précognition, Prédiction, Lecture de pensée, Clairvoyance, Clairaudience, Hypnose, Mesmérisme, Psychokinèse, Télékinésie.
- Illusionnisme Psychologique (Psychological illusionism) : Télépathie, ESP, Précognition, Prédiction, Lecture de pensée, Hypnose.

Pour les Amusements mystérieux (Mystery Entertainment)
- Mentalisme Théâtral (Theatrical mentalism) : Télépathie, ESP, Précognition, Prédiction, Lecture de pensée, Clairvoyance, Clairaudience, Hypnose, Mesmérisme, Psychokinèse, Télékinésie, Lectures, psychiques (Psychic readings)
- Magie Bizarre (Bizarre Magick) : Lévitation, Pénétration, Transposition, Production, Disparition, Réapparition, Transformation, Destruction, Restitution, Storytelling, Lectures psychiques, Télépathie, ESP, Précognition, Prédiction, Lecture de pensée, Clairvoyance, Clairaudience, Hypnose, Mesmérisme, Psychokinèse, Télékinésie, Spiritualisme, Démonisme.

La psychologie est réticente sur les phénomènes psy, uniquement descriptifs comme la clairvoyance, la psychokinèse ou la précognition. Sur 1100 professeurs d'université américains, 34% des psychologues déclarent les phénomènes psy impossibles.

Pour la zététique (le doute scientifique comme moyen de connaissance), de nombreux phénomènes inexplicables sont explicables, et pour certains expliqués, par la psychologie cognitive et la psychologie sociale.

Il est chez l'être humain ce que l'on appelle le « lieu de contrôle » (locus of control), et qui renvoie à la manière dont il interprète les évènements qui lui arrivent. Soit nous pouvons penser et dire que ce qui nous arrive vient du hasard, de la chance, du manque de chance (« j'ai eu un accident à cause du brouillard »), ou vient de nous-même (« j'ai réussi parce que j'ai fait ce qu'il fallait »). Dans le premier cas, on parle de « contrôle externe », dans le second de « contrôle interne ». Dans une situation de non contrôle, les gens sont plus influençables.

Avec « l'effet Barnum », les gens se reconnaissent aisément dans des descriptions psychologiques qui leur sont données comme avec l'horoscope, la voyance ou le cold reading (voir l'expérience en laboratoire de Forer en 1949).

Il est un mécanisme bien connu des psychologues : celui de la « prophétie auto-réalisatrice », ou encore de la « confirmation d'hypothèses », selon lequel finalement on observe, ou l'on vit, ce que l'on connaissait déjà. Nous percevons par des « filtres sociaux ». Nous sommes pratiquement à 98% en « pilotage automatique ».

Parmi les phénomènes qui nous influencent à notre insu, on trouve « l'ancrage » et « l'amorçage ». Un « ancrage » renvoie à l'influence d'une activation numérique sur des estimations subséquentes. « L'amorçage » est un phénomène proche de « l'ancrage ». Il renvoie à ce que, à la fin du XIXème siècle, on appelait en psychologie les phénomènes idéomoteurs (tout se traduit par les gestes – voir le cumberlandisme).

Nos processus adaptatifs, qui proviennent de très loin dans l'histoire de l'humanité, naissent d'interactions sociales.

Pascal Morchain nous présente pour finir les dernières recherches sur le mentalisme réalisées par des études préliminaires menées à l'Université de Rennes 2 entre la fin Avril et la mi-Mai 2014 par Floriane Hanzo et Anthony Picaud.

Dans cette première étude, ils sont partis de la classification de Landman (2013) et ils ont interrogé les personnes sur les différentes branches du mentalisme. 75 personnes ont été interrogées (67 via internet, 8 en entretiens individuels semi-structurés).

Le questionnaire : ‐Selon vous, les disciplines suivantes relèvent-elles du mentalisme ? ‐ Selon vous, les disciplines suivantes relèvent elles ou non de véritables capacités psychiques ? ‐ Selon vous, les disciplines suivantes relèvent-elles ou non de la magie de spectacle ? (Ils précisaient « magie de spectacle », le prétest ayant montré que lorsque l'on disait « magie », les personnes comprenaient plutôt « magie-occultisme »). ‐Selon vous, la personne qui pratique ces différentes disciplines acquiert-elle (a-t-elle) des connaissances sur vous ? (Cette dernière question était posée afin de préparer un matériel expérimental pour une autre étude dans le même programme de recherches).

Les résultats : l'Hypnose et la Lecture de pensée sont perçues comme étant du mentalisme. La psychokinèse, la télékinésie et l'hypnose relèvent de la magie de spectacle. L'hypnose révèlerait de vraies capacités mentales. Le mentaliste acquiert de la connaissance sur la personne (en lecture de pensée et en hypnose).

Les gens pensent que le mentalisme est réel. Le mentaliste possède, selon eux, des « pouvoirs psychologiques », il analyse et décrypte nos comportements et leur donne une signification grâce à l'observation et à l'écoute. Le mentaliste fait penser au psychologue et au cold reading. Il y a une différence entre un magicien et un mentaliste.

Les gens ont l'air de croire à ces phénomènes, alors attention de ne pas trop mélanger magie et mentalisme comme le disait Tony Corinda. Attention à l'éthique et à manipuler les gens sans le savoir en ayant une influence durable sur eux.

DOMINIQUE WEBB

Arrive le moment solennel de chaque journée du JMMHD : le Talk-show rendant hommage à une grande figure de la magie. Gaëtan Bloom est aux anges car il a connu Dominique Webb par le biais de sa boutique et de son école de magie quand il a voulu prendre des cours à l'âge de 12 ans. C'est donc parti pour cet entretien tout en intimité et sans langue de bois.

Où es-tu né ?

A Portel des Corbières, un village sur le chemin de l'Andorre, j'y suis né dans la maison de bon papa et bonne maman au milieu des vignes et des platanes, à l'époque où les cigales commencent à chanter le printemps.

Comment t'es-tu aperçu de tes pouvoirs de suggestion ?

Je suis élève de l'école communale de Portel, division et conjugaison me paraissent fort compliquées. J'appréhende donc le moment de l'interrogation. Lorsque je vois le regard de la maîtresse se poser sur moi je la supplie mentalement de ne pas s'adresser à moi.

Subit-elle ma première suggestion télépsychique lui suggérant d'interroger un autre élève ? Trop souvent pour que ce ne soit pas le hasard.

A l'âge de 6 ans, je confectionnais des petits tours de magie comme par exemple une boite de conserve dans laquelle je mettais au fond une éponge et puis je versais de l'eau et montrais à mes copains que l'eau avait disparu !

Qui a étéà l'origine de ta vocation ?

Mon Papa m'a offert mon premier livre de magie du Professeur Marcel, camelot qui opérait sur les marchés parisiens (le roi des cartes biseautées). Il faisait des tours et les vendait avec un extraordinaire boniment très convaincant. Je lui ai acheté tous ses trucs !

Ensuite as-tu pris des cours ?

Vers 11 ans papa Achille m'accompagnait prendre des cours chez le magicien Sanas « l'homme au cerveau d'acier ».

Encore enfant mon cher papa m'inscrivit au club de magicien « le French Ring » dont le président était Eugène Piret. Papa était ravi de participer à ces réunions avec moi, à chaque fois c'était une vraie fête qui se terminait par un repas convivial et chaleureux. Mon adhésion à l'AFAP a suivi très vite.

A quel âge ta carrière a-t-elle vraiment commencé ? Très tôt ! A l'âge de 14 ans, je vais au théâtre de l'Alhambra ou Jean Nohain animait son émission 36 chandelles avec l'intention de me présenter à lui. Là, j'ai croisé Fernand Raynaud qui sortait de la salle et je lui ai demandé de me présenter à Jean Nohain ; sa réponse fut claire et brève : « Débrouilles toi ! ». Je me suis payé le culot d'aller en coulisses ; nombre de vedettes de l'époque étaient présentes et « suppliaient » Jean Nohain pour passer dans ses émissions ; la réponse était toujours la même : « On vous rappellera, promis ! ».

J'avance alors vers lui, me présente en disant que je viens de la part de Fernand Raynaud, je lui explique mon numéro et obtiens en retour : « On vous rappellera, promis ! ».

Je suis donc reparti, sans grand espoir. Quelle ne fut pas ma surprise quand dans la semaine suivante, j'ai reçu un appel de son équipe, m'invitant à participer à la prochaine émission !

A l'époque, je ne faisais que quelques tours pourtant insignifiants (type tour des 6 cartes, casserole aux colombes…) mais cela lui a plu et j'ai ainsi participéà nombre de ses émissions : 36 chandellesémission tout public, le train de la gaité… La seule remarque qu'il m'est faite lors de ma première, c'était : « Parles plus fort ; hier, on nous recevait à Paris et sa banlieue ; demain, on nous recevra jusqu'à Lille ; il faut qu'on t'entende ! ».

Y a-t-il un magicien qui t'as influencé plus particulièrement ?

Oui, le premier qui provoqua vraiment « le déclic » c'est Dominique, le pickpocket, à l'Olympia en première partie d'Edith Piaf. Il invitait certaines personnes du public à monter sur scène et je n'ai pas hésitéà y aller pour me faire « pickpockéter ». J'étais très impressionné et il est devenu mon modèle pour mes premiers spectacles. J'étais surpris par l'audace notamment par la façon de détourner l'attention. Tout en étant très impressionné par ce formidable showman, j'étais très inspiré par lui, j'ai présentéà mon tour un numéro de pickpocket que j'ai vite transformé en spectacle d'hypnose.

As-tu passé d'autres auditions à part celle de Jean Nohain ?

J'ai le souvenir qu'à 15 ans avec mon frère Philippe nous avions auditionnéà Bobino alors que les compagnons de la chanson étaient à l'affiche. Nous étions trois àêtre auditionnés : la chanteuse Danielle Rouillet, un chanteur Johnny Halliday et un magicien que j'étais. Johnny et moi avons été recalé mais la chanteuse engagée.

Puis plus tard j'ai fait des cabarets : la nouvelle Eve, la Table du Mandarin avec Tini Yong... mais très vite j'ai arrêté.

Penses-tu alors vivre uniquement de la magie ?

Oui, c'est pourquoi je mène de front d'autres projets dont la conception, la fabrication et la vente de boites de magie. Très jeune (vers 14 ans et mon frère Philippe 13 ans) nous allions ensemble aux Galerie Lafayette, BHV, le Printemps, Bon Marché…, je faisais la démonstration des tours de magie contenu dans les boîtes de jeux alors confectionnées une à une à la main collant nous-mêmes les cartes pour les truquer ; tandis que notre jolie maman tapait les explications des routines, en six exemplaires sur sa machine, grâce au papier carbone. J'ai le souvenir que Madame DE GAULLE était une cliente fidèle.

