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RACONTER AVEC DES OBJETS

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Ce livre nous fait voyager au pays où les objets parlent. L'auteur met en avant cette pratique du récit vivant qui consiste à mettre en scène les objets soumis aux mots, aux yeux, aux mains, à travers le conte. Il nous donne une multitude de conseils (soulignés par des exemples explicites) pour réinventer des histoires, investir l'espace, libérer l'expression, développer l'imaginaire des objets, réunir les langages, conduire un récit vivant, stimuler l'échange avec le public. Et cerise sur le gâteau, un paragraphe entier est consacré aux accessoires de magie et à leur mode d'emploi !

Que fait le magicien-prestidigitateur, sinon « jouer » avec des objets ? Les objets prennent d'autant plus la parole dans un récit vivant qu'ils s'éloignent d'un modèle classique seulement oral. Le langage n'a pas seulement des mots mais aussi une musique, des gestes, des regards, un corps, des couleurs. L'objet produit de la main de l'homme, n'a de magique que d'offrir un support à l'imagination.

Pour l'auteur, le conte est une forme ouverte appartenant à l'histoire du spectacle avant de s'inscrire dans la littérature. Le conte est enclenché quand le récit des histoires provoque des phénomènes d'attention, de projection, de participation.

Nous voyons ici que les attentes sont les mêmes qu'en prestidigitation. Certes, il existe des magiciens conteurs, mais l'action de conter s'étend plus généralement à la manipulation des objets. Car souvent l'objet est, ou devient magique ; il se transforme, change d'aspect... Ses propriétés mêmes le rendent autonome. Il a le premier rôle dans la représentation.

Tout au long du livre, Jean Donagan dicte des grands principes applicables, voir intrinsèques au monde de l'illusionnisme. Tout part de l'histoire à la base. Sans histoire pas de structure et pas d'évasion possible. L'importance donnée aussi à la cohérence (l'imaginaire attache beaucoup de prix à la cohérence, en particulier dans les détails).

Avoir conscience de l'espace :

Le premier objet pour raconter est le lieu. Le champ d'attention est triple : audio, visuel et kinésique. Les paramètres visuels doivent être contrôlés, sinon ils risquent de gêner le spectateur. Selon des expériences en communication, nous retenons 80 % du vu et 11% à peine de l'entendu. D'où l'importance de ce que l'on montre et où on le montre. Bien choisir son cadre de représentation renforce l'effet magique, à méditer... Réfléchir également à la position que l'on adopte devant le public, assis ou debout. Est-il utile d'utiliser une table ? Tout ça dans le but de favoriser le contact avec les spectateurs. L'espace d'expression peut-être rapproché d'un volume correspondant à une sphère. Le but est de se faire rencontrer « le manipulateur » et le public. C'est le récit vivant qui transforme le lieu et non l'inverse !

Développer l'imaginaire de l'objet :

Il est utile d'apprendre à connaître un nouvel objet en pratiquant d'abord l'examen de ses attributs. Ce qu'on peut en faire viendra ensuite ; L'idée préconçue empêche de voir. Certains objets, en revanche, déclenchent des associations consensuelles. D'autres ont parfois besoin d'un bricolage pour se transfigurer. Un objet doué de personnalité stimule l'imagination. Il peut a priori tout incarner, y compris un concept abstrait.

Réunir les langages d'expressivité :

Il y a trois paramètres importants à définir : Le visuel, le sonore et le kinésique. La bande visuelle héberge le décor, le corps du magicien, ses gestes et ses mimiques. La bande sonore superpose la musique, le bruitage, la voix du magicien et les réactions du public. Enfin, dans la bande kinésique, les déplacements du magicien, l'image animée et les objets manipulés produisent une chorégraphie.

Le visuel :

L'attention de l'œil est facile à orienter sur un objet. Il suffit de le sortir de sa poche, de le désigner du doigt ou simplement de le regarder avec un peu d'insistance. En situation de récit, l'œil se lasse vite. Si on observe la fréquence des changements de plan dans un film, une fois le décor enregistré, il faut qu'il se passe quelque chose. Une image non « artistique » ne capte pas seule l'attention plus de 5 secondes en moyenne. L'objet visuel manque en outre d'opportunité narrative. Il montre tout ensemble ses attributs. Le public a besoin d'être guidé dans le choix de ce qui importe à un moment donné. La relation entre l'objet et le manipulateur est visuelle, tout s'organise avec le cadrage, comme au cinéma. Avancer un objet vers le public, équivaut à un zoom. S'il se déplace avec lui, c'est un travelling, etc.... Toujours penser en terme de cadrage et d' « effet photo ».

Mettre en avant le public :

Un spectacle se nourrit de la projection du spectateur. Les objets font support de projection et vont faciliter l'échange. On constitue ainsi un trinôme relationnel : le manipulateur, l'objet et le spectateur. La réceptivité est également un élément clé pour faire évoluer la représentation vers une interactivité salutaire. Faire avec l'imprévu permet de la spontanéité, ainsi qu'une vraie marque d'attention envers le public.

Les accessoires de magie :

La règle générale est de détourner les objets. Pour surprendre, les accessoires de magie doivent oublier le tour qui a motivé leur vente. Présentés dans leur fonction, ils n'ont aucun intérêt narratif et réduisent l'imagination. La solution est d'introduire des tours dans des sujets qui parlent d'autre chose. Il est préférable d'approfondir certains tours que d'être toujours à l'affût de la dernière nouveauté. Ce qui produit l'effet magique n'est pas le truc mais le rythme, le décalage entre ce que l'on voit, entend et touche.

A lire :
-Raconter avec des objets, une pratique du récit vivant de Jean Donagan. Livre disponible aux éditions EDISUD.


HEGEL / L'artiste est un illusionniste

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L'art, dit-on, est le règne de l'apparence, de l'illusion, et ce que nous appelons beau pourrait tout aussi bien être qualifié d'apparent et d'illusoire. [...]

Rien de plus exact : l'art crée des apparences et vit d'apparences et, si l'on considère l'apparence comme quelque chose qui ne doit pas être, on peut dire que l'art n'a qu'une existence illusoire, et ses créations ne sont que de pures illusions.

Mais, au fond, qu'est-ce que l'apparence ? Quels sont ses rapports avec l'essence ? N'oublions pas que toute essence, toute vérité, pour ne pas rester abstraction pure, doit apparaître. Le divin doit être un, avoir une existence qui diffère de ce que nous appelons apparence. Mais l'apparence elle-même est loin d'être quelque chose d'inessentiel ; elle constitue, au contraire, un moment essentiel de l'essence. Le vrai existe pour lui-même dans l'esprit, apparaît en lui-même et est là pour les autres. Il peut donc y avoir plusieurs sortes d'apparences ; la différence porte sur le contenu de ce qui apparaît. Si donc l'art est une apparence, il a une apparence qui lui est propre, mais non une apparence tout court.

Cette apparence, propre à l'art, peut, avons-nous dit, être considérée comme trompeuse, en comparaison du monde extérieur, tel que nous le voyons de notre point de vue utilitaire, ou en comparaison de notre monde sensible et interne. Nous n'appelons pas illusoires les objets du monde extérieur, ni ce qui réside dans notre monde interne, dans notre conscience. Rien ne nous empêche de dire que, comparée à cette réalité, l'apparence de l'art est illusoire ; mais l'on peut dire avec autant de raison que ce que nous appelons réalité est une illusion plus forte, une apparence plus trompeuse que l'apparence de l'art. Nous appelons réalité et considérons comme telle, dans la vie empirique et dans celle de nos sensations, l'ensemble des objets extérieurs et les sensations qu'ils nous procurent. Et, cependant, tout cet ensemble d'objets et de sensations n'est pas un monde de vérité, mais un monde d'illusions. Nous savons que la réalité vraie existe au-delà de la sensation immédiate et des objets que nous percevons directement. C'est donc bien plutôt au monde extérieur qu'à l'apparence de l'art que s'applique le qualificatif d'illusoire. [...]

Il est vrai que, comparéà la pensée, l'art peut bien être considéré comme ayant une existence faite d'apparences [...], en tout cas comme étant, par sa forme, inférieure à celle de la pensée. Mais il présente sur la réalité extérieure la même supériorité que la pensée : ce que nous recherchons, dans l'art comme dans la pensée, c'est la vérité. Dans son apparence même, l'art nous fait entrevoir quelque chose qui dépasse l'apparence : la pensée.

Horace GOLDIN

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Pendant presque quarante ans, Horace Goldin fut l'une des plus grandes vedettes internationales de la magie. Avec un style tourbillonnant : « 45 tours en 17 minutes » (plus que ses prédécesseurs n'en faisaient en toute une soirée) et un sens de la publicité qui venait au second rang après celui d'Houdini, il donna au public un nouveau genre de spectacles de magie, dans laquelle les illusions spectaculaires et déconcertantes se succédaient avec une telle rapidité que le public en était hébété. Son slogan était : « Ne sourcillez pas des yeux, vous risqueriez de manquer une illusion ! ».

Le jeune Horace Goldin en 1893.

Goldin — de son vrai nom Hyman Elias Goldstein — naquit en Pologne en 1873. A seize ans il émigra aux Etats-Unis. Une critique ancienne de son numéro faisait l'éloge de sa magie, mais aussi des réflexions sur le mauvais anglais, du jeune magicien. Goldin décida alors de réaliser un numéro silencieux, ajoutant un maximum de tours pendant le temps qu'il aurait passéà parler.

Après un apprentissage effectué dans les spectacles forains et les musées populaires, Goldin décrocha le gros lot : les tournées du Keith Circuit aux Etats-Unis, ainsi qu'un formidable engagement de six mois au Palace Theatre de Londres. A vingt-sept ans, il passa dans le monde entier. Il arborait des épingles de cravate incrustées de pierres précieuses, qui étaient autant de présents du roi Edouard VII, du roi George, de la reine de Saxe et du roi du Siam (qui fit construire un théâtre exprès pour le spectacle de Goldin.) Les épingles furent reproduites sur sa voiture et sur ses affiches ; il se fit ainsi appeler « l'illusionniste royal ».

Affiche de 1907.

En plus de son style de présentation dynamique, Goldin avait le flair pour inventer des illusions qu'il reliait à des histoires dont on parlait, ou à des événements de l'actualité. Ainsi, un de ses premiers numéros, qui le fit engager dans les plus grands théâtres de music-hall américains, fut « Dreyfus s'évade de l'île du Diable », et une illusion plus tardive, « John la Patate », reposait sur les exploits d'un héros des manchettes de journaux qui avait brisé le blocus de l'Espagne. Il créa même une de ses illusions « la Présentation de la coupe d'or », en quelques heures, après avoir appris qu'on avait volé la coupe d'or d'Ascot à 11 h 30 du matin, en plein dans l'actualité, Goldin, le soir même, présenta à son programme une illusion descriptive du vol.

« Le Miracle vivant ». Affiche de 1932.

Manipulateur de grande classe, il exécutait également d'innombrables petits tours, comme par exemple : « Le papier de soie déchiré et raccommodé», « Le dé libéré du ruban », « La corde coupée », « Le sac à l'œuf », etc. Il les faisait devant un rideau pour que ses assistants puissent préparer sur scène ses grandes illusions. Ainsi, sur un tempo d'enfer, les petits trucs succédaient aux grands trucs et inversement.

L'effet le plus sensationnel de Goldin fut probablement son tour de « la Femme sciée en deux », qui est devenu synonyme de Magie au même titre qu'un lapin sortant d'un chapeau. Bien que l'idée ait à l'origine été de P. T. Selbit, Goldin perfectionna sa version populaire dès 1921 et, quand des imitateurs représentèrent l'illusion dans le monde entier (on y voyait la jeune fille dans une caisse, la tête pendant d'un côté et les pieds de l'autre), Goldin mit au point une version nouvelle, appelée « Le miracle vivant », dans laquelle il n'y avait plus de caisse ; la femme était visiblement tronçonnée en deux par une scie géante et grinçante. Quand Goldin et son illusion avec la scie furent têtes d'affiche au music-hall, la demande, pour ce tour, fut si grande qu'on envoya six autres troupes jouer dans les théâtres où Goldin ne pouvait jouer lui-même. Il se fit de la publicité dans chaque ville en assurant la jeune fille pour de grosses sommes d'argent, en déchirant sa robe avec la scie (le public criait « assassin »), en faisant stationner des ambulances avec des infirmières devant le théâtre, pour l'éventualité où une horrible tragédie se produirait. Des entrepreneurs de pompes funèbres arpentaient les rues avec des scies à main et menaient les foules excitées droit à la caisse du théâtre.

Les autres tours caractéristiques de Goldin étaient : « La femme qui traverse une vitre », « L'apparition miraculeuse de canards », « L'exécution orientale », « Les ombres vivantes », Le repas magique », « L'arabe transpercé», « La jeune fille et le piano volatilisés »

« La jeune fille et le piano volatilisés ».

« Le Film de la Vie », du cinéma magique, où le réel agit directement sur l'image projetée et inversement. Voici quelques effets de cette merveilleuse illusion exécutée dès 1910 : sur scène est tendu un véritable écran de cinéma. Commence alors une sarabande, un va et vient extravagant et incompréhensible entre les personnages projetés cinématographiquement sur la toile et Horace Goldin en chair et en os sur la scène. L'illusionniste s'approche de l'écran avec sa cigarette et se fait donner du « vrai » feu par la jeune femme du film. Il lui tend son mouchoir, elle le prend...et l'on voit miraculeusement le mouchoir quitter la main de Goldin pour se retrouver entre les mains de la personne filmée. Celle-ci, dans l'image mouvante, saisit une chaise qu'elle tend vers le magicien, qui s'en empare. Et le voici sur scène, en possession d'un vrai siège qu'on ne voit plus sur l'écran. Pour terminer Goldin entre carrément dans l'écran où il se trouve instantanément « projeté», pendant que sa partenaire quitte résolument la toile blanche pour se retrouver vivante sur la scène.

« le Dieu tigre » ou « Le [sic] Danse des passions », une pièce qui se passe au Maroc et dans laquelle une jeune femme est jetée dans une cage avec un vrai tigre du Bengale, uniquement pour que Goldin fasse disparaître le tigre en un éclair de temps. Avec « la Femme sciée en deux », l'illusion du tigre fut le plus grand succès financier du magicien polonais.

Horace Goldin mourut le 22 août 1939, à soixante-six ans, après avoir inauguré son spectacle au Woodgreen Empire Theatre de Londres, le théâtre oùChung Ling Soo avait été tué sur scène par un coup de feu vingt et un ans plus tôt.

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

James THIERREE / RAOUL

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James Thierrée, à 37 ans, est devenu depuis une dizaine d'années unes des valeurs les plus sûres d'un théâtre visuel et poétique (La Symphonie du hanneton, La Veillée des Abysses ou Au revoir parapluie) et son travail d'une qualité exceptionnelle a été couronné en 2006 de 4 récompenses aux Molières.

Cette fois, il est seul sur scène avec, par moments, une sorte de double qui vient le hanter. Sur le plateau du Théâtre de la Ville, de grandes toiles blanches rapiécées suspendues à des perches évoquent les voiles des navires d'autrefois.

James Thierrée arrive dans le noir, par la salle, un casque en cuir sur la tête muni d'une lampe. Un peu sur le côté de la scène, une espèce de petite cabane faites de longues perches métallique posées verticalement ; comme un refuge avec, au sol, un tapis et sur le côté, un rideau rouge usé jusqu'à la corde. Dans le fond, un vieux fauteuil et une petite table où trône un phonogramme au pavillon en cuivre, et un tonneau métallique d'où il tirera différents accessoires dont un violon. Mais pour le moment, il « se contente » de monter aussi vite qu'un écureuil sur les parois de cette cabane.

Dès le début, la grâce et l'énergie qu'il déploie sont impressionnants. D'un seul coup, les perches métalliques tombent, tandis qu'il s'apprête à voler dans les airs. Bref, jusque dans la scénographie, il a de la magie dans l'air...

Le vent souffle dans les grandes voiles blanches, et il y a des images fabuleuses où on le voit passer comme une sorte d'elfe bondissant. Mais, quand il rentre dans sa cabane, une sorte de double un peu mystérieux et inquiétant l'attend. Puis face à lui-même, il se met à esquisser quelques pas de danse, puis un phoque essaye de pénétrer dans son refuge, et il va employer toute sa force à le refouler.

L'histoire de ce Raoul, en fait, si on a bien compris, n'a que peu d'importance, puisqu'il dit lui-même qu'il ne va pas la raconter. Mais James Thierrée, et c'est l'essentiel, sait utiliser comme personne toute les ressources d'un théâtre à l'italienne : le vent souffle de nouveau dans les grandes voiles : « J'utilise, dit-il, jusqu'à la moelle épinière, la machinerie théâtrale, ses poulies, ses cintres , je suis friand des effets manuels. Je ne suis pas versé dans les nouvelles technologies ».

Effectivement, il n'y pas la moindre vidéo, qui est devenue un des stéréotypes du théâtre contemporain, pas le moindre effet spécial, même les animaux qui viennent le hanter sur scène sont faits de roulettes et de simple tissu, comme cet étrange insecte qui émerge du mur de la cabane, comme aussi cette incroyable et très poétique méduse ou cet éléphant à la lourde démarche, plus vrai que nature.

Pendant une heure vingt que dure ce spectacle sans paroles, il est là, avec une présence et une virtuosité incroyables. Il passe d'acrobaties aériennes à un air de violon puis à une petite chorégraphie ou à une marche sur place, sans le moindre à coup. Les gags visuels et/ou sonores se succèdent, et c'est toujours aussi brillantissime. Et petit à petit, la cabane va se déconstruire sans que personne n'y ait touché, et le vieux tapis disparaîtra avec ses meubles absorbé sous les grandes voiles blanches ; quant à lui, enfin seul et, débarrassé de son double encombrant, il montera, dans le noir, la tête enveloppée de son casque à lumière, verticalement vers le ciel. Etonnant et splendide à la fois.

L'ovation de la salle a été unanime. Pourtant, l'on peut sentir à quelques détails, entre autres, certaines longueurs et un manque évident de fil rouge. James Thierrée est peut-être arrivéà un tournant de son aventure artistique, et il est aussi évident que, malheureusement, les années auront raison de cette force physique indispensable à de telles acrobaties. Mais il faut avoir vu ses précédents spectacles pour s'en rendre compte. Comme James Thierrée est aussi, par ailleurs, un excellent comédien et metteur en scène, il est sans doute capable de concevoir d'autres spectacles d'un genre différent.

- Source : Le Théâtre du Blog.

Crédit photos : Richard Haughton. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

QUELS CONTRATS, DANS QUELLES CONDITIONS ?

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Temps de lecture : 10 min

Nous allons imaginer que votre statut professionnel est établit et que vous êtes fins prêts à vous jeter sur les marchés du spectacle afin de faire de vous une star !

Vous avez donc décidé de vos statuts, évalué ce que vous valez dans cette jungle de la concurrence. Vous avez lancé votre campagne de communication et les propositions tombent à la pelle. Mais quel type de contrat signer et quel langage utiliser quand on vous parle du mode de contrat utilisé ? Voici un petit tour d'horizon de ce qui se fait.

Tout d'abord :

Le Contrat de Base

C'est le contrat d'engagement : il lie un artiste interprète (ou un groupe), et un entrepreneur de spectacles (exploitant de lieux, producteur de spectacles, tourneur ou diffuseur).

Il est considéré comme un contrat de travail si vous n'avez pas votre propre société, si vous n'êtes pas entrepreneur individuel ou inscrit au registre du commerce. Ce contrat a un but simple : marquer un accord d'exécution d'une prestation en contrepartie du versement d'un montant négocié.

Il précisera aussi :

- le type de contrat (cession de droit, co-réalisation, co-production)
- la nature de la prestation
- la durée
- la ou les dates de l'engagement (nombre de représentations prévues, du ... au ... inclus, ou les différentes dates)
- le lieu d'exécution de l'engagement
- le montant de la rémunération de l'artiste le mode et les échéances de règlements (soit à la date de la prestation avant ou après prestation, soit avec arrhes versés à la signature du contrat et soldé le jour de la prestation avant exécution)
- les éventuelles indemnités de déplacement et de défraiements Mettez aussi le mode de règlement et d'établissement de salaire : si vous passez par le GUSO, facturez vous même, passez par un prestataire qui facturera et établira le salaire.

L'employeur, quand à lui, s'engage à observer les règles d'hygiène (sanitaires, vestiaires, loges, conditions de restauration, température des locaux, etc.) et de sécurité (installations électriques, risques de chute de personnes ou d'objets, risques toxiques, incendie, etc.) liées à l'activité de l'artiste.

L'employeur déclare avoir souscrit les assurances nécessaires à la couverture des risques liés aux représentations du spectacle. Mais vous devez, normalement, avoir vous aussi souscrit une assurance de type responsabilité civile (Professionnelle ou non, renseignez vous).

De votre coté, vous devez vous engager quand à votre heure d'arrivée, et a être prêt dans des délais raisonnables. En cas d'incapacitéà assurer la prestation, de maladie, vous devez en aviser l'employeur dans un délai raisonnable avec certificat médical (si maladie). Le contrat sera, de facto, suspendu et la rémunération ne sera pas due pendant toute la durée de l'arrêt.

