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Petit Recueil des CITATIONS MAGIQUES 3

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1. Ne jamais sous estimer la valeur du public, à chaque fois il faut le conquérir.

2. Le spectateur « paie » pour ce qu'il voit, pas pour ce qu'il ne voit pas. (Aldo Colombini)

3. La magie n'est pas dans la main du magicien mais dans l'œil du spectateur.

4. Un artiste, quand il se présente devant le public pour le divertir, doit être spécialement animé de sentiments positifs (« fou d'amour pour le public » ; « j'aime ce public ») et surtout être allègre. (Serip)

5. Traiter les spectateurs en amis, et ils réagiront dans le même esprit. (Edward Maurice)

6. Si les gens ne vous aiment pas, ils n'aimeront pas votre magie. (Harry Lorayne)

7. Pour qu'un effet magique soit réussi (tout comme un film d'épouvante par exemple), pour que l'intrusion de l'extraordinaire touche le spectateur ; la description du monde réel est nécessaire, elle facilite l'identification donc permet au public de se sentir concerné et de comprendre la fiction qui se joue devant eux.

8. Pour rendre inoubliable la prestation magique il faut impliquer les gens dedans. (Gary Kurtz)

9. De la part d'un magicien, le public attend deux choses : la magie et l'amusement. (Nevil Maskelyne)

10. On touche les gens quand on leur parle d'eux même. Il faut un contacte avec le spectateur que l'on prend à témoin, à l'exercice. Il doit être mit en valeur par sa participation.

11. La magie qui surgit dans les mains du spectateur est beaucoup plus forte que celle qui se passe dans les mains du magicien, parce qu'elle touche inconsciemment leur cerveau. Plus ont implique les spectateurs dans « la performance », plus la magie opère. (Gary Kurtz)

12. Le public doit avoir un rôle définit et approprié. Son rôle doit être le plus actif possible, si la situation le permet. Cela permet de voir le numéro avec les yeux du public. (Henning Nelms)

13. Bien choisir un assistant est essentiel. Il peut rendre de menus services (par commodité) mais surtout il contribue à augmenter l'intérêt et l'amusement des autres. (Henning Nelms)

14. L'intérêt du public pour une illusion dépend en grande partie de son thème. La valeur d'un thème, à son tour, dépend de l'intérêt que celui ci présente pour un public particulier. Qui est concerné ? (les personnages), que se passe t-il ? (le phénomène), pourquoi le magicien fait-il cette démonstration ? (le but), comment ce but est-il atteint ? (la preuve). Le magicien qui travaille pour des publics de types différents doit varier ses traitements en fonction de chaque public. (Henning Nelms)

15. Il ne faut pas hésiter à se substituer aux spectateurs pour faire avancer le tour. (Duvivier)

16. L'effet à obtenir auprès du public doit être une chose que le magicien doit toujours garder à l'esprit, c'est la seule chose en jeu. (Nevil Maskelyne)

17. Ce qui se passe sur scène n'a de l'importance que dans la mesure où la conscience des spectateurs en est affectée. Seul compte ce que le public pense, ce qu'il voit et ce qu'il entend. (Henning Nelms)

18. Le but principal c'est d'amener les spectateurs à suspendre leur refus de croire. Un tour auquel le sens fait défaut n'entraîne la conviction des spectateurs que très rarement. Si nous arrivons à convaincre le public de notre bonne foi, ne serait-ce que momentanément, toute référence à un truc disparaît, et avec lui toute idée de défi. On crée la conviction chez le spectateur si on établit une atmosphère dans laquelle l'illusion sera plausible (en évitant le remplissage et les digressions).(Henning Nelms)

19. L'attitude mentale du public assistant à une illusion, n'a rien à voir, tant s'en faut, avec celle du public regardant un truc. L'intérêt dépend entièrement de la signification. Le degré d'intérêt éprouvé par les spectateurs lors d'une représentation, de quelque nature qu'elle soit, est en proportion direct avec le sens qu'ils lui trouvent. Plus un numéro est chargé de sens et plus vif est l'intérêt qu'il fait naître dans l'esprit des spectateurs. Lorsque nous donnons un sens aux illusions nous supprimons l'idée de défi et l'aspect casse-tête passe au second plan. (Henning Nelms)

20. Le spectateur est auteur de l'illusion au moins autant que le magicien. L'impression première qu'il doit se faire à l'occasion du tour d'entrer, est que le magicien est une personne qui sait ce qu'il fait et qui en toute humilité et générosité, offre de passer un moment agréable avec le public. Le magicien n'est qu'un catalyseur qui a la capacité de mobiliser les énergies magiques des spectateurs, des choses et des situations. Le magicien ne se pose pas en maître mais en passeur.

21. Il y a de légers artifices psychologiques qui créent dans le subconscient du spectateur des images, des associations d'idées autant que de fausses pistes, lesquelles empêchent celui-ci de découvrir le secret où se dissimule le magicien. Une technique souvent utilisée et toujours avec succès est d'amener le spectateur vers une solution trompeuse du truc. Alors celui-ci croit qu'il a compris la manière de réaliser ce truc, ce qui le conduit à observer seulement les détails qui semblent confirmer son idée. (Serip)

22. Tout homme de spectacle doit savoir maîtriser l'attention du public. L'art de capter l'attention et celui de la distraire utilisent des techniques identiques. La source d'information c'est ce que nous voulons que les spectateurs regardent. Bien souvent un certain public explora toute son attention à percer le secret du magicien. Il faut amener constamment les spectateurs à s'intéresser à une source d'information puis à une suivante (un être humain est plus intéressant qu'un objet. Une femme, un animal, un sujet d'actualité sont l'idéal). L'intérêt montré par le magicien lui-même est le meilleur moyen qu'il ait à sa disposition pour se rendre maître de l'attention du public. (Henning Nelms)

23. L'effet consiste à convaincre les spectateurs. La seule chose qui importe est leur interprétation de la preuve que le magicien leur fournit. Le public est plutôt enclin au scepticisme. Il a besoin d'être convaincu et il est prêt à supposer que même l'élément le plus authentique figurant dans un numéro est faux. (Henning Nelms)

24. Pour l'illusionniste, la partie doit être perdue d'avance par le spectateur. L'important est que l'analyse du spectateur doit-être bloquée, impossible, pour que l'illusion puisse exister. (Jean Gabirot)

25. Il faut savoir se rendre compte de ce que les spectateurs pensent pendant et après le tour, chercher s'ils suspectent une méthode qui aurait pu être utilisée pour faire le tour, trouver quelle impression nous avons laissée. Nous devons parvenir à ce que, non seulement le public ne sache pas comment le tour a été fait, mais à ce qu'il ne puisse même pas l'analyser ou imaginer sa conception. Le spectateur doit être amenéà penser qu'il est totalement incapable de découvrir la vraie méthode, ou toute autre méthode. Nous devons lui faire oublier sa méfiance pendant et après le tour : il ne doit même pas vouloir l'analyser. Il ne doit pas non plus se sentir dupé mais séduit, ébloui et fasciné par le mystère auquel il vient d'assister. Il faut que l'impact du mystère soit si fort que le spectateur se sente incapable de le comprendre. (Juan Tamariz)

26. Afin d'égarer le jugement du public, l'illusionniste doit le conduire, le plus souvent possible, vers de fausses directions, de fausses hypothèses. Une excellente pratique, recommandée par Robert-Houdin, consiste à laisser attribuer aux trucages ce qui est le fait de l'adresse pure et réciproquement. L'enchaînement des tours doit être rapide, afin de ne pas accorder aux spectateurs le temps de réfléchir ; Une autre technique consiste à terminer toutes les manipulations essentielles et secrètes, avant même que le public ait l'impression que le tour est commencé. (Jean Hladik)

27. Tous les artistes le disent. Le public est une entité qui se recompose chaque soir et varie selon des règles qui nous sont inconnues. C'est cette identité qui va frémir, s'étonner, rire, pleurer, éprouver de l'amour ou de la terreur, de la pitié ou de l'angoisse. (Jacques Delord)

28. Si, au lieu de surveiller ses mains, l'illusionniste fait passer dans les yeux de la salle la puissance d'un jeu extraordinaire, il lui arrivera de percevoir dans le regard de tel ou tel spectateur, l'attente et l'angoisse du plaisir perdu. C'est la beauté dans l'oeil du saurien. (Jacques Delord)

29. Le prestidigitateur qui ne fait pas confiance à son public ne sera jamais qu'un faiseur de tours de physique amusante dont on cherchera toujours à découvrir le truc. (Jacques Delord)

30. Le plaisir de l'artiste n'est que le miroir que le public lui tend. Alors l'amour lui revient au centuple. Il n'y a pas de magie sans amour. (Jacques Delord)

- Quatrième Partie : LA PSYCHOLOGIE.


LADISLAS STAREWITCH

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Ladislas Starewitch est néà Moscou en 1882. En réalisant lui-même ses premiers films d'animation, il est aussitôt remarqué par les premiers producteurs de cinéma à Moscou. Alexandre Khanjonkov va lui installer un studio dans la capitale du cinéma russe et lui faire tourner aussi des films avec de vrais acteurs, parmi les plus grands du moment. Starewitch développe tout de suite une conception novatrice du cinéma par rapport aux premières tendances qui se distinguaient peu du théâtre filmé. Il réalise des trucages, utilise des caches, rompt le rythme du récit ; son style est tout de suite identifiable, pas seulement dans les films d'animation.

En 1914, devenu un des plus grands réalisateurs à Moscou, Starewitch prend son indépendance et devient son propre producteur. Mais les événements s'enchaînent : la guerre qui commence en août 1914 entraîne de graves difficultés en Russie, la Révolution et une nouvelle guerre civile. Il prend, comme nombre de réalisateurs et acteurs russes, le chemin d'un exil plus lointain.

Arrivé en France à la fin de 1920 il s'installe à Paris avec sa femme et ses deux enfants, Irène et Jeanne. La communauté cinématographique russe émigrée devient très présente dans les studios de la banlieue parisienne à Joinville-le-Pont ou Montreuil-sous-Bois et c'est pour des producteurs arrivés peu avant lui que Starewitch commence à travailler surtout comme caméraman. Mais très vite il va recommencer à tourner ses films avec des marionnettes animées jusqu'à ne plus se consacrer qu'à cela. En 1924 il achète une maison à Fontenay-sous-Bois où il installe sa famille et son studio. C'est là qu'il va rester jusqu'à la fin de ses jours en février 1965 et qu'il va tourner tous ses films. Le succès revient très vite et il vit très bien développant une oeuvre très personnelle diffusée dans le monde entier. L'apogée de sa carrière se situe certainement dans l'entre-deux-guerres. Pour l'essentiel il travaille seul, aidé seulement par Irène qui va rester toute sa vie la collaboratrice de son père.

Tous les types de marionnettes utilisés par L. Starewitch sont présents dans ces films, les insectes de ses débuts en 1909, des mammifères plus volumineux dont le visage est couvert de peau de chamois qui permet toutes les expressions du visage (Le Lion et le moucheron), et des marionnettes anthropomorphes (La Petite Parade). Des procédés techniques, comme la surimpression, permettent de mêler sur la même image des marionnettes animées et un acteur humain. Ses films sont des adaptations de textes connus de La Fontaine souvent, de Goethe pour Le Roman de Renard (son chef-d'œuvre) ou bien des scénarios originaux conçus très souvent de la même façon : un préambule joué par des acteurs définit une situation, un problème en fait, puis le film bascule dans le rêve ou bien le réalisateur / créateur donne la vie à un objet inanimé. Les marionnettes deviennent les personnages du film et trouvent une solution heureuse au problème posé. De nos jours, Starewitch est la référence de Tim Burton (pour ses films d'animations : Vincent, The Nightmare before Christmas et Corpse bride) et a énormément influencé Les Studios Aardman, responsables des Wallace et Gromit.

Les DVD

1- Les Contes de l'Horloge Magique (Trois courts-métrages des années 1920, regroupés sous un programme d'une heure.)

- La petite chanteuse des rues (1924) est le moins réussi du lot. C'est avant tout un film de fiction où intervient l'animation d'une marionnette représentant un singe, qui se substitue au vrai animal. La naïveté affichée, alliéà un sur jeu des acteurs rend l'histoire sans grand intérêt. A noter toute fois une belle séquence d'animation en surimpression où le singe animé« perce » le secret d'un coffre fort.

- La petite parade (1928) est un film choral d'une remarquable construction dramatique. Tout commence dans une chambre d'enfant où les jouets s'animent une fois que les être humains sont partis (en 1995, John Lasseter reprendra cette idée pour son film d'animation Toy story). Le personnage de Casse-noisette est présenté, ainsi qu'un soldat de plomb, qui vont se disputer très bientôt les faveurs d'une petite danseuse. Mais avant cela, le diable fait irruption d'une boite à mystère et va effectuer des tours de magie (des diableries) par la transformation d'aliments et d'objets (noisette, huître, banane, cigare, bouchon) en danseuses (magnifiques séquences). Mais ce qui attire l'œil des deux rivales c'est une petite danseuse sur sa boîte à musique ! Vient alors une scène dans les bas fonds de la maison en compagnie des rats, qui prennent d'assaut « les beaux quartiers » et tentent de franchir un château miniature avec l'aide du diable pour récupérer la danseuse. Le petit soldat ayant valeureusement défendu la forteresse se retrouve jetéà la mer par une main humaine (superbe séquence maritime). Mangé par un poisson, il retournera à son point de départ pour rejoindre sa danseuse dans un feu de cheminée. Ils partirent en fumée mais ensemble et pour toujours !

- L'horloge magique (1928) est un beau conte médiéval de prince et de princesse. Dans un atelier d'horloger (filmé avec de vrais acteurs) une petite fille finie les derniers préparatifs aux automates d'une horloge et se rêve princesse. L'horloge, soudain, prend vie et nous entraîne dans un monde d'enluminures. Se déroule sous nos yeux émerveillés l'histoire d'un chevalier valeureux et de sa princesse en lutte avec un mystérieux chevalier noir qui s'avère être la mort ! La petite fille interviendra dans ce monde imaginaire pour mieux s'y replonger par la suite et faire corps avec la légende.

Avec ces deux derniers films, Starewitch impose un monde de féerie remarquablement réalisé et mis en scène. La finesse de ses marionnettes, la beauté de ses décors, la précision de ses animations ; donnent lieu à des séquences inoubliables comme le combat avec le dragon, la danse des fleurs où la capture de Nina dans la main d'un géant (plusieurs années avant que King Kong n'attrape Fay Wray).

2- Le monde magique de Ladislas Starewitch

- Le rat des villes et le rat des champs (1926) est une belle illustration adaptée de Jean de la Fontaine, caricaturant les soirées mondaines parisiennes.

- Le lion devenu vieux (1932) continue d'explorer les expressivités animales (portées à leur comble dans Le roman de Renard). Lion, taureau, bouc, chat, singe, hibou, âne, cheval et mouche ! sont de la partie.

- Fétiche Mascotte (1933) est un film sonore qui mélange prises de vue réelles avec acteurs et animations. Un enfant demande à sa mère une orange qu'elle ne peut lui offrir. Elle verse une larme qui tombe sur un nounours en court de confection et qui se transforme en cœur. La peluche « Mascotte » prend vie. Des jouets sont emballés, puis s'évadent lors d'un transport (John Lasseter dans Toy Story 2 reprendra la même idée). Après bien des péripéties, Mascotte finit par retrouver son chez soi et offre une orange au petit garçon. Ce court est animé assez grossièrement, mais l'histoire a du charme.

- Fleur de fougère (1949) est un conte fantastique où trois générations sont représentées (le grand père, la mère et le fils). C'est une mise en abyme de l'univers de Starewitch, qui fait dire à un de ses personnages, qu'il y en a assez des histoires de La Fontaine ! Ainsi est proposéà nos yeux la légende de la fougère magique, qui exauce tous les vœux de celui qui la cueille. Jeannot, le jeune enfant part à sa recherche dans une forêt protégée par des arbres qui marchent (Peter Jackson reprendra cette idée pour le 2ème volet de sa trilogie Le Seigneur des Anneaux). La nature s'anime, et Jeannot se voit devenir prince et croise tous les personnages des contes les plus connus (le chat botté, la cigale et la fourmi, cendrillon...).

3- Le Roman de Renard (1930) est l'unique long métrage de Starewitch : un chef-d'œuvre du film de marionnettes.

Cette fable sur les méfaits d'un renard peu scrupuleux a valeur d'universalité. Avec le respect propre au régime monarchique, et eut égard au rang de chacun, chaque personnage occupe sa place avec dignité. Lapin et Coq sont simples sujets du royaume, Ours protège la famille royale, tandis que Lion et Lionne trônent au plus haut rang. Parmi cette sociétéô combien structurée et où chacun obéit sans broncher aux ordres du roi, un trublion sème pourtant la zizanie parmi les habitants, dupant ici un marchand de poissons, s'obstinant là contre le Loup, ou jouant un bien mauvais tour à l'épouse du Coq. Chaque coup est fomenté avec une belle ingéniosité... d'où cette réputation nullement usurpée du renard rusé.

Les « ciné marionnettes » du Roman de Renard ont une structure métallique ou une ossature de bois revêtue de peau de chamois. Appliquée humide, la peau de chamois colle à l'ossature et en séchant donne l'illusion de la peau, il est ensuite possible de plisser cette peau à volonté pour donner diverses expressions aux visages des personnages. Les yeux sont en verre, ceux-là mêmes qu'utilisent les taxidermistes... Les oreilles, la langue, les paupières sont en peau de chamois. Divers matériaux sont utilisés pour donner du volume comme le coton, la paille, la mousse.

Elégance des dialogues, structure ultra-classique, efficacité de la narration, technique de la stop motion à son apogée (aux côtés de l'oeuvre de Ray HARRYHAUSEN), tout atteint ici un niveau de perfection absolu, à mille lieux des films en images de synthèse d'aujourd'hui, trop maîtrisés pour être totalement convaincants. La magie ineffable d'un récit intemporel (le film s'ouvre, tel un conte, par un livre où les personnages sont tour à tour présentés) et une mise en scène magistralement théâtrale, font du Roman de Renard un classique de l'animation hors du temps.

A voir :
-Les Contes de l'Horloge Magique. DVD disponibles chez les Editions Montparnasse. Et Doriane Films.
-STAREWITCH, 50ème ANNIVERSAIRE. Coffret 5 DVD rassemblant 19 œuvres d'animation. DVD disponible chez Heeza.

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayant-droits, et dans ce cas seraient retirés.

MESSMER, le fascinateur

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Précédé d'un tapage médiatique télévisuel sans précédent, nous avions hâte de découvrir l'hypnotiseur canadien en live et juger son spectacle qui tourne dans toute l'Europe. Messmer, l'homme qui a hypnotisé 60 000 personnes en 25 ans de carrière.

Dès notre entrée, une énorme scène nous fait face. Elle est accessoirisée d'écrans géants, de chaises et d'une structure futuriste surmontée d'une boule sur laquelle sont projetés des effets visuels. Le tout est baigné d'une lumière bleue spectrale.

Le show commence par la diffusion d'extraits d'émissions dans lesquelles Messmer est passé lors de sa campagne médiatique en France, mais aussi au Canada. Il a notamment réunit plus de 250 000 spectateurs avec une série dont il est le « héros », diffusée sur la chaine québécoise TVA.

Fin des extraits vidéo et apparition de Messmer sur scène dans un délicat nuage de fumigènes. Une voix off introduit le spectacle : « Votre subconscient va être transporté dans le rêve et l'imaginaire. » sur une musique intitulée « Irresistible Force ».

Plein feu dans la salle ; Messmer scrute attentivement le public tel un prédateur ! Il énonce d'amblée les expériences qu'il va réaliser avec le public. « Le subconscient est éternel et intemporel. Je n'ai pas de dons particuliers. J'utilise simplement la science, le transfert d'énergie, la force du magnétisme et le pouvoir de suggestion pour arriver à des résultats ».

L'hypnose est donc une modification de l'état de conscience qui permet d'avoir accès à nos ressources personnelles pour nous permettre de modifier certains de nos comportements.

Messmer dit avoir été initiéà l'hypnose à l'âge de 7 ans par son grand-père, qui lui a donné un livre de Jean Filiatre sur le sujet datant des années 1930 (Hypnotisme et Magnétisme). Il étudie alors les différentes techniques d'hypnose, le magnétisme, le transfert d'énergie, le somnambulisme, la suggestion et la télépathie. Parallèlement à ses performances scéniques, Messmer a pratiqué l'hypnose thérapeutique en cabinet dans les années 1990 jusqu'en 2000. Depuis, il utilise son savoir à des fins de divertissement pour amuser et « fasciner » les gens. Il adopte alors le nom de Messmer (en y ajoutant un S), en l'honneur de l'un des pionniers du magnétisme, l'illustre médecin autrichien du 19e siècle, Franz-Anton Mesmer.

« Certains d'entre vous seront hypnotisés et seront envahis par un sentiment de bien-être, de nirvana, d'euphorie, de béatitude. Quinze minutes d'hypnose est l'équivalent de 3 heures de sommeil profond. Bienvenue dans un spectacle dont vous êtes le héros ! »

Le test

Arrive sur scène Sinclair, l'apprenti de Messmer depuis 25 ans, pour le premier test de « réceptivité» dans la salle. Messmer demande au public de mettre leurs mains au-dessus de leur tête. Au compte de trois, il ordonne que les paumes restent collées et soudées sur la tête.

Il fait constater alors qu'il existe 3 types de personnes : ceux dont les mains se sont décollées facilement, ceux qui ont réussi à séparer leurs mains avec un effort et ceux qui ne sont pas arrivés à décoller leurs paumes. Ce dernier type de personne est le plus intéressant et le plus réceptif pour continuer l'expérience sur scène. Au total, seul une quarantaine de spectateurs participeront de manière active à la représentation de ce soir.

Une quinzaine de personnes montent alors sur scène. Certains ont encore leurs mains collées ! Messmer procède alors à une deuxième série de tests. Les « sujets » sont priés de fermer leurs yeux, de coller leurs deux pieds et de mettre leurs deux mains sur la tête. Au compte de trois leurs mains sont censées se coller entre elles : « vos mains sont coincées, collées, soudées ». Mots répétés par Messmer sans cesse. « 1, 2, 3, Séparez vos mains maintenant ! ». Ce test marche sur la majorité des « sujets » ; certaines personnes non réceptives, sont priées de regagner la salle.

Catalepsie

Messmer isole un spectateur et lui soumet un troisième test. « Collez vos pieds et tendez un bras devant vous. Votre bras devient maintenant de plus en plus raide, on ne peut pas le bouger. »

« Maintenant, j'influence votre subconscient et je vous programme comme un ordinateur. C'est maintenant votre corps entier qui se raidit, vos jambes se coincent, votre colonne, votre cou. Il vous est impossible de bouger ! »

Deux assistants placent le spectateur, raide comme un piquet, sur deux tréteaux et Sinclair s'assoie sur lui. « Cette catalepsie est possible grâce à un déplacement de l'adrénaline ».

Retour vers le passé

Dernier test en ligne sur les personnes qui sont montées sur scène. Messmer prévient qu'il ne tentera pas le test sur les femmes enceintes. Il va tenter de faire atteindre, à la chaine, un état de sommeil en moins de 10 secondes, à chaque personne. Il est impressionnant de voir les « sujets » tomber comme des mouches un à un (un caméraman film les réactions sur scène, diffusées sur les écrans de part et d'autre de la scène). Messmer prenant bien soin d'accompagner au sol chaque personne dans un mouvement de mimétisme. D'autres s'endorment sur leur chaise… Messmer prévient les spectateurs de la salle que « ces volontaires » sont tout à fait conscients et qu'ils entendent ce qui se passe autour d'eux. Ils ne peuvent simplement plus bouger. « Dans cette hallucination visuelle et auditive, leurs corps va bouger à l'aide d'un rêve. »

Messmer prend le contrôle des « hypnotisés » et leur demande de prendre place dans leur lit, de replacer leur oreiller et de remonter leur couette. Ce qu'exécutent réellement les « sujets ».

« Le temps n'existe plus dans le subconscient. » Les personnes sont alors invitées à revenir à une forme embryonnaire, de reprendre place dans le ventre de leur mère, en position fœtale.

« Maintenant, vous tirez sur votre cordon ombilical et vous faites un lasso avec, comme dans un western ! Vous sentez alors une contraction et vous vous faites le plus mince possible. Vous plongez maintenant du ventre de votre mère et pleurez. Vous tétez le sein de maman. » Le caméraman film les différentes « transformations » et on voit précisément les gens pleurer et téter.

Dans une logique de progression, le nouveau-né grandit par étapes jusqu'à ses 1 an.

« Vous avez maintenant 6 mois et vous touchez vos dents avec vos doigts, vous gazouillez. Vous avez 9 mois et vous vous asseyez. Maintenant, vous vous déplacez à quatre pattes. Vous dites votre premier mot à maman. C'est vos 1 an, le jour de votre anniversaire ; vous soufflez votre bougie et dansez pour fêter l'occasion. Il est l'heure de se coucher. Des éclairs et un orage retentissent ; vous avez peur. Vous retrouvez vos amis et vous vous collez à eux. Maintenant, au compte de 3 vous vous réveillerez. Réveillez-vous maintenant ! »

Messmer demande alors aux personnes de s'asseoir. Celles-ci sont encore sous l'emprise de l'hypnotiseur, dans le monde du subconscient.