Très vite, la fabrication des jeux a prospéré, notre papa construisit un premier atelier dans le jardin de la maison familiale, puis 2, puis 3 et puis plus un seul m2 de jardin par la suite. Une trentaine de dames garnissaient les boites de magie mais aussi d'autres jouets de notre fabrication : petites cliniques, écoles, postes, chimie…

Après quelques années d'exploitation de la fabrique, nous avions une usine, une centaine d'employés et je n'avais plus le temps de me consacrer à ma passion : la magie ; aussi nous décidions de revendre cette activité aux éditions Robert Laffont.

Quelles sont les principales émissions auxquelles tu as participé après celles de Jean Nohain ?

En 1960, j'ai 19 ans et je présente un de mes numéros favoris « Les 6 cartes » dans l'émission La Vache enragée.

En 1961-1962, j'envoie un projet de scénario au directeur de la seule chaîne à l'époque et je reçois rapidement une réponse positive mais comme je n'ai pas la majorité (21 ans à l'époque), il m'adjoint un co-producteur, Jean-Jacques Bloch et la série de La foire aux Illusions débute.

C'est un duel entre un magicien, Monsieur Magic, qui accomplit des miracles en se servant de l'illusion et d'un réalisateur, Monsieur Oscar Truc, (interprété par Jacques Hilling), qui réalise ces mêmes miracles avec les effets spéciaux cinématographiques. Durée 23 minutes, diffusé avant le journal télévisé, une fois tous les 15 jours le jeudi.

- Extrait vidéo de l'émission La foire aux Illusions : « le prisonnier »

Peux-tu nous parler de la boutique magique que tu as ouverte à Paris ?

En 1966 c'est l'ouverture de la boutique magique, rue de Dunkerque à Paris. Lors de l'inauguration, Nancy holloway, Georges Ulmer et Francis Blanche se prêtent à des tours.

- Extrait vidéo de l'émission « Actualité mai 1966 »

Là encore, il s'agissait d'un nouveau concept : une boutique où je vendais des tours uniquement pour des magiciens et au sous-sol une salle de réunion et de spectacle réservée aux magiciens qui se présentaient leurs tours entre eux ainsi qu'une école de magie, J'avais un élève qui deviendra célèbre dans le monde entier : Gaëtan Bloom.

- Extrait vidéo de l'émission « l'art de tromper les gens » de 1968. « Un nouveau violon d'Ingres à la mode » (avec l'explication de la production d'une cigarette).

Quel a été l'évènement déterminant pour déclencher ta notoriété ?

En 1965, je propose à Guy Lux de prédire le tiercé en direct dans l'émission de Télé Dimanche. Il m'a dit : «ça me plait, mais si vous vous plantez devant dix millions de spectateurs, votre carrière s'arrêtera là ! » Je lui répondis : « ok et 8 jours après l'affaire fût conclue et la réussite spectaculaire ! »

Le seul obstacle fut la réaction du PMU, Ils étaient furieux, dès le lendemain et pendant trois semaines, les paris ont chuté de moitié, le public craignant un trucage de la part du PMU, les paris ont repris ensuite puisque la couverture médiatique (peut être aussi pour disculper le PMU) m'a présenté comme le plus grand voyant de tous les temps.

J'avais réussi mon grand coup ! Cet exploit était très mal vu par la direction de l'ORTF et m'a valu une interdiction d'Antenne pendant un an.

Es-tu allé tenter ta chance aux Etats-Unis ?

Non je ne l'ai pas fait malgré l'amitié qui me liait avec Line Renaud qui me l'a proposé. Mais je partais sur le paquebot France et lorsque j'arrivais à New York pour 4 jours, j'avais l'audace d'envoyer des lettres à Bruno Coquatrix pour lui dire que je serai de passage en France de telle date à telle date et que je souhaiterais qu'il me reçoive, car depuis l'âge de 15 ans, mon rêve était de me produire à l'Olympia. Mes courriers restaient sans réponses.

Raconte-nous un peu ton aventure à l'Olympia ?

Bruno Coquatrix m'a contacté le lendemain de ce fameux tiercé et cette aventure, fut elle aussi fabuleuse ! Notre collaboration commença de suite avec le 1er Festival international de la Magie en 1968 et dura jusqu'à la fin de sa vie. Nous étions devenus de bons amis et je fais partie des quelques personnes qu'il a convoqué quelques jours avant sa mort pour boire une dernière coupe de champagne et se remémorer les bons souvenirs, j'étais très ému, j'avais énormément de respect et d'affection pour ce grand Monsieur.

Bruno Coquatrix écrit en préface de mon 5ème Festival de la Magie :

« Il y a cinq ans, Dominique Webb, me proposa de tenir la scène pendant deux heures, sans chanter, sans danser, ni rien de tel. Il projetait de faire ce que certaines vedettes font bien involontairement : ENDORMIR LE PUBLIC. C'était pour le moins inhabituel ; Je ne sais si à ce moment-là, j'étais déjà sous influence, mais je me suis entendu lui donner mon accord, ne sachant absolument pas de quoi il s'agissait. Cet état de chose dure depuis 5 ans. L'Olympia, une fois par an, pendant plusieurs mois, se transforme en temple de l'hypnose, dont Dominique Webb est le grand prêtre et les spectateurs sont surtout les acteurs inconscients. Je ne serai pas voyant extralucide en vous prédisant une excellente et étrange soirée en sa compagnie ».

Lors de ces Festivals à l'Olympia, je m'entourais des plus grands magiciens : Richiardi, Omar Pasha, Shimada, Alan Alan, Al Carty…

Pendant l'Olympia de 1971, lors de l'inauguration de la statut de Salvador Dali au musée Grévin, une séance d'hypnose s'organise dans la salle des mirages au cours de laquelle j'hypnotise Salvador Dali.

- Extrait d'une démonstration d'hypnose et d'une longue interview donnée dans une émission de Philippe Bouvard en présence de Raymond Devos. Lors de ce passage, Dominique Webb dit que l'hypnose n'est pas un pouvoir, qu'il n'y a ni miracle, ni fluide et qu'il a besoin de 5 ou 6 personnes « entrainées » employées par lui pour le déroulement de son spectacle.

Tu étais très ami avec Thierry Le Luron, comment vous êtes-vous rencontrés ?

En 1973, Paul Léderman me dit : « J'ai découvert un imitateur extraordinaire, je te le présente, il s'appelle Thierry Le Luron ». Il fut la vedette américaine lors de mon spectacle à l'Ancienne Belgique. Il a obtenu le succès qu'on lui connait.

Je me souviens avoir créé les effets spéciaux de son grand show au palais des congrès en 1980 Féeries magiques ; un tapis volant pour les danseuses, un tapis pour Thierry Le Luron, le tout en théâtre noir. Thierry s'envolait dans une tunique qui gonflait en imitant Demis Roussos ; ce fut un réel plaisir de monter ce spectacle très visuel...

Qui t'a contacté pour créer une illusion pour le musicorama de Christophe ?

En 1974, Christophe me demande de lui créer une illusion magique et musicale pour son passage à l'Olympia. Il souhaite une illusion très marquante pour le public. J'ai l'idée et je crée, pour lui, le numéro du Piano Volant.

Comment as-tu fait pour vendre une émission de magie à la Une ?

A la suite d'une rencontre fortuite à Cabourg, j'ai sympathisé avec Jean Cazeneuve, Président de la 1ère chaîne de télévision, auquel j'ai présenté mon projet : une émission de magie intitulée Des Magiciens. Cette idée l'a emballé.

Il m'a invitéà me rapprocher de Jean Michel Hep, directeur des variétés pour la chaîne. Pour la petite histoire, cela faisait plusieurs années que j'essayais de vendre ce projet à J.M. Help qui régulièrement me laissait sur la touche. Cette série d'émissions dura de 1976 à 1978. La particularité de cette émission était de prendre les chanteurs, chanteuses et autres artistes comme partenaires à mes grandes illusions. Il y avait également des magiciens internationaux qui venaient participer à l'émission.

- Extraits de l'émission Des magiciens de 1977 avec une lévitation de Line Renaud dans un décor de glacier.

Dominique Webb et Tony Slydini dans les années 1970.

Il y a longtemps que tu avais le projet d'un grand spectacle mêlant la magie, la danse, la musique et le cirque ?

Oui, Magic Story (1981), c'est l'histoire d'un illusionniste prisonnier de ses trucs qui va tomber petit à petit sous la coupe d'une extra-terrestre qui lui promet tous les pouvoirs.

Cette comédie magicale et musicale était composée de 25 comédiens chanteurs – danseurs – jongleurs – cascadeurs – 5 musiciens – 14 animaux, sur une musique de François Wertheimer. J'ai fait venir des Etats-Unis John Gaughan pour qu'il dessine mes grandes illusions avec l'aide de Jean Régil.

Qu'as-tu fait après Mogador ?

Avec l'argent que je n'ai pas gagnéà Mogador, j'ai acheté le Château de Verderonne pour y faire un lieu magique mais je suis immédiatement parti au cirque Beneweiss à Copenhague pendant 3 mois.

Ton nom a été associéà une compagnie d'assurance, peux-tu nous dire pourquoi ?

En effet pendant 3 années consécutives, je tournais pendant 3 mois à travers toute la France avec mon spectacle de Grandes Illusions pour la compagnie UAP.

Il invitait 1000 clients et prospects à une soirée magique. En 1ère partie, Bernard Golay animait de nombreux jeux puis les spectateurs étaient conviés à un grand buffet suivi de mon Grand Magic Show. Ma soeur Clarisse était la talentueuse chorégraphe de ce spectacle.

Cette tournée artistique s'est révélée être en même temps une tournée gastronomique à la découverte des meilleures tables de France avec pour seul regret d'avoir pris trop de kilos supplémentaires.

Dominique Webb et Sheila.

Parles-nous aussi de ton Château de Verderonne ?

En 1983, je propose une émission sur la une : Château Magique. C'est Raoul Sangla qui en sera le réalisateur et sa spécialité est un tournage en plan séquence, c'est à dire en continu. Alice Saprich, mes amis Evelyne Leclerc et Bernard Menez participent à une séance de table tournante mémorable.

Dans le Château Magique de Verderonne à 1 heure de Paris, j'organise des soirées événementielles avec personnalisation de produits, selon les entreprises, j'accueille des groupes associatifs… L'ambiance est un château « hanté» avec fumée, squelette, toiles d'araignées… C'est un succès !

A l'époque, tu me disais en avoir assez du brouillard, de la pluie et du froid dans l'Oise, alors où es-tu parti ensuite ?

En 1989 c'est la création du Castell del Misteri dans un authentique palais du XIVème siècle sur la Costa Brava en Espagne.

Ma fille Julia fait son 1er tour de magie. Je fais choisir une carte dans le public et je présente à Julia le jeu dont elle tire la carte choisie. Elle n'a jamais commis une erreur !