Autre précision : La conception des publicités du spectacle relève de la seule autorité de l'employeur. Toutefois, sur les supports d'informations annonçant le spectacle pour lequel l'artiste est engagé, le nom et l'effigie des interprètes apparaîtront conformément aux usages en vigueur dans la profession.

L'artiste s'engage à assurer gratuitement les prestations nécessaires à la promotion et à la publicité du spectacle (photos, interviews, relations publiques…) dans des limites raisonnables.

Maintenant nous allons voir les différents types de contrat/rémunération que vous pouvez rencontrer.

Le Contrat de cession (vous vendez votre spectacle)

Le contrat de vente ou contrat de cession de droits d'exploitation, correspond à un contrat "clés en main" vendu à un organisateur moyennant une somme forfaitaire.

Cela sous-entend donc que vous êtes en possession de tous les droits d'exploitation (musiques : cas échéant faire une déclaration SACEM, textes, routines, vidéos, etc.). A vous de faire attention, de ne pas piller allègrement les routines, textes de vos petits camarades, qui eux, en possèdent les droits.

Votre spectacle doit aussi être prêt àêtre représentéà la date de signature (en tout cas à la date d'échéance, il vaudrait mieux). De son coté, l'organisateur ou "cessionnaire" doit trouver le lieu, gérer la billetterie si existante, promouvoir le spectacle et tout ce qui va de paire.

Dans ce type de contrat, l'employeur s'engage donc à vous payer une somme forfaitaire globale, à vous, ensuite, d'assurer le règlement des charges sociales et fiscales et du personnel du spectacle ou de la prestation.

Pour cela :

- le GUSO pour l'occasionnel
- des prestataires de facturation : le chèque global leur revient, puis ils vous établissent une fiche de salaire et payent les charges diverses et vous envoient votre chèque de salaire net avec votre bulletin de paie
- vous êtes en entreprise ou en profession libérale : vous recevez le chèque global comme CA et vous payez ensuite vos charges aux divers organismes (TVA, sécu, retraite, URSSAF, etc.)

L'organisateur s'engage à faire la promotion et la publicité du spectacle. La fourniture des éléments nécessaires (affiches, dossiers de presse, bios, photos, supports audio et audiovisuels) est traditionnellement à la charge du producteur, mais la communication de ces éléments aux médias locaux est à la charge de l'organisateur. Il a aussi à sa charge les éventuelles rémunérations dues au titre des droits d'auteur (SACEM, SACD, etc.)

Pour ce qui est du montant de la prestation, c'est à vous de le fixer, ceci en fonction de ce que vous faites, de ce que vous estimez valoir, du marché, du type de prestation, des conditions, etc.

Comme dans le contrat de base, n'oubliez pas que si vous avez des frais annexes : transport ou hébergement par exemple, vous devez le négocier avant l'établissement du contrat. Et surtout bien préciser ce qui est à la charge de qui.

Pour le règlement global de votre prestation vous pouvez choisir un paiement en une seule fois àéchéance ou encore en plusieurs fois àéchéances réparties entre la date de signature et le début de la prestation (parfois après la prestation comme avec certaines administrations).

Le Contrat de co-réalisation

A ne pas confondre avec le contrat de co-production que nous verrons par la suite. Il ressemble globalement à un contrat de cession, sauf que vous, ou votre producteur/tourneur ne percevez plus une rémunération forfaitaire mais un pourcentage sur les recettes du spectacle. Vous serez appelé producteur, et celui qui vous prend le spectacle : organisateur.

Cette rémunération sur recettes peut se voir avec, ou non, un minimum garanti. En gros vous partagez la prise de risque de l'organisateur en avançant un montant fixé avec l'organisateur. Les premières places serviront à garantir ce minimum avancé, et vous reviendront. Le reste sera ensuite répartit selon accord (et souvent proportionnel au minimum garanti : 50/50, 70/30, etc.).

Le minimum garanti est souvent proportionnel au nombre de places « raisonnable »à vendre pour qu'aucun parti ne perde d'argent. Le prix des billets, pleins tarifs et promo est fixé avec l'organisateur, la gestion de la billetterie, la diffusion de l'information, etc.

Si il existe une vente de boissons et de nourriture, le même partage des recettes est normalement appliqué sauf si il y a un minimum garanti. Là, la somme revient entièrement à l'organisateur. Sur une éventuelle vente de produits dérivés, merchandising ou disques, livres, l'intégralité des recettes vous revient si vous assurez l'ensemble des frais liés à la vente. Si l'organisateur met à votre disposition une personne chargée de la vente, une répartition des recettes est alors faite (généralement 2 à 30 % rétrocédés).

A vous de bien faire attention au nombre d'entrées, car c'est sur elles que sera basée votre rétribution au moment du décompte. Généralement chaque détail est bien géré par l'organisateur et c'est lui qui vous fournira le contrat de co-réalisation propre à son lieu ou évènement. Étudiez le bien et pensez à rajouter vos closes si nécessaire. Le reste est comme dans un contrat de base.

Le Contrat de co-production

C'est un contrat spécifique qui permet à plusieurs intervenants ou parties, de se regrouper et de grouper leurs moyens pour assurer la création d'un spectacle et son exploitation. En contrepartie chacun se voit reverser une part des bénéfices ou des pertes.

Ces apports peuvent être financiers, en nature (moyens logistiques, matériel, transport, installations techniques…) ou en industrie (mise à disposition de salariés et techniciens, artistes, personnel administratif ; par une personne morale qui les rémunère).

Les coproducteurs fixent les règles de la coproduction :

- conditions d'exécution du contrat,
- responsabilités,
- calendrier de la production,
- date d'échéance du contrat,
- contrepartie qu'ils recevront proportionnellement à la valorisation de leurs apports respectifs.

Les coproducteurs sont associés et solidaires. Ils désignent un producteur délégué chargé de réaliser pour leur compte l'objet du contrat. Ce dernier a en charge toutes les opérations liées à la production du spectacle et rend des comptes aux coproducteurs de l'utilisation des moyens qui lui sont confiés.

Le contrat de coproduction, par lequel plusieurs personnes conviennent de partager les bénéfices et les pertes résultant d'opérations accomplies par l'un d'eux en son nom personnel mais pour le compte de tous, s'analyse comme une « société en participation ». Toutefois, cette société est dépourvue de personnalité morale et est dégagée de toute obligation d'être révélée à des tiers.

La Résidence

Il correspond à l'invitation d'un lieu, d'une institution culturelle envers un artiste à séjourner pour une période donnée afin de réaliser une oeuvre ou une création, souvent en lien avec le lieu. Elle couvre un bon nombre de situations, de la simple mise à disposition d'un lieu jusqu'à devenir un artiste en résidence "associé" au lieu.

Parfois cela relève du simple accord tacite entre les tiers, mais très souvent des contrats sont établis afin de bien définir cette notion d'association entre l'artiste ou la compagnie et le lieu qui l'accueille. Ce contrat permettra de définir le but, la durée, les conditions de rémunérations éventuelles, les conditions de restauration et d'hébergement. De voir aussi le degré d'implication du lieu dans la création en résidence.

En rien le lieu n'a obligation de diffusion, coproduction ou programmation d'une création qui a lieu en ces murs, même si souvent, au moins une programmation est un des buts de la création et de l'échange de bons procédés. Le lieu prend finalement peu de risque, et même les minimise quand elle veut expérimenter ou parier sur un artiste.

D'un autre coté l'artiste ou la compagnie trouve ainsi un lieu propice à la création, ce qui n'est pas toujours simple. Les conditions nécessaires à un bon travail doivent néanmoins être présentes (conditions techniques, humaines, de travail...) afin de favoriser la création et sa réalisation. La résidence offre aussi une ouverture sur le public, qui peut venir à la rencontre. Il peut y avoir des actions pédagogiques, tant qu'elles ne sont pas trop nombreuses et chronophages.

Il faut aussi faire attention à ne pas trop créer en fonction du lieu de résidence, sous peine d'avoir du mal à jouer dans des salles ou des lieux ne réunissant pas les mêmes conditions que le lieu de résidence.

Le Contrat de prestation d'accueil de spectacle

Vous pouvez charger un promoteur ou prestataire, d'organiser un spectacle pour vous. Il se devra de trouver et réserver le lieu (mais c'est vous qui conclurez le contrat de location) et de gérer et obtenir les autorisations administratives. Généralement ce promoteur (qui peut être une agence ou un particulier), est en charge de la promotion du spectacle et de sa publicité.

Il se voit rémunéré par un pourcentage des recettes (entre 5 à 10%) que vous lui reversé en principe) après la représentation. Il n'est propriétaire ni de la billetterie, ni de la recette du spectacle. Ses dépenses, effectuées pour votre compte, lui sont remboursées sur présentation des justificatifs correspondant. Voilà un bref tour d'horizon basé sur ma propre expérience, à compléter pour les termes exacts sur diverses sources.

A lire :
-Pratiques et usages des contrats dans le spectacle vivant.
-Savoir se vendre : 2ème partie.

Bob FITCH

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Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?

Quand j'avais 12 ans, ma grand-mère m'a donné une boîte de cigares remplie d'accessoires de magie : des cigares bien sûr, mais aussi des balles, des tirages, un faux pouce, des tubes colorés, etc. Elle m'a dit que c'était à mon oncle. Je ne me souvenais pas de lui car j'avais 5 ans quand il est décédé. J'avais donc 4 ans quand il m'a montré mes premiers tours de magie.

Dans cette boîte à cigares, il n'y avait aucunes instructions. Ma grand-mère me conseilla d'aller à la bibliothèque me documenter. Par chance, j'ai trouvé le livre d'Ottokar Fischer intituléIllustrated Magic qui était traduit en anglais. L'auteur m'a montré ce que je pouvais faire avec chacun de mes accessoires. J'étais en extase ! Je ne me souviens pas vraiment le premier tour que j'ai appris. Ce que j'aimais c'était décortiquer ces puzzles, ces mécanismes et comprendre comment les tours fonctionnaient pour créer ces illusions.

Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?

Par la lecture, je me suis enseigné moi-même. À un moment il y a eu un monsieur nommé Goldie Goldstein qui m'a montré des tours ainsi qu'à un petit groupe d'enfants. Goldie était une personne très intelligente et douce née sans doigts mais avec des pouces. Il travaillait pour des clubs privés, les Rotary, les Lions, etc. Bien sûr, il ne pouvait pas faire de manipulations et travaillait surtout avec des tubes et des boîtes. Il nous a encouragéà le faire en nous prêtant des livres de magie. Goldie avait inventé la machine Snow cone pour travailler sur les plages de notre ville Santa Cruz.

Robert Fitch (à droite).

Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l'inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?

Mon père fut d'une aide énorme. Il était inventeur et aimait beaucoup créer de nouvelles choses en y apportant des idées originales. Il a inventé le Fitch Prosthetic Arm qui fut exclusivement utilisé par l'armée maritime américaine pendant la seconde guerre mondiale. Cela faisait beaucoup d'accessoires pour moi ! Il a aussi inventé un piège à taupe pour les terrains de golf. Il était également danseur de claquettes ; il m'a fabriqué une série d'escaliers et un tambour pour danser dessus.

J'ai ensuite remporté le Ted Mack Amateur Hour (Une émission de télé). Je faisais des claquettes en faisant apparaître et disparaître des cannes. J'avais 19 ans lorsque j'ai battu le chanteur Pat Boone. Le magicien Howard D. Wise m'a ensuite prêté des livres et m'a conseillé pendant mon adolescence. J'ai toujours voulu en savoir plus sur lui mais il est parti trop vite…

Dans quelles conditions travaillez-vous ?

J'ai travaillé plusieurs fois au Magic Castle, donné des conférences sur mon système de Topit. J'ai créé des effets avec des pièces, réalisé des DVD sur mon Topit et le Kohler Holdout. J'ai écrit des manuscrits pour le théâtre et les spectacles de claquettes. J'ai travaillé pendant 40 ans à Broadway en tant que chanteur / danseur / acteur et réalisateur / chorégraphe.

J'ai créé et conçu des effets magiques pour des spectacles et des publicités télévisées. Je me suis également spécialisé dans le coaching privé et créé des ateliers de travail pour les magiciens. J'ai travaillé avec plus de 400 magiciens dont David Copperfield, Jeff McBride, Bob Sheets, Gene Anderson, Bill Malone, The Flicking Fingers et 4 grand prix FISM. Jean Faré, qui est un très bon ami, a été d'une énorme influence sur ma magie.

Bob Fitch avec Jeff McBride.

Quelles sont les prestations de magiciens ou d'artistes qui vous ont marqué ?

Le premier magicien que j'ai vu était Virgil. Cela a été une expérience enrichissante. Les autres artistes qui m'ont inspiré le plus sont les danseurs des ballets de Broadway, les chanteurs et les acteurs que j'ai fréquenté pendant 40 ans comme : Madeleine Sherwood, Katherine Hepburn, Carol Channing, Jerry Lewis, Whoopie Goldberg, Robert Preston, Al Lewis, Tyne Daley, June Havoc, Etc.

J'ai fait des tournées avec Liza Minnelli dans les meilleurs théâtres et boîtes de nuits du monde entier, y compris le Persan Room de New York, le Coconut Grove de Los Angeles, le Talk of the townà Londres, et L'Olympia d'Edith Piaf à Paris, etc.

J'ai étudié le théâtre avec Sandy Meisner et avec les comédiens de l'Actor Studio, l'improvisation, le chant et la danse. J'ai réalisé des comédies musicales, des chorégraphies et jouéà travers le pays. Pendant mes jours de congé, j'enseignais les claquettes et le modern jazz à New York pendant 17 ans.

J'ai mis en scène de nombreux types de spectacles : commerciaux, privés, ainsi que pour le théâtre. J'ai fait beaucoup de publicités pour la télévision. J'ai utilisé la magie dans de nombreux domaines. J'ai aussi été jongleur et cracheur de feu.

Pendant tout ce temps, j'ai coaché et dirigé des magiciens un par un. Depuis 1999, j'ai créé des workshops d'une semaine sur la performance artistique pour les illusionnistes. Une sorte d'atelier comprenant des cours de yoga, d'expression, de déplacements, de présence, de techniques de communication, de personnage, de script, etc. Tout ça dans le but d'aider les magiciens à trouver leur voie dans leur travail, débloquer des situations et résoudre leurs soucis, les sensibiliser sur des « basics » tels que l'entrée en scène, les techniques visuelles, etc.

Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?

Les styles originaux sont les plus attrayants pour moi. Des styles qui sont encadrés par une certaine esthétique, une identification personnelle, une expression, une idée conceptuelle, une présentation originale, une beauté, une dramaturgie, un bon discours, de bonnes idées, des mouvements intelligents.

Quelles sont vos influences artistiques ?

Le Theatre Umbrella dans lequel je travaille. Faire partie d'une compagnie et apprendre de toutes les personnes avec lesquelles on travaille : réalisateurs, chorégraphes, scénographes, écrivains, techniciens, éclairagistes, acteurs talentueux et célèbres, danseurs et chanteurs.

Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?

Étudiez les arts, étudiez l'histoire, étudiez comment vous tenir debout. Etudiez la rédaction de nouvelles, le jeu de l'acteur, la diction, les mouvements de base, le mime (pour la communication). Le Yoga vous aidera à garder la forme, faites de l'exercice, mangez correctement, intégrez un atelier sur la prise de parole en public, un atelier d'improvisation, et peut-être quelques techniques cinématographiques pour certains principes visuels.

Ne pratiquez pas devant un miroir mais utilisez plutôt une caméra vidéo à la place. Ecoutez des enregistrements de votre voix, Trouvez quelqu'un avec qui vous pouvez échanger des idées et qui vous dise la vérité. David Copperfield n'a jamais demandé aux gens ce qu'ils aimaient dans son spectacle mais plutôt ce qu'ils n'aimaient pas ! Étudiez d'autres cultures dans lesquelles vous pourriez travailler.

Est-ce trop vous demander ? Eh bien, voulez-vous être le meilleur dans ce que vous faites ? C'est le prix à payer. La magie n'a pas de centres de formation comme d'autres formes artistiques telles que la peinture, la sculpture, l'écriture, le cinéma ou la musique. Des musiciens qui, par exemple, passent par une formation rigoureuse pour développer les compétences et la sensibilisation nécessaire pour exercer leur métier. Vous devez donc construire votre propre formation afin de vous améliorer en tant qu'artiste, amuseur, ou conteur. Trop de magiciens ne savent pas qui ils sont et pourquoi ils font de la magie. Est-ce que cette magie leur ressemble ? Est-ce qu'elle convient à leur personnalité ? Conséquences de ce manque de discernement : un taux anormalement élevé de mauvaise magie.

Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?

Au tournant de ce siècle, je me demandais ce que la magie allait devenir au 21e siècle ; plus de bruit et de fumée ou plus de dramaturgie ? Plus de technologie ou plus d'artistes sérieux ? Plus de trucs ou plus de mystère ?

Il y a eu une explosion de la magie à la télévision avec des trucages par le montage et les angles de prise de vues. Est-ce bien ? Pour quelques-uns peut-être. Encore une fois la télévision n'est jamais aussi merveilleuse et extraordinaire que le fait d'assister à un numéro en direct.

Il y a des individus qui accomplissent de formidables choses techniquement... beaucoup de personnalités originales. Il y a de plus en plus de jeunes magiciens qui cherchent des chemins différents, des idées et des outils originaux pour être pleinement eux-mêmes. Voilà donc une bonne chose. Mon rôle est d'aider le plus de magiciens à atteindre cet objectif.

Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?

La culture est très importante. Si vous ne savez pas ce que vous faites et comment vous le faites, alors votre spectacle sera le reflet de votre ignorance. Vous pouvez sans le savoir, insulter le public. Vous ne pouvez pas faire rire, si vous ne connaissez pas les petites particularités du langage.

Plus vous en savez sur l'histoire et sur les cultures, plus vous en apprendrez sur les gens en dehors de votre zone de confort. Vous serez en mesure d'interagir avec eux et ainsi atteindre un niveau plus élevé de mystère et de divertissement. Pour être le meilleur possible, nous devons en savoir plus que nos trucs et notre petit monde intérieur. L'Art et le professionnalisme sont des notions difficiles à atteindre. Il faut toujours regarder, penser, comparer, questionner, changer et grandir. La définition d'un artiste selon John Cage est la suivante : « Un artiste est quelqu'un qui change d'avis ! »

Vos hobbies en dehors de la magie ?

Lire de la psychologie, de la philosophie et des articles sur et par des artistes de théâtre. J'aime également la littérature et prendre des cours d'improvisation. Je suis toujours à la recherche de nouvelles idées qui m'aideront à devenir un meilleur coach, une personne la plus éclairée possible pour donner le meilleur de moi-même aux autres.

- Interview réalisée en juin 2015.

A visiter :
-Le site de Bob Fitch.

LA GRANDE DAME AUX AUTOMATES

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Temps de lecture : 4 min 15 sec

Elle habite dans une rue très passante du 6ème arrondissement de Paris dont elle aime bien le bruit qui monte à ses fenêtres et elle affiche gaiement ses presque quatre-vingt-dix ans. Elle a bon pied, bon œil et une excellente mémoire mais a préféré que nous n'indiquions pas son nom. Elle possède, confortablement installés parmi les plantes vertes de son salon et dans une chambre, de très beaux automates qu'elle n'est pas peu fière de nous présenter. Automates, nos frères mécaniques ! C'est Leibniz qui disait déjà : « Chaque corps organique d'un vivant est une espèce d'automate naturel ».

Visite guidée de la collection

Mon père était issu d'une famille de chefs d'orchestre italiens dont l'un avait écrit avec Giovanni Ruffini le livret de Don Pasquale de Donizetti. Il avait fait HEC, et avait ensuite racheté en 1920 - donc il y a presque un siècle - la petite usine de fabrication d'automates Vichy. Située rue Vercingétorix dans le 14 ème arrondissement de Paris, elle était construite en bois et les ouvriers n'avaient pas le droit d'y fumer à cause des risques d'incendie. Les bureaux de l'usine étaient situés eux, boulevard Péreire et, dans un grand sous-sol, il y avait un hall d'exposition avec toute sa collection d'automates animés électriquement. Et tous les grands magasins : Le Louvre, la Samaritaine, le Printemps, etc. avaient des vitrines avec des automates au moment de Noël, et il y avait des petites passerelles pour que les enfants puissent mieux voir. C'est encore toujours le cas. Mon père était connu de tout le monde et son entreprise J. A. F. Jouets Automates Français n'avait aucun concurrent !

Grand automate électrique de vitrine figurant un groom noir (J.A.F, successeur d'Auguste Triboulet en 1923).