La préhistoire

« Restez droits dans vos chaises et fermez les yeux. 1, 2, 3, Vous dormez maintenant ! Vous êtes dans un monde de rêve. Bougez dans votre chaise et ressentez le monde autour de vous. »

« En 1966, La série Star Trek mettait en scène des effets de transportations. Le niveau somnambulique dans lequel se trouvent mes sujets d'un soir est une distorsion entre le rêve et la réalité. Ils peuvent donc vivre n'importe quelle situation et se retrouver, par exemple, en pleine ère préhistorique ! »

Les gens sur scène commencent à scruter les spectateurs dans la salle. Ils les touchent, étudient leur comportement, cherchent des mouches dans leur cheveux. Messmer les avertit de l'arrivée d'un mammouth et le groupe remonte immédiatement sur scène en criant. Les « sujets » piétinent ensuite le mastodonte et dansent autour de lui. Ils font ensuite un vêtement avec la peau de l'animal et se pavanent devant la salle comme pour un défilé de mode, collection automne-hiver…

Messmer ordonne un arrêt dans le temps et tout le monde s'immobilise. Il fait jouer le rôle de Monsieur et Madame Cro-Magnon à deux hommes en leur demandant de « repeupler » leur tribu et de consommer leur amour devant tout le monde ! Une situation comique et cocasse qui se termine par les contractions et l'accouchement de madame. L'enfant est de couleur noir. « Vous êtes cocu ! » demande Messmer. « Qui a pu faire ça ? », l'autre tribu bien sûr ! (en éclairant la salle).

Messmer compte alors jusqu'à trois et réveille le groupe. Les souvenirs du subconscient remontent jusqu'au conscient. Les gens hypnotisés se souviennent alors très bien de l'expérience et de tous les détails !

Le casque électromagnétique

Un « sujet » se place sous un pseudo casque électromagnétique ayant appartenu à Einstein. Il se nomme et dit où il habite. Messmer lui demande de dormir et, sous l'effet du prétendu casque, il accélère le phénomène pour connecter son cerveau au sien. Par un bel effet de lumières et de sons, la machine disjoncte et le patient a l'air cuit.

« Marchez vers moi et dites-moi votre nom et ou vous habitez. » L'homme invente un prénom et un nom qui ne sont pas les siens : Franck Einstein et dit habiter Clermont-Ferrand au lieu de Dijon. « Vous êtes venu avec votre femme ? » Réponse affirmative de l'homme qui se contredit avec elle sur son identité. « Au compte de trois vous vous réveillerez et serez fier de vous comme le public ».

French cancan

Pour finir la première partie en beauté, Messmer hypnotise à nouveau son groupe et les « téléporte » en 1913 à Paris au Moulin Rouge pour une séance de cancan. Tout le monde danse frénétiquement sur scène. Avant de faire regagner leur place dans le public, Messmer ancre dans le subconscient des « sujets » de danser à chaque fois qu'ils entendront la musique du cancan au cours de la soirée. A peine revenu dans la salle, la musique joue et ces personnes dansent au milieu des spectateurs ! La musique s'arrête, c'est l'entracte.

Réceptivité

Début de la 2ème partie du spectacle.

« Il y a différents niveaux de réceptivité. L'énergie varie selon les sujets et il faut trouver le bon cobaye. Il y a quatre niveaux de conscience : le BETA qui est l'intellect, l'ALPHA qui correspond au subconscient et au somnambulique, le THETA qui correspond au sommeil profond et le DELTA qui correspond au sommeil très très profond. »

Messmer parle de ses premières expériences d'hypnose quand il avait 16 ans, quand tout à coup retentit la musique du french cancan : les gens dansent sans se poser de questions.

L'hypnotiseur va maintenant choisir un dernier groupe de personnes en réalisant un nouveau teste de réceptivité dans la salle. Il demande à tout le monde de croiser les mains et de déplier les index. « Petit à petit vous sentez que vos index se collent entre eux, vous ne pouvez plus les décoller. Maintenant vous dormez et vous levez votre bras droit. Vous vous levez et restez debout en équilibre. »

Messmer se balade dans la salle et va choisir ses derniers « sujets ». Il ancre le mot rhododendron dans le subconscient de quelques personnes sur scène et leur ordonne de crier quand ils entendront ce mot.

Messmer ordonne à une personne d'aller aux toilettes, ce qui provoque un gag.

Phobie

Messmer endort ses « sujets » sur scène (dans la salle quelques personnes dorment également !) « Bougez, prenez contact avec vos voisins. »

Il se produit alors un incident imprévu dans la salle. Une femme est prise de panique. Messmer court vers elle, débranche son micro et la rassure.

« Les gens se créent des peurs tout seul. Certains ont même des phobies… Je vous présente mon rat domestiqué ! »

L'hypnotiseur choisit la personne ayant peur des rats, la met sous hypnose et lui retire sa phobie pour un moment. Messmer fait passer le rat pour un écureuil et la spectatrice va jusqu'à le caresser et lui faire un bisou ! Une fois réveillée, la femme se souvient de tout, horrifiée.

« Vous voyez que l'on peut libérer certaines phobies par l'hypnose, l'hypnothérapie, la sophrologie ou la PNL. »

Messmer prononce alors le mot rhododendron et le groupe de gens se met à crier.

Comme au Cinéma

Après une introduction vidéo sur les débuts du cinéma et de l'illusion que ce nouveau média provoqua (L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat, Méliès, Chaplin), Messmer décrit le cinématographe comme un art de masse qui a façonné durablement la façon de voir les choses et qui est intimement liéà l'hypnose. C'est le seul média qui arrive à entrer aussi bien dans l'inconscient collectif.

C'est parti pour une expérience de cinéma « mimé». Bienvenue dans les films dont vous êtes le héros !

On commence par Top Gun. Les « sujets » prennent place à bord du jet, vérifient le tableau de bord, mettent leurs casques, attachent leurs ceintures, mettent le moteur et décollent (l'écran du fond diffusant des extraits du film). Le metteur en scène Messmer « commande » une attaque ; l'avion est touché et s'écrase au sol. Sur terre c'est la guerre, il y a un jeune homme blessé qui a perdu sa jambe ! Il faut lui faire du bouche à bouche (Messmer arrête la scène avant qu'elle ne dégénère). « 1, 2, 3 réveillez-vous ! Mesdames et messieurs, ils ont vécu Top Gun. »

Messmer demande à l'homme qui s'est fait amputer dans le film de se lever et celui-ci boite. Il a l'impression d'avoir une jambe plus courte que l'autre après sa greffe ! L'hypnotiseur contrôle maintenant sa jambe à distance et la fait bouger dans tous les sens.

Dans Top Gun, les deux personnages principaux s'appellent Iceman et Maverick. Ils sont amoureux de la même femme. Et bien ce soir, ils vont s'aimer sur scène en dansant ensemble un slow. « A chaque fois que cette musique jouera, vous danserez ». Les deux hommes restent coincés sur scène collés entre eux, les mains sur les fesses, puis se « réveillent ».

Messmer prononce alors le mot rhododendron pour la troisième fois et le groupe de gens se met à crier.

Deuxième séance avec un film de James Bond. Cette fois ci c'est Messmer qui mime la prise d'un pistolet pour endormir un à un les « sujets »à distance. Il confie ensuite l'arme invisible à un « cobaye » qui le place dans sa bouche ! Les gens sont prêts à faire n'importe quoi sous l'emprise de quelqu'un…

Troisième séance avec le film E.T.« Vous avez un long doigt et un long cou, les joues gonflées. Vous prenez contact avec Elliot. Vous êtes maintenant dans la peau d'Elliot et vous faites du vélo, vous pédalez et vous vous envolez dans le ciel. C'est la fin du film, vous faites vos adieux à E.T (« les sujets » pleurs). Au compte de trois vous vous réveillerez. Vous vous souvenez de tout et vous pouvez êtes fiers de vous car nous, nous sommes fiers de vous ! »

Quatrième séance avec le film Rocky. Messmer prend un « sujet » qu'il va « transformer » en boxeur mythique. « Nous sommes en 1976, vous êtes Rocky Balboa, vous faites de la corde à sauter, vous faites des pompes. C'est l'heure du grand match. » Messmer joue le rôle de l'arbitre et le caméraman joue le rôle de l'adversaire Apollo Creed dans un jeu de caméra subjective avec la salle. « Le sujet » se bat dans le vent face à la caméra. C'est un échange de coups et de K.O à distance. Les autres « sujets » fêtent leur nouveau héros en le portant.

Une fois « réveillé», le héros d'un soir explique les sensations qu'il a vécu, légères comme dans un rêve. Pour finir, Messmer le fait parler en japonais.

Music collection

Messmer propose aux spectateurs dans la salle une dernière expérience, sans quitter leur siège. « Les meilleurs sujets en hypnose sont ceux qui se laissent aller, qui s'abandonnent, qui ne réfléchissent plus. Fermez les yeux, abandonnez-vous, dormez maintenant ! Au compte de trois vous danserez le twist puis le rock psychédélique de Woodstock., On continue avec le disco des Y.M.C.A pour finir par du hard rock avec Métallica. Maintenant vous vous réveillez ! »

La musique de Top Gun retentit et les deux « sujets » se lèvent de leur siège pour se rejoindre et danser ensemble. Iceman et Maverick se sont retrouvés.

Conclusion

2H30 de show et pas un seul temps mort dans ce spectacle extrêmement bien rôdé. Messmer est sûr de lui, maître de la situation en toutes circonstances. Il est véritablement un maître dans son domaine. Il s'exprime clairement et ne laisse aucune place à l'improvisation. Son discours est direct et percutant. Chaque mot participe à la mise en condition des spectateurs. Un système efficace qui laisse une trace indélébile dans la mémoire des gens.

Intelligemment construit, Intemporel parle au plus grand nombre dans une forme de « propagande » de spectacle où le « sujet » n'est jamais ridiculisé par l'hypnotiseur, mais mis en valeur : « un spectacle dont vous êtes le héros ». Messmer est respectueux des gens qui montent sur scène. Il ne les met pas en danger et conserve une certaine éthique. Il garde constamment le contrôle et surveille ses « volontaires » d'un soir. Même si on sourit et on rigole énormément, ce n'est pas pour se moquer des gens, mais bien parce que les situations sont cocasses et jamais vulgaires.

L'hypnose de spectacle fonctionne grâce à une combinaison de facteurs psychologiques, à la sélection des participants grâce à des tests de réceptivité, à la fixation de l'attention, à la suggestibilité, à l'ancrage, à la scénographie, mais aussi à l'aide de compères occasionnels. Nous avons légitimement des doutes sur certaines interventions de personnes qui, pour renforcer la ligne dramatique du spectacle, exagèrent leurs comportements. Les compères sont nécessaires à un spectacle d'hypnose, ces « entraineurs » amplifient judicieusement certains effets et conditionnent le public pour donner du rythme. Il faut simplement savoir les utiliser avec parcimonie et intelligence. Dans le cas de Messmer, seul quelques personnes suffisent...

Messmer arrive à« fasciner » un spectateur, entre autres, grâce au désir de celui-ci d'être le centre d'attention. La grande force du spectacle est d'être une expérience collective et non une démonstration d'un certain savoir-faire. Messmer utilise finement les différentes « ressources » des participants, leur capacitéà se transcender sur scène, à oublier leur peur, leur inhibition pour servir au reste du public un moment drôle et cocasse. Un spectacle à voir absolument.

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

HOMMAGES AUX ESCAMOTEURS 6

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Extrait de Mes perruques, coups de peigne politiques. Mes perruques à marteau (Savin, 1832).

Des éclats de rire fixèrent hier mon attention en traversant la place du Carousel. Curieux de mon naturel, je m'approchais du cercle joyeux et j'y vis un homme à gros favoris, haut toupet, petits yeux, joues pendantes, teint basané, c'était un escamoteur. Il était au milieu du cercle. Il cherchait par ses promesses à retenir ses dupes, tandis que ses compères exploitaient à leur aise les poches du pauvre peuple.

Mes chers camarades, mes très chers camarades, disait-il, encore un peu de patience et je vous ferai voir ce que je vous ai promis. Je ne suis plus ici sur la place de l'Hôtel-de-Ville, où il faut promettre plus qu'on ne peut tenir, pour obtenir des suffrages. Ici, grâce à la liberté conquise en 1850, je rogne, je taille, je bâtis, je démolis, sans qu'il m'en coûte rien. Au contraire, je fais argent de tout. En un mot, je suis presque roi.

Cela est si vrai que j'ai : liste civile, budget et fonds secrets, représentés par ces trois pelotes. J'en mets une sous chacun de ces trois gobelets. Je prends ensuite la première que j'envoie en Amérique. La seconde, je l'avale. La troisième, invisible. Je lève maintenant les trois gobelets et il n'y a plus rien dessous, dessus, ni dedans.

Voici maintenant un foulard dans lequel vous voyez tous qu'il n'y a rien, absolument rien. Eh bien ! Moi, je prétends en tirer quelque chose. J'y fais donc un noeud coulant et je le présente à madame. Serrez ce noeud, madame. Encore. Là, très bien. Voyez, mes chers camarades. Voici un testament en règle qui vaut des millions.

Nous allons passer à quelque chose de plus difficile. Arrive ici, Paltoquet. Remarquez, mes chers camarades, que ce nain n'a que le tiers de la taille ordinaire. II est très laid, mais doué d'une agilité surprenante. Quoique sans plumes ni ailes, il vole avec beaucoup d'adresse. Comme je ne puis exécuter ce dernier tour sans lui, il vous prie de mettre la main à la poche, il reçoit jusqu'à six cent mille francs, ce sont ses petits profits.

(S'adressant à une dame de la société)

Avec l'aide de Paltoquet, je vais escamoter Madame. C'est uniquement pour obtenir la majorité... des suffrages de ceux qui m'entourent. Ainsi Madame n'a aucun danger à courir. Je prends donc Madame, mes chers camarades, vous voyez tous que je la prends. Je la tiens un moment et je l'envoie près de Bordeaux. Cherchez maintenant, vous ne la trouverez plus.

Allons ! Messieurs et Dames, du courage, la main à la poche, avant que nous partions. Bien, très bien ! Merci. Puisqu'il n'y a plus rien à ramasser, c'est Messieurs et Dames, pour avoir l'honneur de vous saluer.

DE LINSKY

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Continuant à passer la revue des prestidigitateurs qui se firent une réputation vers la fin du siècle dernier, nous présentons, aujourd'hui, le portrait du magicien de Linsky (Chrétien Jean-Baptiste).

Néà Miller, en Amérique, d'une noble famille polonaise qui le destinait à la carrière diplomatique, de Linsky reçut, dans ce but, une éducation très soignée. Mais les goûts du jeune homme, qui ne rêvait que cirques et théâtres, contrarièrent les projets de ses parents.

Dès l'âge de la majorité, il abandonna le foyer paternel, pour suivre des troupes nomades qui l'initièrent aux secrets de différentes attractions, parmi lesquelles il préféra la jonglerie et la prestidigitation ; mais c'est surtout dans l'exercice de notre art qu'il se fit connaître et réalisa une honorable fortune.

Polyglotte consommé, sa connaissance très étendue des langues lui permit de parcourir le monde en se faisant entendre de tous les auditeurs. En Amérique, il se rencontra avec plusieurs émules de Barnum, qui l'engagèrent successivement ; puis il voyagea a son compte et se trouva fréquemment en concurrence avec des confrères de valeur. C'était, dans le nord, Carl Herrmann, au talent duquel il se plaisait à rendre hommage ; dans le sud, Julio Bosco.

Au Brésil, de Linsky épousa une jeune femme qu'il initia à la magie et qui le secondait dans ses séances. Parvenu à la fortune, il vint en France pour y goûter paisiblement le fruit de ses travaux, et se fixa à Charenton, près de Paris. Etant alors à l'abri du besoin, il continua cependant à donner des séances particulières qui étaient fort goûtées.

En 1881, il fit un court stage sur la scène du théâtre Robert-Houdin, et c'est à ce titre que son nom figure sur les cartouches qui décorent la salle. Ceux qui le connurent ont, particulièrement, gardé le souvenir de son matériel, qui était d'une grande richesse. La plupart de ses appareils, dont il tirait vanité, étaient d'argent massif ; il s'en montrait fort jaloux, et, afin qu'ils ne viennent pas, après sa mort, entre les mains de ses confrères, il les vendit à des orfèvres pour être mis à la fonte. Regrettons la disparition de ces reliques somptueuses, parmi lesquelles figuraient : « le vase au café chaud », « les boîtes aux graines », « le verre à la quille en argent » (celui que nous fabriquons maintenant en verre bleu), « la boule au mouchoir », etc., appareils un peu désuets aujourd'hui, souvent dédaignés par les artistes, mais que le public accueille cependant avec plaisir lorsqu'il les revoit entre des mains expertes comme celles de Chung Ling Soo, pour ne citer qu'un exemple.

De Linsky mourut subitement à Charenton, dans son domicile, rue des Carrières, le 16 février 1882, à l'âge de 55 ans. Il était allé donner une séance en province pour le compte du théâtre Robert-Houdin. Rentré de voyage le 15 au soir, il trépassa le lendemain matin. M. Emile Robert-Houdin, alors directeur du théâtre, recevait, en même temps que cette triste nouvelle, une lettre toute pleine d'éloges sur la séance de la veille. On pourrait donc dire de cet artiste qu'il fut applaudi même exprès sa mort.

J. C.

Notes de Didier Morax

De Linsky ou de Linski, il semble qu'il y a eu deux magiciens avec ce nom. Je pensais que ce pouvait être le père puis le fils mais à priori ce n'est pas le cas... sauf si de Linsky a raconté des bobards àCaroly ?

Extrait du Ménestrel : journal de musique (dimanche, 1er février 1852)

On aurait pu croire que Robert-Houdin, Philippe, Lacaze et Bosco avaient épuisé l'intérêt qui s'attache aux séances de prestidigitation, mais il n'en est rien ; car la foule qui se porte aux soirées caméléoniennes de M. de Linski, salle du Bazar-Bonne-Nouvelle, nous prouve que le public n'est pas encore blasé sur les enchantements de la magie blanche. Les séances de M. de Linski obtiennent un véritable succès parmi les familles qui veulent faire diversion à la musique. Si ce sorcier pouvait lions escamoter quelques concerts cet hiver, nous le bénirions.

Un nouveau prodige de linski (Extrait du journal du Loiret, Orléans, le 13 mai 1852)

Avant-hier, la jolie salle des Soirées caméléoniennes était comble, et aux places d'élite on voyait étaler, avec le laisser-aller de gens qui savent être chez eux partout, une société que nous apprîmes plus tard être une famille princière de Russie. Plusieurs exercices avaient déjà provoqué les applaudissements des spectateurs, et le chef de la famille, dont le nom se termine ordinairement en im ou en of, n'avait pas dédaigné de se prêter au jeu de l'aimable magicien, en donnant mouchoirs, montres, bagues, monnaie d'or et d'argent. Par un hasard malheureux et bien rare, car M. de Linski est renommé pour ses façons polies et même galantes, dans une distribution de bouquets qui avait eu lieu, la princesse avait été oubliée ; on lui en fit un sanglant reproche au moment où il rapportait au prince une montre magnifique, enrichie d'un double cercle de diamants. M. de Linski parut tout d'abord accablé sous le poids de sa confusion ; mais bientôt reprenant son assurance de sorcier : —« Madame », dit-il, « j'ai à cœur de réparer ma faute, et votre désir sera pour moi un ordre. Vous plairait-il que celle montre se changeât en rosier, et qu'il vous donnât autant de fleurs que je vois là de brillants dans ce double cercle ? »« Oui ! oui ! » s'exclama la jeune femme en battant des mains ; « un rosier blanc ! »« Daignez donc agréer, Madame…» Et déjà il tenait à la main une rose blanche magnifique. —« Mais ce n'est pas tout », reprit la princesse, « autant de brillants, autant de roses, avez-dit ?... »« Ouvrez votre cachemire, Madame. » Et une véritable pluie de boulons de roses s'échappa du sein de la boyarde, aux applaudissements enthousiastes de la salle entière.

Et la montre ? Pendant ce temps elle avait été réintégrée, et à son insu, dans la poche du gilet du prince !

On nous annonce que le lendemain on apportait à M. de Linski un coffret en bois précieux, il contenait la rose merveilleuse de la veille, entourée du double cercle des brillants détachés de la montre, et à cet envoi était jointe une lettre autographe du prince Souvaroode, car c'était lui, qui adressait à M. de Linski les plus pressantes instances pour se laisser emmener en Russie. Pourvu qu'il résiste !

Documents : Collection Didier Morax et Akyna. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

LA MAGIE DES PHILOSOPHES ?

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La philosophie, cette matière qui a fait gémir plus d'un élève, serait-elle d'une quelconque utilité en magie ? J'ose prétendre que oui, car tel Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, le magicien fait de la philo sans le vouloir.

Une partie de la philosophie d'Aristote, puis des scolastiques, traite de la connaissance. En particulier, elle affirme que nous connaissons d'abord par l'intermédiaire de nos sens. Et que ces différents sens, s'ils ne sont pas malades, ne nous trompent pas.

Et là les magiciens de s'esclaffer : nous autres savons bien qu'il n'en est pas ainsi, toutes nos illusions prouvent le contraire !

Mais le philosophe continue : nos sens ne nous trompent pas s'ils sont utilisés conformément à ce pour quoi ils sont fait (à leur finalité) ! Ainsi l'ouie, utilisée pour entendre un son ne nous trompera pas, la vue utilisée pour connaître la lumière ou l'absence de lumière ne nous fera pas défaut, le goût utilisé pour connaître le salé ou le sucré, l'amer ou l'acide, ne nous trompera pas non plus.

Pourtant, réplique le magicien, la simple expérience de plonger un bâton dans l'eau le fait apparaître brisé alors qu'il reste droit !

Parce que vous utilisez la vue pour connaître une forme, ce qui n'est pas sa fonction, répond le philosophe. Si vous utilisez le sens du toucher, celui-ci vous montrera avec certitude que le bâton n'est pas cassé car c'est le toucher qui est adaptéà reconnaître les formes !

Et c'est là que réside une partie de notre art ami magicien, faire en sorte que nos spectateurs utilisent un sens non adéquat pour juger d'une situation.

Lorsque vous faites sonner des pièces pour faire croire qu'elles sont plusieurs dans votre main, vous invitez votre public à utiliser l'ouie pour tirer des conclusions qui ne sont pas de son ressort, de même lorsque vous faites conclure à la disparition d'une forme par l'utilisation de la vue. Vous appliquez ces principes sans les connaître. Peut être que, les connaissant, ces derniers vous aideront à progresser dans la création d'illusions.

LA PIETRA E IL BAMBINO / TEATRO GIOCO VITA

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D'après le conte de Guia Risari, La Pierre et l'enfant. Mise en scène et décors : Fabrizio Montecchi. Dessins et silhouettes : Nicoletta Garioni. Musiques : Michele Fedrigotti. Avec : Domenico Sannino et Giorgia Cipolla.

La Minoterie

La Pietra e il bambino est présenté dans le cadre de la 14ème édition du festival jeune public A Pas Contés, organisé par l'ABC (Association Bourguignonne Culturelle). Cette année, une dizaine de spectacles sont accueillis par la Minoterie.

La Minoterie, ouvert en décembre 2013, est un nouveau lieu culturel de Dijon, dédiéà la création jeune public et à l'éducation artistique. Un endroit atypique qui a poussé dans une ancienne halle militaire réhabilité pour l'occasion, au cœur du futur quartier écologique de l'Arsenal. Son directeur Christian Duchange (Cie l'Artifice), veut en faire un terrain de jeu ludique et politique, un lieu d'accueil et d'accompagnement. Faire se rencontrer des artistes, des compagnies au travail, des publics, petits et grands, ainsi que des professionnels de l'enfance, de la jeunesse et de l'éducation.

Le spectacle

Après avoir raconté tant d'histoires venant du vaste répertoire des livres illustrés pour enfants le Teatro Gioco Vita(1) a voulu, avec cette nouvelle production, attribuer un texte original à une jeune, mais déjà affirmée écrivaine italienne : Guia Risari (2). Par ce choix, le Teatro Gioco Vita désire stimuler de nouvelles formes d'écriture et de dramaturgie pour les plus petits et promouvoir un rapport différent entre écrivains, éditeurs et théâtre pour enfants.

Sur scène se trouve une structure en bois sur laquelle sont disposées des pierres de différentes tailles. L'atmosphère est travaillée dans les tons bleu-gris, tout comme les costumes des deux comédiens-marionnettistes qui déambulent sur le plateau.

Apparait une grosse pierre sur laquelle sont frottées d'autres pierres plus petites, ce qui émet des sons très particuliers qui se transforment en musique.

Les comédiens prennent la parole : « Toutes les pierres ont une histoire que personne ne connait vraiment. Nous en connaissons une, racontée par une maman : c'est l'histoire d'une grande pierre comme une gardienne silencieuse…»

Un voile descend des cintres et est tendu au milieu de la scène pour projeter un théâtre d'ombres avec l'apparition de différents animaux qui s'approchent de la pierre. Dans de magnifiques effets de fondu enchaîné, la pierre écoute un ours, un lièvre puis un drôle d'hérisson qui joue à 1, 2, 3 soleil.