Le concept est toujours de faire vivre une journée magique à des groupes mais aussi à des visiteurs individuels. La journée type était :

Arrivée à 11h00 avec visite animée du musée, illusions d'optique – sarcophage du Pharaon : A la vue de tous, le visiteur qui prend place dans le sarcophage où il se métamorphose en momie égyptienne – Grandes Illusions avec par exemple l'énigme du pressoir de Yanco (l'original), la cage des métamorphoses… L'exposition des affiches des plus grands magiciens – La fontaine enchantée : Au milieu du Grand Patio au charme envoûtant du Castell del Misteri, coule la Fontaine enchantée. L'eau surgit d'une lourde pierre taillée flottant dans l'espace.

12h30 à 13h : Cocktail au bar magique : Le barman est aussi prestidigitateur et présente ses habiles manipulations « sous le nez » des spectateurs.

12h30 à 15h30 : Déjeuner dansant : Autour de la Fontaine enchantée du Grand Patio ou dans l'un des salons d'apparat du Palais en fonction du temps.

15h30 : au Cabaret théâtre du Castell des Misteri : Spectacle du « GRAND MAGIC SHOW » avec lévitation – tapis volant de la féérie orientale, disparition d'un personnage dans l'espace et bien d'autres merveilles et enchantements.

17h00 : les visiteurs, avant de quitter le Palais découvrent le Piano volant réaliséà moins d'un mètre de leurs yeux. Les magiciens amis attitrés du Castell del Misteri sont alors Gaëtan Bloom et Dominique Dega.

Je suis aussi parti en Espagne pour échapper au FISC à cause de l'histoire du « Talisman Magique ». Avec cette médaille, je me suis fait de l'argent (Webb sort une médaille de son cou et dit : « Je suis catholique pratiquant et pêcheur ! »). C'était une médaille païenne, elle ne coûtait pas chère mais il y en avait des quantités astronomiques à vendre…

Ci-dessous, en exclusivité, l'extrait du document original :

LE TALISMAN MAGIQUE DE DOMINIQUE WEBB

Cet authentique Talisman magnétique peut-il vraiment vous faire GAGNER 1 MILLION DANS LES JOURS QUI VIENNENT ? (tout est gratuit si vous ne gagnez que 500.000 F).

Voici notre proposition

Portez cet authentique Talisman magnétique conçu par le magicien de renommée mondiale Dominique Webb. Si dans les 2 mois vous n'avez pas gagné au moins 1 million au tiercé, quarté ou loto... retrouvé l'amour ou résolu le grave problème qui vous obsède en ce moment même... Il vous suffira de nous retourner votre authentique Talisman magnétique et cette expérience (vous devez la faire) ne vous aura rien coûté.

Des pouvoirs surnaturels

Dominique Webb a prouvé la réalité de ses fabuleux pouvoirs devant des parterres de Rois et de Reines, devant des Présidents, devant l'élite dirigeante des plus grandes nations. Sous leurs yeux stupéfaits il a fait disparaître l'éléphant sur lequel il entre sur la piste... soulevéà distance un piano à queue et sa pianiste au beau milieu d'une pelouse... écrasé un homme sous un bulldozer sans le blesser... fait ruisseler de chaleur ou trembler de froid des salles entières hypnotisées... et annulé les effets de l'attraction terrestre pendant près de 20 secondes en stabilisant un corps à 50 cm du sol (lévitation). On ne peut discuter les pouvoirs de Dominique Webb sur la matière. Les faits sont visibles. Il possède des pouvoirs identiques dans le monde de l'invisible.

« Il y a 10 ans, un inconnu est venu frapper à ma porte, me proposant de tenir la scène pendant 2 heures sans Chanter, sans danser, ni rien de tel. C'était pour le moins inhabituel. Je ne sais si, à ce moment-là, j'étais déjà sous influence, mais je me suis entendu lui donner mon accord, ne sachant absolument pas de quoi il s'agissait. Cet état de chose dure depuis 10 ans et c'est bien l'un des rares spectacles où le public est aussi assidu. » Bruno Coquatrix, Directeur de l'Olympia.

Cet homme peut vraiment vous aider. Ses pouvoirs sont immenses. Il est l'un des rares voyants à avoir prédit le tiercé dans l'ordre.

Peut-être avez-vous assistéà ce fait sans précédent. Il s'est dérouléà la télévision en direct, et aucun truquage n'était possible. Aujourd'hui les scientifiques considèrent toujours ce qui s'est passé ce jour-là comme un fait réel mais non explicable.

Devant 10 millions de téléspectateurs, une demi-heure avant le départ du Prix de Diane, Dominique Webb griffonna 3 chiffres sur un papier. Celui-ci fut enfermé par un huissier dans une boîte rouge, elle-même placée dans un coffret en plastique transparent le tout resta sous la surveillance constante de l'œil d'une caméra.

Après la course l'huissier déplia le papier. 3 chiffres y étaient portés : 2-5-8. Le tiercé dans l'ordre.

Ce fait est sans précédent. Jamais aucun voyant n'a pris le risque d'annoncer en direct les futurs numéros d'arrivée d'une course. Seul Dominique Webb a lancé ce défi et l'a gagné prouvant ainsi l'incroyable puissance de ses pouvoirs psy. Cet homme est prêt à vous aider, à vous faire bénéficier de ses immenses pouvoirs. Faites-lui confiance, vous le pouvez.

Un transfert d'énergie

Il est un autre fait inexplicable : vous le constatez vous-même lorsque vous passez l'authentique Talisman magnétique Dominique Webb autour de votre cou.

Pas sur l'instant, mais dans les 30 minutes environ. Une sensation étrange, comme un grand, calme, comme si la pression des événements, des soucis se levait et disparaissait.

Très peu de gens admettent ne rien ressentir (2 à 3 personnes sur 100 seulement) ce sont des exceptions pour lesquelles on parle de blocage, de manque de confiance.

Dominique Webb est formel à ce sujet : ce Talisman magnétique qu'il a spécialement conçu ne peut rien si vous ne l'avez pas demandé dans un but précis et si vous n'êtes pas convaincu que désormais vous atteindrez ce but. Cette Croyance est une clé nécessaire. Si vous ne la possédez pas, si vous ne croyez pas, tout le processus mental se bloque et vous n'obtenez rien. Cet authentique Talisman Dominique Webb est peut-être le bien le plus précieux que vous ne posséderez jamais.

Pour expliquer les résultats incroyables obtenus par les porteurs de ce Talisman magnétique ainsi que le calme ressenti on admet plusieurs explications. La plus courante est que les ondes surpuissantes qu'il émet en permanence construisent un véritable rempart psychique autour de vous, vous protégeant des agressions, des pensées négatives, de tout ce qui vous harcèle et risque de vous détruire peu à peu.

L'impression de calme que vous ressentez dans les 30 minutes semble être la preuve que votre mur psychique se construit ! Si désormais vous étiez enfouis à l'abri des pensées mutilantes ?... des comportements destructeurs ?... s'il vous suffisait d'étendre le bras pour toucher votre but ?... d'ouvrir la main pour ramasser tout l'argent dont vous souhaitez la possession ?... d'ouvrir les yeux pour découvrir l'amour ? (il se cache souvent près de vous)... d'ouvrir les oreilles pour vous entendre donner la meilleure façon de résoudre un problème difficile ?...

Faites confiance à l'authentique Talisman magnétique Dominique Webb, sa puissance et votre Foi en ses pouvoirs peuvent réellement bouleverser votre vie.

« Je crois totalement au pouvoir de la Foi, de la pensée Positive qui permet d'atteindre vite le but qu'on s'est fixé. Cette Foi est en l'homme, l'homme crééà l'image de Dieu et qui lui a donné des pouvoirs extraordinaires dont on ne sait pour quelles raisons il ne s'en sert pas. Le Christ a dit : Si vous avez la foi, vous déplacerez des montagnes... Il n'y a pas de limites à cela, si vous croyez, tout est possible... » Dominique Webb

GARANTIE TOTALE : 1 Million dans les 2 mois

OUI, je souhaite recevoir gratuitement et par retour (sous réserve que je sois remboursé totalement et sans discussion en cas de non satisfaction) :
- 1 TALISMAN AUTHENTIQUE DOMINIQUE WEBB au prix de 146 Francs (140 F + 6 F frais d'envoi), + chaîne gratuite.

Au verso de la médaille est apposée la Signature de Dominique Webb prouvant l'authenticité de ce Talisman magnétique.

BON à retourner à SOLIS - 8 avenue des Ecoles - B.P. 3 Rocheville - 06114 Le Cannet Cedex

Il faisait très chaud en Espagne, pourquoi es-tu parti à Saint-Barth en 1994 ?

Parce qu'il fait encore plus chaud à Saint-Barth ! Je plaisante, en fait tu connais mon amour pour les îles et aussi ma philosophie qu'il faut toujours joindre l'utile à l'agréable, d'ailleurs on ne paye pas d'impôt là-bas.

Donc voici la naissance du Magic House restaurant – spectacle magique à Saint-Barth aux Antilles, île paradisiaque. Les tables sont au bord de la scène et le piano volant s'envole sous le nez des clients à moins d'un mètre. Tom Hanks vient souvent à Saint-Barth et me demande à prendre la place du pianiste pour s'envoler lui aussi. Une fois il est arrivé en compagnie de Steven Spielberg que J'ai également fait voler. L'aventure de Saint-Barth s'achèvera par le passage du cyclone Luis qui dévasta le Magic House.

Quand j'étais au Castell en Espagne, tu partais tourner l'émission Sacrée Soirée peux-tu nous en dire plus ?

En 1990, parallèlement au Castell del Misteri, Gérard Louvin me contacte pour passer régulièrement dans l'émission Sacrée Soirée avec Jean Pierre Foucaud. C'est ainsi qu'en DIRECT je transforme un lion en Peugeot 106 (je me souviens que tu n'es pas étranger à la création de cet effet dont nous avons beaucoup parlé ensemble) – je fais disparaître 2 éléphants – l'ubiquité avec disparition d'une moto et son passager dans l'espace et ensuite sa réapparition - des lévitations et bien sûr le Piano Volant…

Une autre de tes grandes réalisations : ton spectacle au Futuroscope en 1996, raconte-nous cette aventure ?

Lors d'un 31 décembre en Martinique, j'ai le plaisir de présenter mon spectacle à l'hôtel « Bakoua ». Le Ministre René Monory était en vacances dans ce même hôtel. J'échange quelques mots sympathiques avec lui et je sens que le courant passe.

A mon retour, je décide de lui envoyer un projet que j'avais depuis quelques temps en tête : une attraction nouvelle pour le Futuroscope. Très rapidement sa secrétaire me rappelle pour me fixer un rendez-vous. Quel ne fut pas ma surprise de découvrir qu'il connaissait ma carrière par cœur, qu'il était souvent venu m'applaudir à l'Olympia et qu'il était passionné par la magie. Nous nous sommes beaucoup vu pendant la réalisation de ce projet et cela a toujours été avec beaucoup de plaisir.

C'est amusant qu'aujourd'hui, le spectacle que présente mon ami Bertran Lotth, que j'ai d'ailleurs vu récemment et que j'ai trouvé formidable, s'appelle Imagic aussi, cela me fait très plaisir.