Les gens adoraient cela et cette fusion entre le mécanisme et le vivant fascinait mes enfants quand ils visitaient ce sous-sol et quand on appuyait sur un bouton, tous les automates se mettaient en marche ; à l'entrée, un orchestre de musiciens noirs grandeur nature jouait de la batterie, du saxo et du piano. Une femme passait l'aspirateur sur son mari qui disparaissait presque entièrement. Il y avait aussi un fakir qui faisait disparaître des femmes. Un tigre et un éléphant grandeur nature effrayaient les enfants. L'Ecrivain calligraphiait réellement quelques mots et terminait en mettant un point. Le Buveur se servait à boire, vidait son verre et son visage exprimait alors un contentement visible, reposait son verre puis se servait, à nouveau, etc. De tout cela, malheureusement, il ne reste que peu de choses mais ces automates n'ont sûrement pas été perdus pour tout le monde ! Mon père faisait aussi de petites vitrines comme celles d'Hermès, rue du faubourg Saint-Honoré et, plus tard, a aussi animé des poupées Barbie avec des fils.

Et les automates que vous avez pu sauver et qui sont chez vous ?

Il y a d'abord Le Baiser derrière l'éventail auquel je tiens beaucoup : c'est un cadeau imaginé et réalisé pour mon père pour sa sortie de l'hôpital. Dans un salon privé du restaurant Chez Maxim's, il y a un violoniste costumé façon russe, et un couple assis autour d'une table ronde avec un chandelier à six branches et une bouteille de Champagne et, à côté, un canapé rose où il y a les vêtements de monsieur et de madame. Toutes les huit secondes, la jeune femme embrasse le jeune homme. Au plafond, pend un lustre et, sur le côté, il y a une console avec une théière ; le tout est en excellent état et fonctionne à la perfection.

Le Baiser derrière l'éventail.

Autre vitrine publicitaire réalisée pour un opticien : L'Elégante avec un chapeau à fleurs et une ombrelle, qui regarde avec un face-à-main. Ses deux bras et sa tête sont articulés. Près de la fenêtre, vous pouvez voir sur un socle d'un mètre, un Chinois d'un mètre vingt environ, qui joue du diabolo. C'est un mouvement très simple. Mon père avait conçu neuf autres Chinois, dont l'un jouait de la guitare, pour répondre à la commande du baron de Ruder qui inaugurait un nouvel appartement dans l'Ile Saint-Louis. Mon père me l'avait ensuite offert et c'est devenu pour moi un véritable compagnon.

Il faut que je vous montre aussi un bébé de six mois allongé dans son berceau qui ouvre les yeux, bouge les mains et les pieds. A côté un petite pianiste - une poupée Barbie - qui joue et une autre qui écoute. Un père Noël lève les bras régulièrement. Il y a aussi des automates à fil comme Le Clown, lui, qui joue de la guitare. Les automates publicitaires, il y a une cinquantaine d'années, étaient nombreux et très populaires ; dans un des épisodes de la célèbre émission Les cinq dernières minutes avec Raymond Souplex, Le Tsigane et la dactylo (1962) étaient deux automates qui jouaient un rôle important dans l'intrigue.

Y-a-t-il encore en France des fabricants d'automates ?

Oui, j'en connais un à Grenoble, c'est un ancien employé de mon père qui en fabrique encore de tout à fait remarquables pour des vitrines. Enfant, je trouvais cela déjà passionnant et mes petits enfants sont tout aussi fascinés. Mon frère aîné, cinéaste, avait produit un film, La Révolte des Automates. Pour ma part, j'ai contribuéà fabriquer ces personnages en débourrant des peluches pour que l'on puisse y installer les indispensables mécanismes électriques activant les articulations. Ces automates sont comme de vieux amis qui font partie de ma famille…

- Source : Le Théâtre du Blog.

LE VICE ET LE JOUEUR DE GOBELETS

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CITOYENS ! venez voir un homme merveilleux,

Criait un baladin dans la place publique ;

Perin, Val, Pinetti , n'escamotent pas mieux,

C'est un sorcier, un homme unique

En vain vous ouvrirez et la bouche et les yeux,

Vous n'y comprendrez rien ; son pouvoir est magique

Il connaît les secrets des filles, des maris ;

Il sait lire un journal à travers la muraille,

Il change un œuf en chat, et le chat en souris,

Prenez donc vos billets, le voilà qui travaille l

Entrez : vous serez tous surpris.

Le Vice alors faisait sa ronde,

Bien déguisé, pour mieux charmer son monde

II voit l'escamoteur : eh ! vous n'y pensez pas,

Dit-il aux curieux. Il faut être imbécile

Pour perdre ici son argent et ses pas

Bien plus que lui je suis habile,

Bien mieux que lui je sais escamoter.

Qui, vous ? — Oui, moi. Parbleu, je vous défie...

Eh ! bien, voyons qui saura l'emporter.

Commencez, dit le Vice, et croyez, je vous prie,

Que nul n'a le pouvoir de me déconcerter.

Le jongleur, sans répondre à la fanfaronnade,

Fait de son doigt sortir une muscade,

Puis deux, puis trois, puis vingt. un quarteron complet

Il les reprend, les disperse, les mange,

Les passe sous un gobelet ;

Levez, dit-il... C'est une orange.

Des cartes, quand il veut, il change la valeur,

Il devine à l'instant celle qu'on a pensée.

Vous avez une dame et vous un roi de cœur ?

Dans mes mains l'une et l'autre est passée,

Et vous avez deux cartes sans couleur.

Il demande une montre. — Elle est fort à la mode,

Mais sujette à se déranger.

Oh ! ce n'est rien, dit-il, je suis bon horloger,

A ces mots il la brise et puis la raccommode.

En feriez-vous autant ; orgueilleux étranger ?

A votre tour ; je vous cède la place.

Le Vice rit, s'avance, et montrant une glace :

Regardez-vous, dit-il aux spectateurs.

Chacun se mire et croit voir son visage

S'orner et s'embellir des plus vives couleurs.

Un vieillard décrépit se croit dans son jeune Age

Et fait pour obtenir les plus rares faveurs.

Un enfant s'imagine être robuste et sage

Et porte à vingt beautés ses précoces ardeurs

Bon, dit le Vice, autres merveilles :

Voyez, amis, voilà trente bouteilles

Du meilleur vin : il est aux amateurs.

On s'approche : d'un souffle elles sont emportées,

Et deux lames ensanglantées

S'offrent aux regards des buveurs.

Chacun, en les voyant, veut fuir en diligence

Mais pour les rassurer, le Vice plus humain,

Du moins en apparence,

Leur donne un tronc de bienfaisance.

Un Marguiller leur dit, d'un air bénin,

Mettez-le sous ma surveillance ;

Des indigens, je connais la souffrance,

Je la soulagerai : on le croit, et soudain

On voit fumer un splendide festin ;

Le tronc a disparu, mais non pas l'indigence

Le Vice apercevant un nouveau Fournisseur

Lui présente une bourse. Ami, je vous l'accorde,

C'est le prix d'un cœur pur et rempli de candeur,

L'autre veut la saisir : que prend-il ? une corde.

Un Juge intègre et plein d'honneur.

Allait à l'échafaud condamner un coupable ;

Le Vice au Magistrat offre d'un air affable,

Un porte-feuille... ô fortune ! ô revers !

Le Juge à peine et le voit et le touche,

Qu'un cadenas se place sur sa bouche,

Et que du scélérat on voit tomber les fers.

Ce n'est pas tout : le portrait d'une belle

fixe les yeux d'un jeune libertin :

C'est ma Zoé, dit-il ; ma maîtresse. c'est elle.

Quelle fraîcheur, quel regard enfantin !

Ah ! si j'osais. bannissez les scrupules,

Emportez ce tableau, dit le Vice malin ;

Pour l'accepter l'étourdi tend la main,

Et ne reçoit qu'un paquet de pilules.

Ainsi par le talent du merveilleux Jongleur,

Tout change et prend une forme nouvelle ;

Il vide en un clin-d'œil la poche d'un joueur,

Et d'un vieux juif il remplit l'escarcelle ;

Dans la main du voleur le cuivre devient or.

Au jeune homme prodigue il enlève un trésor.

Pour le livrer à la beauté vénale.

Enfin l'ambitieux qui, dans sa main fatale,

Voit briller du pouvoir le signe séducteur

Court au-devant de la couronne,

Croit la saisir, et le Vice lui donne

La hache d'un licteur.

Mais à ce trait l'Escamoteur

Pâlit épouvanté d'une telle puissance :

Je suis vaincu, dit-il ; j'en conviens, ma science

A la vôtre jamais ne doit se comparer ;

Le prestige innocent, que j'ai su préparer,

Ne dure qu'un instant, en un seul lieu s'opère,

Le votre est de tout âge, il existe en tous lieux,

En même temps, aux deux bouts de la terre,

Il séduit la raison, il éblouit les yeux.

J'ai peu de spectateurs, chez vous la foule abonde.

Je trompe quelques sots, vous trompez tout le monde.

CADET GASSICOURT.

- Source : Veillées des muses ou Recueil périodique des ouvrages en vers et en prose lus dans les séances du lycée des étrangers... / publié par les citoyens Arnaud [Arnault], Laya, Legouvé et Vigée... -[s.n. ?] (Paris, 1799)

- Documents : Didier Morax.


LE PATISSIER AUTOMATE DE ROBERT-HOUDIN

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Extrait de L'illusionniste Vol 4, Janvier 1903.

Voyez ce charmant petit automate ; à l'appel de son maître, il vient sur le seuil de sa porte, et fournisseur aussi poli que pâtissier habile, il salue et attend les commandes de sa clientèle. Des brioches chaudes et sortants du four, des gâteaux de toute espèce, des sirops, des liqueurs, des glaces, etc., sont aussitôt apportés par lui que commandés par les spectateurs, et quand il a satisfait à toutes les demandes, il aide son maître dans ses tours d'escamotage.

Une dame, par exemple, ayant mis secrètement sa bague dans une petite boîte, qu'elle ferme à clef et qu'elle garde entre les mains, à l'instant même, le petit pâtissier lui apporte une brioche, dans laquelle se trouve la bague qui a disparu de la boite.

"Pour les consommateurs, allumant mes fourneaux ; Je fais des échaudes, des tartes, des gâteau ; Mes brioches surtout prouvent mon savoir faire par leur goût savoureux, leur fumet engageant. Goûtez-y donc : en les mangeant, Vous serez surs de n'en pas faire." Robert-Houdin

Voici une autre preuve de son intelligence ; une pièce d'or lui est remise dans une petite corbeille par un spectateur, qui lui dit ce qu'il doit prendre sur cette pièce ; il s'enferme chez lui, fait son calcul, et rapporte en monnaie le reste de la somme. Enfin une loterie comique est tirée, et c'est encore le pâtissier qui est chargé de la distribution des lots.

Aussi intéressante par sa complication que par la gaité qu'elle apporte parmi les spectateurs, cette pièce mécanique est une des plus belles, et sans doute des plus difficiles créations de Robert-Houdin.

Extrait du Bulletin de l'ami des arts, troisième année, troisième volume (1845).

Je laisse de côté toutes les surprises de cartes pour arriver au petit pâtissier de Louis XV. Que demandez-vous ? Une brioche ? Un vol au vent ? Une tarte aux amandes ou aux confitures ? Un verre d'anisette, de rhum ou de cognac ? Une brioche ! Soit ! Apportez ! Et, posée sur une table sans tapis, une charmante boutique de pâtissier ouvre ses portes et le pâtissier, le bonnet de coton sur l'oreille, vous apporte la brioche demandée. Mangez, elle est chaude, elle brûle ; un verre d'anisette ! Et la pâtissière se présente portant, un grand verre sur un plateau, et tour à tour, à l'appel des spectateurs, se succèdent les tartes et les verres de liqueurs. D'où cela sort-il ? Comment, dans cette boutique où ces pâtissiers travaillent avec tant ardeur, peut-on faire ce service aussi rapide et aussi exact ? C'est-ce que vous dira peut- être un autre ; quand à nous, nous y renonçons.

Ce n'est pas tout : une tombola s'annonce, les trois premiers numéros gagnent successivement un objet de denrées coloniales , un sucrier d'argent et un dé en or. Tâchez surtout de gagner le dé en or et défiez-vous des escamoteurs ! Les lots sont tour à tour apportés par le pâtissier à l'appel de son maître. Voulez-vous plus du petit automate ? Désirez-vous lui voir changer une pièce de monnaie ? Dites lui de prendre 17 francs sur 20 francs et il vous rapportera avec exactitude le reste de votre argent. Comment tout cela peut-il se faire ? Tout cela nous passe. Allez le voir, lecteur, peut-être serez-vous plus intelligent que nous. Mais, ce qui est certain, c'est qu'ayant compris ou non, vous sortirez de ce charmant théâtre entièrement satisfait.

Note de Didier Morax :

Le texte ci dessus est une découverte récente que j'ai faite. Mon ami Christian Fechner n'a jamais eu connaissance de ce document important qui donne une idée plus précise du tour. La tombola c'est un scoop, ainsi que son utilisation comme changeur de monnaie. On savait qu'il rendait la monnaie selon la somme donnée pour payer la friandise, mais le fait qu'il soit le précurseur des appareils de change était totalement inconnu.

Gravure : Collection Akyna / Didier Morax.

ILLUSION ET HALLUCINATION

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Les phénomènes dont il est question dans cette observation ont été déjà analysés, à propos d'autres travaux, dans l'Année Psychologique (1894, I, p. 414).

Rappelons avec l'auteur l'historique de l'illusion de déjà vu. Signalé en Angleterre par Wigan, Maudsley, James Sully, cet état a étéétudié principalement en Allemagne par Jensen, Sander, Pick, Anjel, Forel, Kroepelin, etc. En France, il a été décrit par Ribot dans son livre sur les Maladies de la mémoire ; il a été décrit également par Sollier dans son livre sur les Troubles de la mémoire. Quelques observations originales ont été publiées par Lalande et Dugas, et Bourdon a étudié la question au point de vue expérimental, en reproduisant le phénomène de fausse mémoire dans des expériences sur la mémoire des mots.

Arnauld nous fait connaître une observation sur un cas de fausse mémoire observé chez un aliéné ; l'observation est intéressante, car on a cru jusqu'ici que le phénomène est fréquent à l'état normal, rare chez l'aliéné ; de plus, cette observation nous apprend qu'à côté des formes légères, où l'illusion a une durée très courte et se trouve aussitôt rectifiée, il y a des formes graves, de longue durée, où la rectification est incomplète ou nulle. Nous donnons in extenso une partie de l'observation.

« Louis, âgé de 34 ans, officier, est entréà la maison de santé de Vanves en juillet 1894. Son histoire pathologique commence au Tonkin. Il y passe près de 5 ans et il a, plusieurs fois, la fièvre paludéenne. Un accès pernicieux extrêmement grave le force à rentrer en France en août 1891. A ce moment, avec un état physique des plus alarmants, il présentait une amnésie généralisée, à la fois rétrograde et antérograde : il avait oublié la plupart des événements de sa vie et, de plus, les faits actuels s'effaçaient de sa mémoire au fur et à mesure, à ce point qu'il répétait la même question cinq ou six fois en quelques minutes. L'amnésie n'était cependant pas absolue, quelques souvenirs surnageaient.

C'est en janvier 1893, 18 mois après sa fièvre paludéenne, que l'on constate les premiers symptômes caractéristiques du déjà vu : Louis affirme reconnaître, pour les avoir lus antérieurement, certains articles de journal ; il dit même qu'il doit avoir écrit plusieurs de ces articles. Il importe de retenir que l'illusion était alors intermittente et que, pendant quelque temps, elle resta limitée aux lectures du malade. Il eut peu après une illusion absolument typique et très impressionnante pour les siens. Assistant au mariage de son frère, il déclara tout à coup qu'il était très sûr d'avoir assisté, l'année précédente et dans des conditions identiques, aux mêmes cérémonies, qu'il en reconnaissait tous les détails et qu'il ne comprenait pas pourquoi on recommençait tout cela. Quelques mois se passent ensuite sans incidents notables, les illusions se reproduisant de temps à autre, lorsque, en juin 1893, Louis s'éprend d'une jeune fille et déclare qu'il veut l'épouser. En raison de son état de santé, les parents s'opposent au mariage.

Louis est très affecté de cette opposition, et, depuis ce moment, ses illusions se multiplient avec une grande rapidité. Bientôt apparaissent des idées de persécution. Enfin, sur les instances de son père qui lui remontrait la nécessité d'un traitement suivi, du calme et de l'isolement, il vient à Vanves volontairement et seul (juillet 1894). A peine entré dans la maison, il reconnaît successivement tout ce qu'il voit : la cour, le salon avec ses sièges et ses tentures, le parc dans ses moindres détails ; les personnes qui le reçoivent ont déjà fait les mêmes gestes, prononcé les mêmes paroles ; lui-même a fait les mêmes réponses. C'est l'année dernière, dit-il, à pareille époque, qu'il est déjà venu ici, et il veut s'en aller, comme l'année dernière.

Quand je l'aborde, voici exactement ce qui se passe : il répond à mon salut d'une façon absolument correcte et de l'air de quelqu'un qui se trouve en présence d'un inconnu. Quelques paroles sont prononcées, et sa physionomie change. Il me dit en souriant : « Je vous reconnais maintenant, docteur ! C'est bien vous qui m'avez reçu l'an dernier, à cette même heure, dans ce même salon. Vous m'avez adressé les mêmes questions et je vous ai répondu de même. Tout cela est très net pour moi. Vous jouez fort bien la surprise, mais il est inutile de continuer. » Malgré mes dénégations les plus énergiques, Louis reste inébranlable dans sa conviction. Quelques instants après, scène identique avec M. Falret. Toute cette première journée se passa ainsi en reconnaissances successives de tout ce que Louis découvrait dans la maison. La reconnaissance, toujours très rapide, n'était jamais instantanée. Nous reviendrons plus longuement sur ce point d'une grande importance.

Depuis ce premier jour de l'arrivée, l'état du malade ne s'est pas sensiblement modifié dans son ensemble. Les idées de persécution, dont nous parlerons d'abord, n'ont présenté aucune apparence d'évolution. Louis n'a jamais eu d'hallucination d'aucune espèce ; jamais il n'a dit avoir trouvé aux aliments une odeur ou un goût suspects. Il reconnaît les drogues à leurs prétendus effets, d'ailleurs variables, tantôt excitants et tantôt déprimants. Il ne peut s'expliquer pourquoi on lui donne ainsi des drogues contraires, pourquoi, surtout, on choisit pour l 'abrutir le moment, précis où il va mieux.

L'illusion de déjà vu, que nous allons étudier maintenant, a conservé ses caractères de généralité et d'apparente continuité. Elle embrasse les événements subjectifs comme les faits objectifs. Tous ou presque tous les faits nouveaux de conscience affectent la double physionomie du souvenir et de l'actualité. La reconnaissance illusoire est affirmée avec d'autant plus d'énergie que l'on attire davantage sur le fait l'attention du malade.

Louis n'a jamais cessé d'affirmer que son existence actuelle répète exactement sa vie de l'an dernier : « Dans les six mois que je viens de passer ici (janvier 1895), il n'y a pas deux minutes qui diffèrent de mon premier séjour. » II reconnaît les faits quelconques de la vie quotidienne. Il reconnaît aussi, sans hésitation, tous les événements publics dont on lui parle ou qu'il apprend par les journaux : la mort de M. de Lesseps (décembre 1894) ; la démission de M. Casimir-Périer et l'élection de M. Félix Faure (janvier 1895) ; l'expédition de Madagascar (1895) et ses diverses phases ; les fêtes de Kiel (juin 1895), la mort de Pasteur (septembre 1895) ; l'accident de la gare Montparnasse (octobre 1895), etc., etc. De chaque nouvelle reconnaissance, il tire une preuve nouvelle et chaque fois décisive de son précédent séjour dans la maison de santé. Sans paraître se douter qu'il nous avait dit la même chose la veille, il répétait chaque jour : « Hier encore, je n'étais pas très sûr ; je pouvais avoir des doutes sur mon séjour antérieur ici ; mais, à présent, c'est très net, je suis absolument certain d'avoir connu le fait de tout à l'heure ici même, l'année dernière et dans des circonstances identiques. »

Non seulement il revoit, réentend, refait les mêmes choses « jour par jour », mais il éprouve aussi « les mêmes sentiments », il traverse « les mêmes états dame », il fait « les mêmes rêves » ; ce qu'il résume dans cette formule nette et concise : « Je vis deux années parallèles. » La répétition de sa vie intérieure l'impressionne beaucoup plus que la reconnaissance des faits extérieurs : « J'ai la certitude d'avoir séjourné ici l'an passé, non pas tant grâce à mes souvenirs que par l'identité des pensées qui me viennent à l'esprit, de mes rêves, de mes dispositions intérieures. Je ne vous cache pas que cela m'ennuie beaucoup. Recommencer, dans le même ordre, les mêmes pensées et les mêmes rêves, cela est évidemment maladif. »

Ces illusions répétées entraînent pour le malade des conséquences bien faites pour troubler sa chronologie. C'est ainsi qu'il en vient à croire qu'il a séjourné trois fois dans la maison de santé, parce que, dit-il, « le souvenir de mon séjour de l'an dernier se présente lui-même à mon esprit comme un souvenir antérieur, comme un souvenir déjà vécu ». Une autre conséquence erronée est une confusion de dates qui a étéégalement observée, sous la même forme, chez les malades de Pick et de Forel. Louis suppose d'abord, puis il affirme « que nous sommes en 1895 », puisque tous les journaux qu'on lui donne, et qu'il a « lus l'année dernière », portent la date de 1894. Naturellement, le 1er janvier 1895 devient pour lui le 1er janvier 1896, et ainsi de suite.