La pierre ne parle pas mais vibre et émet des sons au contact des animaux. Elle demande à ceux-ci s'ils connaissent des êtres humains. Les animaux donnent leur point de vue sur la nature humaine : « Les hommes sont un mystère de la nature, ils possèdent une tête sans museau, deux pattes en l'air et deux pattes en bas…»

« Comment était-il l'homme ? » L'écran projette alors des dessins originaux d'une pierre qui se métamorphose doucement en un être humain dans un beau rapport entre l'organique et le minéral.

Un renard arrive vers la pierre et lui dit qu'il a rencontré un homme en miniature, petit et triste et qu'il avait besoin de chaleur. « Mais pour ton bien, prend garde aux hommes ! »

L'enfant arrive alors vers la pierre qui lui demande ce qu'il lui est arrivé, mais celui-ci ne lui répond pas. Elle concentre toute sa chaleur dans sa voix et l'appelle une nouvelle fois : « Reste avec moi et dort mon petit…»

Tout à coup, l'écran de projection bouge comme une voile secouée par la tempête. Des images des guerres sont projetées signifiant le cauchemar de cet enfant ayant vécu des atrocités qui sont restées gravées dans sa mémoire. Les animaux défilent ensuite vers la pierre et demandent à celle-ci de prendre bien soin de l'enfant apeuré. La pierre lui fait cadeau d'un chant du « centre de la terre », et entame une transformation progressive. Elle se modèle petit à petit en perdant sa carapace minérale et prend les traits d'une figure humaine en incarnant une mère avec son enfant. « Tu es comme ma maman » lui dit l'enfant.

L'écran se stabilise et projette des dessins d'enfants représentant une maison ensoleillée avec des animaux et une famille. « Chaque jour donne quelque chose de beau. » La mère embrasse et caresse l'enfant en lui racontant l'histoire d'une grande pierre marron. Les deux silhouettes disparaissent dans le paysage et le rideau se baisse.

Le chant de la terre

La Pietra e il bambino se veut être un chant à la vie et au mystère de la nature tout en utilisant un langage théâtral qui fonde les ombres et les acteurs. Une invitation à ne pas oublier que tout ce qui nous entoure est vivant et que l'amour peut faire naitre des choses extraordinaires. Une invitation à s'abandonner, avec confiance, à la dimension sensorielle et affective, à se laisser transporter dans le merveilleux monde qu'est le nôtre, un univers où le deus ex-machina ou les actions magiques n'existent pas mais où tout est intimement envahi par la force de la sympathie qui pousse les êtres humains à se rencontrer et à s'entraider.

Dans l'imagination d'un enfant seul et abandonné, une pierre peut même se transformer en une maman importante et consolatrice. Cette rencontre représente symboliquement, dans l'imagination du public, le lien éternel entre l'humanité et la terre. Dans La Pietra e il bambino, les protagonistes sont aussi un grand nombre d'animaux, le plaisir du jeu, les ravages de la guerre et la force du chant. Les pleurs aussi. Ils transforment le minéral en une femme, en une maman, en une narratrice qui guérit la tristesse de l'enfant grâce à la force de ses histoires. Alors, sur la colline, l'enfant échappé de à la guerre et la femme aux cheveux de pierre, inaugurent un nouveau monde de bonheur. Au final un spectacle d'une belle sensibilité empreint d'une gravité certaine.

Notes :

- (1) Le Teatro Gioco Vita est né en 1971 et a su, grâce à l'animation, donner une contribution originale à la naissance du théâtre pour le jeune public ; sa façon de faire, de comprendre et de vivre le théâtre, les relations, la recherche et la culture l'ont marqué dès ses premières expériences. Le Teatro Gioco Vita se lance dans le théâtre d'ombre à la fin des années soixante-dix. Sa cohérence, sa conscience professionnelle et sa contribution avec des collaborateurs externes lui ont permis de faire des expériences uniques en leur genre et lui ont valu de nombreuses reconnaissances et de précieuses collaborations avec des théâtres établis et des organismes lyriques dans le monde entier comme par exemple : le Teatro La Fenice de Venise, le Royal Opera House Covent Garden de Londres, le Teatro alla Scala de Milan, l'Arena de Vérone, l'Ater, l'Ert, le Teatro dell'Opera de Rome, le Teatro Regio de Turin et le Piccolo Teatro de Milan.

Le Teatro Gioco Vita est aujourd'hui reconnu par le Ministère des Biens et des Activités Culturelles et par la Région Emilie Romagne en tant que Théâtre établis d'Innovation. Sous la direction artistique de Diego Maj, il compte différentes activités. La Compagnie dans laquelle Fabrizio Montecchi est le responsable artistique, est engagée non seulement dans la production de spectacles, mais aussi dans des créations d'ateliers pour les écoles et pour les jeunes. Deux ateliers, l'Officina delle Ombre et le San Bartolomeo, sont les lieux de productions et de recherche du Teatro Gioco Vita. Les théâtres à Piacenza (le Teatro Comunale Filodrammatici, le Teatro Municipale, le Teatro San Matteo et l'espace théâtral dans l'Ancienne Eglise des Jésuites), sont une grande maison dans laquelle on retrouve la réalisation de festivals de théâtre, l'accueil, les échanges culturels, la projection des parcours artistiques et culturels pour la compagnie et le travail sur le territoire. Le Teatro Gioco Vita a donné ses représentations théâtrales d'ombres, en Europe, aux Etats Unis, au Brésil, au Mexique, au Canada, au Japon, en Chine, en Israël et à Taïwan.

- (2) Ecrivaine, traductrice et essayiste, Guia Risari a étudié la Philosophie Morale à l'Université de Milan, après avoir obtenu un M.A. en Modern Jewish Studiesà Leeds, elle a vécu dix ans en France. Elle a publié deux essais - The Document Within the Walls et Jean Améry, Il risentimento come morale - et traduit des romans et des livres pour enfants. Elle est l'auteur d'articles, de récits, de poésies, de textes surréalistes et de livres pour enfants, parmi lesquels Pane e Oro, La macchina di Celestino, Il pesce spada e la serratura, L'alfabeto dimezzato, Achille il puntino, Il Cavaliere che pestò la coda al drago, Gli occhiali fantastici, La coda canterina, La Terre respire, Le Chat-âme, L'Etrange Histoire du Petit Chaperon Bleu. Elle participe à des Ateliers d'écriture, de lectures et des cours de formation.

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ETIENNE SAGLIO

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Temps de lecture : 10 min

Étienne Saglio, malgré son jeune âge, est un des représentants les plus prometteurs de ce nouveau courant artistique qui s'identifie sous le vocable de magie nouvelle. Sa compagnie, Monstre(s), est implantée à Rennes.

D'où vient ce goût du jonglage que vous développez dans votre pratique du cirque ?

Ce goût est étroitement liéà l'absence de télévision. Dans mon enfance, nous n'avions pas la télévision à la maison car mes parents y étaient hostiles. Nous nous ennuyions beaucoup avec mes frères et soeurs mais cela nous a permis à tous de développer une passion, quelque chose d'assez fort pour occuper le temps. Je me souviens du jour précis où j'ai commencéà jongler. Toute ma classe devait se rendre à Paris pour assister à un enregistrement de Des chiffres et des lettres. Mes parents trouvaient un peu stupide d'emmener des élèves à la capitale pour une émission et je suis donc resté chez moi toute la journée. Mon père faisait du tennis et je me suis mis à jongler avec ses balles. J'ai ensuite jonglé quotidiennement, énormément, au moins une heure chaque jour, jusqu'à mon bac. Je n'ai pas du tout pratiqué en amateur puisque je suis entré en formation professionnelle de cirque à Châtellerault puis au Lido, centre des arts du cirque de Toulouse, avant d'intégrer le Centre national des arts du cirque de Châlons.

Comment le cirque s'enrichit-il de la magie ?

L'image du cirque est pour moi profondément liée à un personnage du roman Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez : un forain qui débarque dans un village et montre des choses très étranges. C'est cela qui m'intéresse. Le cirque est un lieu de décollage, une piste d'envol vers l'extra-ordinaire. Les limites de notre réalité s'estompent pendant quelques instants et cela donne un sentiment puissant et indéfini que je qualifierais de magique. Le cirque est une tentative d'aller vers l'impossible. On s'en approche en défiant les lois de la gravité en jonglant à sept balles. La magie intervient là où le cirque s'arrête en permettant d'aller encore plus loin. Elle brouille encore plus les frontières entre le possible et l'impossible. Pour que ce soit savoureux, il faut que la magie prenne imperceptiblement le relais. Dans Le soir des monstres, je jongle à trois balles, puis à quatre, à cinq... C'est très hypnotique. Arrive un moment où le spectateur ne sait plus si cela relève du réel ou de la magie. La magie permet d'apporter de l'abstrait dans le cirque qui est un moment très concret, dans le présent.

Le propre de la magie est de rester dans le réel puisqu'elle part de là– en direct, devant les yeux du spectateur – tout en s'en éloignant. Elle permet de rejoindre notre esprit, ce que nous rêvons de faire partager au public. Quand je jongle et fais une figure, je vis par moment une suspension : j'essaie, par un beau lancer, de faire en sorte que tout le monde se sente en suspension. J'ai envie que tout s'arrête au moment où ma balle est en haut de sa courbe : avec la magie, il est possible de rallonger un peu ce moment et le faire vivre de manière encore plus intense. Cela me permet aussi, en tant qu'artiste, d'accéder à des images qui me hantent depuis longtemps.

Vous appartenez au courant de la magie nouvelle théorisé par Raphaël Navarro. Quel rapport entretenez-vous à la magie ou au cirque traditionnels ?

Je fais d'abord du cirque et non du cirque contemporain, de la magie et pas de la magie nouvelle même si l'étiquette me convient puisqu'elle permet de faire avancer. J'ai un grand respect pour la technique et les magiciens traditionnels. Dans ce que nous proposons en magie nouvelle, nous faisons en sorte que les trucages soient très forts, que les magiciens qui viennent nous voir soient impressionnés. Je suis ravi que quelqu'un comme Bebel le magicien aime nos spectacles. À la sortie de l'école, j'avais des propositions des scènes contemporaines mais aussi du cirque du Soleil ou du cirque Gruss : c'est important pour moi. Je ne suis pas magicien à l'origine et ne connais pas bien ce milieu.

Le soir des monstres.

En créant Le soir des monstres, je n'avais pas envie que les gens viennent me demander comment cela fonctionne. Je suis d'ailleurs mauvais menteur. La magie repose en partie sur une défiance puisque le spectateur cherche à la démasquer, à la comprendre. Je n'avais pas envie de ce jeu-là. De ce fait, j'ai essayé de travailler avec la complicité du public et de l'engager dans ce qu'il voit en l'invitant à compléter l'image. C'est un peu ce qui se passe face à une marionnette. Pour entrer dans l'image et ressentir le beau sentiment d'une marionnette qui vit toute seule, le spectateur doit faire abstraction des fils et des manipulateurs.

On ne peut apprécier un numéro de trapèze sans oublier les longes et les sécurités. Je propose donc des images qui ne sont pas finies pour que le spectateur les construise lui-même et qu'il lui soit plus difficile d'être tenté de la déconstruire pour trouver le trucage. Je n'ai jamais cherchéà cacher, par exemple, que les balles sont des boules de ferraille avec des ailes. Je pense que je pourrais faire croire que ce sont de vrais oiseaux en mettant des plumes mais ne le souhaite pas. De la même manière, certains me reprochent d'être cruel avec le pauvre petit serpent qui est un peu la vedette du spectacle : je leur explique que ce n'est rien d'autre qu'une gaine de VMC qui sert à aérer les sèche-linge. Je questionne les spectateurs sur leur imaginaire en les rendant partie prenante de l'image qu'ils voient. Chacun sait que les balles en ferraille ne sont pas des oiseaux mais personne n'a envie de revenir aux balles en ferraille quand on a imaginé des oiseaux. Plutôt que la lutte soit entre le magicien et le spectateur qui cherche à dévoiler ses trucs, elle est interne chez le spectateur qui oscille entre je veux savoir et je n'ai pas envie de savoir. Expliquer les trucages s'appelle la désillusion et j'ai envie de les préserver de cela. Il est, peut-être, des illusions qu'il est bon de préserver. La touche finale, la plus importante, est apportée par l'esprit humain. Chacun peut s'approprier l'image qui devient un peu la sienne. En Bretagne on me dit voir des mouettes, à Paris ce sont des pigeons.

L'image semble jouer un rôle essentiel dans votre travail. Celle du personnage du Soir des monstres est très forte et apparaît aussi dans vos dessins... Comment naissent ces images ?

L'image du personnage du Soir des monstres est partie du manteau. J'étais à Stockholm, en hiver, il faisait froid, et j'ai vu un grand manteau noir qui dépassait d'une poubelle. Je l'ai revêtu et ce manteau de femme un peu cintré m'a donné une stature que je n'avais pas car j'ai grandi un peu vite et ne me tenais pas forcément droit. Quand je le mets, cela m'oblige à me redresser : je l'ai gardé et suis beaucoup allé sur scène avec lui. Il est devenu alors un moyen d'expression dans le sens où, plutôt que penser à un personnage, j'avais des images en tête dans lesquelles je pouvais intégrer cette silhouette.

Variation pour piano et polystyrène.

Je travaille vraiment en images. Elles me viennent quand je traîne un tout petit peu juste avant de me réveiller : je suis dans un demi sommeil et des images m'arrivent. J'essaie de les garder et de les travailler. Par exemple si je suis dans la voiture et que j'ai quatre heures devant moi, je travaille une image en laissant mon esprit rebondir d'une idée à une autre pour voir ce qui se construit dans ma tête. Je pense qu'un artiste travaille toute sa vie à la quête des images qui l'habitent, qui viennent comme cela, qui sont en nous, de manière intuitive et qui viennent de très loin. Je ne me pose pas la question du sens qui ne m'apparaît pas primordiale. Je ne me dis jamais que je vais réfléchir sur quelque chose. Je pars de moi, de mon intuition, puis mets en forme, analyse, essaie de comprendre pourquoi ces images sont en moi et ce qu'elles me disent de l'être humain. Par exemple, pour la dernière image du Soir des monstres, je siffle un grand coup et une balle arrive en volant jusque dans mes mains. Il y a six mois, je me suis brusquement souvenu que quand j'avais onze-douze ans, il y avait des buses autour de chez moi qui tournaient dans les airs. Dès que j'étais en vélo sur les petits chemins, je passais beaucoup de temps à siffler très fort avec le poing en l'air pour qu'elles viennent se poser sur mon bras. J'avais oublié ces moments et n'y ai pas pensé en créant l'image. Il s'agit de quelque chose qui me travaillait en profondeur. Cette image peut par exemple raconter ma volonté farouche de capturer la beauté pour la montrer. Je pense qu'une image qui me travaille intimement peut toucher tout le monde car nous sommes tous habités par des images fondamentales. L'universel se trouve dans l'intime.

Vous avez été cette année l'invité des Libertés de séjour ? Comment vous êtes-vous emparé de cette commande de la scène nationale de Calais ?

J'ai accepté tout de suite, heureux et flatté de la confiance accordée par Francis Peduzzi. J'ai ensuite réalisé l'ampleur de la tâche : programmer deux semaines entières et trois weekends ! Je connaissais un peu le lieu puisque j'y ai montréle Soir des monstres pendant les Feux d'Hiver 2009. J'ai d'abord regardé, réfléchi seul, puis me suis nourri des échanges avec des artistes complices et l'équipe du Channel.

Mon premier parti pris a été d'inviter des artistes qui appartiennent à une constellation. Il s'agit d'une sorte de famille d'élection : des comédiens, artistes de cirque, musiciens, théoriciens, plasticiens, scientifiques qui partagent les mêmes préoccupations artistiques. Je souhaitais montrer comment nous ne cessons de nous croiser, de nous enrichir mutuellement en nous tirant vers le haut. Raphaël Navarro a été mon professeur et a participéà l'écriture et à la conception magique du Soir des monstres. La compagnie qu'il dirige avec Clément Debailleul présentait Vibrations, version scène et il a donné des conférences sur la magie nouvelle.

Je suis invité comme regard extérieur sur la prochaine création du Boustrophédon qui a montré ses Court-miracles. Madeleine Cazenave fait la musique de Constellations et donne un ciné-concert autour du film d'animation de Suzie Templeton revisitant Pierre et le loup. Nous sommes tous reliés les uns aux autres. Je voulais que les spectateurs perçoivent comment tout cela circule, que l'artiste d'un spectacle peut se retrouver aux lumières d'un autre, qu'un procédé magique peut être repris et amélioré dans un autre spectacle...

Libertés de séjour se définit comme une manifestation artistique, humaine et inattendue. Je ne voulais donc pas inviter les spectateurs à consommer le plus de spectacles possible comme on le fait dans les festivals. Je sature moi-même très vite au bout de deux ou trois spectacles vus consécutivement. J'ai donc réfléchi à des propositions permettant de voir des spectacles mais aussi de devenir de plus en plus curieux. Je suis très attachéà l'idée d'éducation populaire. La curiosité est un muscle qu'il faut travailler. Je regrette, qu'une fois le temps de l'école passé, on prenne trop rarement le temps de se poser pour apprendre quelque chose. Quelqu'un m'a un jour proposé de m'expliquer comment dessiner un visage. Cela ne lui a pris que cinq minutes et cela a pourtant changé ma vie puisque je n'ai plus cessé depuis de dessiner dès que j'ai un moment. De là est venue l'idée de proposer des ateliers pour s'exercer au sténopé, à la chimie, à la marionnette, à l'acrobatie ou aux ombres chinoises. On pouvait par exemple faire un atelier de chant avec Jur puis la voir en concert et échanger ensuite avec elle. Cela modifie aussi le rapport à l'artiste. Cette manifestation permet de s'ouvrir à des propositions plus radicales, de découvrir des spectacles vers lesquels on ne serait pas allés spontanément : on passe par exemple de la soirée des invités qui proposent des numéros de cirque très accessibles àl'Éloge du poil de Jeanne Mordoj. Il s'agissait de lancer des hameçons pour permettre de naviguer entre les propositions.

- Propos recueillis par Jean-Christophe Planche en mai 2012 pour les Cahiers du Channel (scène nationale de Calais).

A lire :
-Le silence du monde, l'installation d'Etienne Saglio.

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Howard THURSTON

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Originaire de Columbus, dans l'Ohio, le jeune Thurston avait d'abord envisagé de devenir prêtre. Les premières années de Thurston furent une escapade, il sillonna le pays comme vendeur de journaux, il fut ensuite jockey, groom, et enfin, jeune évangéliste. Mais, un soir, il assista à un spectacle du « Grand »Alexander Herrmann, et il ne put résister à l'appel de la magie.

Début de carrière

Thurston ne débuta pas avec des illusions très importantes, mais avec des manipulations de cartes (cartes boomerang notamment), perfectionnant le tour connu de la Carte montante (rising card), avec lequel dit-on, il mystifia Adélaïde et Léon Herrmann, la veuve et le neveu de son premier mentor magique.

En novembre 1900, il donna sa première représentation au Palace Theatre de Londres ; il avait un engagement limité que les exigences du public lui firent prolonger de six mois. Thurston se transforma de « Roi des Cartes » en illusionniste de scène. Tout en continuant à se produire dans les théâtres de variétés, il présentait désormais de spectaculaires illusions déguisé en prince indien, ajoutant ainsi une note exotique que les spectateurs d'alors trouvaient particulièrement fascinante.

En 1900, le jeune Thurston pose avec un canard, son père et son nouvel assistant âgé de neuf ans, George White. White prit une telle importance dans le spectacle que Thurston refusait d'entrer en scène avec lui. Jusqu'à la mort du magicien en 1936, White demeura son employé le plus cher et le plus fidèle.

En 1902, Thruston attira l'attention de Tony Pastor qui l'engagea dans son Fourteenth Street Theatre. Il y remporta un tel succès qu'il l'inscrivit pour les tournées Keith et Orpheum.

The fairy fountain.

Thruston présenta rapidement des spectacles dans toute l'Europe, aux rois du Danemark, de Grèce, de Belgique à l'empereur François-Joseph et à Edouard VII. Puis il partit en tournée dans le Pacifique et en Extrême-Orient. C'est vers l'âge de 38 ans, après une tournée mondiale de deux ans et demi, qu'il devient le grand showman qui a fait sa réputation, capable de tenir un spectacle de 3 heures !

Jone, Queen of the air (1905).

Très vite, afin de se distinguer des autres magiciens, Thurston monta un spectacle plus grandiose que tout ce qu'on avait vu auparavant. Là ou d'autres faisaient apparaître par magie une personne dans un coffre, il en faisait apparaître neuf ! Son grand spectacle comprenait des décors peints, une grande distribution et une ménagerie incluant des canards, des oies, des pigeons, des lapins, un âne et un lion.

Le successeur de Kellar

En 1907, après ses tournées spectaculaires en Europe, en Angleterre, dans le Pacifique et en Extrême-Orient, Howard Thurston revint un temps aux Etats-Unis, au moment précis oùHarry Kellar décida de se retirer du monde du spectacle. Kellar avait été le magicien le plus marquant des Etats-Unis pendant des décennies, mais sa vue déficiente et un compte en banque substantiel firent qu'il n'éprouva pas le besoin de prolonger davantage sa carrière. Un magicien allemand, Paul Valadon, qui avait voyagé avec Kellar pendant trois ans, était pressenti pour prendre sa place, mais Thurston, entendant parler de la retraite imminente du maître, lui fit une offre et racheta tout son spectacle avec son consentement.

Pendant un an, Kellar et Thurston, accompagnés du magicien indien Bella Hassan, firent la tournée « des plus grands magiciens du monde ». Le spectacle s'ouvrait sur un gigantesque livre dont les pages tournées montraient les géants de la magie d'autrefois. A la dernière feuille, arrivait Howard Thurston, leur successeur à tous.

Le 16 mai 1908, sur la scène du Ford's Theatreà Baltimore (Maryland), Harry Kellar prononça son discours d'adieu, plaçant le « manteau de la magie » sur les épaules de Howard Thurston. Ce qui est une date importante de l'histoire de la magie, a aussi produit une affiche vivante et mythique qui est aujourd'hui une pièce exceptionnelle pour les collectionneurs. L'effet, dramatique de cette passation solennelle est renforcé par l'excellent dessin de Kellar et Thurston. L'un, évidemment, est le professeur notoire et l'autre, le jeune élève qui a l'air de savoir exactement ce qu'il veut. Kellar dit : « Thurston sera le plus grand magicien que le monde ait jamais connu », cette affiche ne laisse pas place au doute et aura valeur de prophétie !

Caricature de Thurston dans le Chicago American de 1911

Cette lithographie en noir et blanc de Thurston fut dessinée par le caricaturiste de Chicago George W. French, quand le magicien passa au célèbre McVickers Theatre de cette ville. Elle fait partie d'une série de caricatures de Thurston et fut utilisée pour sa publicité. On y voit une lévitation et des animaux sortant de la veste d'un spectateur (deux numéros qui ont duré toute la carrière de Thurston).

La « petite Mrs. Thurston émergeant d'une malle minuscule, nous la voyons sortir. Mais comment y est-elle entrée ? », c'est Beatrice Fleming Foster, la seconde des quatre femmes de Thurston, qui fut mariée à lui jusqu'en 1914. Bien que caricaturée et traitée de façon clownesque, elle apparaît comme une ravissante jeune femme sur une affiche en quatre couleurs du lithographe Strobridge, où Thurston la présente comme « Beatrice Forster, la reine de la magie ».

Troupes

Vers 1923, son spectacle marchait si bien que Thurston monta une troupe itinérante dirigée par un illusionniste d'origine danoise, Harry Jansen, qu'il présentait sous le nom de Dante.

Une seconde troupe eut pour vedette Tampa, « le magicien de la cour d'Angleterre » (Raymond Stanley Sugden). Le frère de Thurston, Harry, échoua dans sa tentative de monter une troisième troupe.

Quand Thurston donna son spectacle à la Maison Blanche, en 1924, il arriva avec vingt-deux assistants, tout un orchestre et un wagon rempli de matériel.

En 1928, la belle-fille de Thurston, Jane, rejoignit sa troupe, partageant la vedette avec lui. La belle adolescente enrichit le spectacle de son beau-père sexagénaire avec du chant, de la danse, de la vitalité et du sex-appeal. Elle était entourée par le reste de la distribution et encadrée par le beau rideau aux flamants réalisé spécialement pour son numéro.

Fin de carrière

Quand la crise prit fin à l'époque des grands spectacles de scène, Thurston écrivit une pièce à demi réussie intitulée The Demo. Il fit alors des tournées avecPublix et la RKO. En 1932, il se produisit à la radio avec une série d'aventures dramatiques.

En 1935, avec une nouvelle jeune femme (sa quatrième femme et de quarante ans sa cadette), Howard Thurston entreprit sa tournée d'adieu. Deux mois plus tard, il eut une attaque et mourut le printemps suivant, à soixante-sept ans. Il avait gagné et perdu plus d'un million de dollars et avait été le plus grand illusionniste des Etats-Unis pendant presque trente ans. Consécration suprême, après celle de Kellar, Thurston est considéré aujourd'hui comme le plus grand magicien de tous les temps.