J'ai fait partie de la 1ère édition du Festival Magic Méribel, pourquoi as-tu choisi Méribel pour faire ce festival ?

En 2001, Je suis à Méribel au Club Med en vacances avec mon ami Miredieu comme chef de village. Nous discutons et je lui parle d'organiser un festival de magie, l'idée lui plait et aussitôt il appelle Jean Marie Choffel alors directeur de l'office de tourisme, c'est ainsi que débuta l'aventure du Festival Magic Méribel. Le 1er eu lieu l'hiver et devant le succès, Jean Marie Choffel décida de le programmer l'été car si la station est pleine l'hiver, il faut attirer de nouveaux vacanciers l'été. Nous sommes cette année à la 15ème édition.

- Extraits vidéo du Festival de 2013.

Fin de l'entrevue. Dans la salle, Didier Morax rappelle les partenaires qui ont souvent accompagné Dominique Webb : Dominique Dega, Gilles Weiss, Claude Brunel, André Karadgi et Les frères Mamou. La famille Webb vient saluer la salle sous un tonnerre d'applaudissements bien mérité !

A lire :
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Crédit Photos : Franck Boisselier. Documents : Didier Morax. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

Clément ROSSET

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Depuis Le Réel et son double (éd. Gallimard, 1976), le philosophe Clément Rosset déploie son idée maîtresse, celle qu'il élabore : nous ne cessons de fuir le monde, de doubler le réel - d'illusions et de fantasmes. L'invisible est l'un des noms de ces nombreux faux-semblants. L'invisible, cette illusion de réel, « est ce qu'on ne voit pas mais qu'on finit par croire voir, à force d'en tenir l'existence pour certaine ». Pour Rosset, religions et idéologies ne sont que des leurres, destinés à masquer une réalité qui triomphe toujours à la fin.

Chasseur d'illusions, l'auteur traque les faux-semblants du mensonge. Contre tous les « doubles » qui empoisonnent et déforment la vérité, Rosset défend un réalisme absolu, radical : seul le réel existe. Si l'homme ment et se ment tout le temps, c'est qu'il est incapable d'accepter les choses telles qu'elles sont et apparaissent là, sous son nez. Rosset nous dessille les yeux. Mais cette chasse aux doubles ne prend jamais la forme d'une morale. Le penseur l'a en horreur, ce qui rend son rapport au mensonge bien plus passionnant et chatoyant. Proche de Cioran et auteur de livres sur Schopenhauer, le philosophe a plutôt pour armes son sens du tragique, relevé par un humour décapant et un bon sens chevillé au corps. Sans oublier son goût pour l'art, littérature, musique et cinéma, dont la chair imaginaire, ni tout à fait vraie, ni tout à fait fausse, le nourrit toujours autant.

« En cas de conflit entre l'illusoire et le réel, c'est toujours l'illusoire qui gagne. »

Ecoutons maintenant le philosophe nous parler du réel, de l'illusion, du double, du faux et du mensonge.

Postulat de départ

Mon point de départ est que le réel est idiot. Attention, l'idiotie n'est pas l'imbécillité mais l'insignifiance, l'absence de signification. Un exemple : ce caillou que vous voyez là répond parfaitement – il ne fait même que ça – au principe d'identité, A égale A. Vous pouvez le torturer, il ne fera rien d'autre que confirmer son identité de caillou. Cette vérité peut devenir insupportable. Je m'explique : si je veux décrire ce caillou, je vais être tenté de le faire rentrer dans une généralité, un concept de caillou. Mais ce caillou, tout banal qu'il soit, est unique, et je vous mets au défi de le décrire complètement dans sa singularité. Il n'existe pas, dans l'univers, deux choses absolument semblables.

La persistance obstinée du caillou dans son identité minérale ne nous empêche pas de vivre, mais nous pouvons élargir cet exemple à notre refus naturel d'accepter une réalité lorsqu'elle nous dérange. Rien de tel qu'une fable pour remettre les pieds sur terre. Telle celle-ci, venue d'Orient : un matin, le vizir de Bagdad heurte dans un marché une femme au visage blafard. Ils ont tous deux un mouvement de surprise. Le vizir sait qu'il a rencontré la Mort. Affolé, il accourt au palais et supplie le grand calife : « Puisque la mort me cherche ici, lui dit-il, permets-moi, Seigneur, de me cacher à Samarcande. En me hâtant, j'y serai à la tombée de la nuit ! » Sur quoi, il selle son cheval et file au grand galop. Plus tard dans la journée, le calife rencontre lui aussi la Mort. « Pourquoi, lui demande-t-il, as-tu effrayé mon vizir, qui est si jeune et bien portant ? »« Je n'ai pas voulu lui faire peur, répond-elle. J'étais juste surprise de le voir ce matin à Bagdad, car j'ai rendez-vous avec lui, ce soir, à Samarcande. »

Cette histoire résume bien notre penchant irrésistible à conjurer par tous les moyens ce qui, pourtant, ne va pas manquer d'arriver. Et pas seulement l'inéluctable absolu, notre finitude. Combien de pensées, au cours des siècles, nous ont poussés à agir pour un avenir meilleur, avec les résultats catastrophiques que l'on sait ! Nous avons un arsenal sophistiqué de mécanismes pour mettre notre conscience à l'abri des spectacles indésirables. Quant au réel, nous l'invitons à aller se faire voir ailleurs… dans l'illusion. En substituant au réel un double, plus acceptable, nous effectuons un déplacement propre à nous aveugler.

Encore un exemple, choisi chez Georges Courteline, vous savez, cet auteur de théâtre chez qui les femmes crient « Ciel, mon mari ! », avant de cacher leur amant sous le lit… Dans Boubouroche (1893), le héros a installé sa maîtresse, Adèle, dans un petit appartement. Un voisin de palier le prévient qu'Adèle reçoit tous les jours un jeune amant qu'elle dissimule dans son placard, dès que son bienfaiteur s'annonce. Fou de colère, Boubouroche débarque par surprise et découvre le jeune homme. Devant sa rage, Adèle rétorque, indignée : « Tu ne mérites pas même la très simple explication que j'aurais fournie aussitôt à un autre, s'il eut été moins grossier. Le mieux est de nous quitter ! » Boubouroche, qui, au fond, ne demandait qu'à se jeter dans une issue douillette pour son ego, admet aussitôt sa « bévue » et se confond en excuses.

L'histoire, comique et caricaturale, montre bien la structure de l'illusion : faire d'une chose deux, comme le fait le prestidigitateur. Celui-ci, pendant son tour de magie, oriente ailleurs le regard du spectateur, là où, précisément, il ne se passe rien. Exactement comme Adèle : « Il est vrai qu'il y a ici un homme, mais regarde – là où, précisément, il n'y a strictement rien – comme je t'aime ! »

Le double

Le thème du double est souvent associéà une pathologie – schizophrénie, paranoïa – et autres confins de la normalité. Il n'en est rien. Le thème du double concerne un espace culturel bien plus vaste ! Notamment celui de l'illusion religieuse, ou de la philosophie idéaliste, qui substituent au réel un « autre monde », forcément meilleur…

Le mensonge

Il n'existe pas d'essence du mensonge. C'est un terme très ambigu, voire un dangereux sable mouvant : les gens qui parlent tout le temps de mensonge et voient en lui le péché suprême, le mal par excellence, ne sont en général pas très francs du collier ! Les pourfendeurs du mensonge, ce sont bien souvent les inquisiteurs, les moralistes les plus hypocrites. On peut détruire son ennemi, mener une guerre au nom d'un mensonge - ainsi les prétendues armes de destruction massive en Irak. Le mensonge, c'est le grand mot de toutes les paranoïas, de tous les fanatismes, de tous les régimes totalitaires ; quand la croyance l'emporte sur la vérité, on a toujours affaire à un mensonge, qu'il soit politique, moral ou religieux. Montaigne, l'auteur anti-fanatique par excellence, a fait des Essais une machine de guerre contre les masques du mensonge et de l'hypocrisie.

Il existe une multiplicité de mensonges, affichant des facettes logiques et psychologiques très différentes. Dans son acception la plus simple, le mensonge est un déni de la vérité, de la réalité. Il nie ce qui est, ou affirme ce qui n'est pas. Un homme a tué, mais soutient qu'il n'a pas tué. Ainsi Raskolnikov, dans Crime et châtiment, dira au juge d'instruction Porphyre qu'il n'a pas assassiné la vieille usurière. Il avance le faux, alors qu'il sait le vrai qu'il choisit de dissimuler. Mais, à partir du moment où le mensonge est enclenché, la vérité peut éclater à tout instant. Le menteur prend ainsi toujours le risque d'être démasqué, même si la fausse version a quelquefois la puissance d'instiller le doute, et d'encombrer les cours d'assises pendant de longues années. Le mensonge se révèle souvent plus plausible, plus vraisemblable que la réalité, parfois si rocambolesque qu'elle en devient peu crédible.

Toute sa force du mensonge consiste à singer la vérité, à en prendre les couleurs. Le mensonge est un caméléon qui doit avoir l'apparence du vrai ; il doit pouvoir être cru, sans quoi il perd sa raison d'être. Et, pour être cru, il doit être consolidé par d'autres boniments. Le mensonge s'accompagne donc toujours d'une volonté de tromper. Celui qui énonce une proposition contraire à la vérité, sans vouloir tromper autrui, mais juste parce qu'il se trompe lui- même, est dans l'erreur, et non dans le mensonge. Le menteur, lui, est un charlatan, un spécialiste du faux qui, mieux que quiconque, sait reconnaître le vrai au premier coup d'œil. Le menteur est au fait de la vérité, et c'est là tout le paradoxe du mensonge.

La grande affaire, c'est le mensonge à soi-même. Mentir aux autres, ce n'est pas forcément si grave, ni si intéressant. Il y a tellement d'autres traits de la nature humaine à déplorer ! Le mensonge à soi-même me paraît beaucoup plus immoral, beaucoup plus mensonger. Car, à la différence de celui qui ment aux autres en sachant très bien ce qu'il fait, en ayant une forme de clairvoyance, celui qui se ment à lui-même vit dans l'illusion la plus complète, dans une totale mauvaise foi.

Le mensonge apparaît comme le dieu Janus, toujours à double face. Il a une face ignoble et une face noble. On peut mentir pour nuire aux autres, par goût du lucre ou par cupidité, vice qui peut vraiment faire des ravages. Mais on peut aussi mentir par courtoisie, par amitié, par sympathie. Pour aider l'autre et lui éviter de souffrir. Les mensonges faits dans l'intérêt de l'autre sont-ils encore des mensonges ? Quel intérêt y a-t-il, par exemple, à dire la véritéà celui qui va mourir ? Quand il n'y a pas de raison positive de dire la vérité, mieux vaut la taire - c'est le mensonge par omission. Non, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. En ce sens, le mensonge peut être porteur d'une vérité humaine, ce que Vladimir Jankélévitch appelle le mensonge « par amour » dans le Traité des vertus.