Dans d'autres cas, un raisonnement non moins logique aboutit à la négation des faits. Le malade écrivait à son frère, en octobre 1894 : « J'ai suivi jour par jour mon séjour précédent dans cet établissement. J'y ai retrouvé au fur et à mesure les mêmes articles de journaux. Vous m'y avez envoyé les mêmes fausses nouvelles : la mort de Mlle X..., le mariage de Mlle Z... Je ne puis écrire à Mme X..., ne sachant pas exactement si c'est vrai ou faux. Il me semble bien pourtant que c'est faux, puisque je suis sûr d'avoir lu la même chose l'an dernier, ainsi que le mariage de Mme Z... J'ai beau avoir la tête malade, il y a évidemment des choses qui se fixent, et celles-là en sont... Je n'écrirai pas à Mme X..., malgré la parfaite occasion que me donne la pseudo-mort de sa fille. J'agirai exactement de la même façon que la première fois, et je suis sûr de ne lui avoir pas écrit l'an dernier, je le sens à la netteté avec laquelle je prends la résolution de ne pas lui écrire. »

II est inutile d'accumuler les exemples du même genre qui trahiraient tous le même mécanisme intellectuel : l'impression de déjà vu est en désaccord avec les apparences ; un raisonnement plus ou moins voulu, plus ou moins conscient, vient rétablir la concordance ; suivant les intimes préférences du malade, le raisonnement aboutit tantôt à une erreur de dates et tantôt à la négation pure et simple, mais toujours il est logique, logique jusqu'à l'absurde.

Remarquons ici que Louis distingue fort bien ses anciens souvenirs de ses reconnaissances actuelles. Il a évidemment conscience que son esprit ne fonctionne plus comme autrefois, et, chose singulière, il semble avoir une confiance plus grande dans le nouveau mécanisme. Il disait souvent qu'on le ferait douter plutôt de sa réception à Saint-Cyr que de la réalité de son séjour antérieur à Vanves. Ceci ne doit évidemment pas être pris au sens absolu, et Louis n'avait pas le moindre doute sur son entrée à Saint-Cyr. Il entendait seulement exprimer avec force l'intensité de son impression de déjà vécu.

Un malade observé par Sander semblait pousser plus loin encore la conviction : « J'ai peur, disait-il, que le fait actuel ne soit qu'une apparence, n'existe que dans ma pensée, tandis qu'en réalité, il se serait produit antérieurement. » Ce malade en venait donc jusqu'à presque nier l'existence de sa perception présente, au profit de son faux souvenir.

Pour compléter l'étude de l'état mental de Louis, il est nécessaire d'examiner l'état général de sa mémoire. Nous savons qu'elle est affaiblie. L'amnésie porte principalement sur la période qui a suivi la fièvre paludéenne et sur les faits actuels. Les acquisitions nouvelles sont très difficiles et très instables. Le malade oublie au fur et à mesure les choses dont il est le témoin. Il a toujours fort mal apprécié la durée de son séjour à Vanves ; il lui est presque impossible de retenir les noms des personnes qu'il voit tous les jours, etc. Dans cette amnésie, il faut faire une part assez importante à la distraction qui résulte des préoccupations habituelles du malade. Toujours absorbé par la pensée de sa maladie, ne parlant guère d'autre chose, Louis est indifférent à tout ce qui se passe autour de lui. Mais si l'on réussit à attirer son attention, à l'intéresser, les souvenirs se fixent assez bien. »

Outre cette observation très complète, l'auteur nous donne des études spéciales sur les points suivants :

1- La reconnaissance illusoire suit de très près la perception qui lui donne naissance ; l'intervalle qui les sépare est presque toujours d'environ une minute. Ce fait d'observation est tout à fait contraire aux assertions du malade, qui a l'habitude d'affirmer avec ténacité que la reconnaissance se produit seulement le lendemain, ou plusieurs jours après, ou même plus tard. Voici, par exemple, ce qu'il pensait de son arrivée à Vanves, 3 mois après : « Ce n'est que 2 ou 3 jours après mon arrivée ici que j'ai commencéà soupçonner mon séjour précédent ; au bout d'une quinzaine, j'en avais la presque certitude ; depuis ces derniers jours, la certitude est complète, absolue. » En réalité, le malade attribue une durée de quelques semaines à un travail qui s'est fait en quelques minutes.

2- Le malade a très mauvaise mémoire ; il dit, par exemple, qu'il a reconnu telle personne qu'il a Vu hier, mais il est incapable de décrire exactement comment cette personne était habillée.

3- Malgré les affirmations du malade, l'illusion n'est pas réellement continue ; il ne reconnaît pas tout. Souvent on peut avoir avec lui de longues conversations sans le voir manifester d'aucune manière une fausse reconnaissance. Quant au mécanisme de l'illusion, bien des théories ont été proposées, dont quelques-unes, vraiment un peu fantaisistes, invoquent la dualité fonctionnelle du cerveau, la télépathie et même la métempsycose. Arnaud adopte en partie la théorie d'abord indiquée par Lalande et Dugas, d'après laquelle l'illusion résulterait d'une courte distraction survenant entre deux perceptions du même objet ou du même fait. Son hypothèse repose sur l'existence, incontestable chez son malade, de l'amnésie et de la distraction habituelle. Voici comment les choses se passeraient :

Une première perception d'un objet quelconque a lieu pendant un état de distraction et réveille un minimum de conscience ; puis, l'état de distraction cessant, on a une seconde perception de cet objet. Si le sujet est normal, il se rend compte de ce qui se passe ; voyant tel ou tel objet, il se souvient que ce même objet était tout à l'heure devant ses yeux, et qu'il ne le voyait pas. Mais, si la mémoire est à peu près incapable d'acquérir de nouveaux souvenirs, les deux phases de la perception resteront séparées par une sorte d'hiatus, et la première, de beaucoup la plus faible, sera tout naturellement reportée dans un passé plus ou moins lointain. L'auteur admet, du reste, comme possible, que tous les cas ne relèvent pas de la même explication. Nous pensons qu'il sera bien difficile d'éclairer cette question sans faire des expériences de psychologie sur les personnes présentant ces phénomènes.

- Extrait des Annales médico-psychologiques, mai-juin, 1896, p. 455-471. Alfred Binet.

BONIMENT DU PHYSICO ARABE

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Comme vous le savez tous, chers confrères, le boniment est dans nos séances l'auxiliaire indispensable de nos escamotages, ou pour parler plus correctement, le prélude de nos charmantes récréations. Vous avez tous fait cette remarque, qu'un prestidigitateur qui joint à ses tours un verbiage spirituel ou tout au moine drôle est toujours sûr d'un très bon succès auprès du public et, quelquefois, chose plus rare, est apprécié de ses collègues. J'ai moi-même fort goûté quelques-uns d'entre eux dont les boniments (Foletto, voile-toi la face) sont des chefs-d'oeuvre.

Ne supposez pas que j'aie l'intention de vous fournir ici plusieurs exemples et écrire une série de boniments avec prière de vous en servir, ce serait de la prétention et une chose au-dessus de mes capacités intellectuelles. Une voix plus autorisée que la mienne a bien voulu se charger de cette délicate mission dont on vous entretiendra dans ce journal.

Une célébrité de notre art a dit : II y a deux sortes de prestidigitations : celle des doigts et celle de l'esprit. On ne trouve aujourd'hui, comme autrefois, des professeurs que pour la première, quant à la seconde, il faut venir au monde avec, cela ne s'apprend pas.

Sous ce titre, Le physico arabe, vous allez lire le boniment drolatique d'un prestidigitateur africain qui a vu le jour aux environs de Sétif (Kabylie), c'est vous dire qu'il était aussi fort qu'habile. Cette histoire date de mon premier voyage en Algérie, le froid de l'hiver 1879 m'avait fait fuir les bords de la Seine pour le pays où fleurit la mandarine, pour Alger, ou nous avions pris nos quartiers d'hiver ; je dis nous, car je me trouvais en compagnie de mes bons amis Mallioti, Pitot et Aldo, aujourd'hui disparus ou retirés depuis fort longtemps.

Nous nous réunissions donc presque tous les jours au café de la Mauresque où nous prenions de concert nos dispositions pour afficher la reluisante. A cette époque, même en Algérie, les prestidigitateurs trouvaient beaucoup plus facilement des établissements pour exercer leur talent qu'ils ne les trouveraient aujourd'hui. MM. les Magnétiseurs étaient alors dans l'enfance, aujourd'hui ils sont bien vieux, juste retour des choses, après avoir endormi tant de monde, le sommeil les gagne à leur tour. Mais je m'aperçois que je m'égare et permettez-moi de revenir à mon sujet. Mallioti, Pitot, Aldo et moi, avions l'air de nous croire les quatre mousquetaires de la Magie.

Eh bien ! Chose incroyable, nous avions un concurrent inconnu de nous tous, un Arbi, oui, Messieurs ! Chitane (le diable) affiché dans un café, là près de nous, et comme particularité l'affiche rédigée en français et arabe. Un physico arbi, nous disions-nous, il faut qu'il soit très fort pour venir faire des reluisantes dans la capitale de l'Algérie. L'un de nous fit la proposition de venir voir notre concurrent qui donnait sa séance le soir même. Nous prenons donc rendez-vous pour nous y retrouver avec l'intention défaire un succès à notre nouveau collègue. L'établissement où se donnait la séance n'était pas un café de premier ordre, la majeure partie des clients qui composaient l'auditoire étaient des marins, des maltais et des espagnols, mais très peu de français.

Il était neuf heures environ, notre artiste nous annonce la soirée par le petit boniment suivant en sabir (arabe voulant parler français) :

« Missiau toi y a macache connaître li bon trouc, l'Arabe il y pas bête y fît bon physique. Chauffe (regarde) j'y prendre la chéchia (chapeau) di sidi pas mesquine (monsieur riche) ti fit sortir oune lapin bono blanco. oune petit poole joulie si li physique kifkif li francis. Nos autres l'arbi, y racontir pas di l'histoires qui li dit blagues comme li francis qui dizir qu'il a travailléà la Foulie-Bergire, qu'il afi endourmi tous les joulies mouquères. L'arabe y fit pas ci blague, y va ti faire avec li douros (pièce de 5fr.), oune joulie trouc fantasia béséff. Oun sidi qui prétir pour moi arba douros ? (4 pièces de 5 fr. et regardant l'effigie des différentes pièces à lui confiées par un spectateur) li premier douros il y francis, il a la cabèche (tête) di roi Philippe, li sigond douros il a la mouquère qui l'y béseff fatiguée (pièce suisse assise), li troisième douros il y li roi Poléon (Napoléon) et li quatrième tout li monde il y connaît c'est li roi poublique (République) ».

S'adressant à nouveau à un spectateur :

« Toi sidi prends oune pièce : rigarde li figoure, qui toi gardir dans li cabèche (dont tu te souviendras) si placir avec les autres douros dans la chéchia et moi j'y allais trouver tout di suite li douro di toi ».

Effectivement il remit au spectateur la pièce par lui marquée, sur ce premier tour, nous applaudîmes à outrance, pendant que très digne notre arbi se drapait dans son burnous, puis reprenant par ces mots :

« J'y vas continouier » ; il nous présente deux madras grossiers aux couleurs voyantes cousus l'un contre l'autre et ayant des ouvertures comme le sac aux oeufs, pour ce tour le boniment était ainsi conçu :

« Toi li sidi, rigarde, didans ci folard il y a macache (rien) ma j'y fas vinir dis ofs (oeufs) dis ofs di pooles pisqui la poole y fit los ofs, mas li folard y fit los ofs kifkif la poole ».

Sur ce dernier boniment nous fûmes ahuris et nous partîmes.

Agosta Meynier

LOKI

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Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?

Mon premier souvenir magique fut quand j'ai reçu ma première boîte de magie à l'âge de cinq ans. C'était un coffret de Paul Daniels et sur le devant de la boîte, Paul avait des cheveux !

Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?

Je suis un autodidacte, J'ai commencéà assister à des congrès vers l'âge de 13 ans. Mon mentor Fred Snook, qui travaillait au Repro Magicà Londres, m'a pris sous son aile et m'a présentéà de vrais magiciens. Je me souviens être assis, jusqu'à tard dans la nuit, au côté d'Arthur Emerson, Simon Lovell et Bob Little. Ces gars-là m'ont beaucoup appris. Regarder les galas et les concours de magie a été une chose inestimable pour façonner mon approche de cette discipline.

Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l'inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?

Ceux que je crédite directement à mon succès sont Fred Snook qui m'a ouvert la porte vers le monde de la magie professionnelle. Harry Reeve qui m'a introduit au Magic Circle. David Berglas pour les premiers mots d'encouragement et en m'invitant dans l'association du Inner Magic Circle. Eugene Burger en me confirmant que j'étais un artiste « bizarre » coincé entre deux mondes.

Un événement clé fut ma participation aux Championnats IBM British Ring. On ne me connaissait de nulle part. On m'a catégoriquement dit que mon numéro manquait d'effets magiques. Cela m'a incitéà affiner et à construire mon personnage de LOKI. J'ai toujours cru au style plus qu'au contenu, aux thématiques d'un numéro plus qu'aux tours. Je me suis présenté au concours 10 ans plus tard avec le même numéro et j'ai reçu le prix de l'originalité, celui que je voulais. Je me suis alors présenté au concours du Magic Circle dans la catégorie « magicien de scène de l'année » et j'ai obtenu la première place. Ma persévérance a été encouragée après avoir enseigné et entraîné un « Jeune magicien de l'année » qui a fini à la première place.

Le personnage de Manuel Martinez.

Ce succès m'a conduit à adhérer au Magic Inner Circle et m'a permis de faire quelques apparitions à la télévision. J'ai alors commencéà développer un autre personnage nommé Manuel Martinez, un immigrant cubain faisant de la magie comique. Ce personnage est maintenant devenu populaire, bien que la majorité du monde magique m'associe à un visage de blanc avec des cheveux fous...

Dans quelles conditions travaillez-vous ?

Aujourd'hui, je travaille essentiellement sur des navires de croisière avec un numéro comique de stand up. Encore une fois le contenu magique est faible, mais je me présente toujours comme un magicien. Ce ne sont pas les effets que vous faites qui sont importants, mais LA façon dont vous les faites.

Quelles sont les prestations de magiciens ou d'artistes qui vous ont marqué ?

David Copperfield, Rudy Coby, Kevin James, Jeff McBride, Penn & Teller et Simon Drake.

Manuel Martinez dans l'émission Fool us de Penn & Teller.

Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?

Le « bizarre » m'a toujours attiré ainsi que le personnage de « l'anti magicien ». Mais par contraste, j'aime la nature poétique dans l'œuvre de David Copperfield, et en particulier son utilisation et ses choix de musiques. J'utilise ces deux styles contrastés pour forger mon propre travail.

Quelles sont vos influences artistiques ?

Le cinéma muet. Charles Chaplin et Harold Lloyd ont tous deux joué un rôle important. Le charisme scénique et l'artisanat de Michael Jackson m'a aussi influencé. Les films m'ont donné une plus grande appréciation de l'utilisation de la musique et une compréhension plus profonde dans la façon de souligner mon travail. L'univers de Batman a toujours été au cœur de tout ce que je fais.

Le personnage de LOKI.

Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?

Regardez le plus de magie que vous pouvez, ne copiez pas mais imitez ceux que vous admirez. Vous découvrirez bientôt vos forces et vos faiblesses. Soyez honnête avec vous-même et travaillez vos points forts. N'ayez pas peur d'essayer quelque chose de nouveau et d'expérimenter avec votre matériel et avec votre personnage. Prenez des cours de comédie.

Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?

Maintenant la télévision domine notre art et je pense que le magicien de télévision n'est plus crédible. Ce n'est pas nécessairement sa faute, mais celle des formats qui se sont développés jusqu'à présent. Les effets sont plus gros mais pas nécessairement meilleurs. Malheureusement, je ne vois pas beaucoup de magie en direct et je ne suis pas alléà une convention magique depuis longtemps.

Le personnage du mentaliste David Zambuka.

Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?

La culture joue un rôle énorme, Elle donne à vos représentations une grande diversité. Bien que la magie soit un langage universel, elle transcende les cultures. J'apprécie vraiment les magiciens avec une vision complètement différente sur notre art, basée sur leur éducation et leurs spécificités locales.

Vos hobbies en dehors de la magie ?

J'aime construire et concevoir des sites web, jouéà des jeux sur mon XBOX et je suis un accro des gadgets en tout genre !

- Interview réalisée en juillet 2015.

A visiter :
-Le site de Loki.

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayant-droits, et dans ce cas seraient retirés.

Dr JEKYLL et Mr HYDE

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En 2007, la chaîne anglaise « BBC one » programme un ovni télévisuel nomméJekyll. Il s'agit d'une libre et moderne adaptation du roman de Robert Louis Stevenson : L'étrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde. Le scénario est issu de l'esprit fertile de Steven Moffat.

La version de Jekyll est un véritable choc narratif et visuel qui se place d'emblée comme la meilleure des adaptations jamais réalisées. Le thème du double, du dédoublement de personnalité, est déjà un sujet passionnant et vertigineux. Cette version apporte une multitude de lectures supplémentaires.

La sortie de ce DVD est pour nous l'occasion de revenir au tout début de l'histoire de cet univers étrange :

- en commençant par le roman,
- puis en survolant les innombrables adaptations cinématographiques,
- pour revenir au final, à cette série anglo-saxonne époustouflante et novatrice : Jekyll.

LE ROMAN DE ROBERT LOUIS STEVENSON

Publié en 1886, L'étrange cas du Dr Jekyll et Mr Hyde raconte l'histoire d'un homme qui pense que l'on peut dissocier le bien du mal. Le Docteur Henry Jekyll, grand scientifique, va développer une formule qui révolutionnera la nature humaine. Le résultat est terrifiant : réalisant lui-même l'expérience et intoxiqué par ce breuvage qu'il vient de mettre au point, il subit alors une métamorphose monstrueuse en devenant son infâme alter ego, Mister Edward Hyde, un personnage terrifiant, vicieux et sans pitié. Doctor Jekyll et Mister Hyde sont deux personnalités différentes luttant pour posséder l'âme d'un même homme.

Stevenson fait de son personnage principal un être tourmenté, un scientifique dépassé par sa découverte et obsédé par une dualité qui le ronge. Jekyll & Hyde est double mais constitue une seule entité, comme les côtés pile et face d'une même pièce. En s'écartant volontairement de la médecine traditionnelle pour se diriger vers une médecine transcendantale, Jekyll flirte avec des expériences chimiques proches de l'alchimie tant il s'agit ici de transmutation de matière réalisée sur son propre corps. Ses expériences seront de plus en plus incontrôlables et son élixir de jouvence le conduira inéluctablement à la mort. Hyde tuant Jekyll, si ce n'est l'inverse ? D'ailleurs les noms de Jekyll et de Hyde portent en eux la tragédie même du personnage. Dans Jekyll, il y a Kyll qui se prononce comme Kill (tuer), et Hyde se prononce comme Hide (cacher). Jekyll devra tuer la créature qui se cache en lui.

L'acteur Richard Mansfield dans la première adaptation du roman sur scène, en 1887 à Londres.

Stevenson fait du cabinet du docteur, le lieu de la métamorphose où s'opère la transmutation d'un être en un autre complètement différent. Du respectueux et distingué Jekyll, agrégé de médecine et docteur en droit, vers Mister Hyde, homme des cavernes brutal et primitif ressemblant à un démon.

A travers eux, deux univers s'affrontent : le monde bourgeois et celui des bas fonds, la vertu et la débauche, le bien et le mal. Longtemps contenue et réprimée la partie animal de l'homme fait surface et s'affiche au grand jour. Hyde est ainsi adepte des sept péchés capitaux avec une préférence pour la luxure, la gourmandise (boissons alcoolisées) et la colère incontrôlable et imprévisible.

Dans ce roman fantastique, Stevenson choisit le décor du Londres victorien de son époque, une ville double où se côtoient les quartiers sombres aux ruelles étroites et malfamées comme Soho, et les artères commerçantes et cossues, aux belles demeures bourgeoises. A Soho, repère des individus louches et des prostituées, Hyde possède une résidence et peut commettre ses crimes. Dans les quartiers bourgeois, se promènent de respectables notables tels Mr Utterson et Mr Enfield, et habitent le Docteur Jekyll et le Docteur Lanyon. Ces deux mondes représentent deux univers parallèles qui ne se rencontrent jamais.

Le contexte littéraire et historique et la mode du dédoublement

Nombreux sont les romans anglais de l'époque hantés par la question de la double personnalité. Il s'agit surtout de la dualité au sein même de l'homme ou d'une société où le double jeu est de rigueur, surtout chez les personnes perverses peu faciles à repérer parmi les personnes plus respectables.