Le répertoire de Thurston

La réputation de Howard Thurston repose essentiellement sur des illusions comme la dame flottante et l'Asrah, mais aussi le Piano fantôme, la Dame et le Garçon (les personnages principaux changeaient mystérieusement de place dans une caisse et une malle), ou le Triple Mystère (une jeune fille, d'abord matérialisée dans une caisse, était suspendue au-dessus de la scène dans un sarcophage de momie et réapparaissait dans une malle fermée par des cordes, accrochée au-dessus du public). Thurston développa un très grand nombre d'illusions et son répertoire s'enrichissait chaque année.

-Lévitation (1908)

Avec La dame flottante (1902), le public fut conquis par cette lévitation mais Thurston savait que n'importe quel magicien pouvait acheter les agréments nécessaires pour la réaliser. Ce ne fut qu'en 1908, après qu'il eut hérité de tout l'équipement de Kellar, qu'il présenta le nec plus ultra des lévitations : La princesse Karnac.

Cette fabuleuse lévitation fut au programme de Thurston pendant toute sa carrière, de l'époque où il reprit le spectacle de Kellar jusqu'à la fin en 1935. Il combina les méthodes de John Nevil Maskelyne et de Harry Kellar, avec une Asrah. Fernanda Myro, l'une des principales assistantes de Thurston fut « la femme flottante » de son spectacle pendant de nombreuses années flottait au-dessus de la scène et du public, puis disparaissait comme un nuage qui s'évapore.

« Une belle jeune fille dormait en hypnose, son corps rigide suspendu entre deux assistants, son corps recouvert d'un drap, Thurston lui ordonna de flotter. Les spectateurs, dans un silence respectueux, fixaient des yeux un miracle, tandis que le corps s'élevait et dérivait à travers l'espace, au-dessus de la rampe, de la fosse d'orchestre, et revenait vers la scène. La voix ferme du magicien continuait à donner ses instructions ; alors la jeune fille dessina un tour complet, souleva sa main droite sous le drap, et monta encore plus haut. Le magicien fit un pas en avant, rejeta le drap loin de la silhouette flottante : elle avait disparu ! »

-La dame et le lion (1909)

Cette illusion inventée par Gustave Fasola et présentée jusqu'en 1929 utilisait deux grandes cabines. On les voyait toutes deux vides. La dame entrait dans la cabine à droite de la scène et les rideaux étaient tirés. Ils étaient également fermés dans la cabine à gauche de la scène. Quand on ouvrait la première cabine, on voyait un lion dans une cage. Quand on ouvrait l'autre, on voyait la dame dans une cage de métal suspendue à l'intérieur de la cabine. « Le lion qui remplace la dame dans la cage. Comment ? Nul ne le sait ».

Emil Kio, un grand illusionniste de Russie et Doug Hennings, dans son « Magic Show » de Broadway ont régulièrement présenté cette illusion dans des versions modernisées avec des méthodes différentes.

-The dancing handkerchief (1910)

Thurston effectuait le célèbre numéro du mouchoir dansant présenté pour la première fois par Nevil Maskelyne en 1888. Un mouchoir nouéétait placé dans un petit meuble. Il en sortait, bondissait sur la scène et se mettait à« danser ». Le magicien l'avait présenté comme « une nouveauté» et Harry Blackstone en fit un mystère mémorable.

-Tableaux spirites (1911)

Après le succès de l'illusion de Selbit, Thurston intégra les « tableaux spirites » dans son spectacle. Plusieurs toiles blanches étaient présentées au public. Un spectateur suggérait ensuite le nom d'un personnage célèbre dont le portrait apparaissait alors progressivement sur la toile, comme peint par des fantômes.

-The phantom piano (1911)

Un numéro de disparition sensationnel où une pianiste et son piano s'élevaient dans les airs à l'intérieur d'une structure protégée d'un rideau. La musique s'arrêtait, la structure et le rideau retombaient, la femme et le piano avaient disparu.

-Ghosts spirits (1916)

Dans ce numéro, Thurston invoquait notamment le fantôme de Katie King, un esprit avec lequel aurait communiqué la médium anglaise Florence Cook dans les années 1870. Une silhouette spectrale vaporeuse apparaissait alors progressivement derrière lui.

Peaufinant sans cesse son spectacle, Thurston accéléra le rythme de son « armoire spirite ». L'esprit invoqué se matérialisait dans une large sphère dorée qui flottait hors de l'armoire et se promenait sur la scène.

-La femme coupée en deux (1923)

Thurston demanda àHorace Goldin et Harry Jansen (Dante) de l'aider dans la conception et la réalisation de ce tour devenu un mythe.

Thurston invitait des spectateurs sur scène pour inspecter son équipement et contrôler l'ensemble de la procédure. Ils tenaient les mains et les pieds de la femme enfermée dans une boîte. Lorsque la scie atteignait son corps et qu'elle se mettait à hurler, beaucoup de gens prenaient la fuite, pris de panique !

-« Beauty », Le pur-sang arabe (1925)

La saison 1925-1926 du spectacle de Thurston fut marquée par l'introduction d'une nouvelle illusion sensationnelle « Beauty », le cheval arabe de Thurston qui « s'évaporait entre ciel et terre » d'une plate forme suspendue au-dessus de la scène.

Thurston ne fut jamais satisfait de la première version de l'illusion car c'était toujours dangereux de faire monter un cheval sur une petite plate-forme ouverte. La saison suivante, une version améliorée fut au programme. La plate-forme ouverte avait été supprimée et le cheval et le cavalier entraient dans une sorte d'enclos aménagé. Un filet, puis une étoffe blanche sur laquelle était écrit « Regardez, regardez, regardez » descendait devant. L'étoffe blanche dégringolait tandis que l'enclos tombait sur la scène vide.

Annoncée comme « une illusion à 50 000 dollars » (en réalité, elle avait coûtéà Thurston environ 5000 dollars), elle était décrite en conséquence dans le programme :

« Beauty, le magnifique cheval arabe, et son cavalier vont se volatiliser alors qu'ils seront sur une plate-forme volante, entre terre et ciel. La plus grande illusion du monde, il faut une camionnette spéciale pour la transporter. La voici présentée pour la première fois d'une façon totalement différente de la saison dernière. »

-La corde indienne (1927)

La légende du tour de la corde indienne (ou corde hindoue) remonte à la fin du XlVe siècle. Le célèbre voyageur marocain Ibn Batuta le rapporta, il l'avait vu non en Inde, mais en Chine, lors d'un spectacle au Palais d'été du Khan. Pendant des années, des douzaines de magiciens ont offert des récompenses mirobolantes si un magicien d'origine indienne acceptait de le leur montrer. Mais leurs propositions ne furent jamais acceptées. Pourtant, la légende du garçon qui grimpe à une corde magiquement suspendue en l'air, et qui se volatilise, persiste.

Tous les magiciens occidentaux se rendant en Inde cherchaient des fakirs réalisant le fameux tour de « la corde hindoue » sur les marchés. Ils découvrirent tous d'innombrables charmeurs de serpents sans jamais pouvoir assister à l'illusion légendaire pour la bonne raison que ce n'était qu'un mythe ! Ce tour ne fut donc pas importé par un fakir indien mais par un journaliste imaginatif du Chicago Daily Tribune en 1890.

En 1927, Thurston intégra un groupe d'authentiques fakirs indiens dans son spectacle. Le cracheur de feu Abdul Abdullah, Mohammed qui réalisait le numéro du panier indien et Chundra, qui, enfermé dans un coffre, était plongé dans un bassin rempli d'eu pendant plus d'une heure.

Beaucoup de magiciens en ont intégré diverses versions à leur programme ; à part Thurston, il y eut Nicola, Servay Le Roy, Talma et Bosco, et Blackstone. La version de Thurston fut une de ses illusions les plus coûteuses. On dit qu'il dépensa plus de 10000 dollars pour la mettre au point. La corde hindoue entra au programme de la saison 1927-1928 de Thurston et resta plusieurs années à son répertoire pour sa valeur publicitaire. Il était pourtant très compliqué de le réaliser correctement, et, même quand ça marchait à peu près, ce n'était pas aussi impressionnant que les autres tours du répertoire de Thurston.

-The vanishing Whippet (1928)

Lors de la saison 1928-1929, pour terminer son spectacle, Thurston présentait une automobile remplie de jolies filles qui se volatilisait comme par enchantement. Précurseur du concept du « placement de produit », dans chaque ville où il se produisait, les concessionnaires Willys-Overland fournissaient à Thurston une nouvelle Whippet en échange d'une publicité dans son programme imprimé. Avec cette « Torpédo qui s'évapore », Thurston cherchait à moderniser son spectacle.

Cette illusion reposait sur des accessoires plus imposants, une mise en scène plus élaborée et plus de sex-appeal que tout ce qu'avaient présenté Kellar et Herrmann auparavant. Elle illustre bien la théorie « plus c'est grand, mieux c'est ». Le programme la décrivait comme « l'illusion la plus importante et la plus déconcertante jamais présentée sur une scène. Une véritable automobile et sept jolies filles s'évaporent sur une scène brillamment éclairée (nouveau) ».

Ce que le public voyait, c'était un grand écran à deux faces avec des barreaux devant l'automobile qui était un modèle de Torpédo Willys-Over land. Sous le couvert de flashes de lumières ou de fumigènes (Thurston variait les procédés techniques au cours de ses tournées) la Torpédo et les jeunes filles s'évaporaient en un instant. A travers les barreaux, on pouvait voir jusqu'au fond de la scène.

-The Million Dollar Mystery (1929)

Cette illusion reposait sur un nouveau principe de dissimulation optique révolutionnaire inventé par Walter Jeans en 1927 et présenté pour la première fois à Londres, l'année suivante, par Percy Thomas Selbit. Bien qu'extrêmement difficile à présenter, Thurston avait acheté les droits de cette illusion en la faisant construire par Cyril Yettmah, Il pouvait faire apparaître pratiquement n'importe quoi hors d'un petit coffre isolé au milieu de la scène ! Ce tour fut repris avec succès par Carter the Great, Harry Thurston, Chefalo, Will Rock, Nicola, Blackstone Jr. et Doug Henning dans les années 1970.

-Iasia (1929)

Le nouveau numéro introduit par Thurston dans la saison 1929-1930, fut Iasia : une jeune fille disparaissait d'une cabine suspendue au-dessus de la tête des spectateurs. Il est décrit dans le programme du spectacle ainsi :

« Iasia l'inaccessible atteint. L'impossible réalisé. Une femme en chair et en os suspendue au dôme du théâtre et se volatilise au-dessus des têtes des spectateurs. Ou va-t-elle ? Le plus étonnant miracle de l'époque. »

Dans cette illusion, une jeune fille habillée d'une longue robe indienne entrait dans une « cage à prière », en réalité une cabine avec des cloisons ouvertes de quatre côtés, avec une mince paroi comme plafond et comme sol. Pendant qu'on hissait la cage en l'air, la jeune fille oscillait au-dessus de la rampe, et Thurston criait : « Salaam, lasia, balance en avant la vieille cage à prière hindoue. » Alors la jeune fille baissait les rideaux sur les quatre côtés de la cabine et, tandis qu'elle s'élevait lentement au-dessus des têtes des spectateurs, jusqu'en haut du théâtre, elle lançait à Thurston des cartes à travers les fentes des rideaux, en les montrant aux spectateurs du dessous.

Quand la cage s'arrêtait, au dessus du dôme du théâtre, Thurston, un pistolet à la main, criait : « Un, sept, lasia, Garawallah, vas-y ! » Au coup de pistolet, les rideaux tombaient et le fond à charnière de la cage s'ouvrait. La jeune fille s'était volatilisée. Le public avait le souffle coupé d'étonnement, tandis que Thurston parlait d'un ton dramatique : « Elle est partie. Les personnes qui sont en haut peuvent voir le dessus de la cage. Celles qui sont en bas peuvent regarder le fond, il est ouvert... Elle est partie... simplement partie... Je suis chaque fois surpris, je me demande où elle est partie, et si elle reviendra jamais... Elle revient toujours le jour de la paye... »

Disparaître dans un coffre placé sur scène est une chose, se volatiliser dans un coffre suspendu au-dessus du public en est une autre nettement plus dangereuse et excitante. Le public pouvait voir tous les côtés du coffre mais la femme disparaissait quand même. Cyril Yettmah, le créateur de ce numéro, le qualifia de « la plus grande illusion de la brillante carrière de Thurston. »

-La femme transparente (1930)

Après le succès de la femme sciée vint celui de la femme transparente, inspirée de l'illusion de L'homme sans milieu de P.T. Selbit et inventé par Carl Owen. Thurston utilisait un sarcophage vertical dans lequel entrait son assistante. Cette dernière était découpée en trois morceaux à l'aide de deux grandes lames en métal. La partie centrale de son corps disparaissait et deux autres assistants venaient se placer derrière le sarcophage pour saluer le public.

-La femme transpercée (1932)

Cette version plus simple des illusions de tortures, fut inventée par Edward Massey pour Thurston. Ce dernier enfonçait un tuyau en acier à travers le corps de son assistante jusqu'à ce qu'il ressorte de la structure en bois qui l'entourait. Il versait ensuite du lait à une extrémité et le faisait s'écouler de l'autre côté.

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MURMURES DES MURS / Victoria Thierrée-Chaplin

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Conception et mise en scène de Victoria Thierrée-Chaplin. Avec Aurélia Thierrée-Chaplin, Jaime Martinez et Antonin Maurel.

C'est un spectacle créé en 2011 par la conceptrice qui a imaginé avec Jean-Baptiste Thierrée de magnifiques et savoureux spectacles, depuis 1971 déjà, avec Le Cirque Bonjour devenu ensuite Le Cirque imaginaire puis Le Cirque invisible. Avec, à chaque fois, un mélange étonnant de grâce et de poésie.

Sur la grande scène du Rond-Point, une jeune femme est assise parmi des cartons de déménagement ; un jeune homme arrive pour lui signifier qu'elle doit partir. Un flot de poussière blanche tombe des cintres. Elle emballe ses chaussures, un parapluie et un vase qu'elle doit casser pour qu'il entre dans le carton trop petit. Elle prend soin de ne pas oublier de s'emballer elle-même, entre dans un carton puis ressort intacte d'un autre carton quelques mètres plus loin.

On la voit aussi enlever soigneusement plusieurs couches de papier peint comme autant de mémoires anciennes d'un passé révolu. Les références à l'art contemporain, notamment àSupports/Surfaces et à Jacques Villeglé sont évidentes. Puis brutale surprise : une sorte de monstre l'enlace presque amoureusement puis la serre pour la manger.

Il y a aussi, montées sur patiences (et circulant un peu trop souvent !) de charmantes maisons vénitiennes peintes sur toile, vétustes et poétiques avec un petit balcon où, très gracieuse, Aurélia Thierrée arrive comme enchantement, avant de revenir encore plus vite par la porte d'entrée. Elle danse aussi le tango et esquisse quelques pas de claquettes.

Bref, on l'aura compris, il y a des images souvent réussies, avec de l'acrobatie et de la magie dans l'air. C'est un travail d'une précision absolue, parfaitement synchronisé qui doit beaucoup aux techniciens du plateau et auquel participent de bons comédiens comme Jaime Martinez et Antonin Maurel. Mais il manque tristement le fil rouge d'une solide dramaturgie à ce spectacle sans paroles. N'est pas Bob Wilson (celui des années 1970) qui veut, et il ne suffit pas d'entasser de belles images pour faire sens…

Bizarrement, ce n'est pas Victoria mais Aurélia qui parle dans la note d'intention et à la question : « Victoria Thierrée-Chaplin signe la mise en scène et les costumes… Quelles sont vos autres influences, vos autres sources d'inspiration ? » La comédienne semble alors botter en touche et ne répond pas vraiment : « C'est très (trop) personnel comme question. Victoria pourrait y répondre mieux que moi. » Mais alors, qui fait quoi dans ce spectacle, alors que Victoria en est indiquée comme la conceptrice ? Comprenne qui pourra… On reste donc sur sa faim, le compte n'y est pas, dommage…

- Source : Le Théâtre du Blog.

Crédit photos : Richard Haughton. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

LE VICE ET LE JOUEUR DE GOBELETS

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CITOYENS ! venez voir un homme merveilleux,

Criait un baladin dans la place publique ;

Perin, Val, Pinetti , n'escamotent pas mieux,

C'est un sorcier, un homme unique

En vain vous ouvrirez et la bouche et les yeux,

Vous n'y comprendrez rien ; son pouvoir est magique

Il connaît les secrets des filles, des maris ;

Il sait lire un journal à travers la muraille,

Il change un œuf en chat, et le chat en souris,

Prenez donc vos billets, le voilà qui travaille l

Entrez : vous serez tous surpris.

Le Vice alors faisait sa ronde,

Bien déguisé, pour mieux charmer son monde

II voit l'escamoteur : eh ! vous n'y pensez pas,

Dit-il aux curieux. Il faut être imbécile

Pour perdre ici son argent et ses pas

Bien plus que lui je suis habile,

Bien mieux que lui je sais escamoter.

Qui, vous ? — Oui, moi. Parbleu, je vous défie...

Eh ! bien, voyons qui saura l'emporter.

Commencez, dit le Vice, et croyez, je vous prie,

Que nul n'a le pouvoir de me déconcerter.

Le jongleur, sans répondre à la fanfaronnade,

Fait de son doigt sortir une muscade,

Puis deux, puis trois, puis vingt. un quarteron complet

Il les reprend, les disperse, les mange,

Les passe sous un gobelet ;

Levez, dit-il... C'est une orange.

Des cartes, quand il veut, il change la valeur,

Il devine à l'instant celle qu'on a pensée.

Vous avez une dame et vous un roi de cœur ?

Dans mes mains l'une et l'autre est passée,

Et vous avez deux cartes sans couleur.

Il demande une montre. — Elle est fort à la mode,

Mais sujette à se déranger.

Oh ! ce n'est rien, dit-il, je suis bon horloger,

A ces mots il la brise et puis la raccommode.

En feriez-vous autant ; orgueilleux étranger ?

A votre tour ; je vous cède la place.

Le Vice rit, s'avance, et montrant une glace :

Regardez-vous, dit-il aux spectateurs.

Chacun se mire et croit voir son visage

S'orner et s'embellir des plus vives couleurs.

Un vieillard décrépit se croit dans son jeune Age

Et fait pour obtenir les plus rares faveurs.

Un enfant s'imagine être robuste et sage

Et porte à vingt beautés ses précoces ardeurs

Bon, dit le Vice, autres merveilles :

Voyez, amis, voilà trente bouteilles

Du meilleur vin : il est aux amateurs.

On s'approche : d'un souffle elles sont emportées,

Et deux lames ensanglantées

S'offrent aux regards des buveurs.

Chacun, en les voyant, veut fuir en diligence

Mais pour les rassurer, le Vice plus humain,

Du moins en apparence,

Leur donne un tronc de bienfaisance.

Un Marguiller leur dit, d'un air bénin,

Mettez-le sous ma surveillance ;

Des indigens, je connais la souffrance,

Je la soulagerai : on le croit, et soudain

On voit fumer un splendide festin ;

Le tronc a disparu, mais non pas l'indigence

Le Vice apercevant un nouveau Fournisseur

Lui présente une bourse. Ami, je vous l'accorde,

C'est le prix d'un cœur pur et rempli de candeur,

L'autre veut la saisir : que prend-il ? une corde.

Un Juge intègre et plein d'honneur.

Allait à l'échafaud condamner un coupable ;

Le Vice au Magistrat offre d'un air affable,

Un porte-feuille... ô fortune ! ô revers !

Le Juge à peine et le voit et le touche,

Qu'un cadenas se place sur sa bouche,

Et que du scélérat on voit tomber les fers.

Ce n'est pas tout : le portrait d'une belle

fixe les yeux d'un jeune libertin :

C'est ma Zoé, dit-il ; ma maîtresse. c'est elle.

Quelle fraîcheur, quel regard enfantin !

Ah ! si j'osais. bannissez les scrupules,

Emportez ce tableau, dit le Vice malin ;

Pour l'accepter l'étourdi tend la main,

Et ne reçoit qu'un paquet de pilules.

Ainsi par le talent du merveilleux Jongleur,

Tout change et prend une forme nouvelle ;

Il vide en un clin-d'œil la poche d'un joueur,

Et d'un vieux juif il remplit l'escarcelle ;

Dans la main du voleur le cuivre devient or.

Au jeune homme prodigue il enlève un trésor.

Pour le livrer à la beauté vénale.

Enfin l'ambitieux qui, dans sa main fatale,

Voit briller du pouvoir le signe séducteur

Court au-devant de la couronne,

Croit la saisir, et le Vice lui donne

La hache d'un licteur.

Mais à ce trait l'Escamoteur

Pâlit épouvanté d'une telle puissance :

Je suis vaincu, dit-il ; j'en conviens, ma science

A la vôtre jamais ne doit se comparer ;

Le prestige innocent, que j'ai su préparer,

Ne dure qu'un instant, en un seul lieu s'opère,

Le votre est de tout âge, il existe en tous lieux,

En même temps, aux deux bouts de la terre,

Il séduit la raison, il éblouit les yeux.

J'ai peu de spectateurs, chez vous la foule abonde.

Je trompe quelques sots, vous trompez tout le monde.

CADET GASSICOURT.

- Source : Veillées des muses ou Recueil périodique des ouvrages en vers et en prose lus dans les séances du lycée des étrangers... / publié par les citoyens Arnaud [Arnault], Laya, Legouvé et Vigée... -[s.n. ?] (Paris, 1799)

- Documents : Didier Morax.

Philippe DECRAUZAT

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Né en 1974 à Lausanne, Philippe Decrauzat est l'un des représentants de la nouvelle abstraction suisse. Depuis une quinzaine d'années, il mène une quête picturale autour de l'art abstrait et cinétique en travaillant la vidéo, la peinture, le dessin, la sculpture et l'installation. Il revisite l'abstraction autour de l'opticalité et en renouvelle les perspectives.

Anisotropy est sa première exposition personnelle à Paris. Anisotropy, du nom de la propriété physique qui rend un objet ou une matière dépendants de la direction, modifiant ainsi sa perception selon le point de vue adopté. Ce principe est adopté pour le parcours de l'exposition qui est construit comme un labyrinthe induisant un aller-retour et utilisant certains principes de réversibilité.

Diverses influences

Decrauzat est captivé par l'Op art des années 1960 ; un art qui se base sur des motifs créant une illusion de mouvement. Son travail est une quête du mouvement et de l'illusion qui se nourrit chez Duchamp, Hitchcock et Saul Bass, Muybridge, Hans Richter, George Landow, Michaël Snow, Le cinéma structurel de Tony Conrad, Gustav Klucis, ou encore Laszlo Moholy-Nagy.

Les œuvres

-Sans titre est une peinture acrylique monochrome sur toile représentant un W. Un signe posé dans l'espace qui joue le générique de l'exposition. Une forme en miroir qui peut contenir un V dédoublé comme pour nous dire d'entré que le parcours a une double lecture et que chaque œuvre contient une dualité formelle et conceptuelle.

-On Cover est une peinture murale in situ représentant un motif grillagé aux croisillons stretchés, issue d'une trame de moirage colorée réalisée par le chercheur américain Gérald Oster, pour la couverture d'une revue scientifique. Decrauzat effectue un zoom dans cette trame et la transpose en noir et blanc. La composition est dédoublée suivant un jeu de miroir entre le haut et le bas du motif. L'espace en deux dimensions (de la couverture) est confrontéà l'espace en trois dimensions (de la salle) dans un effet de dilatation troublant.

-Et d'un processus. L'espace s'est dilaté (par en dessus, par en dessous) et le temps aussi est un film 16mm de trois minutes tournant en boucle et reprenant les motifs du générique du film de François Truffaut, Fahrenheit 451. Un sample qui enchaine, de manière frénétique, des zooms sur des antennes hertziennes, en inversant les images ou en les fendant en deux. L'écran, à l'image de certaines peintures, produit à la fois un effet centripète mais aussi centrifuge au moment où la lumière rebondit sur lui et se propage en modifiant notre perception de l'espace. Les jeux de formes de grilles et de mélanges des couleurs dessinent une production ornementale graphique singulière.

"Depuis quelque temps, je travaille sur une série de dessins recto verso composés de tracés répétitifs produisant des motifs ornementaux : un dessin en boucle qui parcourt la feuille sans interruption, accroché perpendiculairement au mur. Ces méandres et construction labyrinthiques se rapproche des recherches de R Smythies et Grey Walter qui, au début des années 1950, ont étudié les images stroboscopiques générées par l'observation d'une pulsation lumineuse. Ces expériences ont permis de réaliser un inventaire des formes consécutives « réelles et abstraites » tels : chevons, constructions cristallines, damiers, méandres, nid d'abeilles, alvéoles hexagonales, spirales, mandalas…" P. Decrauzat

-Slow Motion est un ensemble de treize peintures rectangulaires composées de bandes noires verticales sur fond blanc et travaillées dans un effet de dégradé. Ces peintures sont réparties en deux ensembles accrochés en vis-à vis. La variation créée par le dégradé perturbe la netteté des bandes à la manière d'un effet d'éclairage ou d'un défaut de reproduction, d'une surexposition. Les mêmes motifs se prolongent d'une toile à l'autre, donnant l'illusion d'une continuité. A l'image d'un positif et négatif, les deux murs peuvent se superposer et s'annuler dans un effet cinétique de fondu enchainé. Ce fondu peut renvoyer à deux principes opposés comme le phénomène d'apparition ou de disparition du motif.