Le mythomane

II faut distinguer le menteur « raisonnable » du mythomane compulsif. Par rapport au mythomane, le menteur ferait presque figure d'homme de parole ! Avec le mythomane, le mensonge devient une maladie. Le mythomane s'enivre tellement de ses mystifications qu'il se persuade de leur vérité et finit par y croire lui-même. Il n'est plus capable de distinguer le vrai du faux, ne sait plus qu'il ment. C'est ce que racontent deux chefs-d'œuvre, Le Menteur de Corneille et celui de Goldoni. Pathologique, le mensonge décolle totalement du réel et se perd dans le flou de ce qui n'existe pas - l'imprécision est toujours la servante de la mythomanie. Le mythomane vit sur un nuage qui n'a plus rien à voir avec le sol du réel.

Le mensonge : un « double » du réel

Le mensonge est un refus d'admettre la réalité. Tel est le grand mensonge de la condition humaine, celui que toute ma philosophie a dans sa ligne de mire. L'homme se ment à lui-même pour ne pas voir ce qu'il a sous les yeux : la réalité du réel, la cruauté de la vérité. Mentir, c'est dériver vers l'invisible, fuir dans l'irréel, se réfugier dans la duplicité. Le mensonge dédouble le réel. Illusionniste, le menteur mise toujours sur la grâce d'un double. Il voit double. Mais le réel précisément, c'est ce qui est sans double ! Le réel est univoque, il n'est que ce qu'il est. Il est tautologique, à l'image du principe d'identité A = A. A vient toujours se confondre avec A ; le réel coïncide toujours avec lui-même. Telle est son idiotie fondamentale - car, avant de vouloir dire imbécile, « idiot » signifie simple, particulier, unique.

Le menteur brode, enjolive, nous fait croire que A = B. Avec son intelligence, son talent, il cherche à combattre la décevante idiotie du réel et à fuir sa propre idiotie à lui, si déplaisante : « Je ne suis que cela... ». Il préfère donc regarder ailleurs plutôt qu'ici, se donner mille portes de sortie, mille alibis. Mais la vérité finit toujours par s'imposer contre le mensonge, pour la simple et bonne raison que l'on ne peut jamais forcer ce qui n'existe pas à exister. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce qui n'existe pas n'existe pas... En ce sens, le mensonge n'est qu'un leurre, une contrefaçon. La couleur éclatante de la vérité se révèle toujours sous la couche du mensonge, ce pâle fantôme du vrai.

Le cinéma, entre recherche du vrai et puissance du faux

Nous touchons làà la nature si paradoxale du cinéma. Bien plus que tous les autres arts, le cinéma suggère à s'y méprendre les traits de la vie réelle. Il en réalise des fac-similés, en reproduit au plus près les images, le mouvement, le bruit. Il a l'outrancière capacité de copier le réel au point que certains cinéastes ont rêvé de cinéma vérité. Mais si le cinéma évoque le réel, il ne se confond pas avec lui ; il n'est ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. Le septième art se situe ainsi à la frontière de la vérité et du mensonge.

L'art et le mensonge

Les arts mentent moins qu'une certaine tradition philosophique : cette tradition métaphysique que je combats et qui s'est acharnée à dénigrer le réel au profit de l'idée, l'ici au profit d'un ailleurs, comme si la vérité résidait dans un au-delà, un arrière-monde. Les philosophes passent leur temps à penser à tout sauf à ce qui existe ! A la différence de penseurs comme Platon ou Rousseau, auxquels toute forme artistique apparaît comme un mensonge, je crois pour ma part que l'art n'échappe jamais à la zone d'attraction du réel. Il est même souvent plus vrai que le réel. Les grands créateurs parviennent à condenser la réalité, à rendre l'effet de réel plus frappant encore.

Pour Platon, en revanche, une peinture représentant un lit ne sera jamais digne du lit réel, lui-même plate copie sensible de l'idée de lit. Mais ne nous trompons pas : à part dans le débat sur la mimesis (imitation, en grec), la peinture n'est pas évaluée en fonction de sa conformité au réel. Quand on parle de « faux », c'est parce que le tableau ment sur la signature du peintre et non sur sa fidélité vis-à-vis du visible. La peinture - c'est l'idée clé de la peinture abstraite - est avant tout un jeu de formes et de couleurs.

La littérature et le mensonge

Les grands romans du XIXe siècle, ceux de Balzac ou de Dostoïevski, sont taillés dans la même étoffe que le réel. Ils s'en inspirent et le recréent. L'argument de ceux qui disent ne pas lire de fiction pour être plus près du réel est donc totalement idiot ! L'ennemi du réel, ce ne sera jamais l'imaginaire artistique, qui le regarde et s'en saisit avec précision et exactitude. C'est l'illusion, vague, imprécise, cette tromperie selon laquelle il existerait un autre monde que celui que nous avons sous les yeux : « Le mensonge ne me dérange pas, mais je déteste l'inexactitude », affirmait à juste titre l'écrivain britannique Samuel Butler. Même don Quichotte, ce grand spécialiste en matière d'imagination, reste en contact avec le monde réel. S'il prend les moulins à vent pour des géants, il sait reconnaître sa méprise. Il sait faire la part du réel et de l'imaginaire. A la différence de l'illusion, de la folie, l'imaginaire ne nous brouille pas avec la réalité. Il l'affecte seulement d'un coefficient de bizarrerie. L'existence est déjà en elle-même si bizarre !

- Extraits des propos de Clément Rosset recueillis par Juliette Cerf pour Télérama (août 2013).

A lire :
-Le Réel et Son Double : essai sur l'illusion, Paris, Gallimard, 1976
-Le Réel : Traité de l'idiotie, Paris, Éditions de Minuit, 1977
-Le Réel, l'imaginaire et l'illusoire, Biarritz, Distance, 2000
-Fantasmagories, Paris, Éditions de Minuit, 2005
-L'Ecole du réel, Paris, Éditions de Minuit, 2008
-L'Invisible, Paris, Éditions de Minuit, 2012.

Crédit photo : Manuel Braun. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

L'Homme Masqué

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L'homme masqué, de son vrai nom José Anténor de Gago, marquis d'Orighüela, est néà Arica (Pérou) dans l'Amérique du Sud.

Tout jeune il fut envoyé en France et fit toutes ses études au collège d'Aubusson (Creuse). Ses parents le destinaient à la médecine et voulaient en même temps lui faire passer ses examens de pharmacie pour qu'il put cumuler plus tard les deux carrières dans sa patrie. Il passa en effet avec succès ses baccalauréats ès-lettres et ès-sciences, puis s'en fut à Bordeaux pour commencer sa médecine.

Mais là n'était pas sa vocation. D'un esprit profondément observateur il était poussé par une force irrésistible vers la solution de problèmes moins réalistes que ceux de la médecine. La science, moins savante peut-être, mais combien plus subtile, de Robert-Houdin, l'attirait plus que celle d'Esculape, et puis, c'est mieux encore de prévenir la maladie que de la guérir, et n'est-ce pas entretenir la santé du corps que de distraire et d'amuser l'esprit ?

Quoiqu'il en soit, M. de Gago, recherchant la fréquentation des maîtres de l'illusionnisme ne tardait pas, merveilleusement doué qu'il était, à passer maître à son tour. Glanant de ci, de là, il se créait une méthode « sus generis » dans la présentation des expériences qu'il exécutait en amateur, et « compétence »à son tour

José Anthenor GAGO Y ZAVALA.

il fut bientôt consulté par ceux-là même qui sans s'en douter lui avaient inculqué les premières notions. Se spécialisant dans les tours de cartes il y acquit une adresse et une virtuosité telle, que Moreau, le célèbre Moreau lui-même ne dédaigna pas de lui demander des conseils qui devaient contribuer pour une bonne part à ses succès.

Bien qu'amateur des plus réputés, de Gago disparut tout-à-coup sans avoir brillé comme étoile au firmament de la prestidigitation. Ce qu'il devint ne regarde que la vie privée de M. le marquis d'Origüela, et c'est de l'homme masqué que nous avons à nous occuper ici.

Soudain, il y a quelque dix ans, les colonnes des journaux étrangers, s'emplirent du récit des prouesses d'un nouveau prestidigitateur, qui, cachant sa personnalité sous un impénétrable loup de velour noir, révolutionnait l'auditoire de tous les théâtres où il passait.

II n'est secret si bien gardé qui ne se découvre, et l'on ne tarda pas à savoir que « L'homme masqué» n'était autre que M. de Gago qui, sur le tard, s'était laissé entraîner à embrasser la carrière vers laquelle le poussaient tous ses désirs, et qui, obéissant aux préjugés de son monde, se cachait sous ce pseudonyme, ou plutôt derrière l'anonymat.

En une tournée triomphale il parcourut rapidement toutes les capitales du monde, laissant partout derrière lui l'impression du « Jamais vu » ! Et pourtant est-ce à dire que l'homme masqué présentait des expériences nouvelles ? certes non ! et c'est bien là ce qui le particularise.

C'est en se servant de la même matière première que les autres, en la pétrissant entre ses doigts agiles jusqu'à lui faire prendre une forme nouvelle, qu'il transformait des tours anciens et leur donnait une indéniable saveur de nouveauté.

On peut dire de lui que c'est un réformateur de cet art si complexe, si rempli d'artifices qu'est la prestidigitation ; et son champ d'action y est vaste, incommensurable. C'est en étudiant la genèse, la psychologie des tours, en recherchant les causes avant d'étudier l'effet, en s'appliquant aux finesses de présentation, à l'exactitude et à l'harmonie des gestes qu'il est devenu un « performer » de premier ordre.

« Ce que l'on connaît bien s'énonce clairement » telle pourrait être la devise de L'homme masqué. C'est en effet grâce à une connaissance approfondie des tours qu'il présente, grâce à une sûreté merveilleuse dans l'exécution, qu'il a pu acquérir un laisser aller qui ne laisse soupçonner aucune difficulté.

Agnès Martini, dit ZIRKA, la Reine des cigarettes.

Ce travailleur a formé une élève à son école, Madame Zirka (1) à laquelle nous avons eu le plaisir de consacrer quelques lignes dans un précédent numéro lors de ses représentations au Casino de Paris. Tous ceux qui ont eu l'occasion d'applaudir au talent de l'élève pourront se rendre compte de ce que peut être le maître.

Caroly (Jean-Augustin Faugeras)

Notes :
- (1) Agnès Martini, qui était la femme de Gago.

Note de Didier Morax :

José Anthenor GAGO Y ZAVALA et Agnès Martini, dit ZIRKA, la Reine des cigarettes Épouse de de Gago y Zavala, 1877 - 9 juin 1910. Ont travaillé tous les deux sur la scène du Théâtre ROBERT-HOUDIN en décembre 1905.

Documents : Collection Christian Fechner / Didier Morax.