Une cohorte de personnages précurseurs du docteur Jekyll apparaissent :

- Le célèbre Frankenstein crée par la romancière Mary Shelley en 1818 est inspiré par ses lectures des alchimistes du XVIème siècle. Le jeune savant Frankenstein cherche à pénétrer les plus profonds mystères de la création. Il va essayer d'animer la matière inanimée et réussir à infuser de la vie dans un cadavre qui deviendra sa créature. Mais en défiant les lois de la nature, le savant ne maîtrisera plus rien. Chez Stevenson on retrouve ce motif du savant fou qui cherche à défier les lois de la nature et qui se fait dépasser par ce qu'il a créé.

- Les recherches de Jekyll rappellent aussi celles menées par le docteur Faust. Personnage crée par Christopher Marlowe en 1594 et présenté comme défiant lui aussi les lois de la nature, puisque, en échange d'une jeunesse éternelle, il avait dû vendre son âme au diable.

- On ne peut s'empêcher de penser aussi au comte Dracula crée par l'écrivain irlandais Bram Stoker en 1897. Celui-ci étant irrémédiablement aux prises avec sa double personnalité vampirique qui le ronge de l'intérieur et le condamne pour l'éternité, à moins que quelqu'un le délivre de cette malédiction en le supprimant.

Christopher Lee en Dracula dans Horror of Dracula réalisé par Terence Fisher en 1958.

- D'autres auteurs, contemporains à Stevenson, vont imaginer des histoires ayant pour thème le double, dont, Edgar Allan Poe en 1839 avec « Nouvelles histoires extraordinaires, William Wilson et la métamorphose », et Sir Arthur Conan Doyle en 1923 avec « L'homme qui grimpait ».

- La description du Londres victorien sera admirablement retranscrite chez Oscar Wilde en 1891 dans Le portrait de Dorian Gray ou chez Conan Doyle en 1908 dans Les plans du Bruce-Partington.

- Le Londres que décrit Stevenson est aussi contemporain du Londres où sévira deux ans plus tard Jack the Ripper (Jacques l'Eventreur). Celui-ci choisira ses victimes parmi les prostitués du quartier de Soho. Ces lieux seront à jamais hantés par le tueur en série.

La figure de Jack l'éventreur mise en scène par Hitchcock en 1925 dans The lodger.

- Dr Jekyll et M. Hyde sont également indissociables du mythe du loup-garou. Hyde possède les mêmes attributs que cette créature mi-homme mi-loup, qui, selon la légende a des sens surdéveloppés et acquiert les caractères attribués à cet animal, puissance musculaire, agilité, ruse et férocité.

- Suivant les pays et les cultures, l'homme se transforme en tigre en Asie ou en léopard au Congo. Ces deux dernières variantes inspireront le cinéaste Jacques Tourneur qui réalisera en 1942 et 1943, deux classiques du film d'angoisse, à savoir Cat people (La féline) et L'homme léopard.

Simone Simon, femme-chat dans Cat People (La féline) de Jacques Tourneur en 1942.

Le contexte scientifique

Le contexte historique et scientifique de l'époque s'y prête :

- L'exploration du thème de la conversion hystérique, qui exprime par le corps des représentations refoulées est au centre des recherches de Jean-Martin Charcot (1825-1893). Il travaille sur l'hystérie à l'hôpital de la Salpêtrière à Paris et soigne ses patients par l'hypnose.

- Parallèlement Sigmund Freud développe l'idée que le « moi » que l'on croit uni, uniforme, uniformisé, est en réalité un territoire de forces contradictoires, le lieu d'une lutte entre les instincts d'un côté c'est-à-dire le «ça » ou l'animal qui est en nous, et la conscience morale de l'autre, le « surmoi ».

-Bleuler en 1911 introduit le terme schizophrénie, qui signifie littéralement : « esprit coupé». Ce terme est associéà la représentation dans le cinéma anglo-saxon de personnages présentant des personnalités multiples. La schizophrénie du docteur Jekyll est une maladie au cours de laquelle le sujet présente une dissociation des idées qui perdent leur cohérence. La maladie a rompu les fils qui relient et guident ses pensées. Celles-ci deviennent alors illogiques et provoquent une désagrégation de sa personnalité.

LES PRINCIPALES ADAPTATIONS FILMIQUES

Les adaptations classiques

Il existe une centaine d'adaptations du roman de Stevenson. Nous ne retiendrons ici que celles qui ont un intérêt artistique.

- Notons que le premier à transcrire Jekyll & Hyde à l'écran est Otis Turner en 1908. Suivront une dizaine de courts-métrages sur le sujet.

- Il faut attendre 1920 pour découvrir le premier long-métrageJekyll & Hyde, réalisé par John S. Robertson avec John Barrymore dans le rôle phare. Le film est très fidèle au récit original. On y retrouve tous les personnages de l'histoire. Jekyll est séduisant et lisse, plus jeune que l'original et Hyde a le crâne légèrement difforme, il est voûté et porte sur sa figure un rictus inquiétant surmonté de deux yeux exorbités. Ses doigts s'allongent comme le Nosferatu de Murnau, le renvoyant à une figure satanique. Nous sommes témoins d'un beau travail de maquillage et de pantomime quand Jekyll se transforme en Hyde la première fois. Malgré la fidélité de l'ensemble, le film manque de rythme et d'idées de mise en scène. Tout y est filmé platement sans tension dramatique. C'est un échec artistique.

- En 1931, Rouben Mamoulian offre la première adaptation sonore du roman avec dans le rôle titre Frederic March, prix d'interprétation aux Academy Awards en 1932. Cette production Paramount prend des libertés narratives pour se concentrer sur une vision romanesque, à fortes connotations érotiques, d'un triangle amoureux à double face. D'un côté le docteur Jekyll et sa fiancée Muriel Carew et de l'autre, Mr Hyde et une prostituée nommée Ivy. Tiraillée entre la vertu et le vice, entre le monde aristocratique et les bas fonds de Soho, entre le savoir et l'instinct, la dualité qui entoure la figure de « Jekyll & Hyde » se dessine comme une spirale qui amène inéluctablement à la mort. Ici Hyde ne se tue pas mais il est abattu à coup de pistolet.

Ce film est une vraie réussite. Les décors sont soignés, l'interprétation inspirée et surtout les idées de mise en scène sont novatrices pour l'époque. On pense en premier lieu à la séquence d'ouverture en caméra subjective nous mettant dans la peau du docteur Jekyll et par là même dans celle de Hyde. Cette mise en abyme astucieuse est reprise lors de la première transformation. La séquence où Jekyll se retrouve malgré lui dans la chambre de la prostituée Ivy est d'une charge érotique très osée pour l'époque. Le plan sur ces jambes dénudées qui se balancent, tel un métronome, renforce l'idée du vice et de la luxure dans un magnifique plan en surimpression doublé d'une voix off tentatrice. Il y a aussi une belle métaphore du bien contre le mal lors de la scène où Jekyll, assit sur un banc public, regarde tendrement un oiseau qui chante au dessus d'un arbre. Surgit alors un chat prédateur qui le dévore et qui précipite alors parallèlement la transformation de Jekyll en Hyde. Pour finir la surimpression et le fondu enchaîné sont utilisés efficacement pour les deux dernières métamorphoses de Jekyll.

Frederic March dans le rôle de Hyde.

Dans toute cette réussite, il y a quand même une réserve concernant la figure de Hyde qui n'est pas très convaincante. Hyde a les traits de l'homme de Néandertal, mi-homme mi-bête. Dentier de Cro-Magnon, crâne déformé et forte pilosité le rapprochant du loup-garou. Lors de la première transformation, Frederic March imite l'homme des cavernes dans une caricature de chimpanzé. La séquence est d'un comique involontaire ce qui ne facilite pas ensuite dans notre esprit la crédibilité de cette créature qu'on a du mal à prendre au sérieux tout le long du film. Rouben Mamoulian expliquera son choix ainsi : « Hyde se transforme graduellement en animal innocent. Je ne dirai pas en bête vicieuse car les bêtes ne le sont pas, mais en vicieux monstre humain, un monstre qui fait partie de nous mais que nous contrôlons d'habitude. »

- En 1941, Victor Fleming réalise la meilleure adaptation cinématographique du roman à ce jour avec dans le rôle titre Spencer Tracy entouré de Lana Turner et Ingrid Bergman. Bien que Fleming réalise un remake presque images par images de la version de 1931, sa réalisation est plus fluide et ses personnages mieux construits. Le film est surtout servit par trois stars de l'époque qui insufflent à leur rôle un ton juste et romancé. A commencer par Spencer Tracy, le plus convaincant Dr Jekyll & Mr Hyde de l'histoire. Il est aidé en cela par une transformation en Hyde des plus réussies qui lui laisse le visage libre d'expressions les plus subtiles. En cela, il est l'opposé de la créature interprétée par March en 1931.

Spencer Tracy se transformant en Mister Hyde.

Si Fleming abandonne les trouvailles techniques de Mamoulian c'est pour se concentrer sur la dramaturgie de l'histoire en développant encore plus le ménage à trois « Muriel-Jekyll & Hyde-Ivy ». Le réalisateur en montre une image surréaliste et fétichiste lors de la première transformation du docteur, quand celui-ci a des visions et imagine qu'il « monte » et fouette deux juments représentées par les deux femmes qui partagent son esprit.

Les parodies

-Dr Pyckle and Mr Pride est un court-métrage réalisé en 1925 avec Stan Laurel dans le double rôle titre. C'est une comédie qui transforme Hyde en Pride, un personnage facétieux adepte du calembour qui trouble l'ordre public et dérange la société par ses farces et attrapes !

-Dr Jekyll and Mr Mouse réalisé en 1947 par William Hanna et Joseph Barbera est l'un des rares dessins animés réussi ayant pour thème le personnage de Stevenson. Nous suivons donc les péripéties du fameux duo Tom & Jerry. Le chat chassant la souris espiègle qui revient toujours à la charge. N'arrivant pas à boire tranquillement son assiette de lait, Tom décide d'empoisonner celle-ci pour que Jerry trépasse. Il se met à l'écart pour concocter un breuvage à l'aide de produits chimiques et toxiques. La souris boit le tout et se transforme en une super souris à la force décuplée. Pour une fois, les rôles s'inversent et c'est Tom qui est malmené. Dans un temps de répit, celui-ci ingurgite la potion, mais son effet est inversé et Tom devient de plus en plus petit. Jerry se fait une joie de le poursuivre avec une tapette à mouche.

Tom/Jekyll préparant un cocktail exposif.

Ainsi le docteur Jekyll / Tom, créateur de la potion, est dépassé par la créature Mouse / Jerry qu'il a engendrée, comme dans Frankenstein. Il est victime à son tour du breuvage et devient le chat qui rétrécit, clin d'œil au film « L'Homme qui Rétrécit » de Jack Arnold.

-The Nutty Professor (Docteur Jerry & Mister Love) réalisé en 1963 par Jerry Lewis inverse la polarité Jekyll / Hyde en faisant du docteur un savant repoussant et maladroit tandis que son double, Buddy love, est un séducteur à la voix charmeuse. Le professeur Kelp enseigne la chimie dans une université américaine. C'est un gringalet binoclard à la voix de canard qui se laisse marcher dessus. Pour ne plus subir les railleries des étudiants et pour séduire une de ses élèves, il décide de prendre son corps en main et s'inscrit à une salle de sport. Vu l'étendu du travail à réaliser, il va finalement mettre au point une formule chimique qui le transformera en Mister Love, un personnage égocentrique et alcoolique, sûr de lui qui possède un énorme sex appeal.

-Dr Jekyll and sister Hyde réalisé en 1971 par Roy Ward Baker est une production Hammer, la fameuse firme britannique spécialisée dans les films d'horreur. Après deux premières adaptations ratées en 1959 et une en 1960 signée Terence Fisher, « Les Deux Visages du Dr. Jekyll », « Dr Jekyll & Sister Hyde » devient une réussite en jouant la carte parodique au premier degré. Le docteur Jekyll ne cherche pas ici à séparer le bien du mal mais à rajeunir. Obsédé par cet élixir de vie, il va tenter des expériences sur des insectes mâles en leur injectant des hormones femelles. Hormones prélevée sur des cadavres de jeunes femmes. Après des résultats concluants il absorbera le cocktail et se transformera en une jeune femme très séduisante ! La transformation étant instable, il sera obligé de tuer d'autres jeunes femmes de moins de vingt ans pour récupérer les fameuses hormones, ingrédients de base de son breuvage, et ainsi essayer de percer le secret de la jeunesse éternelle.

L'acteur Ralph Bates, coiffé d'une improbable coiffure seventies, est un Jekyll bisexuel et androgyne. Ce n'est plus le versant animal qui est réveillé ici, mais la partie féminine de l'homme dans ce qu'elle a de plus érotique et provocante. Le triangle amoureux est revisité de façon perverse entre frères et sœurs. Jekyll étant obligé de mentir sur son double en le faisant passer pour sa sœur, une veuve nommée Miss Hyde : le « Hyde » de Hyde Park, le premier nom qui lui est tombé sous le nez ! S'en suit un jeu de cache-cache avec l'autre couple habitant à l'étage, frère et sœur également et l'inspecteur chargé de l'enquête. Tout cela se déroule dans un Londres victorien baigné de brouillard où ressurgit la figure de Jack the Ripper avec la série de meurtres sur les prostituées des bas-fonds de Whitechapel.

Les adaptations masquées

Il y a une multitude d'adaptations cachées du roman de Stevenson, plus ou moins évidentes. Le thème du double est proprement cinématographique et est devenu, avec le temps, une manière d'impliquer le spectateur et de l'identifier aux personnages de la fiction. Nous ne parlerons pas ici des films à double personnalité style Batman (homme d'affaire le jour et justicier la nuit) où il s'agit de jouer un rôle, ni des films où le corps est possédé par une entité extérieure, Antéchrist, extraterrestre et autres bestioles parasitaires. Ce qui nous intéresse ici, ce sont ces films où le personnage se dédouble à l'intérieur de lui-même, sous une contrainte quelconque à la limite de la schizophrénie.

- Nous pensons à un film fondateur et mythique : Psycho (Psychose) d'Alfred Hitchcock. Norman Bates (Anthony Perkins) est prit d'une terrible dissociation schizophrénique qui l'amène à incarner sa mère décédée en se travestissant, le tout dans une spirale de violence tournant autour du complexe d'Œdipe. Sa vie intérieure livrée aux productions fantasmatiques devient prédominante.

-Sisters (Sœurs de sang) réalisé en 1973 par Brian De Palma conte l'histoire de Danielle Breton traumatisée par la mort de sa sœur siamoise et empreinte d'une schizophrénie qui va la conduire au meurtre.

« Pour le scénario de Sisters, j'ai eu le déclic en voyant la photo de deux sœurs siamoises russes qu'avait publiée Life magazine. La légende de la photo était si forte que je l'ai reproduite : « Bien qu'elles soient tout à fait normales, certains problèmes psychologiques commencent à survenir ». Je voulais également aborder le thème du médecin fou en la personne du docteur Breton qui annonce les personnages de Michael Cain dans Dressed to kill et de John Lithgow dans Raising Caïn. Tous ces types mégalomanes et maléfiques qui se prennent pour des dieux et qui finissent par faire de mal. » Brian De Palma.

-Dressed to kill (Pulsions) réalisé en 1980 par Brian De Palma s'inspire du personnage schizophrène de Norman Bates dans une trame identique à Psycho (L'héroïne meure très rapidement). Michael Caine interprète un psychiatre fou qui veut changer de sexe et devenir Bobbi définitivement. Le docteur Elliot ne semblera guéri de sa schizophrénie qu'une fois son changement de sexe effectué. (Le transsexuel est un personnage énigmatique proche de la psychose pour certains psychologues, alors que l'homosexualité serait plus proche de la névrose). Se sentir femme dans un corps d'homme serait un état très voisin de la schizophrénie.

« J'ai imaginé l'histoire d'un travesti qui a le désir de changer de sexe et qui réprime tant son côté mâle qu'il en vient à assassiner toutes les femmes qui ont le malheur de lui donner une érection. » Brian De Palma.

-Raising Caïn (L'esprit de Caïn) réalisé en 1992 par Brian De Palma s'inspire largement du personnage du Docteur Jekyll et de Mr Hyde. Il crée un personnage dissocié aux vingt-sept personnalités, interprété remarquablement par John Lithgow. Le personnage principal est atteint ici du Trouble de la personnalité multiple et présente des alternances d'états de personnalités différentes, et peut passer de l'un à l'autre sans pouvoir le contrôler.

« Dans Raising Caïn, je travaille sur le même terrain que Docteur Jekyll et Mister Hyde. Imaginons un psychiatre ou un psychologue qui écoute à longueur de journée ses patients lui parler de leurs problèmes. Il a lui-même sa théorie au sujet des dédoublements de personnalité (comme Jekyll), il se demande comment il va bien pouvoir tester sa théorie. Ses patients lui parlent de leur enfance, c'est la source de leurs problèmes, le psy a lui-même des enfants à la maison, il va tester ses théories sur son gamin, comment va-t-il le rendre schizophrène ? Il va le traumatiser, puis observera comment il se comporte. A coup sûr il se dédoublera. Chapeau. C'est toujours l'idée du savant fou, qui œuvre pour le bien de l'humanité, mais crée un monstre en chemin (comme Frankenstein). » Brian De Palma.

-Le syndrome de Stendhal réalisé en 1996 par Dario Argento comprend une deuxième partie où son héroïne Anna Manni, flic à la brigade anti viol, sombre dans un trouble de l'identité au contact d'un tueur et après avoir été en relation avec des œuvres d'arts pour le moins troublantes. Cette maladie psychosomatique d'ordre phobique est due à une hypersensibilité aux œuvres d'arts et provoque des vertiges, des suffocations voir des hallucinations. Après avoir intériorisé l'esprit du tueur, Anna devient un personnage double, clivé, aussi bien psychiquement, en profondeur, la schizophrénie, que physiquement, en surface, sa métamorphose physique totale. Anna est traversée de nombreux traits opposés : masculin / féminin, normalité / pathologie, blonde / brune, réalité / illusion. Elle est le siège d'une multitude de configurations et d'affrontements.

JEKYLL (2007)

Réinventer un mythe n'est pas donnéà tout le monde. Il faut pour cela une solide connaissance du sujet et bien plus encore ! L'écossais Steven Moffat a relevé le défi de s'attaquer à un classique de la littérature fantastique en travaillant sur un scénario diabolique puisé dans le folklore fantastique et les films à complots pour en tirer une histoire d'horreur moderne avec la légende classique du couple diabolique en toile de fond. Ce projet ambitieux est en définitive une histoire humaine sur la filiation, l'amour éternel et la perte.

« Dr Jekyll et Mr Hyde est une légende classique que nous transfigurons depuis un siècle, fascinés par l'idée de l'alter ego, de la partie obscure de nous-même. » James Nesbitt

Une histoire complexe

Tom Jackman est chercheur dans un institut. Il est marié et a deux enfants, de faux jumeaux. Depuis quelques temps, sa vie bien rangée a totalement volé en éclat. La vie de famille a laissé place à l'exil. Le couple parfait vit comme s'il était séparé. Car depuis quelques années, Tom Jackman est obligé de partager sa vie en deux et s'est volontairement mis à l'écart pour protéger sa femme et ses enfants de sa partie obscure. Tom n'est plus le seul propriétaire de son corps. Un autre le partage, prenant sa place à des moments choisis : un certain Monsieur Hyde. Hyde surgit quand Jackman ressent une frustration, un besoin de s'affirmer en tant qu'homme sans pouvoir le contrôler.

Ici pas de potion magique pour que la créature surgisse. Hyde c'est tout ce que Jackman n'est pas, un être narcissique, un enfant capricieux dans un corps d'adulte. Insidieusement celui ci devient chaque jour de plus en plus fort. Chaque fois que Jackman perd le contrôle, s'endort, s'énerve ou est excité par une femme, Hyde menace de prendre le pouvoir et bientôt plus rien ne l'arrêtera !

A tout cela s'ajoute une ancienne organisation, au pouvoir et à la richesse illimitée, qui surveille leurs moindres mouvements à leur insu. Un plan préparé depuis plus d'un siècle est sur le point de porter ses fruits. Le retour du Dr Jekyll n'est pas un hasard…

Un scénario diabolique, servit par une mise en scène tirée au cordeau

En six épisodes de 50 minutes, Jekyll est une véritable saga. Aucun temps mort dans l'histoire et l'évolution des personnages, tout va très vite et le scénariste Steven Moffat va à l'essentiel revisitant en passant les films à complot où une organisation secrète s'en prend à un individu. On pense alors aux réalisations de deux maîtres du cinéma : Alfred Hitchcock et Fritz Lang cinéastes du complot par excellence. Jekyll prend le meilleur de films comme North by northwest (La mort aux trousses) ou Ministry of fear (Espions sur la Tamise) en insufflant un côté« film noir »à la série. Ajoutés à cela un sens du rythme incroyable et de nombreux rebondissements à la clé qui aiguisent notre curiositéà en devenir accro. C'est aussi efficace que la série 24H chrono !