Cet ensemble pictural convoque différents procédés purement cinématographiques comme le séquençage, le défilement d'images fixes, les effets de fondu enchainé, le travelling multidirectionnel, le ralenti, ou bien encore le principe d'obturateur permettant de passer du blanc au noir.

-And to end est tiré d'un film expérimental de Hans Richter de 1944-47, intituléDreams that money can buy. Un film en 16mm d'une minute et douze seconde répété en boucle montrant un tapis de jeu de cartes couvert de mises comme autant de compositions géométriques. Les jetons colorés se superposent dans une juxtaposition qui rend l'objet abstrait. Ici, la couleur revêt une fonction symbolique de transformation et de dédoublement dans un mode de montage aléatoire et frénétique comme des images subliminales exposées au grand jour.

Synthèse

Artiste pluridisciplinaire, Decrauzat s'emploi à créer des passerelles et des associations entre la peinture et le cinéma, la peinture et la sculpture. En s'intéressant d'abord à la position du spectateur, il réalise des espaces qui ont comme point de départ des questions provenant du champ de la peinture. Il existe des « images sources » qui sont retravaillées par rapport à un média précis, comme un dessin optique retravaillé et déformé pour une transposition dans l'espace (On Cover), ou une partition cinématographique appliquée à l'architecture.

Tel l'artiste maniériste, Philippe Decrauzat récupère un patrimoine « pictural » pour le retravailler dans l'optique d'une ultime transformation. Il prend des formes déjà chargées de fiction pour les injecter dans des constructions abstraites qui doivent révéler un espace inconnu de l'ordre de la physiologie. En utilisant, entre autre, le principe de la persistance rétinienne, qui permet de faire d'une succession d'images une animation, l'artiste arrive à produire de nouvelles images qui ne découlent pas directement de l'observation du réel, mais qui sont produites par notre perception.

- L'exposition Anisotropy s'est déroulée au Plateau, Frac Ile-de-France à Paris du 17 mars au 15 mai 2011.

Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

DE LATORRE

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C'est en 1894 que De Latorre débute dans la prestidigitation. Il avait alors vingt-trois ans ; étant néà Paris en 1871. C'était donc un tout jeune homme à peine sorti du service militaire. Doué d'un physique agréable et d'une élégante correction, il fut vite remarqué parmi les débutants de cette époque et très rapidement il les distança.

On peut dire de lui qu'il embrassa, avec un rare bonheur, tous les genres de la magie. En ce qui concerne les manipulations, il eut vite fait de développer l'adresse de ses doigts, les éventails, sauts de coupe compliqués, accordéons, etc. devinrent, pour lui, un jeu d'enfant.

Quand il posséda, à fond, l'art que nos voisins d'Outre-Manche appellent « léger de main », il reconnut que cela ne suffisait pas pour fixer l'attention du public II ajouta à son programme toutes les nouveautés de l'époque et s'attaqua avec acharnement à la transmission de pensée. Ce qu'il faisait, il y a dix ans, pourrait avantageusement avaliser avec les performances des voyantes du dernier bateau. II fut très heureusement seconde dans ces curieuses expériences par sa femme, qui, sous le nom de la grecque Djina, ne fit qu'accroître le succès, en apportant à ces spectacles le charme de sa grâce et le concours de sa vive intelligence.

Ayant acquis dans cette branche toutes les satisfactions désirables, il continua en d'autres genres ses tentatives artistiques, nous l'avons toujours connu poursuivant un but nouveau dès qu'il avait atteint l'objet de ses précédents désirs. Ce fut alors la magie noire qui excita son ambition, il monta ce spectacle d'une façon très amusante et l'exploita pendant deux ans, notamment au Musée Saint-Denis. Il s'attaqua ensuite aux grands trucs. On le vit présenter entre autres : la Suspension aérienne, le Sarcophage et l'Océan de Lumières ou le Bottin. Ce dernier lui valut de brillants engagements parmi lesquels l'Eldorado, le Concert-Parisien, le Pôle-Nord, le Palais de Cristal de Marseille, l'Olympia de Bordeaux, le Casino de Lyon, etc.

Comme beaucoup d'autres, il monta un théâtre forain dans lequel on voyait le cinématographe. Ce théâtre fut incendié en 1901 à Annecy. Aujourd'hui il prépare un nouveau spectacle de music-hall qu'il ne nous appartient pas de déflorer par l'énumération des merveilles qui le composeront... Commettons cependant une petite indiscrétion ; on y verra une « Arche de Noé» comme on n'en vit jamais.

J. C.

Documents : Collection Didier Morax et Akyna. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

VALENTIN, L'HOMME A LA POUPEE

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Temps de lecture : 7 min

Par Ch. VIRMAITRE.

L'Homme à la poupée exerçait sur la place une sorte de domination C'était un étrange type. Agé de trente ans environ, très brun, de longs cheveux bien entretenus, une fine moustache fièrement retroussée, un teint pale, des yeux brillants d'un feu sombre enfoncés sous l'arcade sourcilière, toujours correctement vêtu de noir, du linge blanc, coiffé d'un chapeau haut de forme. On devinait à première-vue un déclassé qui conservait au milieu de ses malheureux confrères toutes les allures d'un homme du monde.

Il était toujours seul. il n'adressait la parole à personne, il n'allait jamais chez le marchand de vin. Il arrivait sur la place, portant sous son bras une petite table en bois noir dont le pied, formant chevalet, se repliait sur lui-même et un sac en velours noir.

Il commençait par installer sa table, la couvrait d'un tapis brodé de franges d'or puis dénouait les cordons de son sac duquel il sortait une magnifique poupée grande comme un bébé de trois ans toute resplendissante de soie et de dentelles. Il la plaçait délicatement sur la table, la tête appuyée sur un coussin brodé puis, toujours sans mot dire, il allait quelques pas plus loin arpentant silencieusement la place.

Peu à peu les curieux se groupaient en cercle. Quand il jugeait la foule assez compacte, il faisait son entrée en écartant poliment les spectateurs. Il saluait à droite et à gauche, retroussait les manches de sa redingote et commençait une séance de ventriloquie. C'était vraiment merveilleux.

La recette était toujours fructueuse quoiqu'il ne demandât jamais rien. La séance terminée, il ramassait ses sous aidé par d'obligeants gamins, saluait à nouveau, puis pliait son bagage et disparaissait. Cet homme énigme était l'objet de beaucoup de commentaires et les légendes les plus extraordinaires circulaient sur son compte. Pour les uns c'était un agent de la sûreté, pour les autres un noble ruiné. D'aucuns affirmaient qu'il était le fils d'un duc bien connu à Paris pour ses diamants et son art particulier pour se maquiller.

La poupée parlante de Valentin.

J'avais eu souvent l'occasion d'assister à ses Séances et sa physionomie sympathique m'avait frappé. J'étais très intrigué d'avoir été plusieurs jours sans le rencontrer à sa place habituelle de laquelle il avait disparu tout à coup. Je n'y songeais plus lorsqu'un soir je le vis assis à la terrasse du café des Princes ganté de frais, élégamment vêtu, très entouré d'une infinité de cocottes qui se disputaient ses faveurs et paraissaient le coter très haut dans leur estime. Signe infaillible qu'il était riche et que quelques-unes avaient dûéprouver les effets de sa générosité. Je m'assis à une table voisine. J'aurais voulu engager une conversation avec lui mais il était toujours aussi silencieux que sur la place de la Bastille.

Pardon, lui dis-je tout il coup, je crois Monsieur avoir déjà eu le plaisir de vous rencontrer.

Cela se peut, me répondit-il sèchement.

Place de la Bastille, ajoutais-je.

Vous avez raison Monsieur, me dit-il sans manifester la plus légère émotion. Je suis, ou plutôt j'étais l'homme à la poupée.

Je ne voulais pas vous rappeler un souvenir désagréable. Veuillez me pardonner.

Ce souvenir est loin de m'importuner. Il n'y a jamais de honte à demander sa vie au travail et un métier si infime qu'il soit est toujours honorable lorsqu'il est exercé honnêtement. D'ailleurs, votre souvenir me flatte, il me prouve que vous m'avez remarqué. En effet, ma tenue, mon langage, mes manières formaient contraste au milieu des déguenillés qui m'environnaient et cela n'a pas du vous échapper.

Certes, non.

Avouez que vous voudriez bien connaitre mon histoire.

Je l'avoue.

Eh bien ! Elle est des plus ordinaires :

Je suis Américain, j'ai dévoré une grosse fortune et suis venu à Paris pour travailler en attendant la mort d'un oncle fort riche dont j'étais l'unique héritier. Il est mort il y a peu de temps. Au lendemain de mon héritage, j'ai abandonné la place publique pour reprendre mon rang dans le monde et me voilà.

Comment aviez-vous acquis ce remarquable talent de ventriloque ?

C'est un talent que je possède naturellement. Me trouvant sans ressources j'ai songéà l'exploiter. Le récit de ma première séance pourra peut être vous intéresser. Voulez-vous l'entendre ?

Assurément et avec grand plaisir.

Quand je quittai New-York après ma ruine totale, j'allais à Londres. Je descendis à Charing- Cross où j'avais un enfant semblable à celui que vous m'avez vu place de la Bastille. Seulement au lieu d'être vêtu luxueusement, il était entortillé de linges et maquillé de façon qu'il paraissait gravement malade. En gravissant le grand escalier, je mis l'enfant sur une des marches et lui parlai avec une dureté extraordinaire. La foule s'amassa.

Monte l'escalier. Lui disais-je, je n'ai pas envie de te porter, fainéant.

Oh ! père, me répondait l'enfant d'un ton suppliant, porte-moi, je ne peux plus. Tu sais, monter l'escalier tout seul avec mes deux pieds coupés, par le...

Chanson répliquai-je, lève-toi, monte ou je tape.

Le pauvre enfant sanglotait. je lui appliquai sans pitié un soufflet sur la joue.

L'indignation de la foule était à son comble.

Cet enfant est-il à vous ? me dit un assistant.

Cela ne vous regarde pas, répondis-je, mêlez-vous de vos affaires.

Je vais appeler la police.

Oh ! non monsieur, criait l'enfant éploré. Il me tuera comme il a tué ma mère et ma sœur.

Je mis la main dans ma poche.

Prenez garde, dit l'enfant avec un cri déchirant. Il a un couteau, il va vous frapper.

Certainement, dis-je en tirant un poignard.

Tout le monde s'enfuit excepté deux hommes courageux dont l'un me saisit par le poignet, mais le mouvement n'avait pas été assez rapide pour m'empêcher de plonger la lame toute entière dans les flancs de l'enfant.

Au meurtre, à l'assassin, hurlait celui-ci dans une angoisse inexprimable.

A ce moment l'escalier était envahi par une foule furieuse qui allait m'écharper lorsque j'enlevai tranquillement ma victime d'une main et que de l'autre je tendis mon chapeau à la galerie. L'enfant est en bois, dis-je, c'est ma première séance à Londres. La foule se mit à rire. Je fis une recette abondante et ma réputation était faite. Je garde ma poupée, peut-être me reverrez-vous un jour me dit-il mélancoliquement.

Je ne vous le souhaite pas, répondis-je.

La leçon du passé ne lui avait point profité. En peu de temps il mangea l'héritage de son oncle. Il quitta Paris et partit aux Indes Hollandaises où il se maria avec une petite actrice, une Parisienne. Un soir, en sortant du théâtre, sa femme mourut subitement : une petite fille lui restait. Atteint de la nostalgie du boulevard, il liquida sa situation et revint il Paris.

En route, il réfléchit que sa bourse était plus que Légère et que maintenant ils étaient deux. Dans ses pérégrinations il avait vu de près les prestidigitateurs indiens, il avait saisi la clef des prétendus mystères des Fakirs. Il résolut de se servir de cette connaissance pour donner des soirées en Europe. Il initia sa petite fille à ses desseins. Tous deux débarquèrent à Marseille. Là, il résolut de donner une représentation mais avant il voulut offrir à la presse et à quelques privilégiés une répétition générale. Il obtint un succès formidable.

Parmi ses tours se trouvait le panier indien. Après la répétition il donna encore quelques indications à sa fille.

Surtout ma chérie n'oublie pas, lui dit-il, que je suis censé te tuer quand tu es dans le panier. Donc avant de faire jouer la trappe, crie très fort pour augmenter l'illusion. Crie, pleure, appelle.

Le lendemain, la représentation publique eut lieu. La salle était comble, tous les tours de l'homme à la poupée furent applaudis avec enthousiasme. Vint ensuite le tour du panier indien. Sa jeune fille s'avança puis, après une scène mimée, qui produisit un effet immense. Elle entra dans le panier immédiatement. Le prestidigitateur traversa le panier de sa longue épée. On entendit un grand cri. Il montra sa lame rouge de sang au public en délire. L'orchestre exécuta un trémolo. Quand il fut sur d'avoir suffisamment frappé l'imagination de tous les spectateurs, il revint au panier et l'ouvrit. Mais soudain il chancela et tomba sur la scène en criant :

Mon enfant, mon enfant ! Au fond du panier gisait la jeune fille sanglante, immobile, la poitrine traversée par un coup d'épée. La trappe mal assujettie n'avait pas jouéà temps. La malheureuse enfant était morte. On accourut et on releva l'homme à la poupée. Il ouvrit les yeux en fredonnant la chanson de Papillon : Si je meurs, que l'on m'enterre

Il était fou.

A lire :
-Valentin par G. Arnould.

Document : Collection Christian Fechner / Didier Morax.

ORSON WELLES

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Evoquer Orson Welles (1915-1985), c'est se confronter à un monument. Monstre sacré du 7ème art, immense acteur, homme orchestre, curieux de tout, il avait quatre passions dans la vie : le théâtre, la prestidigitation, la politique, et le cinéma.

1- Du théâtre au cinéma :

Orson Welles se forma très tôt à l'art dramatique dans les plus prestigieuses écoles de théâtre européennes, puis il passe très vite à la mise en scène. Cette expérience unique est à la base de l'univers wellesien : un goût prononcer pour le jeu d'acteur, une théâtralité affirmée et un travail scénographique de premier ordre.

Il intègre très vite des techniques de magie dans ses adaptations théâtrale comme pour Faust, avec l'utilisation du velours noir et de ses qualités d'absorption de la lumière, remettant en cause la profondeur et la perspective de la scène.

Parallèlement il travaille pour la radio et dirige dès l'âge de dix-neuf ans un premier court-métrage pour le cinéma, The hearts of age, sous influence surréaliste.

1937 - Il crée le Mercury Theater et met en scène cinquante spectacles pendant deux ans avec une troupe d'acteurs fidèles qui, pour certains, l'accompagneront à la radio, puis au cinéma. Au même moment il adapte une série de textes littéraires pour les programmes radiophoniques de la CBS, Mercury Theater on air.

1938 - C'est dans le cadre de cette série qu'a lieu, le 30 octobre, la très célèbre diffusion de la guerre des mondes de H.G Wells, le premier coup de génie du jeune Welles, qui à cause de la technique de l'adaptation et une actualisation à la première personne, déchaîne une vague de panique dans le pays. Conçue, au départ, comme un canular d'Halloween, cette pièce radiophonique jouait en virtuose des silances angoissants, interrompant constamment le récit avec de faux flashs d'informations. Près de deux millions d'auditeurs seront convaincus que les martiens envahissent la terre.

S'ensuivit une grosse polémique, et quasiment un procès. Ce premier et le meilleur coup de bluff du maestro de l'illusion frappa les médias et incita Hollywood (RKO production) à lui signer un contrat hors-norme...

Welles à la CBS radio. (photo : CBS)

1939 - Après cet énorme canular tous les médias ont l'œil rivé sur lui et Hollywood lui ouvre ses portes en lui donnant les pleins pouvoirs pour réaliser son premier long métrage. Welles a déjà en tête de révolutionner complètement la manière traditionnelle de tourner un film.

1941 - Avec Citizen Kane, il raconte l'ascension et la chute d'un magnat de la presse (inspiré par William Randolph Hearst). Il s'agit d'un chef d'œuvre considéré par beaucoup comme le plus « beau » film de l'histoire du cinéma. Une révolution pour le cinéma de l'époque qui prenait le contre-pied des règles hollywoodiennes en remettant en cause l'espace scénique, les points de prise de vues, la profondeur de champ, les perspectives, la contre-plongée, le plan séquence, la surimpression, le trucage et le cadrage. Un travail qui est encore aujourd'hui inégalé grâce à ses gimmicks retentissants.

Comme le dit François Truffaut : «Citizen Kane résume tous les films existants et préfigure tous les autres ». (photo : RKO)

A la suite de ce coup de génie, son travail de cinéaste sera malheureusement constamment contrarié. Les films suivants, plus ou moins personnels, sont censurés voir charcutés à l'initiative de la production hollywoodienne de l'époque. Ainsi sur La splendeur des Amberson il cède le final cut et confit le tournage de plusieurs scènes à une deuxième équipe.

Welles sur le plateau de La splendeur des Amberson en 1942 faisant apparaitre un lapin d'un chapeau haut de forme du film. (photo : RKO)

1948 - Pour fuir ce monde de contraintes, Orson Welles s'exile en Europe pour réaliser des films personnels qu'il tourne avec une liberté totale. Il réalise son premier film indépendant avec Macbeth, un retour aux sources qui lui permet de retrouver son auteur préféré Shakespeare dans cette adaptation libre.

S'en suit le tournage d'Othello qui accentue les intentions créatives de Welles vis-à-vis du cinéma hollywoodien. Il veut démontrer, une fois de plus, les mécanismes qui mènent l'individu au pouvoir, puis à sa perte. Pour réaliser ce film un relatif manque d'argent l'a contraint à trouver des astuces dans la composition des plans et les décors.

1952 -Othello est encensé en Europe, au cours du Festival de Cannes lui est décerné une palme d'or.

Parallèlement aux réalisations, Welles continue à faire l'acteur dans d'autres films, notamment pour Carol Reed en 1948 dans Le Troisième homme. Cela lui permet de financer ses futurs projets.

Welles réalisera encore quatre films en Europe, avec plus ou moins de réussite Mr Arkadin, le Procès, Falstaff et Une histoire immortelle.

Entre temps il reviendra à Hollywood pour réaliser Touch of evil où l'Universal a cédé au désir de Charlton Heston d'en voir la réalisation confiée à l'auteur de Citizen Kane. Ce Thriller qui repose sur un thème cher au cinéaste, l'amitié masculine trahie, sera malheureusement mutilé. Malgré un éblouissement technique, contre-plongée, éclairages contrastés, profondeur et distorsion de l'espace, jeux de miroirs, ce sera une nouvelle désillusion pour Welles.

1977 - Il finira sa carrière au cinéma par un documentaire sur le tournage d'Othello, Filming Othello et surtout par un manifeste autobiographique, F for Fake paru en 1973, une sorte de document-fiction qui est une immersion dans l'illusion la plus totale. Il signe ainsi son testament artistique.

Orson Welles avait également une quantité d'autres films qu'il ne pu terminer, faute d'argent. Ainsi il a laissé des projets d'envergures inachevés comme Don Quichotte, The other side of the wind, The deep ou The dreamers.

« Orson welles est comme un peintre qui commence une toile, la laisse pour des croquis ou des esquisses, la reprend et la laisse encore, des mois durant. Il a entrepris tous ses derniers films, achevés ou non, avec son propre argent. Il estime avoir le droit, et le revendique, de travailler quand il le peut, quand et comme il veut, en toute liberté. C'est pour cela qu'il n'a pu et ne pourra plus s'entendre avec des producteurs classiques qui, eux, ont besoin d'un rendement rapide de leur argent. » Propos de Dominique Antoine, la dernière productrice de Welles.

2- Du cinéma à la magie :

Orson Welles disait [...] la magie consiste en une légitimation de l'art de s'amuser solennellement avec des jouets, avec tous les plaisirs solitaires, visuels et tactiles caractéristiques de la prime enfance [...]

Initié dès l'âge de onze ans à la prestidigitation par Harry Houdini lui-même, le jeune Welles a baigné très tôt dans la magie pour ne plus la quitter. On peut même dire qu'il a commencé son initiation artistique par cet art en même tant que le théâtre et fini sa carrière sur des tours de passe-passe. Dès les années trente, il intègre la magie au théâtre dans une adaptation de Faust. Les lévitations et des tours de passe-passe transforment la mise en scène en un immense tour de magie.

En 1943 Il ouvre à Hollywood un cirque miniature le Mercury Wonder show, un spectacle d'illusionniste qu'on retrouve en partie dans le film Hollywood Parade et qu'il présenta sur scène en France en 1944 pour les troupes américaines avec comme vedette Marlène Dietrich dans le numéro « Wonder girl ».

Welles dans Hollywood Parade avec Marlène Dietrich. (photo : Kobal collection)

Orson Welles officia également comme magicien dans plusieurs films. En 1967 dans Casino Royal de John Huston, il effectue une très belle lévitation d'une femme au dessus d'une table de baccara. En 1970, il joue aussi le rôle d'un magicien dans Un coin tranquille de Henry Jaglom.

Henry Jaglom dit de lui : « L'attirance qu'Orson a éprouvée toute sa vie pour l'art dont l'essence même est de brouiller la frontière entre la réalité et l'illusion est une autre pièce du même puzzle. Rien ne lui procurait un plaisir aussi constant que de titiller le public, ainsi que lui même, avec les nombreux masques de la magie. »

Welles effectuant une lévitation dans le film Un coin tranquille. (photo : Kobal collection)

Jusqu'à la fin de sa vie, il participa à de nombreuses émissions de télévision en tant que prestidigitateur. Mais c'est dans son génial essai F for Fake (Vérités et mensonges) de 1973, qu'on le voit accomplir quelques tours devant une caméra intégrés à une véritable histoire. Ce film est un prodigieux tour de magie cinématographique autour de l'imposture en art.

Pour lui, le cinéma n'était en fait qu'un moyen d'expression parmi d'autres, un générateur d'illusions comme le sont la radio et le théâtre. Entre le cinéma et la magie, il y avait donc une continuité naturelle.

Welles proposera également de nombreuses réflexions sur l'art de la prestidigitation dans des publications spécialisées dont la préface du Livre « Précis de Prestidigitation » de Bruce Elliott. Ed. Payot Paris. 1952.

Abb Dickson, magicien professionnel drolatique qui fut durant plus de dix ans le complice indispensable de Welles, notamment sur le Magic show, démontre que ce dernier n'a jamais renoncéà sa passion adolescente pour la magie et qu'il était considéré comme un maître authentique par ses pairs et que son activité de metteur en scène au théâtre comme au cinéma doit beaucoup aux techniques d'illusions cultivées pour ces spectacles.

Welles entouré de son ami magicien Abb Dickson et de sa femme Oja Kodar.

« Son goût de la magie est bien connu et lui a fait inventer des tours reposant à moitié sur l'illusion et à moitié sur une vraie magie qui le dépasse : c'est à dire en partie sur un trucage que chacun peut réussir avec de l'entraînement et sur quelque chose qui survient et n'est pas rationnel. Mais l'essentiel de ses tours joue sur le magnétisme, la fascination qu'il exerce sur son partenaire aussi bien que dans les rapports quotidiens. Quand il veut séduire, parsonne ne peut lui résister et il joue énormément de ce pouvoir. » propos de Guy Braucourt sur O.Welles.

Déguisement et grimage

Voici une courte parenthèse pour vous parler des déguisements du réalisateur qui viennent renforcer sa construction du personnage, notamment dans ses numéros d'illusion.

Dans tous ses rôles pour le Théâtre, le cinéma et la télévision, il déploie toujours ses talents de cabotin et son goût pour les transformations : faux nez, barbes postiches, maquillage improbables… Dès son enfance, vers 10 ans, il se travestit en vieillard pour jouer Lear. A 16 ans il fait ses débuts théâtraux à Dublin en incarnant un personnage de 60 ans dans « Le Juif Süss ». Se goût de la métamorphose se retrouvera constamment à l'écran, depuis Kane vieillissant et chauve dans Citizen Kane jusqu'au Quinlan de Touch of evil, sans oublier la trilogie shakespearienne de Macbeth, Othello, et Falstaff. Dans la série Orson's bag (1968-1971), prévu pour la télévision britannique, on retrouve le goût du réalisateur pour le travestissement. Il se déguise en Churchill, en mégère, en chinois, ou en vendeuse de violettes. Dans le Magic show, il apparaît aussi sous les traits d'un mage nommé Abu Khan.

Les différentes métamorphoses d'Orson Welles. Au théâtre en 1938 dans Heartbreak house, au cinéma en 1955 dans Mr Arkadin et à la télévision en 1968 dans un épisode d'Orson's bag.

Cet attrait pour le grimage, Welles l'expliquait ainsi aux Cahiers du Cinéma : « Parce que j'aime me cacher. C'est un camouflage. Je n'aime pas me voir à l'écran. Quand je dirige un film, je dois voir les rushes : aussi, plus je suis maquillé, moins je me reconnais et plus je garde un jugement objectif. Je me cache de ma propre image que je n'ai aucun plaisir à voir. »

The Magic show (1976 - 1982) :

L'un des projets majeurs des dix dernières années de la vie d'Orson Welles était la réalisation d'un long métrage intituléThe magic Show, consacréà la prestidigitation et aux arts divinatoires. Le cinéaste souhaitait y intégrer des plans de films antérieurs. Une place importante devait être accordée au personnage d'Abou Khan, un célèbre hypnotiseur, qui assommait en fait les candidats à l'hypnose par un coup de maillet en coulisse. Jusqu'au jour où Abou Khan se retrouve par erreur frappé par l'ustensile, alors qu'il vient de couper une jeune vierge en morceau et ne se souvient plus comment reconstituer l'intégralité du corps de la malheureuse. Deux policiers débarquent au théâtre pour élucider cette mystérieuse affaire…

Le film actuel, d'une durée de 25 minutes, reprend divers éléments extraits d'épisodes qu'il a montés et sonorisés : The light box, Abu Khan's levitation trick, The magic mummy, Chung Ling Soo et The thread trick. Le prologue a été réaliséà partir de The Duck trick, tourné en 1969 à Los Angeles où Welles fait apparaître un canard et l'hypnotise. Toute cette entreprise a été remarquablement restaurée par le filmmuseum de Munich en 2000 en conservant le montage d'origine du réalisateur.