L'ENFER DE CLOUZOT

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En 1964, Henri Georges Clouzot choisit Romy Schneider et Serge Reggiani pour être les vedettes de son nouveau film intituléL'Enfer. A cette époque Clouzot traverse une période difficile après l'échec de son film La vérité. Lui, le cinéaste de légende, auteur de chefs-d'œuvre du cinéma mondial comme Le Corbeau, Quai des Orfèvres ou Le Salaire de la peur, se retrouve dos au mur ! Il décide alors de jouer le tout pour le tout en mettant en chantier un événement cinématographique doublé d'une œuvre révolutionnaire sans précédent.

Après trois semaines de tournage, L'Enfer est interrompu, et les images que l'on disait incroyables ne seront jamais dévoilées. Des images invisibles auréolées d'une légende : le plus grand film du début des années 1960, celui qui « avait tout » et dont on disait qu'il remettrait en cause jusqu'aux fondements du cinéma.

Clouzot et Romy Schneider.

En 2005, Serge Bromberg découvre 183 boites de pellicule négative. Plus de 15 heures d'images. A ces bobines retrouvées ne vient s'ajouter aucune source sonore, à l'exception d'une courte bande sur laquelle on entend la voix de Serge Reggiani, retravaillée par un audacieux mixage destinéà traduire la folie du personnage.

Serge Bromberg et Ruxandra Medrea décident alors de construire un document-fiction avec les rushes exhumés. Ils donnent vie au film de Clouzot plus de quarante ans après son interruption, en réussissant une recomposition de l'œuvre disparue, créant un nouveau film qui raconte l'histoire de ce naufrage historique.

L'histoire

C'est l'histoire d'un homme, Marcel Prieur (Serge Reggiani), patron d'une auberge de province, saisi par le démon de la jalousie. Il se met à soupçonner son épouse, Odette (Romy Schneider), l'espionne, puis la harcèle. Le film, tantôt en noir et blanc tantôt en couleurs, nous faire pénétrer dans la folie et les délires de cet homme.

Ce que Clouzot veut transposer à l'écran, n'est rien d'autre que ses propres obsessions. C'est au travers de son acteur principal qu'il s'identifie. Investit corps et âme, jamais un auteur n'aura été aussi proche et fusionnel avec le héros qu'il a inventé.

Pour illustrer ses fantasmes de cinéaste, Clouzot choisit Romy Schneider qui accepte tout pour lui ! Elle sera sa pâte à modeler, son punching ball. Il n'hésite pas à la mettre dans des situations troublantes empruntes d'érotisme et de sadomasochisme. L'œil de la caméra s'apparente alors à la vision subjective que Clouzot porte sur l'actrice bien aimée du cinéma international de l'époque. Le jeu de la perversion est en route !

L'art cinétique au cinéma

Aidé par la Columbia, Clouzot décide de dépenser l'argent de la production à la recherche de nouveaux effets visuels et sonores. C'est un fait rare dans le cinéma, que de donner à un créateur la possibilité de chercher librement. L'Enfer fut pour Clouzot un terrain d'expérimentation sans limites.

Dans les années 1960, Pierre Boulez, la musique électro-acoustique et l'art optique sont à la mode. Clouzot envoie une équipe pour filmer l'exposition Formes nouvelles sur le Op Art aux Arts décoratifs où figurent des artistes emblématiques comme Victor Vasarely et Jesús-Rafael Soto.

Blue-back de Vasarely (1970).

Le courant de l'art optique et cinétique est fondé sur l'esthétique du mouvement et des illusions d'optique. Sculptures, peintures et installations remettent en cause notre vision du monde en jouant sur notre vibration rétinienne. Dès 1954, l'art cinétique désigne des œuvres d'art mises en mouvement par le vent, les spectateurs et/ou un mécanisme motorisé (exemple des Mobiles de Calder). En 1955, Vasarely publie le Manifeste jaune qui théorise l'art optique et cinétique. Le mouvement aura une grande influence, touchant aussi bien la mode et la décoration, le design de mobilier et le design graphique, que l'intégration architecturale.

Pour l'Enfer, Clouzot demande à son chef décorateur de reconstituer certaines pièces optiques dans le but d'expérimenter ses systèmes avec les acteurs. Les formes géométriques inspirées des tableaux de Victor Vasarely sont alors projetées sur leurs corps. Avec ses essais, Clouzot expérimente une nouvelle façon de filmer les images en créant un univers plastique nouveau. Le son n'est pas oublié et travaillé dans un savant mixage qui mêle bruitages et musique électro-acoustique.

Toutes ces recherches visuelles, chromatiques et sonores ont pour but d'illustrer la folie de la jalousie filmée en caméra subjective. A chaque crise (filmée en couleur), l'univers extérieur se déforme et laisse place à une vision surréaliste des choses. La place est faite à l'instabilité et à« la non sécurité» visuelle. La perte des repères visuels, spatiaux et sonores remettent en question la logique.

Essais chromatiques.

Un tournage épique et cauchemardesque

Clouzot obtient un budget illimité des studios américains Columbia. Trois équipes de tournage mobilisant quatre cent personnes. Un tournage qui a lieu dans le Cantal, au viaduc de Garabit en extérieur.

« En 1963, la Columbia avait donnéà Stanley Kubrick un budget illimité pour tourner Dr. Strangelove, et cela avait très bien marché. Ils ont voulu faire la même chose avec un français nommé Clouzot ».

Clouzot était connu comme un perfectionniste maladif préparant à la virgule prêt, ce qu'il allait tourner. Chez lui, comme chez Hitchcock, pas de place pour l'improvisation. Cette improvisation à la mode prônée par la Nouvelle vague, lui s'en fichait royalement.

En moins de trois semaines, avec ses méthodes de travail sans concessions, Henri-Georges Clouzot finira par exaspérer son équipe par ses exigences, n'hésitant pas à demander toujours plus à ses acteurs et à multiplier les prises de vues jusqu'à l'épuisement. Il repoussa dans leurs derniers retranchements Romy Schneider et Serge Reggiani. Ce dernier quittera même le tournage, définitivement brouillé avec le cinéaste.

Une fois Serge Reggiani parti, c'est la catastrophe qui frappe le reste de l'équipe. Clouzot est alors victime d'un infarctus, ce qui interrompit définitivement le tournage devenu de toute façon impossible !

« Clouzot est rentré dans sa propre folie, ce qui l'a menéà la catastrophe. C'est comme si le film qu'il avait écrit sur une obsession lui était revenu comme un boomerang. » S. Bromberg

Romy Schneider sublimée

Dire que la beauté de Romy Schneider est sublimée par la caméra de Clouzot est encore trop faible. Son corps et son visage provoquent l'éblouissement, la chaleur et l'attirance magnétique.

Le cinéaste a tourné pour L'Enfer des plans scandaleusement érotiques, des séquences outrageusement sexuelles qu'il essayera de transposer dans son dernier film, La prisonnière. Jamais Romy Schneider n'a été aussi belle et hypnotique que dans ces images ressuscitées. Tout simplement subjuguant !

Conclusion

Cet Enfer« reconstitué» nous entrouvre des images oubliées plus époustouflantes que la légende l'avait prédit. Une vision hallucinée d'un film mental, physique et scandaleux inachevé.

A voir :
-L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot. DVD aux Editions MK2 (2009).

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

L'historique du MAGIC HISTORY DAY

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Huit années déjà du Jean Merlin Magic History Day™, et cela grâce à vous : je me suis dit qu'il était temps de faire le point et de retracer « l'historique de l'history day™»

Dans un premier temps, Jan Madd a bien organisé une série de Dîners-spectacles (cinq) à bord de son bateau. Quatre en hommage à des artistes encore vivants, (ou leurs épouses) et un où il a raconté sa vie. Ces dîners spectacles, sympathiques en diable, ont fait l'unanimité parmi les magiciens, mais En aucun cas l'idée d'une journée pérenne complète sur l'Histoire de la Magie y était présente.

D'où m'est donc venu cette idée ? De deux choses :
- La question sur Internet, d'un jeune homme - se prétendant magicien - qui demandait « Qui était Fred Kaps ? »
- La lecture d'un compte rendu de Jim Steinmeyer sur le congrès d'histoire de la magie de la côte ouest, qui montre que nous n'avions rien de similaire en France.

Voilà d'où vient mon idée !

La conjonction de ces deux évènements m'a donc décidéà créer une journée récurrente sur l'histoire de la magie en France. Séduit par l'ambiance conviviale de Métamorphosis, je me suis dit : c'est l'endroit idéal ! Et c'est ainsi que tout a démarré, le 1er Juin 2008 sous le titre The 1° (French) Magic History Day dans lequel j'ai animé la journée avec l'aide de Jean Régil et sans l'assurance de son aide, je n'aurais rien tenté !

J'ai donc exposé mon projet à Chantal et elle a tout de suite accepté ! Au jour dit, Chantal et Jan ont fait leur maximum pour nous être agréables et JE LES EN REMERCIE.

Le deal qui a été passéà l'époque était le suivant : J'achetais 100 repas au prix normal (capacité maximum du bateau) et nous pouvions utiliser l'infrastructure et les commodités du bateau. Le capitaine à même poussé la gentillesse jusqu'à nous offrir l'apéritif sur le quai, ainsi qu'il l'avait fait d'ailleurs lors de ses dîners spectacles.

En tassant les gens, nous en avons mis 102. J'ai voulu immédiatement régler les deux dîners à Chantal qui a refusé : Inutile de dire combien j'ai apprécié le geste. Lors de la projection d'un film, Jan Madd m'a même dit « je te souhaite qu'un jour mon bateau soit trop petit pour ta journée » Il avait vu juste : il a l'œil ! Il est toujours malsain d'exhiber ses médailles, mais tant pis, je le dis fièrement : La manifestation a été un succès. (voir la presse magique dithyrambique de l'époque).

Comme c'est toujours difficile de traiter avec un ami, et embêtant pour lui de demander des arrhes, je me suis dit que le mieux serait de régler la totalité avant. J'ai donc remis un chèque 3 semaines avant la cérémonie, pour le cas où je serais passé sous un autobus entre-temps ! (Je suis quelqu'un de très mal à l'aise avec les dettes, et je crois n'avoir jamais dû 1 ct à qui que ce soit,)

J'aurais volontiers continuéà louer leur bateau, si l'année d'après, deux évènements majeurs ne m'en avait pas empêché :
- Les prix annoncés avaient augmenté de 80% ce que je ne pouvais pas me permettre.
- Nous savions depuis février que nous aurions au bas mot 130 personnes, Donc la question ne se posait pas.

Donc pour se résumer, Je n'ai jamais cherchéà organiser des dîners-spectacles, rendant hommage à de vieux artistes, mais à créer une journée complète sur « l'Histoire de la Magie », Ceci étant UN TOUT AUTRE CONCEPT. Seuls ceux qui ont été bercés trop près du mur, peuvent encore confondre les notions de « Dîner-spectacle et One day convention »…

Ma journée peut-être définie de la façon suivante :

Une journée complète ayant pour mission de raconter une partie de l'Histoire de la Magie, à l'aide de témoignages, d'interviews, de vidéos anciennes, de documents rares, de vieux objets ayant une histoire, et enfin de démonstrations live et la création d'un opuscule souvenir, d'une plaquette ou d'un livre, résumant les propos tenus, le tout pouvant être sous tendu ou non par un thème général. Plus : la mise en exergue des ouvrages, revues, événements d'importance, selon moi !