Un acteur exceptionnel : James Nesbitt

Que serait Jekyll sans son acteur principal ? Pas grand-chose, puisque que c'est lui le moteur de la série : un véritable phénomène en marche. L'irlandais James Nesbitt est tout simplement incroyable dans le rôle de Jackman / Hyde. Il dépasse en cela tous les acteurs précédents qui ont interprétés ce double rôle, à commencer par le meilleur jusqu'ici : Spencer Tracy en 1941. D'ailleurs, les réalisateurs ne s'y sont pas trompés puisque la métamorphose en Hyde est assez proche de ce qu'avait voulu à l'époque Victor Fleming. Un grimage léger laissant la possibilitéà l'acteur de jouer sur l'expressivité de son visage. Loin des effets grand guignol, les transformations de Jackman sont à chaque fois un micro événement dans la série et une constante source de jubilation où la séduction fait place à l'angoisse puis à la terreur pure.

Le Hyde de Steven Moffat est une bête à la force surhumaine et aux dents de carnassier proche en cela du loup-garou. Il possède en plus des dons de double vue le renvoyant à une sorte de voyant. Mais c'est surtout un enfant, enfermé dans un corps d'adulte qui fait des caprices pour un rien : la part enfantine de Jackman (qui doit nettoyer derrière lui à chaque fois qu'il fait une bêtise). « Un pervers polymorphe » branché directement sur ses pulsions capable des pires perversions comme le meurtre, la torture et le viol. Il représente la part animale qui est en nous et qui donne libre court à ses instincts primitifs.

Steven Moffat parle de son acteur James Nesbitt : « Il fallait que le personnage de Hyde est du charme, séduise même s'il terrifie pour que Jekyll suscite une extrême anxiété même s'il émeut aux larmes. James Nesbitt s'est imposé comme une évidence. Tout tient dans le jeu d'acteur. Il devait être deux personnes, totalement différentes sous tous les aspects. Dans les mois qui ont suivi le tournage, il a déployé le jeu le plus étonnant, créatif, émouvant et audacieux qu'il m'ait été donné de voir. »

James Nesbitt parle de son double rôle : « Evidemment, c'est toujours amusant de jouer un personnage doté de super-pouvoirs. Mais, surtout, le personnage devait être crédible. Le Diable moderne est séducteur, bravache, cool et pourtant capable d'une violence extrême. Hyde n'a pas de canine acérées, il n'est pas monstrueux, c'est un être attirant et séduisant. Il va où il veut, jouit du moment présent, prend les choses comme elles se présentent. Tom, lui, est en pleine détérioration émotionnelle et psychologique, et doit rassembler autant de force intérieure qu'il le peut. Hyde a une telle envergure que vous pouvez vous amuser beaucoup en l'interprétant ; Jackman est plus humain, c'est toujours plus difficile à jouer car vous devez trouver sa souffrance. Les effets de transformation physique pour la différenciation entre Jackman et Hyde sont subtils. Les yeux sont de couleur différente ; le nez est légèrement allongé, et une prothèse sur le menton rend le visage plus angulaire ; de petites différences pour les oreilles et le poids font le reste ! »

A voir :
-JEKYLL en Coffret 3 DVD. Ed. Chez Studio Canal (2008).

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayant-droits, et dans ce cas seraient retirés.

PHILIPPE RAMETTE

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Philippe Ramette (né en 1961) aime défier les lois de la gravité et de la logique. Cet artiste sculpteur, photographe et dessinateur est l'auteur d'installations surréalistes qui le mettent en scène dans des postures improbables et illogiques. Ses installations captent la sculpture mise en scène dans un mélange de tragédie et de comédie qui fonctionnent comme une énigme à résoudre.

L'artiste réalise des performances acrobatiques sans trucage ni retouche numérique dans le but de montrer le côté absurde de l'existence et de réaliser des exploits ordinairement impossibles à l'homme. Ses expérimentations usent d'un savant dispositif de harnais et d'attelles qu'il met, de temps à autre, en lumière. Ses prothèses-sculptures permettent de s'élever physiquement et corriger la manière de considérer le monde et sa représentation.

Contemplation irrationnelle (2003).

Après des études aux Beaux-arts de Nice, Philippe Ramette abandonne la peinture pour se consacrer à la sculpture d'objets « hybrides » comme Objet à voir le monde en détail (1989), un appareil optique qui redéfinit un point de vue sur le monde. L'artiste décide ensuite de mettre certaines de ses sculptures en scène dans des photographies. Son travail photographique apparaît dès lors comme le prolongement logique de la pratique de la sculpture, puisqu'il permet de montrer son usage dans des conditions idéales. C'est aussi un certificat de la fonctionnalité des objets : une preuve d'existence.

Les prothèses-sculptures

Philippe Ramette invente des objets insolites, humoristiques et tragiques, avec lesquels il prend la pose pour la photo. Ces prothèses lui permettent de flotter dans les airs (Lévitation rationnelle), grimper aux arbres (Promenade irrationnelle) ou arpenter des falaises (Ascension rationnelle). Cette force de gravité qui n'obéît plus aux normes terrestres désarçonne le regardeur et l'oblige à inventer une nouvelle façon de regarder le monde, un nouvel état contemplatif. Les prothèses ne sont pas conçues pour remplacer ou se substituer à un membre ou à un organe du corps humain comme chez le cinéaste David Cronenberg. Elles ne viennent pas en aide à une déficience physique mais à une fragilité, une défaillance de l'esprit.

Exploration rationnelle des sous-marins (2006).

« Les sculptures doivent être considérées à travers la finalité qu'est la photo. Les prothèses ne sont que des outils, elles sont aussi importantes que leur fonction mais pas plus, d'ailleurs elles n'apparaissent pas sur les photographies. Elles sont dissimulés, invisibles à l'œil. Mais il ne faut pas oublier que ma démarche part des objets. Ces objets servent de point de départ à des micro-fictions. La base de mon travail ce sont les objets, mais je préfère dire prothèses. Elles sont nécessaires mais invisibles. » P.Ramette

Les photographies en apesanteur

C'est en 1996, que Philippe Ramette réalise sa première photographie en « apesanteur » avec Balcon 1. Tel un funambule, il joue à l'équilibriste dans un rapport de force avec l'environnement. Cette lutte gravitationnelle est contrebalancée par la propriété magique de l'image. Car il s'agit ici de lévitations « rationnelles » pour reprendre le titre d'une de ses œuvres. Le caractère mystérieux de ses suspensions est de suite ramené au trucage qu'il dévoile soit par l'intermédiaire de ses prothèses-sculptures ou par une explication vidéo, qui mettent ainsi en lumière la lourdeur technique et matérielle que nécessite une prise de vue.

Balcon 2, Hong Kong (2001).

Ramette se considère comme « un réalisateur d'images »à l'instar des metteurs en scène de cinéma. Comme il pose devant l'objectif, qu'il se met en scène, il lui faut un photographe pour immortaliser ses trompe-l'œil. Ce photographe c'est Marc Domage qui est, en quelque sorte, son chef opérateur.

Le personnage des photographies de Ramette est placéà une limite, celle entre le sol et le vide. Les photographies orientent et accentuent volontairement l'effet de vide. On sent ainsi que le personnage lutte physiquement entre ciel et terre. Les lois de l'apesanteur sont délestées pour laisser la figure méditer sur le monde tel le héros romantique de Friedrich ou l'homme impassible de Magritte.

Contemplation irrationnelle (2003).

« Ma démarche est une attitude contemplative. L'idée forte consiste à représenter un personnage qui porte un regard décalé sur le monde, sur la vie quotidienne. Dans mes photos je ne vois pas d'attirance pour le vide, mais la possibilité d'acquérir un nouveau point de vue. » P. Ramette

Crise de desinvolture (2003).

L'homme en costard-cravate qu'interprète Philippe Ramette est l'élément permanent de la photographie ; c'est la signature de l'artiste en même temps qu'un autoportrait. Ce « cravaté» peut représenter le bureaucrate ou l'homme d'affaire extérieur au monde qui l'entoure, n'ayant conscience que de l'aspect superficiel des choses. Un technocrate reflet du capitalisme. Ce que critique l'artiste c'est une société aseptisée qui ne donne pas assez de place à l'ennui, à la paresse et à la méditation.

Objet-sculpture

En 2006, Ramette change de registre en concentrant sa création sur les objets, défiant à leur tour les lois de la gravité ou y contribuant comme une corde partant du sol (Ascension irrationnelle, 2006) ou enroulée à une chaise en apesanteur. Nous ne sommes pas loin ici du mythique tour de la corde hindou ! Ces objets jouent le plus souvent sur les sens propre et figuré des choses.

Echelle 1 (2007), est une sculpture ludique qui exploite les pièges du langage par le jeu sur les mots. Ici, l'illusion d'optique due aux changements d'échelle, fait paraître le château démesurément petit.

La Traversée du Miroir, image arrêtée (2007) est une double glace percée de trous dans lesquels on est invitéà passer les bras et la jambe. Un passe muraille figé digne de l'Orphée de Jean Cocteau.

« Mon désir d'utiliser le miroir est ancien et né de l'idée de jouer avec le double sens du mot, entre la réflexion visuelle et le processus mental. Le langage est souvent pour moi le point de départ d'un travail, à travers un jeu de mots ou une expression, comme tirer sur la corde, le fil du rasoir, etc. » P. Ramette

A lire :
- Philippe Ramette, Catalogue rationnel (Galerie Xippas, 2004).

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

HOMMAGES AUX ESCAMOTEURS 6

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Extrait de Mes perruques, coups de peigne politiques. Mes perruques à marteau (Savin, 1832).

Des éclats de rire fixèrent hier mon attention en traversant la place du Carousel. Curieux de mon naturel, je m'approchais du cercle joyeux et j'y vis un homme à gros favoris, haut toupet, petits yeux, joues pendantes, teint basané, c'était un escamoteur. Il était au milieu du cercle. Il cherchait par ses promesses à retenir ses dupes, tandis que ses compères exploitaient à leur aise les poches du pauvre peuple.

Mes chers camarades, mes très chers camarades, disait-il, encore un peu de patience et je vous ferai voir ce que je vous ai promis. Je ne suis plus ici sur la place de l'Hôtel-de-Ville, où il faut promettre plus qu'on ne peut tenir, pour obtenir des suffrages. Ici, grâce à la liberté conquise en 1850, je rogne, je taille, je bâtis, je démolis, sans qu'il m'en coûte rien. Au contraire, je fais argent de tout. En un mot, je suis presque roi.

Cela est si vrai que j'ai : liste civile, budget et fonds secrets, représentés par ces trois pelotes. J'en mets une sous chacun de ces trois gobelets. Je prends ensuite la première que j'envoie en Amérique. La seconde, je l'avale. La troisième, invisible. Je lève maintenant les trois gobelets et il n'y a plus rien dessous, dessus, ni dedans.

Voici maintenant un foulard dans lequel vous voyez tous qu'il n'y a rien, absolument rien. Eh bien ! Moi, je prétends en tirer quelque chose. J'y fais donc un noeud coulant et je le présente à madame. Serrez ce noeud, madame. Encore. Là, très bien. Voyez, mes chers camarades. Voici un testament en règle qui vaut des millions.

Nous allons passer à quelque chose de plus difficile. Arrive ici, Paltoquet. Remarquez, mes chers camarades, que ce nain n'a que le tiers de la taille ordinaire. II est très laid, mais doué d'une agilité surprenante. Quoique sans plumes ni ailes, il vole avec beaucoup d'adresse. Comme je ne puis exécuter ce dernier tour sans lui, il vous prie de mettre la main à la poche, il reçoit jusqu'à six cent mille francs, ce sont ses petits profits.

(S'adressant à une dame de la société)

Avec l'aide de Paltoquet, je vais escamoter Madame. C'est uniquement pour obtenir la majorité... des suffrages de ceux qui m'entourent. Ainsi Madame n'a aucun danger à courir. Je prends donc Madame, mes chers camarades, vous voyez tous que je la prends. Je la tiens un moment et je l'envoie près de Bordeaux. Cherchez maintenant, vous ne la trouverez plus.

Allons ! Messieurs et Dames, du courage, la main à la poche, avant que nous partions. Bien, très bien ! Merci. Puisqu'il n'y a plus rien à ramasser, c'est Messieurs et Dames, pour avoir l'honneur de vous saluer.


Les frères ISOLA

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Nous extrayons de Simple Revue l'anecdote suivante :

II y a... plusieurs années, deux très jeunes gens, presque deux enfants se présentaient au théâtre Robert-Houdin pour prendre leur place au spectacle... Ce n'étaient pas des « premières » qu'ils demandaient !... Et en vidant leurs poches, décimes par décimes, en un gros tas de cuivre (de ce pauvre cuivre si sale d'avoir roulé entre tant de pauvres mains) ils en comptaient le prix sans doute amassé patiemment depuis bien des jours ?

— Je ne veux pas de tous ces sous ! s'écria la buraliste. — Mais nous n'avons pas d'autre argent... — Allez changer quelque part... Que voulez- vous que je fasse de çà... ?

Les deux gamins ramassèrent leur billon, et s'en allèrent passablement humiliés, chez un marchand de vins qui consentit à leur donner des pièces blanches contre leurs humbles « patards ». Quelques instants après ils s'asseyaient enfin tout frémissants dans la petite salle où les attirait un intérêt particulier pour la prestidigitation. Ces deux gentils gamins aux yeux vifs, aux physionomies décidées, s'appelaient Emile et Vincent Isola.

Les frères Isola, sont nés à Blidah ; bien qu'ils portent un nom étranger, ils sont français. C'est au commencement de 1892, qu'ils se fixèrent au boulevard des Capucines, dans une salle qui servait à des conférences et qui dès lors prit le nom de Théâtre Isola. Le « Tout Paris » défila dans ce petit local pour applaudir les stupéfiantes productions que les deux magiciens renouvelaient à chaque saison.

C'est ainsi qu'on vit successivement : Pierrot aux Enfers, La Malle Moscovite, Le Poids lourd et léger, présenté d'une façon magistrale, le Phénomène aérien, la plus extraordinaire suspension dans l'espace, qui ait jamais été faite, les fameuses Lyres Isoliennes, la Suggestion musicale, le Piano mystérieux et les Automates musiciens, etc., etc., enfin,le Bottin ou Océan de Lumières qui mit le comble à l'étonnement des spectateurs.

Les deux frères exécutant le Phénomène aérien.

Leur succès fut éclatant, les salons les plus aristocratiques se disputaient à coup de banck-notes, leurs séances particulières. Mais après la renommée vint l'ambition ; ayant étonné Paris, comme artistes, ils voulurent l'étonner comme impresarios. Parisiana, malgré sa situation privilégiée sur les boulevards, faisait à ce moment de piteuses affaires ; ils en acceptèrent hardiment la direction et, bientôt, sous leur impulsion, cet établissement prit la place prépondérante qu'il méritait.

L'année suivante, la direction de l'Olympia se trouvait vacante. Enhardis par le succès, ils se mirent sur les rangs, furent choisis par les actionnaires, qu'ils remboursèrent afin de rester seuls, et bientôt, le public vint en foule à cet établissement qu'il paraissait avoir délaissé.

En décembre 1901. MM. Isola se rendirent acquéreurs des Folies-Bergère et, les Music- Halls ne suffisant plus à leur activité, ils devinrent directeurs du Théâtre Municipal de la Gaîté, donnant ainsi le spectacle d'une fortune rapide à laquelle tous ceux qui les connaissent sont heureux d'applaudir.

Se souvenant de leur ancienne profession, les frères Isola font toujours un excellent accueil aux Prestidigitateurs. C'est en reconnaissance de ces bienveillants sentiments que la Chambre Syndicale de la Prestidigitation, a offert sa Présidence d'honneur aux Frères Isola, qui ont acceptée.

J. C.

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FREGOLI par SAVARY

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Les mystères de l'incarnation (par André Camp)

POURQUOI le théâtre attire-t-il tant de pratiquants ? Sait-on que leur nombre excède celui des spectateurs ? Pourquoi ? Mystère. En fait, ce n'en est pas un. Si tous ceux qui « pratiquent » le théâtre s'y rendaient, son problème (économique) serait résolu. Pour beaucoup, le théâtre ne représente pas un art de vivre ou un art de la vie. Il est considéré, en quelque sorte, comme une thérapie. Il permet, par la pratique sans but lucratif, de se libérer de ses fantasmes, de trouver — ou retrouver — son identité. Or, le meilleur moyen pour cela est d'en changer. On oublie (ou on se réalise) en incarnant d'autres personnages. Exercice fascinant. On comprend pourquoi les cours d'art dramatique sont envahis, encombrés, de jeunes frais émoulus de nos lycées ou autres établissements scolaires qui pensent, ainsi, s'affirmer sous le masque de la comédie. Car c'est bien de masques dont il s'agit. « Ce n'est pas moi, c'est lui ! », affirme le gosse pris en flagrant délit... de bêtise. Aussi, quand on a la chance de pouvoir changer de masque, quel bonheur, quelle jouissance ! On est soi et on n'est plus soi. On est l'autre et une foule d'autres ! Le miracle remplace le mystère. Pour l'acteur professionnel, c'est le rêve, le couronnement. Le plus beau rôle est celui qui permet de se démultiplier, d'incarner, non pas un seul personnage mais plusieurs personnages, toute une famille, toute une humanité, tout un monde. N'est-ce pas un monde d'être un monde ?

A lui seul, Fregoli, le premier, a réalisé ce rêve. Le premier, il a percé le mystère de l'incarnation en la poussant à ses plus extrêmes limites qui sont celles de la démesure. Mais la démesure n'est-elle pas la pierre angulaire du théâtre, celle sur laquelle repose tout l'art dramatique ? Après Sophocle, après Shakespeare Fregoli l'avait bien compris. Et cela, en utilisant son corps, son aspect extérieur qu'il variait à l'infini, à travers ses déguisements. Le rêve, en quelque sorte, de tous les enfants, de tous les coeurs simples. Toujours prêts à s'émerveiller... Il y a de quoi s'émerveiller, en effet.

Leopoldo Fregoli

Oyez ! Au début du XXème siècle, un jeune artiste italien de 33 ans triomphe à Paris. Il s'appelle Leopoldo Fregoli et il est néà Rome, près de la fontaine de Trévi, en 1867. Pendant dix mois il remplit, chaque soir, la grande salle de l'Olympia. Seul en scène, il interprète près de cent personnages différents. Il possède 800 costumes et 1200 perruques. Il dispose d'une équipe de 23 personnes, des électriciens aux habilleurs. Depuis une quinzaine d'années il parcourt le monde avec son spectacle, de Rome à Buenos Aires et New York, de Lisbonne et Londres à Saint Petersbourg et Berlin. A Lyon les frères Lumière lui ont offert un appareil de projection. En voyage, son matériel remplit 370 caisses rangées dans 4 wagons qui pèsent 30 tonnes. Pour se transformer, chaque soir, il parcourt 24 kilomètres entre la rampe et les coulisses. Il gagne 75000 francs par mois, alors qu'un ministre de l'époque n'en gagne que 10000 dans toute l'année. Le séjour à Paris marque l'apogée de la carrière de Fregoli. Une carrière exceptionnelle, unique, qui devait se terminer au Brésil en 1924. Quant à sa vie, elle s'achève, en 1930, là où elle avait commencée 70 ans plus tôt. Sur sa tombe, dans le cimetière de Verano à Rome, on peut lire : "Qui Leopoldo Fregoli compi la sua ultima trasformazione". Sa dernière transformation ? Certes, non. Puisqu'en 1991 Jérôme Savary, Patrick Rambaud et Bernard Haller le ressuscitent sous ses innombrables aspects. Pour notre plaisir. Et le vôtre. Avec eux, avec nous, percez à votre tour le mystère de l'incarnation.

Le projet théâtral

"Fregoli le transformiste enlève son masque dans un coin de sa loge. Dans la salle, le public applaudit encore. Lui est triste, et amoureux, "sans mon masque je suis banal, terriblement banal". A travers cette histoire simple nous avons voulu rendre hommage à l'univers de ceux qu'on appelle, avec un peu de condescendance "es fantaisistes", ces artisans de l'imaginaire qui remplissaient les salles pendant des mois au début du XXème siècle, faisaient un petit numéro entre deux films, et qui ont presque disparu aujourd'hui... Salut l'artiste !" Jérôme Savary.

Hors normes

En hommage au célébrissime transformiste Fregoli, Jérôme Savary, Bernard Haller et Patrick Rambaud ont brodé en 1991 une comédie construite autour de ce personnage devenu légendaire. "Frégolisme" n'est-il pas aujourd'hui un terme communément utilisé ? Ils le font revivre en inversant les proportions qui régnaient sur scène lors de ses spectacles : au lieu d'être seul sur le plateau quand 25 servants s'affairaient dans les coulisses, à Chaillot, une quinzaine de comédiens mènent le spectacle du Trianon-Concert, tantôt côté public, tantôt côté coulisses, à la villa d'Auteuil d'une célèbre demi-mondaine de la Belle Epoque, Liane de Pougy, en passant par Venise qui découvrit le 7ème art à travers le frégoligraphe, une invention de Fregoli, antérieure aux trucages de Méliès.