« Est-ce que vous croyez en la magie ? Vous croyez ce que vous voyez, n'est ce pas ? Nos caméras ne mentent pas. Elles voient tout sans trucage, sans poudre de perlimpinpin. »

C'est par ces mots que Welles introduit son Magic show.

-The light box : Dans une scénographie emprunte de mystère, où le rouge prédomine, le maître de cérémonie, joué par Orson Welles lui-même, nous parle d'un mystérieux sarcophage de cristal. Il s'agit de celui du roi Kosseroth fabriqué il y a sept siècles à Ispahan. Après avoir été recouvert d'un voile, le cercueil montré vide auparavant, fait apparaître une femme nommée Laila. Nous passons ensuite à un autre tableau, où cette fois c'est la couleur bleue qui domine. Nous venons de passer dans le futur, un siècle après. Dans cet univers intersidéral fait d'aluminium, se détache une énorme boîte faite de pics de lumière. Après avoir été hypnotisée, la jeune femme est placée dans la boîte. Une machinerie est actionnée et les pics transpercent son corps. Pour finir, le corps vient à disparaître complètement.

Welles présentant The light box. (photo : Filmmuseum Muenchen/Orson Welles Collection)

-Abu Khan's levitation trick : Dans un rôle de démiurge, Orson Welles parle de l'âge d'or de la magie où les magiciens se produisaient dans les plus grands théâtres. Il en propose une reconstitution avec ce numéro de lévitation. Après six levées de rideaux apparaît le mage Abu Khan « le magnifique », joué par Welles. Une femme apparaît, puis celle-ci, couchée sur le dos, se met à léviter grâce à un ballon gonflé d'hélium. Un homme monte soudain sur scène et fait éclater le ballon d'un coup de révolver. Le mage prend alors une flopée de ballon pour rapatrier la femme dans les airs et la faire disparaître au dessus de la scène. Le trublion est alors hypnotisé par le mage. Celui-ci est en fait assomméà coup de maillet par un assistant qui se trouve derrière le rideau de scène.

Welles apparaissant sous les traits du mage Abu Khan. (photo : Filmmuseum Muenchen/Orson Welles Collection)

-The magic mummy : La légende de la malédiction de la momie est un tour qui a été popularisé par Howard Thurston. Orson Welles, en citant sa source, plonge le spectateur dans une ambiance égyptienne artificielle et passionnante grâce à ses talents de conteur. C'est l'histoire d'Adepfar, princesse du Nil qui suscita un jour la colère des grands prêtres, qui l'enfermèrent dans un sarcophage pour procéder à un rituel de sacrifice humain. On voit ainsi la jeune femme rentrer dans une boite dessinée de hiéroglyphes, se faire traverser de part en part par des énormes lames en métal. C'est à cause des profanateurs que l'on découvre que le tronc a disparu, ce qui offre une femme coupée en trois. Après une incantation, la princesse se réincarne et sort de ce mauvais pas, entière.

-Chung Ling Soo : Bamberg, un hollandais de Brooklyn surnommé Fu-Manchu était un spécialiste du tour de la balle arrêtée entre les dents. Son père n'était autre que Mokito, le magicien officiel de la reine de Hollande. Un autre magicien connu son heure de gloire avec le même tour, il s'agit de Chung Ling Soo. Malheureusement pour lui, il en est mort au court d'une représentation en 1980. Est-ce un accident, un suicide ou un meurtre ? Mystère. En tout cas une chose est sûre, c'est qu'à l'autopsie du corps on découvrit que c'était un faux chinois. Un américain nommé William Robinson grimé en asiatique.

Après cette introduction, Orson Welles se propose de relever le défi de la roulette russe. Une arme et des balles sont authentifiées et examinées par un groupe d'experts. Le magicien est ligoté sur une chaise. Un bandeau lui masque les yeux. Entre en scène la comédienne Angie Dickinson qui pointe le pistolet en direction des indications du magicien Welles. Celui-ci va essayer de deviner où se trouve la vraie balle dans le barillet de six. Deux tirs sont exécutés sur lui, ce sont des balles à blanc. Un troisième tir l'atteint. Il feint la mort mais se redresse pour ordonner que la comédienne tire la cinquième balle sur la cible, la quatrième et sixième sur lui. Le magicien est sauf et la divination s'avère exacte.

-The thread trick : Orson Welles raconte que Thurston traversa l'inde et proposa d'offrir une bourse en or à quiconque saurait réussir un tour de magie. Selon lui, il pensait au tour du fil coupé et raccommodé. A Bénanis, un sage réputé, nommé Ali Ben Dei, pratiquait ce tour couramment. Ali, ce vieillard âgé de quatre-vingt douze ans a révélé son secret à Welles. Pendant qu'il conte cette histoire, il coupe son fil en plusieurs morceaux. Pour reconstituer le fil, le novice Orson Welles demande une aide spirituelle à Ali. Par l'effet ajouté d'un jet de fumée de cigare, le fil est reconstitué et le metteur en scène nous jette un dernier clin d'œil complice.

Welles lors de la préparation du fil coupé et raccommodé avec le magicien consultant Mike Caveney.

The Magic show est un court métrage unique et précieux. Il permet de se rendre compte des talents d'illusionniste du réalisateur, aussi bien sur scène qu'en close-up. Sur ce point, le tour du fil coupé et raccommodé est un modèle de présentation qui rappel par moment Ricky Jay ou Eugène Burger.

On est surtout frappé par les qualités d'orateur d'Orson Welles, son art de la présentation si particulier. N'oublions pas qu'il a voulu un temps devenir homme politique, ce qui implique un charisme particulier pour impliquer les gens dans son histoire, les rallier à sa cause.

D'un bout à l'autre, Welles séduit le spectateur par son jeu hypnotique. Ce formidable conteur aura marqué l'histoire de l'illusionnisme par sa personnalité hors norme et sa volonté de tirer la prestidigitation vers un art emprunt de théâtralité.

Filmographie sélective :
-Citizen Kane (1941)
-La splendeur des Amberson (1942)
-La dame de Shanghai (1947)
-Macbeth (1948)
-Othello (1952)
-Mr Arkadin (1955)
-Touch of evil (la soif du mal) (1958)
-Le procès (1962)
-F for Fake (1973)

Bibliographie :
- Dossier Orson Welles dans la revue Ecran n°33 (février 1975).
-Orson Welles au futur dans le numéro 479 de la revue Positif (janvier 2001).
- Dossier Orson Welles dans le numéro 536 de la revue Positif (Octobre 2005).
-Orson Welles au travail de Jean-Pierre Berthomé et François Thomas (Editions Cahiers du cinéma, 2006).
- Orson Welles de Paolo Mereghetti, (Editions Cahiers du cinéma / le Monde 2007).

A lire :
-l'excellente interview (en anglais) du magicien Abb Dickson qui raconte la genèse du Magic show ainsi que sa collaboration artistique avec son ami Orson Welles.
-l'interview (en anglais) de Mike Caveneyà propos d'Orson Welles.
- Le dossier Orson Welles, Citizen Abner, dans le magazine Genii spécial Abb Dickson de janvier 1989.
- Le dossier Magie et Cinéma.
- L'analyse du film F for Fake.

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LE PREMIER TOUR DE MAGIE

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Il a été dit qu'après la prostitution, la magie était la deuxième plus ancienne profession au monde. Bien que cela puisse être discuté, ce qui est certain c'est que les magiciens et leurs tours de passe-passe existent depuis des milliers d'années. Cependant, les finalités de la magie n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui. Bien qu'il s'agissait de mise en scène, la magie n'était pas utilisée comme divertissement. Elle était utilisée pour persuader. Toutefois, les supercheries sont toujours les mêmes des milliers d'années plus tard, et les prestidigitateurs d'aujourd'hui les utilisent toujours sous différentes présentations. Ce fait est avéré, mais un autre l'est beaucoup moins : Quel a été le premier tour de magie que l'on a décrit ?

Pendant des années, on a argumenté que le tour des gobelets et des muscades avait été antérieur à tous les autres. Avant d'analyser les preuves qui entourent cet argument, voici tout d'abord en quoi il consiste : Ce tour de magie est, par essence, une suite de disparitions, d'apparitions, de pénétrations, de transferts de petits objets, usuellement des balles (ou des muscades). La magie opère sous, dans, et au-dessus de trois gobelets, ou trois bols. Le tour se termine lorsque les balles sont transformées sous le couvert des gobelets, en un grand objet comme une pomme, un citron ou une orange. Des artistes modernes produisent même des poussins ou un verre de vin à la conclusion du tour. Le matériel utilisé dans le tour des gobelets et des muscades n'est pas important. En fait, Ce qui est important dans cette discussion, c'est de comprendre que ce type d'effet est connu sous le nom du tour des gobelets.

La preuve qui est souvent donnée pour dire que le tour des gobelets est le plus ancien tour décriaient d'Egypte. Aux environs du Caire, près du village de Beni Hassan sont alignées 39 tombes anciennes. Les murs de ces cryptes sont recouverts, comme le sont les tombes égyptiennes plus célèbres, de peintures murales qui dépeignent des scènes de la vie courante de l'Egypte ancienne. Dans la tombe datant de 2000 avant J.C de Baqet III (le gouverneur de région) se trouve la cause de beaucoup de débats parmi les historiens de la magie.

La scène dépeinte à Beni Hassan montre deux hommes, agenouiilés sur le sol et face à face. Les deux personnes tiennent un objet en forme de bol, ouverture vers le bas. Sous les ''bols", dans leurs mains, il y a deux autres objets qui ont l'air identiques. Est-ce un dessin présentant le tour des gobelets ? Les dernières recherches sur la peinture murale de Beni Hassan l'affirment. Quels sont les arguments qui ont convaincus tant d'érudits ?

Milbourne Christopher, éminent magicien et historien de la magie renommé, argumenta dans deux livres importants, The illustrated History of Magic et Panorama of Magic que le tour des gobelets était, sans aucun doute, le premier tour de magie rapporté par l'histoire. Le premier chapitre de Panorama of Magic, intitulé, The ancient art of Magic dit que 5000 ans avant que le premier magicien apparaissent sur ie continent Nord américain, les magiciens montraient déjà leurs merveilles en Egypte. Christopher rejoint cette thèse en citant le fait que les égyptologues avaient décrit le dessin sur le mur de Beni Hassan, comme étant une illustration du tour des gobelets. Les scientifiques qu'il cite sont Sir J.G. Wilkinson et Percy Newberry.

Wilkinson a publié, dans son ouvrage Manner and Customs of the Ancient Egyptians que "la magie est présente chez les anciens égyptiens, au moins par le tour des gobelets où une balle était mise sous un gobelet alors que le spectateur devait deviner sous lequel des quatre gobelets elle était cachée".

Percy Newberry, qui a étudié les peintures murales à Beni Hassan durant quatre ans, était d'accord avec l'interprétation de Wilkinson sur ce dessin. Newberry avait vu d'autres scènes murales où les gobelets étaient décrits comme des jeux et des exercices, ce qui pouvait faire émerger l'hypothèse que ces images étaient bien une illustration du tour des gobelets. Newberry, comme Wilkinson, décrivit l'image en question comme un jeu de gobelets. Les autres égyptologues avaient décidé de classer la scène des gobelets parmi les scènes de jeux. Newberry avait noté qu'un jeu utilisant un clou était mentionné sur un côté de l'image et qu'une autre image, dessous, représentait effectivement un jeu.

Aussi encourageante que puisse être cette indication, il apparaîtrait aussi que ces analyses superficielles du dessin ont été faites pour aboutir à la conclusion que cela montrait effectivement le tour des gobelets. Une importante question à poser qui est aussi l'une des plus évidentes : Où sont les balles, qui sont le point central du tour ? Un élément de base de presque toutes les représentations du tour des gobelets à travers les âges est la pénétration d'une balle à travers le dessus d'un gobelet. Ce fait, semble dire que le dessin ne concerne pas un tour de magie, mais plutôt un jeu quelconque. Ce qui est important de se souvenir ici, selon McKeague, c'est que les Egyptiens, qui ont peint les murs des tombes exécutaient leur travail, sans idées plus ou moins cachées. Ils peignaient ce qu'ils voulaient dire.

McKeague soumit aussi le problème à d'autres experts pour avoir une opinion extérieure sur la question du tour des gobelets. Les autres savants étaient d'accord sur le fait que la seule chose qu'on pouvait dire sur le dessin De Beni Hassan, était qu'il montrait un jeu d'un type inconnu. Le professeur Egyptien Naguib Kanawati a suggéré que la conclusion la plus vraisemblable soit que l'image dépeigne un jeu à base de devinette. Un individu mettait un objet sous l'une des tasses, et un second devait deviner quel était l'objet caché.

D'autres conjectures ont aussi été avancées sur ce que représentait la fameuse fresque de Beni Hassan. Considérant la position dans laquelle les tasses sont tenues, discute le professeur Jim McKeague, il semble que les hommes dans le dessin essaient de maintenir les tasses au-dessus les unes des autres. Il a aussi conjecturé que les personnages pouvaient tenter de faire tourner les objets entre leurs mains, sur les objets du dessous, comme des toupies. Ces deux tentatives d'explication indiquent, manifestement le fait que les tasses pourraient ne pas être des tasses, mais plutôt des objets pleins.

Bien que les personnages dans le dessin soient en train de faire quelque chose qui semble clair, personne n'est sûr de ce qui est effectivement dépeint dans cette fresque trouvée dans la tombe de Beni Hassan. La conjecture ne fournit donc pas une réponse certaine sur le fait que le jeu de gobelet soit le plus vieux tour de magie relaté. Alors que le doute subsiste sur le fait qu'il soit le plus vieux, il est certainement l'un des premiers ayant été rapporté par écrit.

Milbourne Christopher, en plus d'écrire sur sa foi en ce dessin, a discuté sur d'autres écrits anciens concertant le jeu des gobelets dans son classique Panorama of Magic. Peu de choses ont changées depuis presque 2000 ans comme le montre Le jongleur du château d'eau, datant de 1822. Un exemple qu'il cite est l'écrit de Seneca Le Jeune, né en 3 avant JC qui, dans les lettres quarante et cinquante à Lucilius, où il fait état de sa réflexion sur le jeu de gobelets. Les faits sont décrits par Seneca Le Jeune comme ceci : "Le truc dans lequel les balles ont disparues sous le couvert de tasses”.

Le travail de Milbourne Christopher va jusqu'à citer d'autres exemples de jeu de gobelets dans l'antiquité, et incluant une brève discussion de Alciphron d'Athène, qui ayant observé une prestation du jeu de gobelets, il y a quelque 1736 ans, écrivait :

"Un homme vint et plaça, sur une table à trois pieds, trois petites assiettes, sous lesquelles étaient cachés quelques petits cailloux blancs. Il plaça alors ces cailloux un par un sous une assiette, et alors, je ne sais pas comment, il les fit réapparaître sous une autre assiette, A un autre moment il les a fait disparaître du dessous des assiettes et les a fait réapparaître dans sa bouche. Puis, alors qu'il les avait avalés, il en retira un de son nez, l'autre de son oreille et un troisième de la tête d'un spectateur debout près de lui. Finalement, il fit disparaître les pierres à la vue de tout le monde. C'était la personne la plus adroite que nous ayons vu, meilleur même que Eurybates d'Oechalie. "

Le passage précédent ne laisse aucune place pour les suppositions, contrairement à la fresque de Beni Hassan. Avec des variations légères (les magiciens d'aujourd'hui ne font pas habituellement apparaître les balles dans la bouche), c'est un exemple parfait du tour des gobelets. La dernière phrase est aussi intéressante à noter, dans le fait qu'il décrit un autre montreur de magie, Eurybates d'Oechalie. De cette indication, on peut conclure que la magie n'était pas seulement limitée à Athènes.

Aucune mention n'est faite de cette histoire de gobelets ou de la fresque de Beni Hassan dans le livre The Great Illustionistsécrit par le professeur Edwin Dawes. Bien que Dawes note qu'il est évident que la manipulation était pratiquée des milliers d'années avant la naissance du Christ il ne fait aucune mention du jeu de gobelets avant 1584. Il mentionne juste le premier livre de magie en langue anglaise, Discoverie of Witchcraft de Reginald Scot comme décrivant le tour des gobelets.

A la pace de ce tour, Dawes discute brièvement d'une histoire de magie décrite dans le papyrus de Westcar, un document égyptien se trouvant au Musée de Berlin. Le Papyrus raconte les exploits du Roi Kéops, constructeur de la Grande Pyramide à Gizée autour 2600 avant JC. Kéops, dans le Papyrus, fait appel à ses fils pour lui amener un magicien connu sous le nom de Dedi. Dedi rend donc visite à la cour du roi Kéops, pour lui montrer quelques miracles. Agé de 70 ans, paraît-il, Dedi montre au pharaon ce que l'on peut considérer comme des tours impressionnants, même selon nos normes actuelles. Selon le paryrus, il décapita trois animaux : Une oie, un canard et un bœuf, ramenant ensuite à la vie, les bêtes massacrées sans aucunes séquelles apparentes. Quand Kéops lui demanda de faire le même exploit avec un homme, Dedi refusa. Dawes semble penser que c'est une indication sur le fait que Dedi n'utilisait pas de gimmick ou d'ustensile particulier pour exécuter ses exploits...

Milbourne Christoper décrit aussi cette prestation dans Panorama of Magic. Il admet aisément que bien que ces histoires de magie semblent exagérées, elles peuvent avoir été basées sur des faits réels. Si l'histoire de la décapitation dans l'Egypte ancienne semble excessive, selon Christopher, la réalité doit quand même être proche de cette fiction. Par exemple, l'artiste du 19ème siècle, Bartolomeo Bosco incluait la décapitation d'un oiseau dans ses spectacles. Il est encore plus intéressant de noter que l'un des illusionnistes les plus populaires, David Copperfield, montra la décapitation et la restauration d'un canard et d'une oie, pendant plusieurs années dans ses tournées à travers le pays.

Si nous ne pouvons donc être sûrs que le dessin sur le mur de Beni Hassan montre un jeu de gobelet, alors de quand date ce tour ? Quelle illusion l'a précédé dans l'histoire, si jamais il y en eut une ? Certains argumentent pour la décapitation décrite plus haut.

Le Dr Dawes mentionne aussi les écritures d'Héron d'Alexandrie dans son livre, citant les miracles du temple, Héron les décrit comme les premiers tours de magie. Pour les anciens égyptiens et grecs, les portes d'un temple s'ouvraient mystérieusement et les idoles de pierre parlaient aux foules. Décrit par Héron d'Alexandrie en 62 avant JC approximativement, ces miracles apparents étaient possibles par une différence de pression de l'air. Ces effets pneumatiques étaient possibles par des feux qui brûlaient sur les autels du temple. Les temples ouvraient leurs portes lorsqu'un feu était allumé sur l'autel. Le mécanisme pour accomplir ce miracle a été décrit par Héron.

Ces tours de magie, habilement déguisés ne sont pas de la prestidigitation à proprement parlé (dans le sens où ils n'étaient pas destinés à divertir). Il s'agit de tromperies pour inspirer le respect et l'étonnement. Est-ce là les premiers tours de magies rapportés par l'histoire ? En supposant que l'histoire du papyrus de Westcar soit une histoire de prestidigitation, alors elle précède la magie d'Héron de plusieurs milliers d'années.

A partir de toutes les indications dont nous disposons, il semble presque certain que la fresque de Beni Hassan ne montre pas le tour des gobelets. Si les anciens artistes égyptiens faisaient toujours attention à dépeindre les scènes de manière directe, pourquoi ne l'ont-ils pas fait pour cette scène sensée représenter des gobelets et des balles ? Où sont les balles dans la fresque ? Bien qu'il semblerait que la scène montre un jeu d'une nature inconnue, cela n'élimine pas le jeu de gobelets de la course au titre du plus vieux tour de magie. Ayant été décrit dans presque tous les ouvrages de magie importants depuis 1584, les gobelets sont un classique dans les spectacles de magie depuis des siècles, si ce n'est des millénaires.

En considérant les indications actuelles, il est impossible d'affirmer formellement que le tour des gobelets soit le plus vieux tour rapporté (d'une manière ou d'une autre). Les indications, basées sur la recherche actuelle, semblent différées avec l'avis, largement répandu, de Milbourne Christopher. La question reste ouverte. Est que l'on donne le titre de premier tour rapportéà la prouesse de Dedi, ou laisse-t-on cet honneur au temple magique d'Héron d'Alexandrie ? Le débat n'est pas véritablement clos. Le tour de magie le plus ancien restera un mystère perdu dans le brouillard du temps comme d'autres vieux mystères.

LETTRES GRECQUES DU RHÉTEUR ALCIPHRON (IIe - IIIe siècle)

Lettres de pêcheurs, de paysans, de parasites et d'hétaires. Traduites en français par Stéphane de Rouville (livres II et III). Texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER. Document fournie par Didier Morax.

XX — Napée à Créniade.

Tu te rappelles le jour où mon âne était tant chargé de figues ? Eh bien ? je l'ai mis à l'écurie, après avoir vendu ma marchandise, et je me suis laissé conduire au théâtre par un ami, qui m'a donné la meilleure place. Que de variété dans ces spectacles ! Je ne saurais vraiment dire ce qu'on y voit. D'ailleurs, l'intelligence me manque pour comprendre et raconter de pareilles choses. Il en est une cependant qui m'a rendu presque muet d'étonnement :

un Individu s'est avancé vers l'assemblée avec une table en forme de trépied. Il y posa trois coupes renversées, sous lesquelles il cacha de petits cailloux blancs et arrondis, comme il en existe au bord des torrents. Tantôt il les faisait passer d'une coupe à l'autre, tantôt il les montrait tous sous une seule ; puis, ils disparaissaient d'eux-mêmes, j'ignore comment, pour se retrouver dans sa bouche. Les ayant ensuite avalés, il appela sur la scène quelques spectateurs, et il leur tira du nez, de l'oreille, de la tête, ses fameux cailloux qu'il finit par escamoter complètement. Voilà un adroit fripon, beaucoup plus fort que cet Eurybate d'Œchalie dont nous avons entendu parler. Je ne souhaite pas sa présence au milieu de nos champs ; comme personne ne pourrait le prendre, il dévaliserait la maison sans qu'on s'en aperçût. Que deviendrait alors le fruit de mes travaux ?

DESIR ET ILLUSION

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Introduction

Le désir ne crée que des illusions et c'est pourquoi le bon sens nous dit qu'« il ne faut pas prendre ses désirs pour la réalité». Cependant le désir est aussi ce qui produit du réel et toute œuvre - celle du penseur, celle du technicien ou celle de l'artiste - est l'œuvre du (ou d'un) désir.

Le désir ne sait pas ce qu'il veut

Désirer, c'est croire qu'un objet quelconque est capable de combler le manque que je ressens. Or, aucun objet particulier ne saurait satisfaire le désir. Donc celui-ci se condamne à ne viser que des illusions.

Le désir est à l'origine des illusions religieuses. Le désir, c'est d'abord, selon Sigmund Freud, le désir infantile d'être protégé et aimé. Ainsi, crée-t-il l'illusion religieuse d'un Père aimant et protecteur. Pour Epicure, c'est la peur de la mort et le désir d'immortalité - désir vain par excellence - qui précipite l'homme dans la quête insensée de biens illusoires.

Le désir est producteur de fantasmes. « Ce qui caractérise l'illusion, c'est d'être dérivée des désirs humains » (Sigmund Freud - L'avenir d'une illusion). La psychanalyse ne voit dans le désir qu'une simple machine à produire des fantasmes. Pour Freud, le désir recherche moins l'objet qu'il croit désirer que le fantasme inconscient dont celui-ci est le support. Il traduit un combat inconscient entre le Principe de plaisir et le Principe de réalité.

Le désir est croyance. « Qui ne croit pas manquer d'un bien ne le désire pas » nous fait remarquer Platon dans Le banquet. Le désir est la recherche d'un objet que l'on imagine être source de satisfaction. Mais à peine assouvi, il s'empresse de renaître. Le désir n'est jamais repu parce qu'il n'a pas d'objet qui lui soit par avance assigné.

« Tout désir est une illusion mais les choses sont ainsi disposées qu'on ne voit l'inanité du désir qu'après qu'il est assouvi. » (Ernest Renan - Dialogues et fragments philosophiques)

Une illusion, c'est une idée qu'on tient pour vraie parce qu'on désire qu'elle soit vraie. Tel est le cas de l'objet du désir. Seul l'investissement de mon désir rend l'objet désirable : sa valeur est donc illusoire.

Le désir est le mouvement même de la vie

Chaque désir porte en lui, quel qu'il soit, cette aspiration fondamentale quoique vaque : le souhait d'être heureux. C'est pourquoi le désir est toujours le principe moteur de toute existence humaine.