J'ai ensuite utilisé d'autres lieux avec des fortunes diverses : en 2009 Le Fiap. Cadre austère, personnel très désagréable. En 2010 Switon m'a conseillé une salle dans le 20° qui semblait plaire, mais l'année suivante, nous n'avons pas pu l'avoir.

Luce, a pris langue avec les gens du Zèbre et en 2011 et 2012, j'y ai jeté l'ancre ! Deux ans après, c'est là que j'ai annoncé mon intention d'arrêter cette journée, écœuré par certaines pratiques de gens, qui eux ne font jamais rien, mais se demandent ce qu'ils vont bien pouvoir faire pour emmerder ceux qui tentent quelque chose…

C'était compter sans Gérard Souchet et sa bande de bretons... Je connais Gérard depuis mille ans, il m'a même donné du travail à une époque. Merci. Un jour, ses amis sont venus me demander d'enregistrer des vidéos souvenir (au moins quatre heures) en me disant : si VOUS vous acceptez, les autres suivront, j'ai tout de suite accepté. On doit trouver ce document, ainsi qu'une foule d'autres sur Chop-cup.com (si ma mémoire est bonne) ! Et le tout doit être une mine d'or.

L'ensemble est sous-tendu par une entité nommée Le Collectoire dont le but est… de collecter tous les documents ayant trait au spectacle visuel. Et de créer ainsi une banque de données : Belle idée ! Banco, je marche !

Lorsque j'ai passé la main aux Bretons j'ai mis plusieurs conditions :
- Des royalties, à chaque nouvelle occurrence, car je transmets un outil bénéficiaire dont je suis le créateur... (Putain, je n'ai jamais parlé comme ça ...)
- Le droit de dessiner le ticket d'entrée,
- La possibilité de faire le show du soir si l'invité me convient...
- Que l'événement porte mon nom.

Et comme plusieurs convoitent ce marché en oubliant parfois - à dessein - de me citer, j'ai décidé de déposer le concept sous l'appellation : The Jean Merlin Magic History Day ™ (alt-0153...) – (si vous voulez rester dans la loi, il faut mettre le TM : alt 0153)

Depuis qu'ils sont aux affaires, je n'ai jamais donné de consignes à mes successeurs : je les ai laissé faire. Ils sont meilleurs que moi dans la communication moderne (Internet), ils se débrouillent pas mal en mise en page. Parfois je les voie aller au casse-pipe, mais si je leur dit certaines choses, ils ne vont pas me croire, ils font donc leur expérience eux même et c'est bien !

Pour l'édition 2014 je n'ai rien eu à faire, c'est reposant, et honnêtement, je l'ai regretté. Plusieurs spectateurs sont d'ailleurs venus me voir en me disant « il manque votre humour » Je n'en sais rien, mais quand on délègue, on délègue… Mais pour 2015, nous allons discuter, afin d'améliorer le produit.

Reste que...Le Jean Merlin Magic History Day™ m'a permis de rencontrer et de travailler avec des gens magnifiques : Dominique, Jean Régil, Gaétan Bloom, Pierre Mayer, Pascal Friaut, La Compagnie du Scarabée Jaune, Pierre Switon, Dominique Duvivier, Yann Frisch, Flip, et j'ai été FIER d'interviewer Xavier Morris, Pierre Etaix, Joe Waldys, Dani Lary, James Hodges...

Merci à ARTEFAKE pour son énorme travail. Si vous cherchez un VRAI travail sérieux écrit sur l'histoire de la Magie une seule adresse : Sébastien Bazou via Artefake. En voilà un qui mérite une médaille qu'on ne lui donnera jamais ! (et c'est tant mieux !)

Merci à Georges Proust, il sait pourquoi. Merci a toutes les revues qui ont relayé les infos et fait des comptes rendus très complets. Côté Internet je pense à Jo qui m'a aidéà faire de belles campagnes de pubbe sur son support. Merci à Claude Nops dont j'aime la revue. Merci aux marchands qui ont mis des tracts : Mayette, C.C. Editions (Frantz Réjasse), J.P.Hornecker, etc. Merci à ceux qui ont aidé sur place : Les Mageux, Les Maldera, ceux qui ont réalisé des reportages photos : Mikelkl, Luc Cavé etc. Merci à Danylsen, à Yves Valente, à Arturo Brachetti, à Bernard Billis, grand pourvoyeur de vidéos devant l'éternel ! Pardon à ceux que j'ai pu oublier.

Enfin, j'ai au fond de moi un souvenir affectueux pour Christian Fechner dont ce fût la dernière sortie magique... Il partait le lendemain pour Chicago et je peux vous dire qu'il était content d'être là.

Je considère le Jean Merlin Magic History Day™ comme mon enfant, et donc comme tous les pères, je suis prêt à tout pour le protéger ! A bon entendeur, salut !

A lire :
- Le JMMHD 1
- Le JMMHD 2
- Le JMMHD 3
- Le JMMHD 4
- Le JMMHD 5
- Le JMMHD 6
- Le JMMHD 7

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

Patrick DESSI

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Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?

On ne m'a jamais offert la classique boite de magie. Mon premier déclic fut télévisuel grâce àLa Piste Aux Etoiles et à une émission de Gérard MajaxY'a un truc. N'ayant aucun contact avec le milieu magique, je me suis "inventé" quelques effets que je notais, soigneusement, sur un carnet et que je présentais devant un cercle restreint amical et familial. Chaque fois qu'une connaissance me montrait un tour de carte et avait la gentillesse de me l'expliquer, je procédais de même. Rapidement et sans source fiable, je n'ai pas donné suite.

Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?

Vers l'âge de 25 ans, alors interne des hôpitaux, j'ai poussé la porte d'une boutique marseillaise tenue par Victor Barbe dit "Vicbar". Ce fut une révélation. J'accédais à quelques matériels et livres. Admis au sein du Cercle des Magiciens de Provence, j'y rencontrais André Robert et Armand Porcell. Le virus de la cartomagie me fut inoculé. Ils m'ont prodigués mes premiers conseils.

Un an plus tard, effectuant mon service militaire à l'hôpital Larrey de Toulouse, j'ouvrais une autre porte, celle du magasin de Claude Jan. Il fut déterminant pour moi et me présenta Marc Serin, lui aussi médecin en devenir, dont les connaissances cartomagiques étaient encyclopédiques. Il fut le premier à m'expliquer tant de techniques et à m'offrir plusieurs livres pédagogiques. Je ne l'oublierai jamais. J'ai essentiellement travaillé seul m'appuyant sur les écrits de l'époque. Deux remarques à cet égard : certains ouvrages nommaient des techniques sans les décrire. Un peu frustré, je me suis mis à créer mes propres méthodes et ce fut sans doute un bien. Par ailleurs, les vidéos étant rares et onéreuses, je n'ai pas connu la tentation de l'imitation. J'en suis finalement ravi.

Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l'inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?

Incontestablement et chronologiquement je retiendrai, André Robert qui a partagé son approche quasi philosophique de la cartomagie, Claude Jan qui m'ouvrit les portes de La Revue de la Prestidigitation dans laquelle j'ai beaucoup publié et Armand Porcell qui m'a inculqué une forme de rigueur et permis de passer trois jours en compagnie d'Ascanio.

Plus proche de nous, je remercie Norbert Ferré pour l'intelligence et la justesse de ses conseils ainsi que la générosité de son aide, Jean-Emmanuel Franzisà l'origine de plusieurs invitations à l'European Magic Close-up Symposium de Milan, me permettant d'y être admis par Giacomo Bertini, Obbie O'Brien pour ses invitations au FFFF qu'hélas ma phobie de l'avion ne m'a pas autoriséà honorer, Eric Roumestan, et Tony Cacchadina pour leur invitation à l'Escorial de Madrid, Dominique Duvivier et Alexandra qui m'ont accueilli au Double Fond en tant que conférencier.

Je ne me souviens d'aucun élément freinateur si ce n'est ceux que je me suis imposés.

Dans quelles conditions travaillez-vous ?

Pour rebondir sur ma dernière phrase, mes fonctions hospitalo-universitaires de professeur, chirurgien chef de service et de vice-doyen de la faculté de médecine de Marseille, ne me laisse que peu de temps libre. J'ai toujours limité le nombre de mes conférences, de mes participations aux congrès et refusé la plupart des propositions de spectacle. Mon travail porte, pour l'essentiel, sur la recherche, la conceptualisation, la construction et l'optimisation des effets. Mes publications, ma vidéo sur les techniques cartomagiques, le livre sur la mnémotechnie, celui sur le chapelet périodo-apériodique, le triple DVD sur le même thème et celui sur le sleeving en sont le fruit. Je me considère comme un amateur dans l'acception originelle du terme, à savoir un amoureux de la magie.

Quelles sont les prestations de magiciens ou d'artistes qui vous ont marqué ?

Comment ne pas admirer les Slydini, René Lavand, Channing Pollock, Norm Nielsen, Arturo de Ascanio, Juan Tamariz, pour les "légendes" et des artistes tels que Yann Frisch, Dani DaOrtiz, Miguel Angel Géa, Rick Merrill, Yu Ho Jin dans la génération actuelle. La liste n'est pas exhaustive et mes préférés ne sont pas tous professionnels. A titre d'exemple, Jean-Emmanuel Franzis, avocat de son état, possède une maitrise technique qui ferait rougir bien des manipulateurs.

Parmi eux, trois personnalités se détachent :

- Norbert Ferré : aucun magicien, n'a réussi une aussi parfaite osmose entre musique, chorégraphie scénique et magie. Je retrouve dans son numéro FISM les cinq piliers d'une prestation d'exception à savoir : la cohérence, le rythme, l'originalité, l'impact magique et la maitrise technique. La dualité de son personnage, ses talents d'acteurs, viennent accroitre le sentiment de maitrise scénique qu'il dégage. J'ai eu la chance de le connaître à ses débuts, il était grand avant de le devenir. Son titre de Champion du Monde ne m'a pas surpris.
- Lennart Green : son génie réside dans le contre-pied qu'il a su prendre face aux canons classiques de la cartomagie. A l'opposé de tout ce qui existait, il a, dans la rationalité d'un illogisme apparent, changé de paradigme et ouvert des voies nouvelles. Il est une école à lui tout seul.
- Gaëtan Bloom : sans doute un des cerveaux les plus fertiles de sa génération. Etonnant, détonnant, il continu là où les autres s'arrêtent. Il est l'illustration de l'adage qui veut qu'une bonne idée soit celle qu'on regrette de n'avoir pas eue. Gaëtan me fait souvent regretter.

Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?

La bonne.

Quelles sont vos influences artistiques ?

Mozart : Le génie est dans la simplicité.

Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?

S'inspirer mais ne pas imiter.

Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?

Qu'elle soit actuelle, nouvelle, passée voire surannée, j'éprouve quelques réticences à l'encontre du mot "Magie". Trop protéiforme pour répondre à un terme singulier, ce que nous nommons magie regroupe des modes d'expression fortement hétéroclites. En dehors de l'incompréhension qu'ils génèrent, quels points communs peut-on relever entre une grande illusion et un numéro de manipulation ? J'admets les différences de styles magiques comme ils existent en musique. Il m'est, cependant, difficile de considérer un DJ à l'égal d'un musicien. Pour autant, j'apprécie, pour d'autres raisons, les spectacles de grandes illusions, lorsqu'ils atteignent la qualité de ceux de Siegfried and Roy, David Copperfield, Hans Klok, et sans chauvinisme pour sa créativité, Dani Lary.

Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?

La base culturelle de la magie est le théâtre. On attribue àJean-Eugène Robert-Houdin la citation : "un magicien est un acteur qui joue le rôle d'un magicien" : Tout est dit !

La forme la plus évidente de théâtralisation de la magie se concrétise dans la magie comique. Otto Wessely, Voronin et Eric Antoine en sont des exemples emblématiques.

Vos hobbies en dehors de la magie ?

La musique, la poésie, la contrepèterie : Quel beau métier professeur !

- Interview réalisée en mars 2015.

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SORCIER INDIEN

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Prestidigitation et Sorciers

J'ai vu plus d'une fois des sorciers, chez les nègres comme chez les Peaux-Rouges, accomplir des exploits qui sont de monnaie courante dans nos foires. Par exemple, les mangeurs de feu ! Tous les sorciers d'Haïti savent empoigner à pleine main des charbons ardents ou des pierres brûlantes, et sans employer, comme nos « sauvages » de Saint-Cloud, de la poudre d'amiante.

Quel truc ont-ils à leur disposition ? C'est ce que je ne saurais dire. Mais j'ai vu plus fort chez les Chippewas, l'une des plus puissantes tribus qui existent encore en Amérique du Nord. Une bande de la nation avait pénétré en territoire canadien, et selon la politique traditionnelle du Dommon, les autorités de l'Ontario cherchaient à retenir sur leur territoire ces familles indiennes, qui fournissent d'excellents trappeurs. Des villes voisines, — c'était à la fin de l'été, — on se rendait en assez grand nombre sur le point du rivage du lac Supérieur, où campaient les Chippewas : à l'heure qu'il est, c'est si rare de voir de vrais Indiens dans cette patrie des Peaux-Rouges qu'est le nord ouest canadien ! Et voici l'une des amusantes scènes auxquels j'eus l'occasion d'assister : UNE ÉVANGÉLISATION.

Un Jésuite canadien venu de Sainte-Marie, le Père L..., un des plus intrépides missionnaires qui aient jamais parcouru les solitudes neigeuses du Far-West, avait entrepris l'évangélisation des Chippewas. Ceux-ci, docilement, le laissaient faire, trop heureux d'être choyés par le bon prêtre et persuadés que la religion consiste a se laisser bourrer de victuailles et de cadeaux. Mais, à la fin, le medicine-man de la bande s'inquiéta : tout de même, si ses compagnons allaient abandonner les dieux de la tribu !

Un jour qu'au milieu d'un cercle d'auditeurs blancs, le Père, qui parlait vingt ou trente langues indiennes, catéchisait les Peaux-Rouges, le prêtre-sorcier brusquement l'interpella, désignant une marmite qui chantonnait sur un feu de bois, à l'entrée d'une tente. Nous ne comprimes rien aux paroles échangées — on peut avoir fait quelques études sans être fort en chippewa — mais il est évident qu'il dressait un défi aux religieux. Et, réellement, le sorcier s'approcha du foyer, trempa sa main et son poignet dans l'eau bouillante, et les y maintint plus de cinq minutes, sans que son visage de cuivre rouge trahît le moindre signe de souffrance. Puis, d'un de ces gestes majestueux, dont les indiens ont le secret, il invita le Canadien à en faire autant.

Le Père essaya d'argumenter, mais sa mine décelait son embarras, et les visages impassibles des Peaux-Rouges s'éclairèrent d'une gaîté qui nous fit perdre notre sérieux, à nous autres Européens. Et le Père jésuite lui aussi se mit à rire, trouvant l'argument sans réplique, et peut être regrettant qu'au collège des Missions ils ne lui eût pas appris les premiers éléments de la Prestidigitation.

TALLOIRES

Claudio STELLATO

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Présentez-vous

A 17 ans, j'entreprends une formation artistique en musique jazz à la Scuola civica jazz di Milano. Je me dirige ensuite vers le théâtre de rue avec le groupe T.A.E. de Bergame. Entre 1999 et 2002 je travaille comme artiste de rue (au chapeau) en Italie, en France, et en Espagne. Je décide ensuite d'entamer une formation d'acrobate de cirque au Lido, le Centre des Arts du Cirque de Toulouse.

En 2005, je commence ma carrière d'artiste professionnel en travaillant en tant que danseur avec différents artistes : Cie Kdanse, Olivier Py, Roberto Olivan, Fré Werbrouck, entre autres. J'ai également expérimenté le travail d'acteur avec la Cie ARCAT. Depuis 2007, je travaille comme interprète pour la Cie Dame de Pic / Karine Ponties : Humus Vertebra et Fidèle à l'éclair.

Mai 2008 marque le début de mon travail de projet personnel sur la recherche corporelle intituléL'Autre.

Sur quelle(s) thématique(s) travaillez-vous ?

Je ne suis pas un artiste qui travaille sur des thématiques, des idées ou des concepts. Mes recherches ont pour point de départ le corps, je m'entraine très longtemps sur des exercices purement physiques et d'autres très théâtraux.

En travaillant et en filmant mes exercices, je développe et je crée d'autres exercices. Parfois mes improvisations m'amènent à trouver des situations et des scènes qui me parlent et que je commence a développer.

Une fois que j'ai trouvé une scène, je me demande « organiquement » qu'est ce qui pourrait suivre et comment le spectacle pourrait se former autour de ça ? Généralement, il se forme tout seul, mais il faut avoir beaucoup de temps pour ça !

Ce qui m'intéresse le plus en créant un spectacle, c'est de développer de nouvelles habilitées dans l'interprétation et d'affiner mes connaissances en mise en scène et en chorégraphie. Comprendre pourquoi une scène jouée d'une certaine façon marche ou ne marche pas.

Parlez-nous de vos spectacles

La seule chose qu'on peut trouver dans mes créations est l'utilisation du corps pour raconter. Mais je ne suis pas en train de développer un style ou une technique. Parfois j'utilise la parole et l'interaction directe avec le public, dans d'autre cas ce sont des chorégraphies qui bougent très vite avec une musique très présente. J'aime bien dire que c'est le spectacle qui décide Sa façon d'être et Sa technique de narration. J'essaie d'être très à l'écoute pendant la création et de suivre les indications que le spectacle me donne.

Pour l'autre, j'ai voulu développer un spectacle très lent et sans musique. Cette création est issue d'un long processus de recherche lancé en 2008 et centrée sur le mouvement et sur la relation corps-objet. Ce que j'ai cherché (et recherche encore) est une façon de donner vie, par le mouvement, à mes pulsions instinctives, à mes désirs cachés et autres parts de mon inconscient qui, normalement, ne se manifestent pas.

Au cours de cette recherche, j'ai parcouru une vingtaine d'étapes de travail. Chaque étape s'est clôturée par un événement public : présentation, ateliers et/ou installations vidéo, le tout présenté dans différentes structures en Belgique, en Italie, au Portugal, en France et aux USA.

Le désir de « convertir » cette recherche en spectacle est né naturellement en cours de route. De façon organique, ont ainsi surgi des éléments (mouvements, objets, atmosphères, sens de l'humour particulier) aux couleurs similaires. J'ai éprouvé le besoin de rassembler ce matériel, de le retravailler (voire de le pousser plus loin) et d'en construire une pièce à part entière.

Dans L'Autre, je mets en scène la possibilité qu'une partie cachée de moi-même prenne forme humaine, libre, et vienne troubler ce « moi » conscient et son sens de la réalité. J'appelle cette partie intérieure mon « Autre ».

Sur scène, j'incarne les deux : « moi » et mon « Autre ». Ils se trouvent ensemble dans un même corps, qui hésite entre deux manières d'exister : le « moi » lucide et le « moi » inconscient, imaginaire.

L'« Autre » demeure dans un monde composé d'objets vivants (meubles et autres objets détournés/réinventés) qui apparaissent l'un après l'autre. Il les manipule, les découvre. Le tout se passe dans un silence profond. Les seuls bruits proviennent des objets manipulés et de la respiration de l'« Autre ».

Le spectacle semble un solo, mais c'est d'un duo qu'il s'agit : dans la pénombre, quelqu'un, « invisible » (Martin Firket) manoeuvre tout ce qui est visible. Un technicien, un maître de cérémonie, un sorcier, un marionnettiste ou, tout simplement, celui qui décide et rend possible le monde de l'« Autre ». Avec cette pièce, je ne cherche pas à livrer un message clair ou à raconter une histoire bien définie. J'essaie de stimuler l'imaginaire du public et de provoquer des réponses instinctives, comme dans un rêve…

Comment intervient la magie dans votre travail ?

Ma formation de circassien est une des causes de l'intérêt que je porte à la magie. Je suis aussi très curieux des recherches de Raphaël Navarro. Je trouve que la magie “revisitée” est un nouvel outil pour le spectacle contemporain et qu'il y a beaucoup à chercher dedans.

Je dois aussi dire qu'en travaillant seul dans mes recherches pour L'autre, mes seuls amis dans mes improvisations étaient les objets présents dans la salle. Avec le temps j'ai commencéà me demander comment ils pourraient avoir leur propre vie, en parallèle du parcours de mon personnage. C'est comme ça que l'étude des illusions a commencée. La rencontre avec Martin Firket a aidéà amplifier et à rendre concret ce monde. Nous avons tout créé nous même avec parfois des conseils d'amis qui venaient nous voir travailler.

Nous avons travaillé avec des moyens très réduits et je suis content d'avoir développé une façon de créer de la magie d'une manière artisanale, basée sur l'imagination et non sur l'achat de matériel couteux !

La magie aide à rêver, à créer des situations absurdes et des mondes parallèles au notre.

Quelles sont vos influences artistiques ?

Toutes les personnes pour qui j'ai travaillé, et certains artistes comme : Joseph Nadj, Rodrigo Garcia, Jhoan le Guillerme, et d'autres encore. Mais aussi Batman, Spiderman, le fou dans la rue, et tout ce qui est réel mais décalé.

- Interview réalisée en avril 2011.

A lire :
-Le compte-rendu de L'autre.

A visiter :
-Le site de l'autre.

Crédits photos : Martin Firket et Dusa Gábor. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayant-droits, et dans ce cas seraient retirés.

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