Fregoli est le fruit d'un véritable travail d'équipe mené de front et dans l'urgence. Ecriture (Rambaud et Haller), mise en scène (Savary), décors, effets spéciaux, costumes et masques (James Hodges), réalisation technique (ateliers de construction et de costumes de Chaillot, atelier Mine Barral-Vergez, Plastic Studio, etc.) : tout a été monté simultanément. Ce que Fregoli a créé en dix ans, l'équipe de Chaillot l'a réalisé en quatre mois, dont seulement deux sur scène. Loin du spectacle de prestidigitation traditionnelle, moins long et plus rapide que les authentiques spectacles de Fregoli, la poésie et la magie ont été délaissé au profit du spectaculaire. La pièce a nécessité plus d'effets et de trouvailles que n'en demandaient les spectateurs du Fregoli en 1900. Car aujourd'hui, accoutumé aux effets vidéo et cinématographiques, le public est plus difficile à surprendre. En 1900, un magicien effectuait cinq à six tours en 45 minutes, désormais, les magiciens réalisent jusqu'à 25 tours en neuf minutes...

Bernard Haller incarne Fregoli.

Bernard Haller rêvait depuis trente ans d'incarner, un jour, Fregoli trop longtemps oublié. Le spectacle de Fregoli est simple, sans propos métaphysique, il cherche juste à distraire les gens. C'est aussi l'évocation de la fin du music-hall et des débuts du cinéma qui l'a peu à peu supplanté.

Ecrire au jour le jour

"Nous n'avons pas cherchéà reproduire le spectacle authentique de Fregoli, nous avons, avec Bernard Haller, élaboré un spectacle autour de quelques épisodes marquants de sa vie." dit Patrick Rambaud.

"Ce que nous voulions, c'était redonner une image de ce qu'avait été ce personnage. En extrapolant à partir d'un fil conducteur, un marivaudage en confetti, sans rester complètement fidèle à l'histoire." dit Haller.

“Tout ce que nous avons écrit a été réadapté en fonction du jeu des comédiens, comme l'intégration de chansons souhaitées par Marc Dudicourt (Meilhac) et des exigences de la mise en scène. Le texte de départ était entièrement conçu en alexandrins, pas moins de six moutures, ont été réécrites en deux ans. Finalement, au moment de la mise en scène, des blocs entiers de textes ont été déplacés et écrits au jour le jour, pour soutenir le rythme du spectacle et parfaire les effets de transformation." explique Patrick Rambaud.

Un spectacle plus rapide et plus diversifié que les représentations du transformiste. Pour écrire cette comédie sur la vie de Fregoli, Bernard Haller et Patrick Rambaud se sont inspirés de son autobiographie, dont une édition a été retrouvée dans une bibliothèque romaine - traduite et adaptée par Rambaud dans Les Mirobolantes aventures de Fregoli, et du livre de Jean Nohain et F. Caradex. Savary lui, a noirci tous les traits.

Quick Change / Innover les trucs

"L'histoire est un vrai puzzle. Les nombreux changements de décors, et la multitude de personnages, treize comédiens pour incarner 57 rôles, ont fait que tout s'est articulé empiriquement. Il fallait mettre en situation les transformations et la magie à travers la comédie. On inventait n'importe quoi. Et l'on se disait que James Hodges trouverait une solution miracle." explique Bernard Haller.

Tout le spectacle repose sur le changement rapide des costumes (Quick Change). Tout se joue au quart de seconde près. Il suffit d'un rien pour tout faire échouer. Le fil du HP coincé dans une bretelle ou une braguette cassée, empêchant de tomber le pantalon, auraient pu suffire à faire capoter des séances. La collaboration des habilleuses en coulisse est précieuse. Au point qu'Haller se compare à un boxeur sur le ring, sans cesse entouré de ses deux entraîneurs qui lui offrent, qui une bouteille d'eau, qui une serviette, pour arriver au bout du match.

Dessin préparatoire de James Hodges.

Il a fallu un mois de travail sur une machinerie inveritée pour favoriser la rapidité des changements de costumes où interviennent les habilleuses classiques bien sûr, mais aussi un serrurier, un menuisier, un maroquinier... Car tous le monde travaillent à mettre en scène une pièce et non une succession de saynètes. En effet l'alternance fait la loi sur la scène : non seulement celle du comédien en situation et de l'homme du monde, du citoyen, mais celle du comédien jouant tantôt un rôle de femme, tantôt un rôle d'homme. C'est le personnage multiple. Dans les productions de Fregoli lui-même, il y avait 1 personnage sur scène... et 25 dans les coulisses ! Même s'il dit nous montrer l'envers du décor, la magie garde tous ses droits avec James Hodges.

Bernard Haller croqué par Hodges.

“Avant même de commencer l'exécution des costumes, il a fallu envisager l'ordre des transformations. Dans quel sens passer de l'un à l'autre pour que cela soit le plus rapide possible ? Une fois fabriqués, les costumes ont subi des modifications au cours des répétitions. C'est parfois extrêmement dur car, sur le collant de base, j'ai, dans certaines scènes jusqu'à cinq peaux différentes." dit Bernard Haller.

C'est en effet le cas pour l'interprétation des Misérables où Fregoli se transforme successivement en père Thénardier, en mère Thénardier, à nouveau en père Thénardier, en Victor Hugo, puis enfin redevient Fregoli. "Le plus gros travail d'acteur a résidé dans la mise en place des illusions, pour que la technique et la mécanique disparaissent totalement. Le geste où j'arrache la canne de derrière l'écran dans le frégoligraphe a nécessité beaucoup de répétitions pour que cela donne la sensation que cela vienne de soi-même." explique Haller.

Dessin préparatoire de James Hodges.

Il existe très peu de documents historiques permettant d'analyser les trucs employés par le transformiste Fregoli : les costumes ont disparu, aucun dessin n'a été retrouvé, seules quelques photos de spectacles et un de ses films Fregoli en coulisses que l'auteur sonorisait sur scène avant l'heure du parlant, ont pu être dénichés.

Les trucs dévoilés dans le film qu'utilisait Fregoli pour montrer aux spectateurs incrédules certains de ses changements de costumes, n'ont pas été utilisés par James Hodges, concepteur des décors, costumes et effets spéciaux du spectacle.

Dessin préparatoire de James Hodges.

"Rien ne dit que ces images rendent compte des trucages de Fregoli. Le film donne une indication, il montre des costumes bâtis grossièrement que Fregoli décousait en tirant sur un fit (ou lacet) très rapidement. L'utilisation d'un tel procédé est inimaginable aujourd'hui, il faudrait des dizaines de couturières pour recoudre chaque jour l'ensemble des costumes. En fait, dans les spectacles de Fregoli, pour un homme seul sur scène, trente personnes étaient en coulisse. On a inventé un système à partir de deux images souvenir, celle du comédien du Bal des Vampires qui saute directement de son lit dans son pantalon, et celle des pompiers qui gardent toujours leurs bottes enfilées dans le bas du pantalon. Mais les pantalons de Fregoli sont étroits, suivant la mode de l'époque ; il a donc fallu trouver une solution. Six prototypes de l'appareil, fabriqués à Chaillot, ont été nécessaires pour arriver à l'objet final." explique James Hodges.

Ce système ne fait que masquer la complexité des autres costumes réalisés par Mine Barral-Vergez pour Fregoli, et par l'atelier de couture du théâtre de Chaillot pour la vingtaine d'autres costumes destinés aux autres comédiens. L'atelier Vestir a fait les costumes d'hommes et Nicole Laler les chapeaux.

Les costumes truqués ont été une première divertissante pour Mine, plus experte en réalisation de costumes pour le music-hall (Lido, Moulin Rouge, Paradis Latin), pour la danse (Garnier), l'opéra (La Bastille) et les grands shows (Vartan, Greco, Barbara, Mouskouri...). Gilet cousu sur le maillot, tablier qui se déroule sur le jupon, longueur de la robe variable, ouvertures dans le dos, cape, chapeau et sac cousus ensembles, perruque et costume indissociables, cape et demi boléro qui ne font qu'un...

"Nous avons commencéà travailler trois mois avant le début des répétitions, et fait de longues séances d'habillage avec Bernard Haller qui venait essayer huit à dix costumes chaque semaine en testant les transformations. Les essais étaient réalisés avec James Hodges avec qui nous décidions de changer des détails : la largeur des emmanchures a été amplifiée, les tissus ont été renforcés de l'intérieur avec des laitons pour les rigidifier et faciliter leur enfilage..." explique Mine.

Dans l'atelier de couture du théâtre de Chaillot, une douzaine de personnes ont été mobilisées pour la réalisation et la mise au point des habillages.

“Bernard s'exerçait à grappiller une seconde à chaque changement de costume, en enfilant d'abord le bras droit, plutôt que le bras gauche. Six habilleuses sont chaque soir en coulisses pour le spectacle. Des portants ont dûêtre trafiqués pour que les costumières ne soient pas visibles du public. James Hodges nous a fait confiance pour confectionner les costumes. On faisait un échantillonnage de matière et de couleur, que Savary pouvait décider de changer à la dernière minute. C'est l'esprit de la pièce qui voulait ça. Certains costumes de Mouss (Gédéon) déjà réalisés, devaient même être écartés, il a fallu marchander pour les avoir tous les trois sur le plateau." explique Josette Planet, la chef costumière.

Dans les deux pièces aveuglent qui servent à l'entretien et à la couture des costumes pour les deux salles de Chaillot, les sept habilleuses permanentes effectuent des activités des plus électriques : de la chaussette, au chapeau, en passant par la marionnette ou la bâche de camion. Au total cent costumes ont été confectionnés pour une quarantaine de métamorphoses. Des transformations basées sur le principe de l'accumulation. Les vêtements enlevés les uns après les autres puis réaccumulés, aimants, bandes Velcro, corde à piano (chère aux magiciens), tous les systèmes d'attache que les couturières n'apprécient guère ont été employés.

Tomber les masques

La vingtaine de masques de Fregoli a été réalisée par Plastic Studio. "Nous avons d'abord réalisé des masques entiers, d'après les maquettes de James Hodges. Puis au fur et à mesure, nous avons réduit leur surface pour que Bernard Haller puisse être reconnu. Ces masques n'ont pas été réalisés de manière classique, en latex. Car le procédé est trop fragile pour ce genre de spectacle. Ils ont été thermoformés." explique B. Bourdeu.

Le procédé est plus coûteux, mais il est rare de les refaire. Ils sont suffisamment solides pour partir en tournée. Deux jeux seulement ont été réalisés, un pour les répétitions, l'autre pour jouer.

La fabrication en thermoformage, procédé plus souvent utilisé pour les armures, nécessite deux étapes de fabrication de plus qu'un masque traditionnel. L'empreinte est effectuée avec de l'Alginate qui permet de garder les yeux et la bouche ouverts. Le moule en terre sert ensuite pour le thermoformage à base de feuille de plastique indéchirable, réalisé chez un industriel, ce qui impose des délais assez souples. Du feutre est ensuite poséà l'intérieur. Calotte, calotte et haut du visage, calotte, haut du visage et barbe... les masques, pour la plupart tiennent par la forme du crâne. Tous les autres éléments résinés ont été faits en Kevlar. Le principe est identique aux résines stratifiées, mais la stratification est plus délicate. Le procédé est empruntéà l'aéronautique qui l'emploie pour sa légèreté et sa solidité. Le buste du machino, la main de Torquato et les mannequins ont été faits avec cette technique. Les nombreuses manipulations durant le spectacle et le projet de tournée ont motivé ce choix.

En Tournée

Pour partir en tournée, un certain nombre d'éléments de décors ont été abandonnés ou transformés. Il n'y aura plus de praticable, d'escalier et d'armoire en cour. Il devrait y avoir deux danseuses en moins. La Grande Illusion, devrait, en revanche, être conservée, ce qui réduira les lieux d'accueil possibles. "Les décors ont été réduits dès le départ en vue de pouvoir tourner. Et les effets sont conçus avec des trappes verticales. Il suffit que les théâtres soient équipés de cintres et disposent de neuf à dix mètres d'ouverture et d'une profondeur de scène conséquente. La gondole du final sera toutefois remplacée par une taule découpée.” précise James Hodges.

Le plus gros danger devrait être liéà l'absence de l'atelier de couture sur la tournée, ainsi que la réduction du nombre d'habilleuses. Le moindre aléa, comme des costumes brûlés lors de l'entretien par une société privée, serait difficile à surmonter. Mine et l'atelier de Chaillot en savent quelque chose, eux qui ont dû, au dernier moment, reconfectionner les costumes endommagés. Les dégâts étaient certes moins importants que ceux causés par l'incendie qui ravagea en une nuit l'intégralité des costumes et décors accumulés pendant dix ans par le vrai Fregoli... et qu'il parvint à refaire faire en une semaine, en mobilisant tout Paris !

Viens voir, les magiciens...

Savary dans le rôle d'Astor le magicien dans Bye Bye Showbiz (1984).

"Ce que j'aime dans Fregoli, c'est qu'il représente une race d'artisans du spectacle, qui disparaît. Les premiers artistes à avoir utilisé le cinéma sont les magiciens. Quand ils ont vu les premières machines à projection, ils se sont dit qu'ils pouvaient les utiliser d'une façon formidable pour le spectacle. Puis, le public, petit à petit, s'est passionné pour le cinéma, a marginalisé le magicien au profit du film. Ils se sont laissés dévorer par ce qu'ils avaient inventé. Fregoli avait inventé une machine pour Méliès. Dans le spectacle, avec Christian Fechner nous créons un numéro de magie avec un projecteur de cinématographe. Cette histoire est tout à fait symbolique sur les techniques modernes du cinéma, de l'audiovisuel qui, petit à petit, ont dévoré les oeuvres, les artistes, les artisans du music-hall. Il y a quelque chose de désuet, dans les numéros de magie manuelle. Il faut des années pour faire un bon magicien ; et ce sont des professions qui disparaissent. C'est pour ça que j'avais programméà Chaillot un ventriloque, on s'était moqué de moi, au début. Ce spectacle plein de poésie a fait salle comble, émerveillant les petits comme les grands. J'aimerais inviter chaque année quelqu'un, de ces professions, parce que ce sont des professions menacées. Au début du siècle, il y avait énormément de cafés-concerts, de music-hall, dans les cinémas, à l'entracte, on avait des numéros entre deux films. Ce que j'aime dans le théâtre dans ces professions du music-hall, de l'illusion, de la magie, y compris les stripteaseuses, les danseuses de cabaret, les numéros d'animaux, de gens de cirque, c'est que ce sont des personnes qui œuvrent avec leurs mains, sans l'aide d'aucune machine, et ces gens-là n'ont plus de lieux pour présenter leurs numéros... ou presque plus, à part le Crazy Horse, ou le Moulin Rouge." Jérôme Savary.

A lire :
-L'interview de Fregoli.
-Leopoldo Fregoli, profession : transformiste.

Crédits Photos : BNF, Daniel Cande. Dessins : James Hodges, collection privée. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

LES TREIZE REGLES DE DECREMPS

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« ...des principes généraux qui s'appliquent à tout. Puisse mes héritiers, en lisant l'Art de faire illusion, trouver un moyen sûr de se garantir de l'erreur ! »

N'avertissez jamais du tour que vous allez faire, de crainte que le spectateur, prévenu de ce que vous voulez produire, n'ait le temps d'en deviner la cause.

Ayez toujours, autant qu'il sera possible, plusieurs moyens de faire le même tour, afin que si on en devine un, vous puissiez recourir à un autre & vous servir de ce dernier pour prouver qu'on n'a rien deviné.

Ne faites jamais deux fois le même tour à la prière d'un des spectateurs, car alors vous manqueriez contre le premier précepte que je viens de donner, puisque le spectateur serait prévenu de l'effet que vous voudriez produire.

Si on vous prie de répéter un tour, ne refusez jamais directement parce que vous donneriez alors mauvaise opinion de vous en faisant soupçonner la faiblesse de vos moyens. Mais pour qu'on n'insiste point à vous faire la même demande, promettez de répéter le tour sous une autre forme & cependant faites-en un autre qui ait un rapport direct ou indirect avec celui qu'on vous demande. Après quoi, vous direz que c'est le même tour dans lequel vous employez le même moyen présenté sous un autre point de vue. Cette ruse ne manque jamais de produire son effet.

Si vous faisiez toujours des tours d'adresse - comme ils dépendent tous de l'agilité des mains, le spectateur, continuant de voir les mêmes gestes, pourrait enfin deviner vos mouvements. Faites donc successivement des tours d'adresse, de combinaison, de collusion, de physique, etc., de sorte que le spectateur se trouve dérouté en voyant presque toujours les mêmes effets, quoiqu'ils appartiennent à des causes disparates.

Quand vous emploierez un moyen quelconque, trouvez toujours une ruse pour faire croire naïvement & sans affectation de votre part, que vous employez un autre moyen. S'agit-il par exemple d'un tour de combinaison, faites, s'il y a lieu, comme s'il dépendait de la dextérité des doigts & si, au contraire, c'est un tour d'adresse, tâchez alors de paraître maladroit.

Si vous faites des tours dans un petit cercle composé de demi-savants, ou de gens trop paresseux pour se donner la peine de réfléchir, il n'y aura pas grand inconvenient à faire indistinctement les nouveaux tours & les anciens, les simples & les compliqués. Mais s'il s'agit d'amuser une grande assemblée & de paraître sur un grand thêatre où il y aura vraisemblablement des gens instruits & des furets de bibliothèques, gardez-vous de donner comme inconnus des tours expliqués dans des livres & souvenez-vous qu'il est absurde d'intituler un livre « Recueil de Secrets » parce qu'un secret quelconque cesse de l'être quand il est imprimé.

Ne lisez donc les livres que pour vous mettre au pair de vos contemporains & pour savoir si ce que vous inventez a déjàété inventé par d'autres. Sans cette dernière précaution, les gens de génie présentent souvent comme nouvelles des inventions très anciennes parce qu'ils ne font pas attention que les idées dont ils sont créateurs, ont pu germer dans d'autres têtes.

Si vous ne pouvez rien inventer quant au fond, soyez du moins inventeur quant à la forme, en rajeunissant les anciens tours par des circonstances neuves. & surtout ne finissez jamais une séance sans en faire un qui, par ses effets, sa complication & sa nouveauté, soit impénétrable à la perspicacité des plus grands connaisseurs. Par ce moyen, ils vous applaudiront au moins une fois & leur suffrage, quoique modéré, entraînera la multitude qui vous donnera le sien sans réserve.

10° Quand vous ferez des tours dans une compagnie de gens éclairés, gardez-vous bien de vous attribuer un pouvoir merveilleux & surnaturel. Cette prétention, trop exagérée, vous ferait passer pour un imposteur & l'on refuserait de vous croire dans d'autres cas où vous pourriez dire la vérité. Contentez-vous de faire entendre que l'effet dont il s'agit dépend d'une cause non commune. L'extraordinaire, quoique naturel, sera aussi amusant pour des gens d'esprit, que le merveilleux pour le vulgaire.

11° Ne faites jamais un tour sans avoir préparé des subterfuges & des réponses captieuses pour les arguments solides qu'on pourrait vous opposer. Je dis « pour les arguments solides », parce que les objections mal fondées n'ont pas besoin d'être prévues pour être faciles à résoudre.

12° Profitez adroitement de tous les hasards & des différents degrés de crédulité qui vous tomberont pour ainsi dire sous la main. Les hasards favorables se présentent souvent mais il n'y a que les gens d'esprit qui sachent les mettre à profit.

I3° Si on vous donne à deviner des tours dont vous n'avez pas été témoin, tâchez d'en élaguer toutes les circonstances que la renommée & la crédulité ont pu y entasser. Mais si vous voyez faire un tour qui vous soit inconnu, ne cherchez pas à le deviner en supposant que vous venez de voir des effets réels. Car, puisque les tours concilient toujours en des apparences trompeuses, vous vous écarteriez du but en cherchant la réalité.

Andi GLADWIN

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Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?

Mon histoire est la même que beaucoup d'autres – j'ai commencé la magie quand j'étais très jeune. Quand bien même, j'ai essayé beaucoup de hobbies, la magie était le seul qui m'intéressait vraiment. J'ai vu beaucoup de magiciens de scène quand j'étais plus jeune et j'ai toujours pensé que je finirais par devenir un illusionniste. Mais après avoir essayé de nombreux types de magie, j'ai finalement réalisé que la magie de close-up et de salon me correspondaient le plus.

Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?

Après l'école, j'ai décidé d'obtenir un « vrai travail » dans l'informatique. J'ai travailléà différents postes, en commençant par programmateur et en terminant comme chef de production pour le Royaume-Uni. J'ai quitté cet emploi il y a six ans pour devenir un magicien professionnel à temps plein. J'ai aimé ce job à chaque minute !

Dans quelles conditions travaillez-vous ?