Le désir est producteur de valeur. A l'encontre d'une conception négative du désir comme manque, Baruch Spinoza voit dans le désir une puissance positive d'affirmation de soi. « Nous ne désirons aucune chose parce que nous la jugeons bonne ; mais au contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce que (...) nous la désirons » (Éthique). Le désir est à l'origine de toute valorisation.

Désirer, c'est désirer le désir. Ce qui est proprement humain, c'est la conscience de soi. Or la conscience de soi se caractérise par le désir d'être reconnu par l'autre. Le désir est donc créateur d'un monde humain et si quelque chose est désiré c'est parce que c'est un signe de reconnaissance ou d'amour. Nous ne désirons pas les choses mais ce qu'elles signifient pour nous.

La philosophie est raison désirante. Aristote a très bien montré que rien ne se fait dans le domaine de l'homme sans l'appoint du désir car le principe de toute recherche c'est le désir qu'aucun objet particulier ne saurait satisfaire. Ce désir de savoir n'est pas toujours conforme aux exigences de la science mais c'est en lui que l'on trouve l'interrogation fondamentale : d'où viens-je, que suis-je, où vais-je ?

« Le désir est l'essence même de l'homme, c'est à dire l'effort par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans son être » (Baruch Spinoza - Éthique )

Le désir est la source de toute évaluation et de toute recherche. C'est une puissance d'affirmation qui est l'essence même de l'homme. Le désir est créateur, à la fois, de l'homme et de ses œuvres.

Conclusion

Avant de conclure quoi que ce soit sur le désir, il convient peut-être de rappeler d'abord que nous venons tous du désir. A l'origine, je suis le désir d'enfant de mes parents, un désir d'immortalité, de pérennité ou de descendance sans doute, mais aussi un être réel de chair et de sang et non une illusion. Ensuite il faut dire que sans le désir il n'y aurait pas de civilisation, pas de culture et que c'est le regard de l'autre qui m'apprend ce qui est à désirer. Enfin, il faut affirmer que le désir ne peut se satisfaire d'objets simplement vivants et sensibles. Ce n'est que lorsque le désir se porte sur un autre désir qu'il devient désir humain. En effet seul un désir humain - celui de l'autre - peut conférer à mon existence un sens et une valeur. Ainsi, désirer le désir de l'autre, c'est, d'un même mouvement, affirmer que je suis ce qui manque à l'Autre et que l'Autre est pour moi ce qui me manque. Le désir n'est donc pas seulement créateur d'illusions, il est aussi source de toute réalité.

« Le désir est désir de désir. Désirer, c'est désirer le désir de l'Autre. » (Jacques Lacan - Écrits)

Jérôme SAVARY

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Jérôme Savary est parti rejoindre ses animaux tristes… Lui qui était la vie même… Lui, jamais malade… Lui, résistant aux trop nombreux whiskys et aux trop nombreux cigares… On voyait bien que le grave cancer de la gorge dont il était atteint depuis quelques mois, finirait par avoir vite raison de lui. Il est mort lundi 4 mars 2013, quelques heures avant Wladislaw Znorko, à 70 ans. Quelle tristesse, quelle grande tristesse d'avoir vu deux compagnons de vie disparaître le même jour juste un an après Laurence Louppe, cela commence à faire beaucoup ! Jérôme, cela faisait, depuis ses tout premiers spectacles, en particulier Zartan en 1971, plus de quarante ans qu'on le connaissait… Bien et mal à la fois, même après une vingtaine d'interviews, de très nombreuses conversations et après avoir travaillé avec lui douze ans à Chaillot.

Volubile mais très secret, généreux, dépensier mais sachant aussi ce qu'un franc veut dire et surveillant de près le nombre de places vendues ; d'une tendresse parfois inattendue mais impitoyable et le revendiquant. « Je suis un être cruel : C'est Maria de Medeiros qui jouera Zazou ce soir et non pas elle (une élève de l'Ecole de Chaillot qui la remplaçait en tournée et le dimanche), cette fille est douée, elle chante bien et ira loin mais sans moi ». Inconstant mais d'une fidélitéà toute épreuve, le personnage était aussi compliqué, qu'attachant…« Si tu ne sais pas comment appeler ton bébé et si c'est un fils, appelle-le Robinson comme le mien. Normal, puisqu'il est né au moment du spectacle Les derniers jours de Robinson Crusoé ; comme ça, cela en fera au moins deux dans Paris ! ». Comment résister ? Ce fut un fils et on l'appela donc Robinson, et comme son Robinson, tous deux d'origine américaine par leur grand-mère.

Savary dans Bye-Bye Showbiz en 1985.

Nous avions vu la très grande majorité de ses spectacles, les meilleurs comme aussi les moins bons : comme justement, Les derniers Jours de Robinson Crusoé, Mère Courage d'après Grimmelhausen à Hambourg, Mère Courage de Brecht dont j'ai souvent passé un extrait vidéo de la fin exemplaire lors de conférences, avec le plaisir de voir les yeux du public mouillés de larmes, son fameux Cabaret, Les Rustres de Goldoni, Cyrano avec Jacques Weber, Le Bourgeois gentilhomme, La Périchole. Il avait contre lui nombre de critiques, dont Bernard Dort, entre autres, qui ne l'aimait pas du tout et savait avoir la dent dure et la rancune tenace quand il se sentait injurié. Mais il assumait ses échecs ou demi-échecs comme Super-Dupont . « Tu vois maman, avait-il dit en me présentant sa mère, Philippe n'avait pas du tout aimé et l'avait écrit, mais il avait raison, ce n'était pas fameux ! ».

Il avait vécu sa vie, à toute allure avec une incroyable énergie, passant dans les années 1970, avec son mini-bus Woslkwagen d'une ville à l'autre : « C'est rare que nous dormions deux nuits de suite dans le même hôtel » puis, les frontières avaient reculé, et il avait joué ses spectacles dans le monde entier, avec, parfois une grande fatigue mais jamais découragé par la vie. Mais il passait nettement, surtout à ses débuts, pour un trublion notoire et une interview que j'avais fait de lui avait failli ne pas être publié dans Les Chroniques de l'Art Vivant pour propos jugés trop crus… En fait, nous l'avons toujours connu boulimique, même au prix de grandes fatigues. « Je n'en peux plus, on est début mars, et je n'ai déjà plus un rond, tout est passé dans les pensions alimentaires » me disait-il un jour, en remontant péniblement les marches du grand escalier de Chaillot.

Il assurait mille choses à la fois et souvent deux mises en scène en même temps, l'une en France et la reprise d'une autre en Allemagne ou ailleurs, naviguant entre des spectacle parfois trop vite montés. « Tous ces connards qui me trouvent vulgaire, n'ont qu'à aller se faire foutre, j'ai une troupe à faire vivre et je n'ai aucune subvention », disait-il, à ses débuts. Mais il a joué le jeu et accepté d'être subventionné quand enfin, le Ministère toujours frileux, le lui a proposé.

Il avait commencé dans la rue, bateleur, à la Contrescarpe, avec Jules Cordière son cracheur de feu puis a commencéà jouer au petit Théâtre de Plaisance, puis il créa Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes, après avoir dirigé les centres dramatiques de Montpellier entre 1982 et 1986 et Le Théâtre du Huitième à Lyon de 1986 à 1988. Et, succédant à Antoine Vitez, il fut nommé, sous le règne de François Mitterrand qu'il avait souvent accompagné avec sa fanfare pendant les campagnes électorales, directeur du Théâtre National de Chaillot. Il y resta douze ans, ce qui n'est pas un mince exploit quand on connaît la dimension du bateau à piloter !

La troupe du Grand Magic Circus en 1966 avec Savary au centre.

Fils d'un père français exilé volontaire et d'une mère américaine, il était né en Argentine où il avait vécu enfant puis à Chambon-sur-Lignon où, dans les froids hivers cévenols, il avait découvert avec éblouissement la neige que l'on verra souvent dans ses spectacles. Il découvrira le théâtre grâce à la troupe de Jean Dasté, directeur du Centre Dramatique de Saint-Etienne, gendre de Jacques Copeau et grand artisan de la décentralisation, qui trimbalait, sous son chapiteau avec entre autres, un magnifique Cercle de craie caucasien de Brecht, avec, en bas de l'affiche, la grande Delphine Seyrig qu'il fera jouer ensuite dans un de ses films. Ce n'est sans doute pas pour rien qu'il fera tourner le Grand Magic Circus sous un chapiteau… Il avait l'art de la répartie et on se souvient qu'à un spectateur qui lui avait crié : « Ton bordel, Savary, c'est quand même bien cher pour ce que c'est ! », il avait répliqué : « Ecoute mon pote, tu n'avais qu'à passer par derrière ! »

Scène du Grand Magic Circus et ses animaux tristes.

Il s'était formé lui-même dans la grande tradition américaine d'autrefois, au gré des rencontres, et avait fait très peu d'études : une boîte privée rue de la Tour, mais quand même l'école de musique Martenot à Neuilly. Et quelque temps, l'Ecole du théâtre des nations où il rencontra Jacques Livchine et Edith Rappoport. Cette formation personnelle ne l'empêchait pas d'avoir un sens très sûr du plateau et une très solide culture théâtrale et musicale. Il avait vécu seul, très jeune encore, à New York, rencontrant nombres d'artistes, musiciens de jazz comme Miles Davis, ou metteurs en scène comme John Vaccaro, à qui il avait essayé en vain de chiper les adresses de son fournisseur de paillettes. Mais, citoyen argentin, il avait dû repartir faire son service militaire dans la cavalerie ! Puis revenu en France, il avait intégré l'Ecole nationale des Arts Déco à Paris où il jouait déjà de la trompette dans la fanfare ; il y avait rencontré Michel Lebois qui allait devenir son fidèle scénographe. Il vivait dans un petit studio, à la Contrescarpe qui appartenait à sa mère. Doté d'une énergie peu commune, ne se fiant qu'à sa bonne étoile, il avait réussi à se faire une réputation de metteur en scène iconoclaste et à se faire haïr de la plupart des réalisateurs français de son époque qui lui reprochaient de mettre en place un théâtre de bric et de broc, sans frontière entre la salle et le plateau, très au second degré, fait de palmiers de carton, avec des musiciens sur scène et de belles comédiennes en porte-jarretelles, jouant n'importe, là où il pouvait et vendant avec ses acteurs des bières à l'entracte pour compléter la recette.

Roger Lafosse, le directeur du Festival Sigma à Bordeaux, lui, l'avait vite repéré et faisait une entière confiance à son Magic Circus, capable d'emmener dans ses délires théâtraux plusieurs centaines de spectateurs. Et, bien souvent, Jérôme lui disait qu'il allait lui envoyer le scénario du prochain spectacle… qui était encore dans sa tête. Ses spectacles, au début du moins, étaient en effet souvent vite répétés mais il avait une telle envie d'en découdre que, passés les premiers jours de rodage, il réussissait presque toujours son coup et c'était probablement un des rares metteurs en scène français à emmener et/ou à créer ses spectacles à l'étranger... Recrutant ses acteurs à l'intuition, et ses comédiennes parfois au gré de ses amours mais sans jamais vraiment se tromper. Ainsi, entre autres, Michel Dussarat, qu'il avait enlevéà ses études d'anglais à Bordeaux pour assurer les poursuites et qui deviendra aussi comédien et son très fidèle costumier. Ainsi Mona Heftre, magnifique jeune plante dont il était très amoureux, que nous avions rencontrée un soir de tournée à Tours et mère de ses deux filles. Sans Mona la vigilante, il n'aurait jamais été ce qu‘il est devenu. Il avait eu quatre enfants dont il disait souvent que c'était tous des enfants de l'amour…

Il avait une folie personnelle qui l'empêchait de douter. Il ne renonçait jamais, pensait que tout était toujours possible, à partir du moment où il en avait décidé. Par exemple, assumant seul avec son assistant, la conduite d'un spectacle à Chaillot à cause d'une grève des techniciens que par ailleurs, il respectait beaucoup…Même si tout le monde se souvient encore de ses colères quand il dirigeait une répétition au Théâtre de Chaillot.

Toujours muni de son éternel gros cigare, il confondait souvent, quand il avait trente ans, costume de scène et tenue de ville. Ainsi, une dame de mon immeuble bourgeois m'avait dit fielleusement : « Il y a un monsieur bizarre avec une veste jaune et des chaussures vertes qui vous cherchait ». Mais sous le jeune metteur en scène et le chef d'une jeune troupe, il y avait déjà un organisateur et un metteur en scène déterminé qui avait souvent réfléchi à ce que pouvait être un théâtre populaire au meilleur sens du terme. Et il aura finalement réconcilié les Français avec l'opérette qui avait mauvaise presse dans les années 1968, et qu'il avait rebaptisé comédie musicale, lui, l'amoureux fou de musique, Mozart - dont il disait qu'il avait inventé le swing !, de Rossini mais aussi de Chabrier et surtout d'Offenbach dont il partageait l'amour des femmes. Et il était bien le seul des metteurs en scène de sa génération à avoir associé la musique et le chant à un théâtre d'images qui devait peu au texte mais plus à la musique et aux chansons. Sans pour autant négliger un théâtre de texte comme celui de Brecht ou de Molière… C'était d'autant plus cohérent, puisqu'ils avaient toujours fait la part belle aux chants dans leurs pièces. Puis ensuite, il s'était lancé avec la même passion et le même succès, dans l'opéra, en France mais surtout à l'étranger…

Savary en habit de magicien (Astor le magicien dans Bye Bye Showbiz) sur la couverture de son autobiographie de 1991, Ma vie commence à 20H30.

C'était aussi, quoi qu'il en ait dit, un excellent pédagogue ; mais faute de temps et incapable de se plier à un horaire régulier, il m'avait dit qu'il ne pourrait pas enseigner à l'Ecole de Chaillot qu'il avait pourtant voulue. Mais il connaissait bien les élèves et parlait souvent avec eux - à la différence de Ariel Goldenberg (le successeur de Savary) qui n'avait jamais voulu les rencontrer ! Et, à chaque fois qu'il faisait passer une scène aux élèves, il savait la corriger de façon exemplaire et, ils apprenaient beaucoup de lui. Toujours pressé, il n'avait toujours que vingt minutes mais restait deux heures, incapable de partir. Pas très rassuré mais répondant aux questions parfois perfides. Avec, parfois, des conseils au langage très cru. « Vous les filles, n'hésitez pas à faire le trottoir ! Enfin vous comprenez ce que je veux dire, ne restez pas derrière votre téléphone, faites vous connaître… sinon, cela ne marchera jamais ». Il les avait autorisés à assister aux répétitions, ce qui était un beau cadeau qu'ils appréciaient ; d'une autre génération, il savait quitter son costume de directeur de grand théâtre et leur parlait avec beaucoup d'intelligence et de simplicité, du théâtre contemporain, parfois en réglant ses comptes comme à propos d'un de ses jeunes confrères qu'il n'aimait pas du tout : « Il brade les places, c'est un incapable ; après s'être fait mettre par le père, il a épousé la fille ». Les élèves se demandaient s'ils avaient bien entendu…

L'homme possédait un charme (au sens latin du terme) indéniable. Et chacun savait qu'il avait été très proche un moment de sa vie d'une belle élève. Et il n'avait pas hésitéà financer plusieurs projets de mise en scène dont Peines d'amour perdues chez Sobel à Gennevilliers, mise en scène d'Andrejw Severyn et, en douze ans, il aura employé, dans ses mises en scène, quelque quarante élèves comme figurants, pour des petits rôles, voir même pour des rôles importants. Et ce n'est pas le moindre des apprentissages. C'est un côté souvent négligé de son personnage et il est bon, au moment où il nous quitte à jamais, de le rappeler.

Jérôme Savary n'était pas un bateleur qui faisait tout et n'importe quoi, comme certains avaient voulu le faire croire ; certes, il savait vendre sa marchandise avec une étonnante force de conviction et, s'il était parfois fort en gueule à la limite du m'as-tu-vu, il le reconnaissait volontiers et n'était pas que cela. Même si, dans les dizaines de spectacles réalisés, certains n'auraient jamais dû voir le jour… C'était, en tout cas, un grand homme de théâtre, avec, sans doute une exigence et un style bien à lui, qui - on l'oublie trop souvent - a pris des risques et dont bien des metteurs en scène qui ne l'auraient jamais avoué, se sont ensuite inspirés… C'est pour cela aussi que nous l'aimions beaucoup. Jérôme aura été un chaînon marquant dans l'histoire du théâtre français contemporain et il aura réussi à remplir la grande salle de Chaillot, ce qui était loin d'être acquis. Et, plus de quarante ans après sa création, des gens, trop jeunes pour l'avoir jamais vu, parlent encore du Magic Circus… C'est sans doute le plus bel hommage qu'on puisse lui rendre.

- Source : Le Théâtre du Blog.

Notes :
- Savary se mettra en scène sous les traits d'Astor le magicien dans son spectacle Bye Bye Showbiz (1984) en effectuant quelques tours comme l'apparition d'un lapin et d'un chapeau, la lévitation sur tabouret (Yogano) et le numéro du confessionnal (la femme zig-zag).
- Savary mettra en scène le fameux magicien, transformiste et cinéaste FREGOLI en 1991 dans un spectacle fantasque avec dans le rôle titre Bernard Haller. James Hodges fut recruté pour la création du décor, des costumes et des effets spéciaux. Christian Fechner, lui, fut conseillé pour les effets magiques et la réalisation de "La grande illusion".

Crédit photo : Michel Clément. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

FANTASMAGORIE DE ROBERTSON

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Parallèlement au développement de la lanterne magique, un genre nouveau fait son apparition à Paris au lendemain de la révolution de 1789. C'est un certain Robertson qui, le premier, imagine de placer l'appareil de projection, non plus derrière le public comme cela se pratique habituellement, mais de l'autre côté de l'écran, voilant ainsi la source même de la lumière (1). C'est ce même Robertson qui anime ses spectacles et les entoure d'un halo d'ésotérisme, en se gardant bien de révéler à ses contemporains la nature du phénomène qui lui permet de faire bouger les ombres. C'est enfin et toujours Robertson qui déplace le Tout Paris à ses représentations du couvent des Capucins : la fantasmagorie vient de trouver ses lettres de noblesse.

La fantasmagorie, du grec fantasma (fantôme) et agoreuein (parler en public), était semble-t-il connue des anciens. Certains racontent que les prêtres égyptiens l'utilisaient lors de l'initiation au culte d'Isis pour faire apparaître sur les murs des temples des visages surnaturels. D'autre part, si Pythagore enseignait que les fantômes ne clignent pas des yeux, mouvement difficile à rendre par l'entremise de la magie lumineuse, on peut supposer que celle-ci existait déjà dans l'antiquité.

Le texte d'annonce du spectacle : « Apparition de spectres, Fantômes et Revenants, tels qu'ils ont dû et pu apparaître dans tous les temps, dans tous les lieux et chez tous les peuples. Expériences sur le nouveau fluide connu sous le nom de galvanisme, dont l'application rend pour un temps le mouvement aux corps qui ont perdu la vie. Un artiste distingué par ses talents y touchera de l'harmonica. On souscrit pour la première séance qui aura lieu mardi, 4 pluviôse, au Pavillon de l'Échiquier. »

Entrons dans la salle obscure du couvent des Capucins, pour assister en compagnie des Parisiens de l'époque, à une représentation des plus insolites de l'histoire du spectacle lumineux :

« Messieurs, ce qui va se passer dans un moment sous vos yeux n'est point un spectacle frivole. Il est fait pour l'homme qui pense, pour le philosophe qui aime à s'égarer un instant parmi les tombeaux. C'est d'ailleurs un spectacle utile à l'homme que celui où il s'instruit de l'effet bizarre de l'imagination quand elle réunit la vigueur et le dérèglement ; je veux parler de la terreur qu'inspirent les ombres, les caractères, les sortilèges et les travaux occultes de la magie, terreur que presque tous les hommes ont éprouvée dans l'âge tendre des préjugés et que quelques-uns conservent encore dans l'âge mûr de la raison.

On va consulter les magiciens parce que l'homme, entraîné par le torrent rapide des jours, voit d'un œil inquiet et les flots qui le portent et l'espace qu'il a parcouru ; il voudrait encore étendre sa vue sur les dernières limites de sa carrière, interroger le miroir de l'avenir et voir d'un coup d'oeil la chaîne entière de son existence.

L'amour du merveilleux que nous semblons tirer de la nature suffirait pour justifier notre crédulité. L'homme dans sa vie est toujours guidé par la nature comme un enfant par les lisières ; il croit marcher tout seul et c'est la nature qui lui indique ses pas ; c'est elle qui lui inspire ce désir sublime de prolonger son existence lors même que sa carrière est finie. Chez les premiers enfants des hommes ce fut d'abord une opinion sacrée et religieuse que l'esprit, le souffle, ne périssaient pas avec eux ; que cette substance légère, aérienne, de nous-mêmes aimait à se rapprocher des lieux qu'elle avait aimé. Cette idée consolante essuya les pleurs d'une épouse, d'un fils malheureux et ce fut pour l'amitié que la première ombre se montra. »

Tels sont les termes par lesquels Etienne-Gaspard-Robert, plus connu sous le nom de Robertson, entendait introduire un spectacle très en vogue à Paris à la veille du XIXe siècle.

Nous sommes en 1798, Paris s'amuse pour oublier la Terreur et les bouleversements politiques qui ont marqué les dix dernières années. Les grands salons parisiens, ceux de Joséphine de Beauharnais et de Mme Tallien, ne désemplissent pas d'esprits brillants. Le goût est à une certaine liberté des mœurs, on s'intéresse aux démonstrations de vulgarisation scientifique et les héritiers de Cagliostro et de Mesmer professent l'ésotérisme. De ces héritiers, Robertson est certainement celui qui saura le mieux frapper les imaginations en donnant à la projection lumineuse une dimension jusqu'alors inégalée.

Robertson est un homme étrange. Né en 1762 à Liège, il sera tour à tour politicien, physicien, mathématicien, journaliste, poète, chansonnier et même aéronaute (certains lui attribuent l'invention du parachute...), il faisait également figure de sorcier. Dans son ouvrage intituléMémoires récréatifs, scientifiques et anecdotiques du physicien aéronaute E.G. Robertson (publiéà Paris de 1831 à 1834), ce dernier nous raconte comment, attiré très jeune par tout ce qui a trait à la magie, il se lance dans l'étude des phénomènes lumineux :

« ...Qu'est-ce qui n'a pas cru au diable et aux loups-garous dans ses premières années ! Je l'avoue franchement, j'ai cru au diable, aux évocations, aux enchantements, aux pactes infernaux et même au balai des sorcières ; j'ai cru qu'une vieille femme, ma voisine, était, comme chacun l'assurait, en commerce réglé avec Lucifer. J'enviais son pouvoir et ses relations ; je me suis enfermé dans une chambre pour couper la tête d'un coq et forcer le chef des démons à se montrer devant moi ; je l'ai attendu pendant sept à huit heures, je l'ai molesté, injurié, conspué de ce qu'il n'osait point paraître. « Si tu existes, m'écriais-je en frappant sur une table, sors d'où tu es et laisse voir tes cornes, sinon je te renie, je déclare que tu n'as jamais été. Ce n'était point la peur, comme on le voit, qui me faisait croire à sa puissance, mais le désir de la partager pour opérer aussi des effets magiques. Je pris enfin un parti très sage : le diable refusant de me communiquer la science de faire des prodiges, je me mis à faire des diables et ma baguette n'eut qu'à se mouvoir pour forcer tout le cortège infernal à voir la lumière. Mon habitation devint un vrai pandémonium. »

De la revanche d'un petit garçon sur le diable découle la carrière de Robertson. Il dévore les ouvrages de Porta, Midorge, Schott et Kircher. Il apprend la magie et démonte le mécanisme des appareils lumineux de l'époque, jusqu'à ce que la science optique n'ait plus aucun secret pour lui. Sa passion démesurée pour les microscopes solaires faillit même lui coûter cher : il alla jusqu'à trouer toutes les portes de son hôtel de la rue de Provence, afin d'y filtrer le rayon de soleil nécessaire à l'alimentation des miroirs... Le propriétaire fou furieux, vociférant qu'il avait loué des portes « pleines ». voulut lui dresser un procès-verbal, mais peut-être fut-il touché par un accès de philanthropie scientifique, car le procès n'eut jamais lieu ! De fait, c'est en expérimentant ces rayons que Robertson remarqua un soir l'ombre de la main de son frère projetée en grand sur le mur. De là lui vint l'idée de fabriquer des ombres chinoises en compagnie de quelques amis, puis de rechercher de nouvelles formes de projections lumineuses.

Le fantascope

Dès 1784, Robertson pense à améliorer la primitive lanterne de Kircher et monte de petites représentations qui, peu à peu, voient augmenter le nombre de leurs spectateurs. Encouragé par ce succès, il continue ses recherches en matière d'optique et décide d'aller plus loin. En se basant sur un nouveau modèle de lanterne qu'il a remarqué chez le savant Van Estin, aux Pays-Bas, l'idée lui vient de fabriquer un appareil spécial, destinéà animer des spectacles de grande ampleur. Il choisit pour cela les meilleurs techniciens de son temps : l'opticien londonien Dollond fabrique les lentilles, l'appareil lui-même est construit par Molténi dans son atelier de la rue Sainte-Apolline à Paris ; enfin il adopte la lampe inventée par Argand en 1780, qui lui assure un éclairage nettement plus puissant que celui des lampes employées jusqu'alors.