J'ai passé les six ou sept dernières années à travailler pour des soirées d'entreprise et des mariages au Royaume-Uni. Mais aujourd'hui, je me produits de plus en plus en magie de salon, c'est ce que j'apprécie le plus.

Quelles sont les prestations de magiciens ou d'artistes qui vous ont marqué ?

Chaque performance, bonne ou mauvaise, que je vois m'inspire d'une certaine façon. Certains de mes artistes préférés se nomment John Archer, Luke Jermay, Rune Klan, Joshua Jay et David Williamson car ils ont tous des styles et des personnalités uniques.

Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?

J'adore regarder toute sorte de magie, du close-up aux grandes illusions en passant par la manipulation.

Quelles sont vos influences artistiques ?

Mes amis sont mes plus grandes influences. Par exemple : Joshua Jay, Rob James, Noel Qualter, Luke Jermay, et Rune Klan. Ils ont, la plupart du temps, un certain poids dans la magie que je réalise et les choses que je crée.

Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?

Il suffit de travailler le plus souvent possible. La seule façon de devenir un excellent magicien est de pratiquer, montrer, s'évaluer et puis répéter plusieurs fois.

Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?

La magie est dans une situation idéale. Ayant été récemment à la FISM 2015, je suis en admiration devant la qualité de la magie actuelle. Chaque spécialité de la magie est représentée par des magiciens incroyables.

Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?

Dans mon esprit, la culture n'est pas importante dans la magie. Le travail d'un artiste est de nous montrer SON monde et de ne pas « s'adapter »à tout le monde.

Vos hobbies en dehors de la magie ?

Je n'ai pas vraiment le temps pour d'autres activités en dehors de la magie. Cependant, j'aime regarder le stand-up comedy.

- Interview réalisée en juillet 2015.

A visiter :
-Le site d'Andi Gladwin.

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PRESTIDIGITATEURS ET PARAPSYCHOLOGIE

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Temps de lecture : 13 min

Les illusionnistes ont exploré bien des moyens de nous faire prendre des vessies pour des lanternes et ils ont, depuis toujours, joué un grand rôle dans la problématique de la recherche parapsychologique. Beaucoup de gens pensent que les magiciens sont totalement sceptiques face aux phénomènes parapsychologiques. Cela en surprend beaucoup de découvrir que c'est loin d'être une loi générale. Historiquement, en effet, nombre de magiciens, et parmi les plus reconnus, ont souscrit à la réalité des phénomènes psy. Une liste impressionnante de prestidigitateurs modernes y sont également ouverts.

Cet article tentera de recenser toutes ces opinions favorables, provenant de vedettes connues ou de personnages plus obscurs. Certaines des affirmations positives que j'ai trouvées pourraient susciter quelque scepticisme. Dans la littérature "mentaliste", les magiciens sont pressés de proclamer des aptitudes comme véritables même si eux mêmes n'y croient pas. Dans d'autres cas, ils pourraient soutenir ces "pouvoirs"à des fins publicitaires.

Joseph Dunninger (1892-1975).

On connait de grandes controverses concernant des mentalistes comme Joseph Dunninger, David Hoy, et Kreskin. Cependant, je n'ai rien trouvé qui me conduirait à douter des déclarations citées plus bas. Certains dénoncent à juste titre les "mentalistes" qui abusent le public, faisant passer pour du paranormal les tours et procédés qui relèvent de leur discipline. Certains jouent sur l'ambiguïté avec l'appui peu déontologique de certains comparses journalistes. A l'égard de supposés médiums pris en flagrant délit de tricherie, il parait difficile d'adopter la position excessivement bienveillante de certains expérimentateurs qui veulent voir en eux, hormis les cas de tricherie, de réelles capacités parapsychologiques. Il s'agirait pour le sujet de compenser par l'art de la prestidigitation les moments où ses capacités psy faibliraient. Que ce soit le cas ou non, de tels sujets ne peuvent être considérés comme des collaborateurs sérieux et utilisables par quelque laboratoire que ce soit.

Personnages historiques

Il est bien connu que John Nevil Maskelyne fut très connu pour ses attaques contre les médiums. En fait les débuts de la renommée de Maskelyne et Cooke sont liés à des représentations anti-spirites. Maskelyne témoigna devant les tribunaux contre plusieurs "spiritualistes". Pourtant dans un article de la Pall Mall Gazette, Maskelyne reconnait qu'il a été témoin de tables qui tournent et qu'il pensait ces faits sans trucage. Il déclare « moi-même et quelques amis [. . .] nous produisîmes des mouvements de la table [. . .] Je pense qu'il doit y avoir eu quelque force psychique ou nerveuse qui [. . .] neutralisait les lois de la gravitation ». Il insista fortement sur l'idée qu'il ne pouvait s'agir là d'esprits. Il rejetait ainsi fermement une explication surnaturelle au profit d'une réalité physique naturelle.

John Nevil Maskelyne (1839-1917).

Le Professeur Hoffmann (Angelo Lewis), auteur de Modern Magic et autres ouvrages classiques, exprimait du scepticisme à l'égard des phénomènes parapsychologiques. Il disait pourtant que certains phénomènes de slate-writing devaient être réels et ne comportaient pas de tricherie. Il fut consulté par des enquêteurs de la Society for Psychical Research et assista à de nombreuses séances avec le médium spirite Mr. Eglinton. Son rapport était détaillé, équilibré et pourrait servir de modèle pour les enquêteurs prestidigitateurs d'aujourd'hui.

Harry Kellar a également publié des textes sur Eglinton qu'il aurait vu léviter. Il rejeta lui aussi l'explication spirite au profit de l'hypothèse "positiviste" d'un phénomène d'anti-gravité. Il a indiqué que cette lévitation se produisait dans l'obscurité ce qui rend son observation pour le moins problématique !

Harry Kellar (1849-1922) et Harry Houdini (1874-1926).

Samuel Bellachiniétait prestidigitateur à la Cour de l'Empereur Guillaume Ier à Berlin. Il eut àétudier le médium américain Henry Slade. Les séances se tenaient carrément dans une totale obscurité et malgré tout, il restait persuadé que les résultats n'étaient pas truqués !

Samuel Bellachini (1828-1885).

Eusapia Palladino, admettait volontiers qu'elle utilisait la tricherie chaque fois qu'elle le pouvait. C'est pourquoi les sceptiques ont souvent rejeté les rapports favorables au sujet de phénomènes qu'elle aurait produits. Néanmoins Howard Thurston lui-même a écrit dans le New York Times - bien qu'il fut au courant de ses trucages - qu'il croyait à quelques uns de ses résultats. Cette position pourrait permettre de réévaluer la position sceptique qui rejette automatiquement l'ensemble des faits concernant tout "sujet" convaincu, l'une ou l'autre fois, de trucage. Thomas Worthington a écrit une petite biographie de Thurston dans laquelle on trouve une prémonition de Thurston lui-même. Worthington a noté que Thurston s'intéressait profondément aux philosophies orientales.

Howard Thurston (1869-1936) mettant en scène les esprits dans son spectacle.

Les récits de première main de Jean Eugène Robert-Houdin sont très difficiles à obtenir. On en trouve quelques mots dans un livre de Edwin Lee sur le magnétisme animal. Il y témoignait en faveur des dons de clairvoyance d'Alexis Didier. On trouve le même témoignage dans le livre Crystal Gazing de Will Goldston.

Samri Baldwin, connu comme Le Mahatma Blanc a été peut-être le premier prestidigitateur capable sur scène de se libérer d'une paire de menottes. Il a écrit des livres intitulés Spirit Mediums Exposed, The Secrets of Mahatma Land Explained dans lesquels il expose les trucs utilisés par les spirites. Il atteste qu'il croit dans des forces psychiques (parapsychologiques). Il insistait sur le fait qu'il n'utilisait pas de telles forces sur scène. Certains pourraient regarder avec suspicion les affirmations de cet auteur parce que c'était un prestidigitateur mentaliste. Mais David Price dans son ouvrage Magic : A Pictorial History of Conjurers in the Theatre, a noté que Baldwin, vers la fin de sa vie, adhéra à une église spiritualiste. Il semble donc très probable que les affirmations de Baldwin représentaient bien ce qu'il pensait.

Samri Baldwin (1848-1924).

Henry Ridgely Evans, journaliste et historien de la magie écrivit plusieurs livres pour exposer la tricherie des médiums. Il croyait à la télépathie comme on le lira dans Hours With the Ghosts. David Abbott a écrit un classique Behind the Scenes With the Mediums. Il s'est impliqué (sous l'égide de l'American Society for Psychical Research) dans l'étude du cas de Mrs. Blake, une trumpet medium. Mrs. Blake donna à Abbott des détails qu'elle ne pouvait connaître à propos de certains de ses proches décédés. Henry Hardin (E.A. Parsons), inventeur de tours magiques et professeur de musique, impliqué lui aussi, reçut également des informations frappantes de précision.

Les trompettes spirites (Spirit trumpets), étaient souvent employées à la période faste des séances de "médiumnité physique". La trompette flottait dans la salle obscurcie, ses mouvements étant parfois soulignés par des bandes luminescentes qui lui étaient accolées. On entendait alors, venant d'elle, la voix des esprits. On connaît beaucoup de trucs pour cette trompette. Par exemple, si on ne contrôlait pas les mains du médium, il pouvait mouvoir lui-même la trompette de ci de là. Elle était reliée à un tube de caoutchouc, dans lequel il parlait, ce qui lui permettait de faire entendre la "parole des esprits". Parfois les méthodes de ventriloquie étaient employées. Il y avait parfois un comparse habillé de noir qui permettait au médium d'agir en ayant les mains sous contrôle.

Lévitation d'une trompette lors d'une séance de la médium Mina Crandon.

Le Père Carlos de Heredia, jésuite était un prestidigitateur amateur. Enfant déjà, il suivit l'enseignement de Herrmann. Dans son livre Spiritism and Common Sense, il a expliqué les trucs des médiums, mais lui aussi accepte l'existence de certains phénomènes psychiques.

John Mulholland a écrit Beware Familiar Spirits. D'une façon générale, c'est un sceptique, mais vers la fin de son ouvrage, il cite des faits paranormaux qui ne l'ont pas impliqué personnellement.

Fulton Oursler décrivant une prémonition touchant Howard Thurston et lui-même. Dans une biographie de Oursler signée par son fils on lit que « Fulton eut vraiment des rêves prophétiques tout au long de sa vie. » Oursler était un magicien amateur et un écrivain connu. Parmi ses ouvrages les plus connus : The Greatest Story Ever Told. Il publia quelques uns de ses ouvrages sur la prestidigitation sous le nom de Samri Frikell, notamment son livre Spirit Mediums Exposed.

Lewis Carroll (Charles Lutwidge Dodgson) s'est mouillé lui aussi ! Il s'intéressait beaucoup au spiritisme et à la recherche parapsychologique de son époque (il était membre de la Society for Psychical Research) et pensait que tout ne s'explique pas par la tricherie.

Lewis Carroll (1832-1898).

Julien Proskauer fut Président de la S.A.M. et il écrivit deux livres contre les soi-disant médiums : The Dead do not Talk et Spook Crooks ! Cependant il assure qu'il y a eu certains phénomènes inexplicables pendant les séances.

Eric Dingwall était vice président honoraire du Magic Circle quand il mourut en 1986. Au début du siècle dernier il enquêta à propos de nombreux médiums et publia nombre d'articles à ce sujet. Il en arriva à des conclusions plutôt favorables en ce qui concerne St. Joseph of Copertino (un saint franciscain qui lévitait), et aussi Daniel Dunglas Home. Il a rédigé une discussion approfondie du cas d' Eusapia Palladino (dans ses livres Very Peculiar People et Some Human Oddities). Plus tard dans sa vie il émit des critiques acerbes à l'encontre des parapsychologues sans pour autant donner d'explication à propos de ses propres observations d'anomalies !

Will Goldston écrivit plus de 50 livres (par exemple : Exclusive Magical Secrets), et fonda le Magicians Club of London. On sait moins qu'il s'impliqua en parapsychologie. Dans ses Secrets of Famous Illusionists, il décrit nombre de lévitations de tables dont il fut témoin et avoue qu'il pratiqua personnellement l'écriture automatique. Il prit part aux investigations concernant Rudi Schneider.

Dans sa croisade contre les faux spirites, Houdini réalisa ses propres photos d'ectoplasmes pour démontrer qu'il pouvait reproduire les effets des médiums avec des trucages. L'ectoplasme qui sort de sa bouche prend la forme de son visage derrière lui.

L'éminent parapsychologue Walter Franklin Prince, était prestidigitateur amateur et publia Noted Witnesses for Psychic Occurrences. Il reproduit des lettres et d'autres récits de célébrités tels que : Mark Twain, Luther Burbank, et Charles Dickens (lui aussi prestidigitateur amateur). Parmi les magiciens : Henry Ridgely Evans, John Nevil Maskelyne, et Fulton Oursler.

Magiciens modernes

Nous avons vue dans la première partie que beaucoup de prestidigitateurs ont reconnu l'existence de phénomènes parapsychologiques. Parmi eux se trouvent quelques uns des membres les plus éminents de leur discipline. Plusieurs se sont employés à démasquer les manoeuvres frauduleuses des médiums. Cette tradition se perpétue encore aujourd'hui.

Les écrivains réputés Walter B. Gibson et sa femme Litzka, sont des personnalités modernes qui se sont largement impliqués dans le domaine parapsychologique. Ils ont écrit ensemble nombre de livres sur les méthodes de divination et le développement parapsychologique. Dans The Mystic and Occult Arts, ils rapportent en détail un grand nombre d'expériences parapsychologiques qui leur sont personnellement arrivées. Walter était d'ailleurs membre de l'American Society for Psychical Research.

Daryl Bem est Professeur de psychologie à la Cornell University. Il est aussi mentaliste. Il a été mis en vedette par le Psychology Today de Mars 1984, pour son usage de la magie dans l'enseignaement ! Il a participé récemment à la révision de Introduction to Psychology, un manuel de base pour l'enseignement de la Psychologie à l'Université. La partie de l'ouvrage consacréà la Parapsychologie donne une vue positive des recherches contemporaines en expérimentation de l'ESP.

Le nom d'Uri Geller déclenche souvent la dispute chez les illusionnistes. En 1975 Abb Dickson et Artur Zorka ont enquêté sur Geller. Leur rapport faisait état d'événements qu'ils ne savaient comment expliquer. Plusieurs sceptiques ont tenté de jeter le discrédit sur ce rapport en rapportant de seconde ou troisième main des rumeurs de conversations dans lesquelles Abb Dickson aurait fait état de désaccords. J'ai eu l'occasion d'en parler directement avec lui : il m'a affirmé la valeur précise de ce rapport et m'a dit qu'il savait comment Geller accomplissait les prouesses observées pendant leur enquête.

Uri Geller dans les années 1970.

L'historien de la magie et biographe William Rauscher s'est longuement intéressé aussi à la recherche parapsychologique. Non seulement il a écrit les biographies de John Calvert et Servais LeRoy, mais il a aussi contribuéà l'ouvrage The Psychic Mafia, les manigances de prétendus médiums. Dans The Spiritual Frontier, il décrit ses activités dans le domaine parapsychologique donnant, selon les cas, des vues sceptiques ou favorables à propos de phénomènes variés. Ce livre, de même que celui d'Arthur Ford et Allen Spraggett The Man Who Talked with the Dead, donne une information considérable sur la controverse entourant le code de Houdini (message qu'il aurait communiquéà sa femme après sa mort).

Le prestidigitateur mentaliste Ormond McGill est bien connu pour ses livres sur l'hypnose et le mentalisme. Il fut la vedette de couverture en Février 1989 pour le Linking Ring. Dans le monde des prestidigitateurs, on ne sait pas toujours qu'il a énormément voyagé dans les lieux du monde les plus exotiques pour enquêter sur les phénomènes religieux, mystiques et parapsychologiques. Ses écrits font une évaluation hautement positive de quelques unes de ces observations.

Dans les livraisons de Septembre à Novembre 1985 de The Linking Ring le magicien anthropologiste Howard Higgins a décrit quelques unes de ses expériences auprès des Indiens Tahltanin au Nord-Ouest de la Colombie Britannique. Il a observé quelques trucages mais aussi une prémonition d'une précision frappante faite par un des indiens. Il s'est senti obligé de préciser qu'il n'en voyait pas d'explication normale.

Loyd Auerbach dont la demeure est la Baie de San Francisco, partisan bien connu de la recherche parapsychologique a écrit un livre sur les enquêtes. Il a été Chairman d'un Congrès de la S.A.M. Il a étudié de nombreux phénomènes de hantise et s'est positionné en faveur de la parapsychologie.

Un sondage scientifique auprès des prestidigitateurs

En 1981 Polly Birdsell, patron de California Magic & Novelty Co., à Pleasant Hill (sur le côté Est de la Baie de San Francisco), a soutenu une thèse sur l'opinion des prestidigitateurs et la relation entre l'occulte et la prestidigitation. Elle a exploré en quoi les prestidigitateurs voient leur art en relation avec le surnaturel. Elle les a interrogés et a trouvé que 82% d'entre eux se prononcent en faveur de l'existence de la Perception Extra Sensorielle (ESP).

Les Rédacteurs Prestidigitateurs

On trouve en des lieux très inattendus des prestidigitateurs ouverts à l'existence des phénomènes parapsychologiques.

Donald Michael Kraig, Rédacteur de Fate, magazine populaire s'occupant de paranormal a été prestidigitateur professionnel de même que Mark Chorvinsky, Rédacteur de Strange, magazine consacré aux expériences étranges et aux phénomènes paranormaux.

Marcello Truzzi, qui a une position de neutralité vis à vis des phénomènes parapsychologiques est le Rédacteur de Zetetic Scholar, journal sans périodicité fixe consacré aux controverses scientifiques touchant au paranormal. Truzzi s'est montré actif dans la Psychic Entertainers Association (Association des parapsychologues fantaisistes) et fut Responsable Territorial pour I.B.M. Il est sociologue et a beaucoup écrit sur la controverse psy.

On ne devrait pas être surpris que tant de prestidigitateurs se montrent ouverts à l'existence de certains phénomènes parapsychologiques. Nous, magiciens, sommes en cela très semblables aux gens normaux. Des sondages récents montrent qu'à peu près la moitié de la population générale croient en l'existence de la Perception Extra Sensorielle.

Clairement, il y a désaccord, non seulement entre les prestidigitateurs, mais aussi entre les scientifiques et dans les corps administratifs. Le Nobel de Physique Brian Josephson est très enclin à admettre l'existence de l'ESP alors que son collègue Stephen Hawking se montre critique. L'Institut de Recherche de l'Armée américaine a lancé une étude qui est arrivéà des conclusions plutôt négatives par rapport à la parapsychologie alors que l'évaluation du Bureau Congressionel US de Technologie est parvenue à une conclusion beaucoup plus positive. A propos de ces deux rapports, on pourra consulter les Numéros de Janvier 1989 et Octobre 1989 du Journal of the American Society for Psychical Research. Pendant plus de cent ans, les scientifiques ont débattu quant à l'existence des phénomènes paranormaux tels que la Perception Extra Sensorielle (ESP) et la Psychokinèse (PK). Dans le Numéro de Décembre 1987 de Behavioral and Brain Sciences, plus de cent pages ont été consacrées au débat sur la parapsychologie par plus de cinquante auteurs. Plusieurs étaient prestidigitateurs. Sur le rôle des prestidigitateurs en parapsychologie, voir aussi la livraison de Mars-Avril 1985 de la Parapsychology Review ainsi que le Numéro de Janvier 1990 du Journal of the American Society for Psychical Research.

La plupart des sceptiques sont peu familiers des meilleures preuves scientifiques des phénomènes parapsychologiques tels que ceux qu'on trouve dans le Journal of Parapsychology. La plupart de ceux qui "y croient" sont peu conscients des arguments les plus forts contre la réalité de ces phénomènes. Il faudra sans doute beaucoup de temps pour mettre fin à la controverse, mais, quoiqu'il en soit, les prestidigitateurs y joueront un rôle important.

- Texte Magicians Who Endorsed Psychic Phenomena traduit par le Dr Bernard Auriol. Publier dans le magazine The Linking Ring, August 1990, Volume 70, No. 8, pp. 52-54.

Note :
- Didier Puech nous signale que le magicien français Jacques Delord restait très ouvert sur le sujet de la parapsychologie, estimant qu'il n'était pas du rôle des magiciens de "démasquer" les fraudeurs. Il laissait toujours LE DOUTE quand les gens (grand public) l'interrogeaient sur ses "pouvoirs", sans pour autant prétendre à posséder des pouvoirs surnaturels. Il écrivait à propos des magiciens qui veulent toujours se justifier d'avoir des trucs : "il faut y croire pour faire croire que l'on est magicien".

A lire :
-Phénomènes psychiques.
-Le spiritisme.
-Fantômes spirites.
-Les révélations d'un magnétiseur.
-Les médiums sont-ils des prestidigitateurs ?
-Histoire de la voyance et du paranormal, du XVIIIème siècle à nos jours de Nicole Edelman. Editions du Seuil (2006).

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

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