Techniquement, le fantascope n'est autre qu'une lanterne magique améliorée. Néanmoins son inventeur a su exploiter au maximum les connaissances accumulées grâce à de longues et fastidieuses lectures et l'expérience acquise au cours des premiers spectacles qu'il a lui-même montés. Cet instrument sera breveté le 17 mars 1799. En voici la description telle que nous avons pu la reconstituer.

Description de l'appareil

Le fantascope de Robertson est composé d'une lanterne de projection en bois de forme cubique éclairée par un bec d'Argand. Sur le verre de la lampe était placé un petit réflecteur sphérique à l'arrière et prolongé vers l'avant en cône, pour concentrer toute la lumière sur le condensateur. La lampe, montée sur un pied en bois, pouvait avancer ou reculer entre deux rails de bois pour le centrage exact de la lumière.

Sur le devant de l'appareil était ménagée la coulisse pour le passage des vues. En avant se plaçait le tube objectif de forme carrée. A l'arrière, il portait en demi-boule la convexité tournée en sens contraire du tableau devant lequel il se plaçait, comme dans la lanterne de Kircher. A l'avant du tube était pratiquée une ouverture carrée qui pouvait se fermer à l'aide d'un volet pour la brusque disparition des images. Un peu en arrière, sur un faux fond, était monté un œil de chat, système inventé par Robertson et dont voici le principe :

L'œil de chat est un petit volet formé de deux plaques percées chacune d'une ouverture circulaire de la grandeur de l'objectif. Lorsqu'on les actionne, ces deux plaques glissent l'une sur l'autre en sens inverse et ferment ensemble l'objectif d'une quantitéégale. Entre elles se forme alors un ouverture ogivale qui se restreint peu à peu, imitant ainsi l'œil du chat, jusqu'à la fermeture totale de l'orifice. La fermeture de l'œil donne une extinction progressive de la source lumineuse, tandis que son ouverture fait apparaître graduellement la lumière. Ce système sera plus tard utilisé sur les lanternes couplées dans le but de rendre des effets de fondant : il était difficile de toucher aux lampes à pétrole pendant les projections et c'est l'œil de chat, monté simultanément sur les deux appareils, qui permettait d'atténuer et de masquer la lumière des objectifs, ce qui rendait possible les meilleurs effets de « fondu enchaîné».

Robertson utilisait son œil de chat pour rendre les effets de crépuscule, d'ombre ou de pleine lumière - une languette de cuivre permettait de placer des verres de couleur pour modifier les effets. Il s'en servait aussi pour faciliter les réglages de son appareil pendant ses représentations. A cet effet, l'œil était montéà l'intérieur du tube carré, sur une planchette perpendiculaire à l'axe de ce tube. Il était constitué de deux secteurs maintenus écartés par un ressort en arc, ces deux secteurs pivotant sur un axe unique à la manière de ciseaux. L'œil était commandé par un cordon reliéà la planchette de support de condensateur. La planchette d'objectif s'avançait ou se reculait grâce à une crémaillère manœuvrée de l'extérieur. En s'avançant, la planchette tirait sur le cordon de l'œil de chat et le fermait ou l'ouvrait automatiquement. Pour les effets spéciaux, l'œil pouvait être actionnéà la main.

Mécanismes de projection

Le fantascope de Robertson était monté sur un chariot à quatre roues. Ces roues recouvertes de lisières de draps lui permettaient de se mouvoir sans aucun bruit entre des rails fixés au plancher. L'essieu des deux roues de devant portait un excentrique en forme de cœur, celui-ci agissait à l'aide de cordons sur la planchette porte-objectif. Lorsque l'appareil se rapprochait de l'écran, l'objectif s'éloignait du condensateur et l'œil de chat se fermait... Il en résultait une mise au point quasiment automatique, l'éclairage diminuant ou augmentant en fonction de la distance qui séparait le projecteur de l'écran.

Ce système permettait des effets saisissants. Lorsqu'elle apparaissait, l'image très petite donnait l'illusion d'une scène noyée dans un lointain indécis et mal éclairé. Au fur et à mesure que la lanterne reculait, l'objectif se rapprochait du tableau et l'œil de chat s'ouvrait, l'image s'agrandissant alors en gagnant de la lumière. Le spectateur croyait voir le fantôme s'avancer vers lui, jusqu'au moment où, devenu de taille énorme, il disparaissait subitement (effet simplement produit par le volet brusquement rabattu devant l'objectif).

Durant les fantasmagories, le fantascope et les projectionnistes étaient cachés derrière un grand écran translucide de taffetas gommé ou de toile blanche huilée. Dans la salle, de l'autre côté de l'écran, trônait le fantasmagoricien qui animait la séance par ses gestes et par ses paroles au milieu du public. Les opérateurs étaient répartis en plusieurs groupes : les uns actionnaient le fantascope, tandis que d'autres s'occupaient de l'éclairage de la salle. Le fantascope n'était pas le seul appareil à assurer le spectacle : des projectionnistes étaient munis d'une petite lanterne fixée sur la poitrine par des courroies de cuir. Ils se déplaçaient ainsi de chaque côté de l'écran en actionnant leurs appareils et projetaient tantôt des décors riches en couleurs, tantôt des chauves-souris, des monstres et des diableries de toutes sortes, destinés à enrichir et à compléter le spectacle du fantascope - autant de vues qui se mouvaient au fil des déplacements de leurs « supports ». A cela s'ajoutait en général le roulement du tonnerre ou le sifflement du vent, obtenus en agitant une feuille de tôle... Bruitage, travelling, comme on le voit, le cinéma moderne n'a pas grand-chose à envier au grand spectacle des fantasmagories.

Un autre système d'animation, sans doute utilisé par Robertson, étaient les plaques articulées : celles-ci étaient composées de deux plaques de verre superposées, dont l'une était actionnée par une languette de métal - l'une des plaques représentait une figure en train d'accomplir les deux phases d'un mouvement, tandis que l'autre servait de cache et mettait tour à tour au jour l'une des étapes de ce mouvement. Ainsi les monstres pouvaient-ils remuer la queue, saisir leurs victimes ou tirer la langue... Pendant ses séances, Robertson utilisait aussi ce qu'il nommait des « spectres de la fumée ».La fumée produite par des résines et des aromates était alors utilisée comme écran.

En effet, si on projette un sujet silhouetté sur un fond noir sur un écran absolument noir, le faisceau lumineux est entièrement absorbé et devient invisible. Mais si l'on fait passer de la fumée sur le trajet du faisceau, aussitôt l'image se forme par réflexion sur les particules blanches du nuage : non seulement l'image paraît aérienne, mais, par suite des mouvements continus de la fumée, elle semble animée et produit un effet saisissant.

Trucages

- Faire avancer un objet dans le miroir concave, tel qu'une tête qui paraît venir en avant

A est l'ouverture par où se voit l'objet dans le miroir. Une tête B est renversée, éclairée par un réflecteur d'argent, et fixée sur le chariot E. Une corde G, que fait tourner une manivelle, guide ce chariot. Il importe que la tête chemine bien dans le foyer du miroir ; alors elle a l'air de s'approcher pour se précipiter sur les spectateurs. En N est aussi un diaphragme en drap noir, afin que les lumières n'éclairent pas le miroir B.

- Imitation du vent et de l'ouragan

Faites construire un cylindre en bois M, de trois pieds de diamètre, et de la largeur du taffetas N. Sur ce cylindre, à quatre pouces de distance l'une de l'autre, sont des règles clouées IT, qui, dans leur rotation sur l'enveloppe de taffetas, excitent un sifflement plus ou moins fort, selon le mouvement qu'on imprime à la manivelle.

- Voix fantôme

Un globe A de verre ou de tôle vernissée, avec quatre cornets, est suspendu au milieu de la chambre. Ce globe n'est pas nécessaire à l'expérience, il est là pour tromper l'imagination. Autour de ce globe règne une galerie ou barrière B qui est très nécessaire, car elle est creuse ; et c'est par là que la voix de notre invisible est entendue. Un tuyau de fer-blanc passe dans le montant C jusqu'en D, où est une petite fente ou ouverture vis-à-vis du porte-voix. Ce tuyau de fer-blanc passe sous le parquet de la chambre E, et entre dans la chambre voisine, où la prétendue invisible parle et voit tout par le trou.

Du fantascope au fantastique

Le fantascope ainsi créé, Robertson organise le spectacle de ses expériences au Pavillon de l'Échiquier (mars-avril 1798). Les vues rendues par l'instrument sont si extraordinaires et si imprévues que personne n'a l'idée d'y reconnaître les effets de la lampe de Kircher. Le retentissement est énorme et dépasse le mystérieux enthousiasme que Cagliostro et Mesmer avaient suscité autour de leurs noms. Chaque jour, le Tout Paris alerté par les prospectus et les articles dans les journaux se presse pour venir voir les fantasmagories de Robertson, puisque c'est ainsi que lui-même les appelait.

Ces projections furent transférées un peu plus tard au couvent des Capucins. La salle, malgré son aspect on ne peut plus lugubre, était constamment remplie :

« Après plusieurs détours propres à changer l'impression du bruit d'une grande cité, après avoir parcouru les cloîtres carrés de l'ancien couvent décorés de peintures fantastiques et traversé mon cabinet de physique, on arrivait devant une porte de forme antique, couverte de hiéroglyphes et qui semblait annoncer l'entrée des mystères d'Isis. On se trouvait alors dans un lieu sépulcral, dont quelques images lugubres annonçaient seules la destination ; un calme profond, un silence absolu, un isolement subit au sortir d'une rue bruyante étaient les préludes d'un monde idéal. »

Mais revenons au spectacle lui-même... Imaginons cette grande cave obscure, fermée d'un côté par un immense écran. D'un côté les projectionnistes, de l'autre le fantasmagoricien et son public absolument ignorant des mécanismes que nous venons de dévoiler. Imaginons Robertson activant son réchaud, brûlant papiers et journaux, invectivant les spectateurs - il parle de politique (la politique fait partie de la vie quotidienne des Parisiens depuis que Louis XVI est mort sur l'échafaud), il parle du bien et du mal, des ombres et de la lumière. Imaginons sa voix forte monter avec emphase : « Messieurs, ce qui va se passer dans un moment sous vos yeux n'est point un spectacle frivole ». Après que Robertson ait prononcé l'allocution que nous avons reproduite en tête de cet article, la lumière s'éteint soudainement. Alors que le bruit artificiel de la pluie s'amplifie, un point lumineux s'élance en grandissant brusquement sur la foule des spectateurs... Mais laissons ici le fantasmagoricien nous raconter lui-même le déroulement de son spectacle :

« Aussitôt que je cessais de parler, la lampe antique suspendue au-dessus de la tête des spectateurs s'éteignait et les plongeait dans une obscurité profonde, dans des ténèbres affreuses. Au bruit de la pluie, du tonnerre, de la cloche funèbre, évoquant les ombres de leurs tombeaux, succédaient les sons déchirants de l'harmonica ; le ciel se découvrait, mais sillonné en tous sens par la foudre. Dans un lointain très reculé, un point lumineux semblait surgir : une figure, d'abord petite, se dessinait, puis s'approchait à pas lents, et à chaque pas semblait grandir ; bientôt d'une taille énorme, le fantôme s'avançait jusque sous les yeux du spectateur, et au moment où celui-ci allait jeter un cri, disparaissait avec une promptitude inimaginable. D'autres fois, les spectres sortaient tout formés d'un souterrain, et se présentaient d'une manière inattendue. Les ombres des grands hommes se pressaient autour d'une barque et repassaient le Styx, puis, fuyant une seconde fois la lumière céleste, s'éloignaient insensiblement pour se perdre dans l'immensité de l'espace. »

Robertson n'hésite pas à utiliser tous les artifices nécessaires à une horrifiante mise en scène : après quelques minutieuses préparations consistant à verser sur un réchaud enflammé quelques gouttes de sang, de vitriol et un exemplaire du journal des nommes libres, on voit apparaître le fantôme grimaçant de Marat armé d'un poignard.

Si le décor de la salle, les paroles du fantasmagoricien, le bruit du tonnerre et les sujets effroyables qui se dessinent sur l'écran ne suffisent pas à créer un spectacle suffisamment morbide et ensorcelant, Robertson va jusqu'à faire appel à la sollicitation de chacun et projette ce que le public lui demande... La femme aimée est ressuscitée un instant en image, l'ombre de Guillaume Tell, de Robespierre ou de Danton se dresse fièrement face à un public halluciné. Ces visions sont invariablement accompagnées de chauves-souris, de squelettes, de figures mi-humaines, mi-diaboliques, surgissant de part et d'autre de l'écran. Le son funèbre des cloches achève de créer l'ambiance.

Si l'on s'en réfère àL'Ami des lois, le sorcier faisait également figure de justicier, poussant son spectacle à l'extrême en faisant frissonner tous ceux qui n'avaient pas la conscience tranquille :

« Citoyens et Messieurs, déclame Robertson, je puis faire voir aux hommes bienfaisants la foule des ombres de ceux qui, pendant leur vie, ont été secourus par eux. Réciproquement, je puis faire passer en revue aux méchants les ombres des victimes qu'ils ont faites. »

L'épreuve est accueillie par une acclamation générale. Seuls deux individus s'y opposent, mais leur refus ne fait qu'exciter les désirs de l'assemblée. Aussitôt, le fantasmagoricien jette dans le brasier le procès-verbal du 31 mai qui censure la lutte des Girondins et des Montagnards, celui du massacre des prisons d'Aix, de Marseille et de Tarascon, un recueil de dénonciations et d'arrêtés, une liste de suspects, la collection des jugements du tribunal révolutionnaire, une liasse de journaux démagogiques et aristocratiques, un exemplaire du Réveil du peuple, puis il prononce avec emphase les mots magiques : « Conspirateurs, humanité, terroristes, justice, jacobins, salut public, accapareurs, modérés, alarmistes, girondins, orléanistes... »

A ce moment précis, des groupes couverts de voiles ensanglantés se jettent sur les deux individus qui avaient refusé de se rendre au voeu général et qui, effrayés de ce spectacle horrible, sortent précipitamment de la salle.

Un fâcheux incident entraîna la fermeture provisoire des fantasmagories : La séance allait finir lorsqu'un chouan amnistié demanda à Robertson s'il pouvait faire revenir Louis XVI. A cette question indiscrète, ce dernier répondit sagement qu'ayant perdu la recette depuis le 18 fructidor, il était probable qu'il ne la retrouverait jamais et qu'il lui serait désormais impossible de faire revenir les rois de France !

II y avait aussi des pièces politiques et allégoriques : Robespierre, voulant sortir de son tombeau, est frappé par la foudre. Une étoile brillante s'élève qui porte en son centre ces mots : IS brumaire, tandis que se dresse lentement le jeune Bonaparte, dissipant les nuages et que Minerve lui pose sur la tête une couronne d'olivier. Des pièces moralisatrices clôturaient en général ces spectacles, tel « le rêve ou le cauchemar » dans lequel une jeune femme rêve que le démon presse son sein avec une enclume... heureusement, l'amour vient à son secours et guérit la blessure.

Le succès du spectacle de Robertson fut considérable et ce pendant six ou sept années consécutives. Les journaux de l'époque en parlent avec enthousiasme. Voici par exemple ce qu'en dit le Courrier des spectacles :

« Robespierre sort de son tombeau, veut se relever, la foudre tombe et met en poudre le monstre et son tombeau. Des ombres chéries viennent adoucir le tableau : Voltaire, Lavoisier, JJ. Rousseau paraissent tour à tour ; Diogène, sa lanterne à la main, cherche un homme, et, pour le trouver, traverse pour ainsi dire les rangs, et cause impoliment aux dames une frayeur dont chacune se divertit. Tels sont les effets de l'optique, que chacun croit toucher avec la main ces objets qui s'approchent. »

Robertson se sera défendu toute sa vie d'avoir voulu exploiter la crédulité de ses contemporains : ses représentations tenaient de procédés scientifiques et n'avaient rien à voir avec les sciences occultes. Pour lui elles auront contribuéà instruire des hommes simples plus que ne l'ont fait les millions de volumes parus depuis l'invention de l'imprimerie. Les procédés par lesquels furent mises en scène les fantasmagories et qui ont pour la première fois été expliqués en détail dans les Mémoires de Robertson, ont été, malheureusement pour leur inventeur, révélés en partie lors de son procès contre des contrefacteurs. Dès que le secret fut révélé, les fantasmagories n'attirèrent plus grand monde. Il est certain que la réussite de Robertson était en grande partie due au mystère qui l'entourait. D'autre part, il est intéressant de constater que ces spectacles qui ont tant marqué les Parisiens n'ont provoqué aucun engouement en province et à l'étranger lorsque leur auteur se décida à partir en tournée.

Bas-relief de la Sépulture de Robertson au cimetière du Père Lachaise.

Nous conclurons cet article comme nous l'avons commencé, par une allocution de Robertson, celle sur laquelle se terminaient ses représentations, avant que la lumière ne reparaisse et que l'on puisse voir au milieu de la salle un squelette de jeune femme debout sur un piédestal :

« J'ai parcouru tous les phénomènes de la fantasmagorie, je vous ai dévoilé les secrets des prêtres de Memphis et des illuminés ; j'ai tâché de vous démontrer ce que la physique a de plus occulte, les effets qui paraissent surnaturels dans les siècles de la crédulité ; mais il me reste à vous en offrir un qui n'est que trop réel. Vous qui avez éprouvé quelques moments de terreur, voici les seuls spectacles vraiment terribles, vraiment à craindre : hommes forts, faibles, puissants et sujets crédules ou athées, belles ou laides, voilà le sort qui vous est réservé, voilà ce que vous serez un jour. Souvenez-vous de la fantasmagorie. »

Note :
- (1) En réalité, c'est le physicien allemand Paul Philidor qui est le premier à cacher la lanterne derrière l'écran de sorte que le public ne voit plus d'où provient l'image ; dès 1792.

A lire :
-Etienne-Gaspard Robertson, la vie d'un fantasmagore de Françoise Levie. Editions Le Préambule (1990).

A voir :
- L'exceptionnel documentaire Vivement le cinéma, de Jérôme Prieur (2011). Un voyage dans la préhistoire du cinéma, raconté par Robertson.
- La conférence Robertson, le fantasmagore de Jérôme Prieur à la cinémathèque Française (2010).

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COMMENT DEVELOPPER SA CONFIANCE EN SOI

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Ah, si je pouvais avoir confiance en moi ! Ne plus être paralysé par le regard d'autrui, tenter et oser des projets, me mettre en avant, croire en mes rêves, en mes capacités ? Prendre la parole en public…

Le manque de confiance en soi vient d'abord d'une mauvaise image de soi, d'une mésestime personnelle. Cette mésestime a développé en vous des craintes naturelles que vous avez accepté comme telles. Vous vous dites, ou même vous savez, que vous êtes timide, que vous avez peur des araignées, des serpents, que vous n'arriverez jamais à vous lancer dans une affaire, un projet…

De toute façon, vous n'aimez pas qu'on vous regarde, qu'on vous filme, qu'on vous prenne en photo.

Le manque de confiance en soi, c'est aussi et avant tout un manque de connaissances. Vous y avez songé ? Plus vous savez, plus vous avez confiance en vous ! Quand je parle de savoir, je ne parle pas uniquement de connaissances théoriques comme l'Histoire ou la Politique. Je parle d'un ensemble de connaissances et d'expériences.

Votre confiance en vous est directement proportionnelle à la somme de votre savoir. Imaginez : quelle serait votre vie si vous possédiez à la fois les connaissances et les compétences de personnages illustres comme Edison, Pierre et Marie Curie, Picasso, Dali, Isaac Asimov, Hubert Reeves, Nicolas Hulot, David Copperfield, ou encore des sportifs de haut niveau comme Zinedine Zidane ?

Imaginez-vous possédant TOUT leur savoir, leurs compétences : L'intelligence de Pierre et Marie Curie, de Hubert Reeves, le franc parlé de Nicolas Hulot, ses expériences en Okavango, ses connaissances du monde, la créativité de Picasso, le génie de Dali, la technique de Copperfield, de Zidane… Vous imaginez ?

Vous deviendriez quelqu'un de très puissant et… confiant ! Ce qui nous amène à définir un plan pour développer sa confiance en soi.

1- Identifiez vos craintes et vos faiblesses

Pour commencer, prenez une simple feuille. Isolez-vous quelque temps et indiquez sur cette feuille tout ce qui vous bloque, vous fait peur. Couchez par écrit vos limites, tout ce dont vous ne vous sentez pas capable d'accomplir. Ne vous censurez pas : vous êtes seul(e) face à vous-même et personne ne lira ce que vous écrivez. Faites une liste exhaustive. Si vous craignez les araignées, écrivez-le. Si vous craignez de prendre la parole en public, que vous n'êtes pas capable de monter un projet, écrivez-le également.

L'idée, c'est d'identifier vos craintes.

Avez-vous peur de l'avion ? Du vide ? De sauter en parachute ? Qu'est-ce que vous ne ferez JAMAIS dans votre vie, parce que ça vous fait peur ?

2- Etudiez vos craintes et leur remède

A chaque problème sa solution. La plupart des craintes, des peurs, sont infondées. Elles viennent pour la majorité d'entres elles d'un manque de connaissance, d'expérience. Autrefois, j'avais peur de parler en public. Puis j'ai appris à le faire et aujourd'hui, ça ne me gêne pas du tout de prendre la parole au milieu d'une assemblée.

Car parler en public, ça s'apprend ! Si vous connaissez les techniques de la prise de parole en public (comment commencer une allocution, la terminer, l'animer) vous éliminez déjà une partie de vos craintes. Si vous connaissez votre sujet parfaitement bien (préparation), vos craintes sont encore diminuées. Il ne vous manque plus que la pratique.

En effet, c'est dans l'expérimentation que vous trouverez la sérénité. Plus vous vous produirez, plus ça deviendra facile. Faites-en l'expérience : apprenez à débuter un tour de magie, entraînez-vous à le présenter avec un texte que vous aurez imaginé et produisez-vous. Au départ, peut-être trouverez-vous ça difficile, mais c'est normal. C'est en forgeant qu'on devient forgeron !

Vous pouvez également utiliser la suggestion mentale. Ça fonctionne très bien. Il vous suffit de vous répéter chaque jour cette petite phrase : « De jour en jour, je suis de plus en plus confiant », à voix haute et intelligible une dizaine de fois. Mais pas de façon passive, non : vous devez ressentir ce que ça représente pour vous comme état.

Comment vous tenez vous, quand vous avez confiance en vous ? Comment respirez-vous ? A quoi pensez-vous ? Souriez-vous ? Mettez-vous en mode « confiance » en lisant cette suggestion.

Avez-vous peur des araignées ? C'est exactement la même chose : intéressez-vous aux arachnides. Vous verrez, non seulement vous apprendrez des choses fascinantes, mais en plus vous commencerez àéprouver une certaine affection pour ces insectes souvent mal compris et détestés. Petit à petit, vous vous rendrez compte que, d'une part, ce ne sont que des insectes inoffensifs (du moins chez nous, en France et dans la plupart des pays) qui, de leur côté, doivent être morts de trouille lorsqu'ils nous rencontrent ! N'oubliez pas que vous êtes un géant face à ces insectes et qu'ils ne peuvent rien contre vous !

Vous avez peur de prendre l'avion ? Ok, alors étudiez un peu l'aéronautique. Comment un avion vole-t-il ? Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'accidents ? Quelles sont les conditions requises pour voler en toute sécurité ? Une fois que vous aurez appris tout ça, vous comprendrez qu'il est moins dangereux de prendre l'avion que la voiture ! Les chiffres le prouvent : il y a plus d'accidents de voiture que d'avion. L'avion, l'aéronautique sont très bien maîtrisés de nos jours.

3- Expérimentez et sortez de votre zone de confort !

Oui ! Regardez un peu plus loin que le bout de votre nez ! Intéressez-vous au monde qui vous entoure. Essayez d'équilibrer vos compétences et vos connaissances.

Vous n'aimez pas le sport ? Le foot, pour vous, c'est ringard ? Intéressez-vous y quand même. Vous découvrirez un monde souvent impitoyable au haut niveau mais aussi des passionnés de jeu, l'histoire d'un sport et sans doute une philosophie de vie.

Sortez de votre zone de confort. La zone de confort, c'est cet endroit où vous ne prenez aucun risque, où tout est écrit. Osez sortir de cette zone. Osez aller au-delà. Prenez exemple sur Fanch Guillemin et tous ses voyages. Intéressez vous à la vie de ces grands personnages de l'Histoire qui ont su, contre vents et marées, maîtriser leur destin.

Reprenez la liste de ce que vous ne feriez jamais et prenez-la à contre-pied. Vous ne feriez jamais une excursion en pleine montagne la nuit ? Et pourquoi pas ? Pourquoi, justement, ne pas vous obliger à le faire ? Expérimentez. Apprenez. Intéressez-vous. Regardez au-delà de votre zone de confort. Et vous prendrez confiance en vous.

Prendre confiance en soi implique une certaine volonté de progresser. En allant de l'avant, petit à petit, en remportant des défis aussi minimes soient-ils sur vous-même vous permettrez à votre capital confiance de se développer en toute sérénité.

- Source : Club de Magie.

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